Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mardi 25 février 2025
-
Vol. 47 N° 62
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-sept minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. La
commission est réunie ce matin afin de procéder aux consultations particulières
et aux auditions publiques sur le projet de loi no 84, Loi sur l'intégration
nationale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux
(Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee), par M. Morin (Acadie); et M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, bienvenue, mesdames et messieurs.
Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons
par la suite M. Gérard Bouchard, qui est un professeur émérite de l'Université
du Québec...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...à Chicoutimi, M. Guillaume Rousseau, ainsi que
M. Vincent Vallée, de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke,
ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
J'invite donc dès maintenant le ministre à faire ses remarques préliminaires.
M. le ministre, vous allez disposer de six minutes, et la parole est à vous.
M. Roberge : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je salue d'emblée les collègues de toutes les
formations politiques qui sont présents ici ce matin. Je suis content de vous
voir pour amorcer des travaux qui sont importants. Merci à l'équipe des
fonctionnaires. On a travaillé très, très fort pour arriver avec ce projet de
loi, pour le mettre au jeu, pour le mettre au monde. Puis l'objectif, bien,
c'est de l'améliorer, hein, d'écouter les gens qui vont venir en commission
nous formuler des commentaires parfois très enthousiastes à l'égard du projet
de loi, d'autres fois, des inquiétudes aussi. On va tenir compte des deux.
J'espère qu'ils vont nous faire aussi des propositions parce qu'on est très
ouverts à améliorer le projet de loi, comme on le fait toujours lors de l'étude
des projets de loi. Merci aussi, évidemment, à l'équipe du cabinet. Ça fait
quand même plusieurs mois, même presque 18 mois et plus qu'on travaille
avec beaucoup d'enthousiasme là-dessus.
On commence donc aujourd'hui les consultations
du projet de loi n° 84 sur notre, enfin, notre nouveau modèle
d'intégration des nouveaux arrivants et des personnes qui s'identifient à une
minorité au Québec. C'est donc un moment important parce qu'on ne vient pas
modifier une loi existante en apportant des ajustements qui sont importants. On
vient carrément créer quelque chose de nouveau. On vient consacrer formellement
l'intégration nationale dans le cadre législatif. C'est une première au Québec.
C'est un projet de loi qui est essentiel, qui est fondamental, qui va définir
un peu à la fois comment on veut continuer d'évoluer comme société, mais même
aussi un petit peu qui nous sommes. C'est une loi qui va, je pense, s'insérer
dans la lignée de d'autres lois fondamentales la Charte de la langue française,
la Charte québécoise des droits et libertés, la Loi sur la laïcité. D'ailleurs,
on fait référence à ces lois dans le cadre du projet de loi qu'on va étudier
ensemble.
• (9 h 50) •
Le modèle multiculturel canadien ne nous
convient pas. Je pense qu'il a été malheureusement trop longtemps, je vous
dirais, suivi au Québec par diverses organisations. C'est un modèle qui nous
est nuisible parce qu'il amène malheureusement une forme de communautarisme,
une forme de repli sur soi, alors que, nous, on veut de la cohérence sociale,
on veut de la cohésion sociale, on veut faire nation ensemble avec toutes les
personnes qui ont choisi le Québec, mais le Québec les choisit aussi. Puis on a
notre langue commune, notre langue officielle, qui devient maintenant aussi
notre langue d'intégration à la nation québécoise. Je pense que c'est important
de le mentionner, on affirme très clairement la culture commune québécoise. En
fait, on définit que la culture québécoise devient la culture commune. Et quand
on parle de culture, ce n'est pas seulement les arts et les lettres, mais c'est
aussi notre manière de vivre, nos institutions, nos valeurs fondamentales
notamment, et s'il y a quelque chose de pas négociable, c'est bien ça avec la
démocratie, l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est extrêmement
important. C'est un projet de loi qui, une fois sanctionné, va apporter une
grande cohérence gouvernementale aussi parce que ce qu'on travaille en
immigration, bien, il faut que ça soit cohérent avec ce qu'on fait dans
l'ensemble des ministères, dans l'ensemble des municipalités. L'accueil des
nouveaux arrivants, ça ne se fait pas seulement par le ministère de
l'Immigration.
Donc, Mme la Présidente, il faut prendre
garde à la partisanerie. Il faut prendre garde au fait de s'accoler des
étiquettes en fonction d'un modèle préétabli qu'on préférerait, puis construire
ensemble un modèle qui est nouveau, qui va nous permettre non pas de regarder
ce qui a été fait l'an passé ou l'année d'avant, mais de se projeter vers l'avant,
puis d'accueillir avec confiance des gens qui font le choix de venir ici au
Québec. Travaillons ensemble dans cet esprit-là. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant nous tourner
du côté de l'opposition officielle et du député de l'Acadie, ou d'Acadie, hein,
d'Acadie pour faire ses remarques préliminaires pour une durée de
3 min 36 s. La parole est à vous.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, M. le ministre, collègues, députés des oppositions,
collègues de la banquette gouvernementale, je vous... je vous salue, ainsi que
les gens, probablement des différents ministères, qui vous accompagnent, M. le
ministre. C'est un projet de loi que je qualifierais d'important, qui souligne évidemment
l'importance de l'interculturalisme. Et je vous dirais...
M. Morin : ...que d'une
certaine façon, l'interculturalisme pour le Parti libéral du Québec, ce n'est
pas une notion qui nous est étrangère. M. Bourassa, en 1990, dans une politique,
en parlait. M. Philippe Couillard, en 2017, dans une politique, en
parlait. Et plus récemment, le comité Pratte Cadet en faisait mention. Donc,
c'est un... c'est un concept avec lequel nous, au PLQ, on vit et on travaille
depuis... depuis des années.
Et donc, ça sied bien au Québec.
Cependant, une fois que j'ai dit ça, bien là, il faut regarder quel est le
projet de loi qui est proposé par le gouvernement et ce qu'il comporte. Et nous
aurons évidemment le privilège, Mme la Présidente, d'entendre plusieurs,
plusieurs groupes, spécialistes, chercheurs, qui vont venir justement nous
parler pour nous guider là-dedans, pour nous assurer, bien sûr, que ce projet
de loi reflète les aspirations, bien sûr, des Québécois, des Québécoises, mais
qui tient compte aussi, bien sûr, de la diversité des différents Québécois et
Québécoises qui sont sur le territoire national du Québec.
Je souligne une chose. C'est, M. le
ministre, en tant que ministre de la Langue française, qui dépose ce projet de
loi. Il fait de la langue française un élément fondamental clé du projet de loi
comme étant notre langue commune. Et c'est très bien, c'est un fait que c'est
la langue officielle du Québec, d'ailleurs, une réalisation libérale. Sauf que
je ne peux pas passer sous silence que si on veut arriver à une intégration
réussie, bien, il faut que les gens puissent apprendre le français. Et qu'est
ce qu'on lit, Mme la Présidente, dans la revue de presse de ce matin? 800
personnes en attente de francisation en Estrie. Ce n'est quand même pas banal.
On nous apprend également que les PME, la majorité des entreprises au Québec,
peinent à franciser des gens.
Alors, moi, je veux bien. C'est important,
le français, c'est fondamental au Québec, mais encore faut-il qu'on soit
capable, il faut que le gouvernement soit prêt à s'engager pour faire en sorte
qu'on puisse franciser les gens qui veulent apprendre le français. J'ai posé
plusieurs questions à M. le ministre là-dessus. Les admissions ont augmenté.
Soit, mais comment on explique qu'il y a tant de centaines de personnes en
attente? Alors là, il y a véritablement un problème. Et puis moi, ce que
j'espère, c'est que ce projet de loi là va faire d'une façon concrète, va
mettre des obligations sur les épaules du gouvernement, puisque... pour qu'on
n'ait plus à lire de tels... de tels articles dans les journaux.
Il y a un élément aussi, puis on en
parlera, mais l'intégration de la langue française, c'est fondamental. Mais
quand quelqu'un arrive ici, il veut aussi travailler. Puis ça, je pense que
c'est une composante aussi essentielle de l'intégration, on en reparlera, ainsi
que d'enseigner l'histoire du Québec parce que les gens qui arrivent ici, il
faut qu'ils connaissent d'où on vient puis où on va. Alors, en terminant, très
hâte d'entendre les groupes, Mme la Présidente. C'est parti!
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, je me tourne du côté
du député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour une période de
1 min 12 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, j'ai écouté, moi aussi, avec attention la
présentation du ministre. Et malgré que je considère que le projet de loi
soulève des débats sur des éléments importants, je n'ai pas pu m'empêcher que
de voir les contradictions du gouvernement qui nous sautent au visage avec ce
projet de loi là. Notre langue, notre culture, c'est en effet le socle de notre
identité, et c'est très clair, sauf que, plus que jamais, nos artistes et notre
culture sont au bord du gouffre. Un article de LaPresse ce
week-end, nous le dit, il ne passe pas une journée sans qu'un théâtre, un
musée, un orchestre annonce qu'il sabre dans sa programmation et supprime des
postes. Même chose pour l'aide à l'intégration, Mme la Présidente. En janvier
dernier, on apprenait que le gouvernement coupait dans le soutien aux élèves
immigrants et autochtones. Que dire aussi des nombreuses coupes en francisation
qui ont fait les manchettes tout l'automne et qui continuent encore ce matin de
faire les manchettes alors que des milliers d'étudiants ont perdu leurs cours.
Alors, Mme la Présidente, le ministre peut certainement déposer un projet de
loi. On veut l'étudier, mais ce sont les actions qui seront jugées. Et, pour le
moment, eh bien, ces actions, elles sont en contradiction directe avec le
projet de loi. Il va falloir y remédier sans délai.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on termine les remarques
préliminaires avec le député de Matane-Matapédia pour
1 min 12 s.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. C'est un projet de loi intéressant. Beaucoup
d'intérêt de notre part. Je note d'entrée de jeu que le ministre indique que le
modèle multiculturaliste canadien ne nous convient pas et est nuisible. Il
faudrait en tirer des conclusions politiques si on veut bien intégrer les
nouveaux arrivants. Je pense que le ministre va se rendre compte rapidement des
limites du régime provincial et de ses pouvoirs à lui. Ceci étant dit, sur quoi
devrait reposer l'intégration? Le français langue commune, l'égalité entre les
hommes et les femmes, la laïcité, créer de l'appartenance, de la fierté,
favoriser l'intégration. On aura des propositions, notamment du...
M. Bérubé : ...cérémonie
d'accueil pour les nouveaux arrivants, cérémonie d'accueil québécoise, investir
dans la culture, dans l'accès à l'histoire du Québec. La francisation,
évidemment, j'aurais aimé qu'on commence le projet de loi une fois qu'on a
réglé les enjeux de francisation au plan budgétaire... également que ce n'est
pas une première. Le ministre aime bien dire que c'est historique. Je lui
rappelle que le gouvernement Lévesque avait adopté un plan d'action du
gouvernement du Québec à l'intention des communautés culturelles, c'était le
nom à l'époque, qui s'appelle Autant de façons d'être Québécois. Alors, tout
n'est pas historique, il s'est passé des choses avant l'arrivée de la CAQ et il
va s'en passer après aussi. Alors, je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. C'est ce qui met fin aux
remarques préliminaires. Alors, on va pouvoir commencer les auditions. Je vais
juste suspendre quelques instants pour s'assurer que notre premier intervenant,
qui est en visioconférence, on puisse entendre le son. Alors, je suspends
quelques secondes.
(Suspension de la séance à 9 h 58)
(Reprise à 10 heures)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses
travaux. Nous en sommes donc rendus à la période des auditions.
Alors, je souhaite, dans un premier temps,
la bienvenue à M. Gérard Bouchard, professeur émérite du programme de
recherche sur les mythes sociaux et les imaginaires collectifs de l'Université
du Québec à Chicoutimi.
Alors, M. Bouchard, vous avez... vous
allez avoir une période de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite,
on va commencer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole
est à vous.
M. Bouchard (Gérard) : Très
bien. Merci. Mme la Présidente. Je voudrais d'abord saluer tous les membres ou
tous les membres de la commission, et en particulier M. le ministre Roberge,
que je remercie de m'avoir associé à cette réflexion, que je voudrais féliciter
aussi pour l'initiative qu'il a prise de doter le Québec, enfin, d'un modèle
d'intégration de la diversité. Et aussi, je le remercie pour les références
qu'il a bien voulu faire au modèle de l'interculturalisme pour lequel il a
montré les sympathies.
Alors, j'ai choisi d'axer cette
présentation sur divers points qui, me semble-t-il, appellent des changements
ou des ajouts importants dans le texte de la loi. M. Roberge, les
compliments vont venir plus tard, quand on se verra.
Je signale aussi que mes commentaires sont
inspirés par la politique d'intégration qui est celle de l'interculturalisme
auquel je travaille, comme vous le savez, depuis pas mal d'années. Je pense
qu'une loi sur l'intégration nationale devrait poursuivre deux objectifs
principaux. Premièrement, de concevoir un modèle original et qui est plus
approprié au Québec que ne l'est le multiculturalisme canadien. Et
deuxièmement, un modèle qui vise à l'interpénétration de toutes les cultures,
mais ces cultures, les cultures minoritaires, ne doivent pas être conçues comme
ayant une fonction utilitaire, c'est-à-dire la fonction d'épauler ou de
renforcer la culture majoritaire. Je pense qu'il faut reconnaître la richesse
des cultures minoritaires, leur droit de survivre, de se manifester en public.
Et, en fait, il y a un profit à retirer pour tout le monde parce que c'est par
leur vitalité qu'elles peuvent enrichir la culture majoritaire et la culture
québécoise. Et, de toute façon, j'imagine que, pour...
10 h (version non révisée)
M. Bouchard (Gérard) : ...ce
qui concerne les minorités culturelles et le statu quo, on doit le reconnaître.
Je pense bien que personne ne va constater... ne va contester l'existence des
minorités anglophones, juives, latinos, noires, etc. Bon, je crois qu'on s'entend
bien là-dessus.
Je pense qu'il n'y a pas lieu non plus de
craindre qu'une mixité conçue de cette façon verse dans le multiculturalisme à
cause des politiques d'interaction, de contact, d'échange, de collaboration
dont l'interculturalisme fait la promotion, et sur lesquelles je reviendrai un
petit peu plus loin. Et puis, finalement, il ne faut pas craindre non plus que
l'interpénétration des cultures affaiblisse la culture majoritaire. Je crois
que c'est le contraire. Et puis, de toute façon, la culture majoritaire dispose
d'un avantage démographique, à cause du poids du nombre qu'elle représente,
aussi, à cause de son statut de culture fondatrice, à cause des ressources dont
elle dispose, et aussi parce que, finalement, au Québec, c'est encore des
représentants de la culture majoritaire qui contrôlent la plus grande partie
des institutions, donc l'exercice du pouvoir.
En résumé, donc, il n'y a pas de
hiérarchie formelle, ici, entre les cultures, mais il s'agit de promouvoir une
culture commune, qui se situe dans la continuité du passé québécois, mais se
nourrit aussi de l'interculturel. Alors, je voudrais signaler que la dimension
culturelle est, évidemment, très importante quand on parle de la gestion de la
diversité, mais il faut également faire une grande place à la dimension
économique et sociale, parce que, comme il a été mentionné tout à l'heure, les
immigrants sont invités à s'intégrer, mais ils se heurtent à plusieurs
obstacles, et certains de ces obstacles concernent des problèmes de logement, d'emploi,
d'apprentissage de la langue, d'accès aux services publics, et surtout, et
surtout, doivent faire face à, quand même, des manifestations de discrimination
et de racisme, comme nous en avons vu des exemples, malheureusement, récemment.
En d'autres mots, l'intégration assigne
des responsabilités aux immigrants, bien sûr, mais elle assigne aussi des
responsabilités à l'État et à la société d'accueil. Autrement dit, c'est un
processus à deux voies, et c'est très important de garder ça à l'esprit. Je
pense qu'il faut s'assurer de rejeter toutes les formes de domination que la
majorité pourrait être tentée d'exercer aux dépens des droits des minorités,
comme il arrive souvent. On en voit bien des exemples dans l'histoire des
nations en Occident, et même, dans le passé québécois pas si lointain. Alors,
dans cette perspective d'éviter l'assimilation, je pense que le concept de
creuset ne convient pas. C'est un concept qui est issu du melting-pot
américain, qui est un modèle, essentiellement, assimilateur.
La culture commune, ce n'est pas la fusion
de toutes les cultures, parce que ça reviendrait, donc, à une forme d'assimilation.
Ce n'est pas non plus l'idée de la culture majoritaire dans laquelle
viendraient se fondre, à la longue, les cultures minoritaires. Encore là, c'est
simplement une forme différée d'assimilation. La culture commune doit être le
résultat d'un brassage général, un brassage interculturel général d'une
combination d'apports très variés.
Un mot sur les valeurs québécoises. Ici,
il faut faire attention à un stéréotype assez courant, qui veut que, bon, la
majorité a des valeurs, et le problème, c'est de les transmettre aux minorités.
C'est un stéréotype. Il y a des études qui ont démontré il y a quelques années,
au Québec, que les valeurs, nos valeurs, hein, ce qu'on appelle nos valeurs, la
démocratie, la liberté, y compris la laïcité, sont partagées autant par les
représentants des minorités que par ceux de la culture majoritaire. C'est une
donnée qu'il faut absolument garder à l'esprit, parce que ça entraîne une
vision complètement différente de ce que sont les immigrants et de leurs
attitudes par rapport au Québec et à la culture majoritaire.
Alors, au sujet du pluralisme, maintenant,
la vie interculturelle favorise, évidemment, comme nous le savons, la proximité
et la mixité des cultures, mais elle est souvent, aussi, un foyer d'intolérance
et de rejet, et cette...
M. Bouchard (Gérard) : ...ce
danger-là mérite... milite pour un, ce qu'on pourrait appeler un apprentissage
de la diversité, qui pourrait prendre diverses formes, mais disons que ce n'est
pas le moment d'entrer dans ces détails-là.
J'ai mentionné les interactions. J'y
reviens. Les interactions, c'est-à-dire toutes les formes de contacts,
d'échanges, de coopération entre les minorités culturelles et la majorité. En
fait, ici, on est au cœur de l'interculturalisme. Les interactions favorisent
la connaissance mutuelle et favorisent la lutte contre les stéréotypes, elles
préviennent l'exclusion et, finalement, elles sont une école d'ouverture et
d'apprentissage mutuel. L'interaction, encore une fois, c'est le cœur de
l'interculturalisme. Et, de ce point de vue là, il faut quand même reconnaître
qu'il y a plusieurs initiatives qui sont en cours présentement dans notre société,
mais il en faudrait plus. L'officialisation d'un modèle général comme
l'interculturalisme viendrait remplir une fonction importante, c'est-à-dire que
ça viendrait coiffer et stimuler toutes ces initiatives en les intégrant dans
un cadre cohérent et en leur assignant une direction précise. Ça, je crois
qu'il y aurait une nouvelle énergie qui serait... qui se déploierait si toutes
ces activités étaient coiffées par un modèle général soutenu par l'État.
Est-ce qu'on doit craindre que
l'interculturalisme vienne compromettre la culture québécoise? Alors là, il
faut se rappeler ce qu'était la culture québécoise il y a 40 ans, par
exemple, et ce qu'elle est devenue aujourd'hui. En fait, elle a été
transformée, bien sûr, par les contacts interculturels. Un tour d'horizon
rapide ferait voir qu'il y a eu des changements importants, bon, à différents
niveaux dans la cuisine, le vêtement, la musique, la littérature, les médias,
le cinéma, la recherche scientifique. Toute la réflexion sur le Québec porte
presque toute la trace importante des apports des minorités culturelles. Est-ce
que pour autant on dirait que...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous reste 30 secondes, M. Bouchard.
M. Bouchard (Gérard) : Pardon?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 30 secondes pour conclure.
M. Bouchard (Gérard) :
13 secondes?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 30.
M. Bouchard (Gérard) : Ah,
30 secondes, excusez-moi. Ça fait 28, donc. Alors, est-ce qu'on dirait
qu'aujourd'hui la culture nationale est moins québécoise qu'elle l'était il y a
40 ans? Bien sûr que non. Elle est aussi québécoise, mais elle l'est
différemment. Et le changement, ce n'est pas quelque chose qu'il faut craindre,
c'est un signe de la vitalité d'une culture.
• (10 h 10) •
Je termine sur une question qui se pose
souvent : Qu'elle est la différence entre l'interculturalisme et le
multiculturalisme? Alors, elles sont nombreuses. Par exemple, l'insistance que
met l'interculturalisme sur la nation et la culture nationale, la promotion
d'une culture commune... sur l'intégration.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Bouchard (Gérard) :
Donnez-moi encore trois secondes, s'il vous plaît. La pratique des
interactions. Et puis une autre différence de taille qui commande bien d'autres
choses : au Canada, il n'y a pas d'inquiétude sur la survie culturelle de
la nation. Alors qu'au Québec, cette inquiétude est constante et ça commande
toute sorte de dispositions de réflexe qu'on ne verra pas à l'échelle
canadienne et dont ne tient pas compte, encore une fois, le multiculturalisme
canadien. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Bouchard. Alors, on va commencer...
pardon, la période d'échange avec M. le ministre. Il vous reste 15 min 57 s.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci, M. Bouchard, de vous être rendu disponible puis
de participer aux travaux ce matin. Je pense qu'on est tous très reconnaissants
de la contribution que vous apportez puis de l'éclairage parce qu'on n'est pas
au ras les pâquerettes, comme on dit. Puis c'est correct. À certains moments,
on va regarder un article précis, un mot, puis d'autres moments on va être dans
les concepts et puis on va être, je vous dirais, dans les principes, les
valeurs qui nous aident ensuite à rédiger puis à choisir le bon mot. Donc, je
trouve ça très intéressant.
Juste à la fin, on vous a coupé un petit
peu, là, parce qu'on manquait un peu de temps, mais vous vous faisiez la
différence entre le modèle interculturel ou l'interculturalisme, qui est d'une
certaine manière... dans la manière dont vous le définissez, puis le
multiculturalisme. On comprend que vous êtes un partisan de
l'interculturalisme, mais pouvez vous nous expliquer comment ça s'incarne, le
multiculturalisme, en ce moment au Canada, mais au Québec et comment ça se
manifeste au quotidien pour qu'on comprenne bien la nécessité d'en sortir?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
je crois que...
M. Bouchard (Gérard) : …principal,
c'est ce que j'appelais les interactions. C'est la source la plus… la plus
efficace et la plus importante pour concrétiser l'idéal du pluralisme, de
l'intégration nationale, etc. Alors, prenons un exemple qui a été mis au point
à l'UQAM, à l'Université du Québec à Montréal, aux facultés des sciences
sociales. Ils ont appelé ça le jumelage des cours. Alors, par exemple, vous
pouvez prendre… Dans une université, supposons qu'il y a un cours sur la
citoyenneté qui va s'adresser à peu près à tout le monde, où il y aura pas mal
de représentants de la majorité qui vont être inscrits. Et puis, à côté, il y a
un cours d'apprentissage du français pour les immigrants. L'idée qu'ils ont
eue, c'est de jumeler ces cours-là. Donc, ça veut dire 6 heures par
semaine au lieu de trois. Ça veut dire des interactions constantes entre des
gens des minorités culturelles et de la culture majoritaire. Ils obligent aussi
à faire des travaux pratiques et à former des équipes qui sont diversifiées,
qui accentuent le contact. Finalement, il se développe des amitiés et toutes
sortes de relations qui survivent à ces deux cours-là.
Et c'est un exemple parfait du Québécois
qu'on… qu'on imagine, dont on voudrait rêver. Je veux dire, c'est un Québécois
qui ne ressemble pas à celui du XIXᵉ siècle, bien sûr, mais je dirais que c'est
un Québécois qui est enrichi. Alors, à partir de cet exemple-là, là, déjà,
hein, au Québec, là, dans les municipalités, dans les quartiers de Montréal,
etc., il y a toutes sortes de formules qui procèdent du même esprit. Par
exemple, je sais que, dans une rue à Montréal, les gens se sont entendus, des
gens de différentes cultures, pour monter une pièce de théâtre. Alors, ils
font… ils se réunissent, ils travaillent pendant, je ne sais pas, une saison.
Et puis à la fin, ils donnent le spectacle pour les gens du quartier.
Je sais que, dans une autre partie de
Montréal, les gens décident de nettoyer le territoire, mais ils font ça
ensemble, et c'est très important parce que c'est non seulement les relations
qui s'instituent entre les participants à ce moment-là, mais c'est l'héritage,
ensuite, ces gens-là se souviennent de ce qu'ils ont fait ensemble. Et tout ça,
c'est du Québécois, là, ça fabrique de la culture commune, ça fabrique la
culture dont on rêve.
M. Roberge : Et, quand je
vous entends parler, on voit que, dans votre modèle, dont vous faites la
promotion, qui n'est pas loin du projet de loi actuel, vous misez sur les
interactions, les interrelations qui amènent les gens un peu à se transformer.
Vous avez dit d'ailleurs : La société québécoise, la culture québécoise de
2025 n'est pas la même que celle de 1975, à cause du passage du temps, mais à
cause des échanges qu'il y a eu entre les gens de la diversité, donc. Donc, on
ne fait pas que se côtoyer, dans des rencontres de gens de la diversité, d'un
peu partout, on s'influence l'un l'autre. Et j'ai envie de vous réconcilier
avec le concept de creuset, en faisant ça, puisque je suis allé voir à la fois
la définition du Larousse et du Robert, les deux disent que creuset, c'est un
lieu où plusieurs choses se mêlent.
Alors, il me semble que, si dans une
démarche interculturelle, on crée des événements, des lieux, des organisations,
des activités où les gens se rencontrent, mais ne font pas que se côtoyer,
qu'ils s'influencent l'un l'autre, il me semble qu'on est dans quelque chose
qui ressemble à un creuset, puisque les gens, en un lieu donné, se rencontrent,
se mêlent et à la fin repartent un peu transformés.
M. Bouchard (Gérard) : Si vous
êtes y tenez beaucoup, M. Roberge, vous pouvez conserver le concept de creuset,
mais vous allez vous rendre extrêmement vulnérables, et vous allez devenir la
cible de critiques extrêmement virulentes. Parce que le creuset dont nous
parlons, l'exception que nous connaissons ici, au Québec et en Amérique du
Nord, ce n'est pas celle du dictionnaire Larousse, c'est celle que les
Américains ont diffusée en parlant du creuset comme étant le «melting pot»,
c'est-à-dire la fusion des immigrants qui entrent au pays et qui laissent leurs
coutumes ou leur culture au vestiaire et qui s'assimilent complètement à la
culture de la société d'accueil. Le creuset dans la langue de ce domaine de
recherche et de réflexion, c'est à ça que ça réfère. C'est une forme très efficace,
authentique et complète d'assimilation.
Alors, vous pouvez l'utiliser, mais, à
chaque fois, il faudra que vous ouvriez une grande parenthèse pour expliquer
que vous vous référez au dictionnaire Larousse, plutôt qu'à l'exemple américain
qui est connu partout maintenant…
M. Bouchard (Gérard) : ... La
notion de «creuset» est associée fondamentalement au melting-pot.
M. Roberge : Bien, merci,
parce qu'effectivement, c'est... D'où le grand intérêt de vous avoir ici :
c'est d'avoir votre perspective, avec des définitions sociologiques, et pas
simplement étymologiques dans le dictionnaire. Merci pour ça. Parce que le
modèle qu'on définit, l'intégration nationale, s'inspire à plusieurs égards de
l'interculturalisme, il y a plusieurs éléments. D'ailleurs, on parle de
«relations interculturelles», on est là-dedans, on est... On n'est pas dans la
lutte à la diversité, au contraire, on veut de la diversité, mais on veut de la
mixité, on est vraiment dans la mixité, dans les interrelations, et on n'est
pas dans l'assimilationnisme, et, pas pour vous, parce que, je pense, vous le
savez très bien, mais pour des gens qui croiraient qu'on est là-dedans, bien,
je les réfère au considérant n° 9, qui dit : «Considérant que la langue
française est le principal véhicule de la culture québécoise, à laquelle tous
sont appelés à adhérer et à contribuer, pouvant ainsi enrichir cette culture
sans renier leur culture d'origine». Donc ici, avec le «sans renier leur
culture d'origine», je pense qu'on démontre bien qu'on ne demande pas aux gens
de s'effacer.
Mais là, on est dans les considérants. Des
gens pourraient s'inquiéter, dire : Oui, mais c'est seulement dans les
considérants. Bien là, l'article 5, c, dans les fondements, on dit : Les
gens doivent à... «contribuer, notamment à partir de leurs caractéristiques
culturelles». Donc, on est là... on demande aux gens d'apporter avec eux leur
bagage puis de le partager avec nous. Je pense qu'il y a là quelque chose...
Et puis je demande votre avis en même
temps, là. Je vous ai lu deux extraits qui me semblent démontrer qu'on n'est
pas... on est dans une démarche vraiment d'intégration à la nation, mais on
n'est pas, je pense, dans une démarche d'assimilation. Est-ce que vous pensez
que ces deux éléments-là, nommément inscrits dans la loi à la fois dans le
considérant que dans la section sur les fondements, sont de nature à rassurer
les gens?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
je pense que les énoncés que vous venez de faire sont... vont dans le bon sens.
Encore une fois, si vous mettez de côté... Je m'excuse d'y revenir, mais je
vous évite bien du mal, là, si vous mettez de côté le concept de «creuset», qui
va vraiment vous ennuyer si vous le conservez. Ce que vous venez d'énoncer va
tout à fait dans le bon sens, bien sûr, parce que ça veut dire que
formellement, vous ne reconnaissez pas de hiérarchies entre... des hiérarchies
formelles, hein, entre la culture majoritaire et la culture minoritaire. Il
peut y avoir des inégalités matérielles du fait que la culture majoritaire a
plus de ressources, etc. Mais, finalement, vous voyez les choses comme étant -
je parle en particulier à la culture commune - comme étant un objectif auquel
vont participer à la fois les cultures majoritaires et les cultures minoritaires
pour enfanter et engendrer quelque chose de commun tout en gardant quelque
chose qui leur est spécifique, hein? C'est bien ce que signifient les énoncés
que vous avez lus.
• (10 h 20) •
M. Roberge : Voilà. Merci.
Merci beaucoup, M. Bouchard. Je continuerais encore de longues minutes, mais
j'ai des collègues, là, qui je pense ont beaucoup envie d'échanger avec vous.
Je vais laisser la présidente poursuivre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Je vais donc reconnaître la députée
de Vimont, et pour votre banquette il reste encore 6 min 10 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bouchard, merci d'être présent, c'est
toujours intéressant de vous écouter. J'aimerais vous entendre...
M. Bouchard (Gérard) : ...
Mme Schmaltz : J'aimerais
vous entendre sur le concept, vous savez, de l'altérité, quand on parle... dans
la gestion des conflits interculturels, puis j'aimerais aussi avoir votre avis
sur la médiation interculturelle au sein des services publics, entre autres.
M. Bouchard (Gérard) : Je
n'ai pas compris le premier mot que vous avez prononcé. Vous aimeriez
m'entendre sur...
Mme Schmaltz : Sur le concept
de l'altérité au sein de la gestion des conflits interculturels. Vous l'avez
mentionné un petit peu tantôt. Puis je voulais savoir aussi votre idée, votre
avis sur la médiation interculturelle au sein des services publics. Pensez-vous
que c'est quelque chose qui est intéressant, qui est... qui doit être mis de
l'avant?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
je pense que c'est fondamental. C'est un des instruments les plus utiles dans
la perspective d'une interpénétration des cultures, forcément. Et, quand on
parle d'interaction, par exemple, ça peut se dérouler de toutes sortes de
façons, une interaction. Quelqu'un peut vouloir l'orienter vers lui ou un
autre, etc. La médiation est supposée fournir une discipline, je dirais, pour
conduire ces interactions, et ça suppose donc une formation. Je ne dis pas que
tous les citoyens doivent acquérir une formation sur la médiation, mais il doit
y avoir des gens qui peuvent agir...
M. Bouchard (Gérard) : ...mais
il doit y avoir des gens qui peuvent agir, par exemple, dans certaines
situations où la dynamique des transactions quotidiennes bloque ou tourne en
conflit. Là, un spécialiste ou une spécialiste des médiations pourrait
accomplir une fonction extrêmement importante. Donc, en ce sens-là, c'est oui,
c'est oui, mais finalement, il serait préférable, c'est que tout le monde soit
dans des dispositions de médiation, je dirais, hein. Et quand des cultures se
mettent en contact, il y a toujours une forme de compromis que chacun doit
faire, mais ça se fait d'une façon qui n'est pas négative, parce qu'on est
attirés par la différence que l'autre représente. On y voit un enrichissement,
un élargissement des perspectives. Je pense que tout le monde, spontanément,
est favorable à ça. Alors. Pour le reste, bien, si le mécanisme bloque, là, il
faut faire intervenir des choses formelles comme la médiation. Je pense que
c'est ça que vous avez à l'esprit.
Mme Schmaltz : Oui. Merci. Je
vais laisser mon collègue qui a... qui a d'autres questions aussi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, je reconnais le député de Saint-Jean. Il
reste 3 min 22 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. M. Bouchard, bien le bonjour. Content de vous retrouver,
quoiqu'un peu déçu que ce soit à distance, pour vous saluer.
Écoutez, je vous écoutais, d'emblée,
d'entrée de jeu, vous parliez de multiculturalisme sans en parler, en vantant
l'interculturalisme qui est votre modèle de prédilection. Mais je veux revenir
sur le multiculturalisme parce que ce n'est d'abord pas le contraire, mais pas
loin de ce que c'est que ce projet de loi. Et moi, je l'ai vécu dans l'Ouest
canadien, je l'ai vécu dans les Maritimes comme citoyen, et pour moi, c'est un
encouragement vers la ghettoïsation si on va à l'extrême. Alors, j'aime
beaucoup le modèle qu'on est en train de proposer, entre autres parce que c'est
un modèle sur mesure. Je sais que vous êtes un fervent partisan de
l'interculturalisme, mais si on se... si on ne s'arrête pas à un modèle
théorique classique qui existe et qu'on se dit que la société distincte que
nous sommes va se faire un modèle sur mesure, est-ce que ça ne ressemble pas un
peu à ce qu'on vient de déposer?
M. Bouchard (Gérard) : Vous
voulez dire un modèle sur mesure? Vous l'entendez dans le sens péjoratif?
M. Lemieux : D'intégration,
d'intégration nationale.
M. Bouchard (Gérard) : Oui.
Mais alors là, j'aimerais comprendre un peu mieux votre question.
M. Lemieux : Bien, dans le
fond, c'est parce que vous nous parlez beaucoup de l'interculturalisme comme un
modèle, c'est comme un... c'est comme un modèle à suivre, mais il est inspiré
de l'interculturalisme, mais il est sur mesure pour le Québec, ce plan
d'intégration nationale qu'on dépose là.
M. Bouchard (Gérard) : Ah!
bien. Alors là, je comprends votre question. Quand je vous dis que les
chercheurs, les intellectuels québécois travaillent depuis quelques décennies à
définir, à mettre au point l'interculturalisme, mais en faisant ça, ils ont
attiré l'attention des gens d'Europe en particulier et de tous les continents.
Les Japonais, par exemple, moi, m'ont invité à faire deux tournées de
conférences parce qu'ils s'intéressent... ils s'intéressaient à
l'interculturalisme puis ils voulaient savoir ce que c'était. Pourquoi les
Japonais étaient-ils intéressés à l'interculturalisme? Bien... puis je pense
qu'on pourrait s'arrêter juste sur cet exemple-là, ça va répondre à votre
question. Ils Japonais sont très homogènes culturellement et ils croient que
leur réussite économique, finalement, est due en grande partie à leur homogénéité
culturelle. Et puis là-bas, bien, ils voient que la fécondité baisse, le taux
de nuptialité baisse, les femmes japonaises ne veulent plus se marier. En fait,
il y en a encore quelques-unes, là, mais je veux dire, le taux diminue
beaucoup, et les Japonais ne veulent pas accueillir des immigrants en grand
nombre. Alors, ils se sont dit : Si on fait ça, qu'est-ce qui va nous
arriver si on ouvre les portes à l'immigration? Qu'est-ce qu'elle va devenir,
notre culture? Alors, c'est comme s'ils avaient pointé du doigt le Québec. Ils
ont dit : Ça, ça ressemble, le Québec en 1950, ça ressemble énormément au
Japon, c'est homogène, mais ça veut s'ouvrir à l'immigration. Alors, vous
l'avez fait pendant 50 ans. Regardez ce que vous êtes devenus. Vous êtes toujours
Québécois finalement. Alors, comment vous avez fait? C'est ça qui intéressait
les Japonais.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
M. Bouchard (Gérard) : La
même question se pose présentement dans toutes les nations parce qu'il y a eu
une augmentation de l'immigration, et que les gens de la société d'accueil se
sentent menacés. L'immigration est là pour rester, et il faut apprendre à vivre
avec.
M. Lemieux : À mon tour de
manquer de temps, M. Bouchard. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Bouchard, merci. Merci, M. le député. Le temps est
écoulé pour la partie gouvernementale, mais on se tourne du côté de
l'opposition officielle pour poursuivre ces discussions. M. le député, 9 min 54
s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, professeur Bouchard. Merci de nous donner du temps et les
explications pour aider à ce que ce projet de loi là soit le meilleur possible.
C'est très apprécié. J'ai quelques questions pour vous parce qu'à la lecture du
projet de loi...
M. Morin : ...c'est
apprécié. J'ai quelques questions pour vous parce qu'à la lecture du projet de
loi ça a soulevé chez moi certaines interrogations, et j'aimerais vous entendre
là-dessus. D'ailleurs, vous avez fait référence à certains éléments dans un
article qui a été publié ce matin dans Le Devoir, sous la plume de
M. François Carabin, et vous soulignez que dans le projet de loi,
effectivement, le gouvernement fait référence à la culture, on parle d'une
culture commune. Il n'y a pas comme telle de définition. On parle également...
Ça, c'est à l'article 1. On parle également à l'article 3
d'institutions particulières. On ne les identifie pas. Vous soulevez dans
l'article qu'il faut faire attention parce que... Puis, en fait, vous avez bien
répondu à certaines questions de M. le ministre quand il a fait référence au
creuset. On ne veut pas parler ici d'assimilation. Alors, est-ce que pour vous,
il y aurait un avantage à définir davantage ce que l'État entend par une
culture commune et des institutions particulières?
M. Bouchard (Gérard) :
Bien, moi, je vais vous dire comment j'ai perçu le texte du projet de loi. Je
ne suis pas un spécialiste de la législation. Bon. Moi, je pense que c'est
un... Ça annonçait une intention, ça voulait formuler une direction et un
certain nombre de repères que le ministre voudrait suivre dans la démarche
suivante, qui est la conception de la politique elle-même. Alors, moi, je ne
m'attendais pas à ce que le projet de loi contienne tout ce qu'on voudrait
qu'il contienne, parce qu'il ne peut pas remplacer l'exercice de conception de
la politique qui va suivre et qui va être beaucoup plus, beaucoup plus
articulé, évidemment, beaucoup plus précis. C'est là où on va devoir trouver
des définitions de la culture commune et de tous les concepts qu'on utilise
quand on parle de la diversité, des relations culturelles, interculturelles,
etc. Alors, moi, c'est... Ce n'est pas ça qui me gêne dans... Peut-être que
j'ai une mauvaise conception de ce qu'est un projet de loi, mais ma conception
à moi, c'était une esquisse, une ébauche même, qui nous préparait à ce qui s'en
vient. Alors, moi, je pense que c'est ce qui s'en vient qui va être le plus
important.
M. Morin : Je vous
remercie. Il y a un élément... Enfin, moi, j'ai trouvé qu'il y avait un élément
dans le projet de loi qui était absent. J'y ai fait référence dans mes
remarques d'ouverture en ce qui a trait à l'intégration, et c'est tout le volet
économique. Donc, oui, il y a la langue commune, c'est très important. Mais
souvent, quand quelqu'un arrive ici, il veut apprendre le français, mais il
veut aussi travailler. Quand on regarde certaines politiques, pas des projets
de loi, mais des politiques qui ont été faites dans le passé, je songe
notamment à celle de M. Bourassa en 1990, il y avait un volet important
sur l'économie, l'engagement du gouvernement, qui est finalement de faciliter
l'emploi ou l'accès à des emplois pour les nouveaux arrivants. Je n'ai rien vu
de ça dans le projet de loi. Est-ce que, pour vous, c'est un élément qui
devrait être ajouté? Est-ce que c'est... Le gouvernement devrait se commettre
là-dessus?
M. Bouchard (Gérard) :
Bien oui, comme je l'ai... je l'ai mentionné, hein, ce sont des obstacles qui
se présentent à tous les immigrants qui veulent s'intégrer, les problèmes de
logement, de travail, etc., de l'apprentissage de la langue, et puis surtout le
racisme. Il ne faut pas oublier de le mentionner, c'est quelque chose qui est
très présent, qu'on l'appelle comme on voudra, systémique ou pas, là. On ne va
pas s'en... On ne va pas s'arrêter là-dessus, on va perdre du temps. Mais c'est
un élément qui est très important. Et moi, je... Encore une fois, je ne juge
pas sévèrement le projet de loi n° 84 là-dessus parce que c'est une
omission, comme il y en a un certain nombre d'autres, mais je me dis que tout
ça va être attrapé à l'étape de la définition de la politique elle-même. Mais
c'est une absence. Ça, c'est sûr.
• (10 h 30) •
M. Morin : Je vous
remercie. Autre élément sur lequel j'aimerais, j'aimerais vous entendre. Je
suis aussi le porte-parole de l'opposition officielle pour les ordres
professionnels. Et dans le cadre d'échanges ou de consultation avec les gens
sur le terrain, on nous dit souvent que, pour les nouveaux immigrants, c'est
difficile d'avoir accès ou d'avoir un statut de professionnel. Je comprends que
les ordres professionnels sont ici, bien sûr, pour assurer la protection du
public, mais la seule mention qui en effet dans le projet de loi, c'est, je
crois, à l'article 10, où on dit que le gouvernement peut déterminer que
la politique s'applique aux ordres professionnels dont la liste apparaît à
l'annexe I. Est-ce que vous voyez un avantage à ce qu'il y ait, comment
dirais-je, une réflexion qui soit faite pour qu'il y ait une ouverture chez les
ordres professionnels à ce qu'on reconnaisse plus rapidement des compétences ou
des équivalences pour faire en sorte...
10 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...que des nouveaux
arrivants qui sont des professionnels dans leur pays puissent exercer ici, au
Québec, tout en protégeant le public, bien sûr.
M. Bouchard (Gérard) : Oui,
bien, ça, c'est un problème qui était venu à notre connaissance de plusieurs
façons au moment de la commission que j'ai coprésidée avec Charles Taylor, le
problème de la reconnaissance des compétences des immigrants par les ordres
professionnels. Il y avait là un blocage incroyable, qui était absolument inacceptable,
d'ailleurs. Des gens étaient venus en faire la preuve devant nous, c'était
irréfutable.
Est-ce que la situation a changé depuis 15
ans? Ça, je ne sais pas, je n'ai pas eu l'occasion de revenir sur cette
question-là, mais d'après ce que vous me dites, c'est un problème qui n'est
toujours pas vraiment réglé, bon. Alors, ça a la même urgence qu'il y a 15 ans,
la même pertinence, bien sûr.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie. Dans... Le projet de loi a un long préambule, un nombre important de
considérants, et il y a un des considérants qui souligne que l'Assemblée
nationale reconnaît aux Premières Nations et aux Inuits au Québec, descendants
des premiers habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de
développer leur langue et culture d'origine. Vous avez fait référence tout à l'heure
au racisme. C'est un considérant. C'est dans le préambule. Ça donne une
intention de ce que le gouvernement veut faire, et, par la suite, il n'a rien
de très concret. Pensez-vous qu'on devrait aller plus loin et qu'on devrait
faire une plus grande place aux Premières Nations et aux Inuits dans le cadre d'un
tel projet de loi?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
je vais vous dire pourquoi moi, je pense que ça pose un problème. C'est que, si
on fait ça, ça veut dire qu'on considère les autochtones comme étant une
minorité culturelle à l'intérieur du Québec, et ça ne leur convient pas du
tout, ça, ils se définissent comme une nation autonome, en dehors du Québec.
Et, bien sûr, il faut ensuite penser les interactions entre ces nations, mais
je veux dire, on ne peut pas les considérer comme une minorité culturelle. C'est
pour ça que moi, d'ailleurs, dans mon mémoire, je n'ai pas parlé des
autochtones. J'ai un paragraphe, d'ailleurs, pour expliquer pourquoi je ne l'ai
pas fait. Ce sont des nations, maintenant, qui ont été reconnues par le Québec
lui-même, au même titre que nous. Donc, on n'a pas à donner... on n'a pas à
décider pour eux comment ils doivent être intégrés, quels rapports ils doivent
entretenir avec notre société ou pas. C'est à eux à faire ça. Ce serait perçu
encore une fois comme quelque chose de colonial si on essayait de faire quelque
chose comme ça.
Et moi, je crois que cette question-là,
des autochtones, peut légitimement être dissociée du problème de l'intégration
de la diversité à l'intérieur du Québec. L'interculturalisme, c'est fait pour
régler les problèmes d'intégration, de diversité à l'intérieur d'une nation, et
non pas d'une nation à l'autre. Ça relève d'une autre compétence, je crois.
M. Morin : D'accord. Il y a
aussi une référence sur les institutions de la communauté québécoise d'expression
anglaise. Et, quand on l'écrit comme ça, pour vous, ça correspond à quoi?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
pour moi, ça correspond au fait que... Vous voyez, quand on dit que la majorité
francophone, et la majorité est l'élément fondateur, hein, de notre nation,
bien, il faut faire attention, parce que les anglophones étaient là
pratiquement en même temps que nous et ils ont été présents de toutes sortes de
façons dans l'histoire, dans notre histoire à nous. Sauf qu'évidemment on n'aimait
pas le type de présence qu'ils avaient, hein, ils faisaient partie de ceux qui
nous dominaient, ils faisaient partie du problème que nous avions, qui faisait
qu'en 1960 les Canadiens français étaient les plus mal payés dans l'ensemble du
Canada, bon.
Alors, évidemment, dans la mesure où on
associe la minorité anglophone du Québec à toute cette problématique-là, on n'a
pas... on n'est pas spontanément portés à jeter un regard très favorable, mais
si on regarde la réalité, ils sont là aussi, et on pourrait dire qu'ils ont
aussi un statut de fondateurs parce que ça fait longtemps qu'ils sont là, ils
sont au Québec, ils sont en interaction avec la majorité francophone. C'est une
interaction qu'on n'a pas toujours vue d'un œil favorable, peut-être encore
aujourd'hui, mais, enfin, ils sont là, on ne peut pas dire... hein, il faut s'en
remettre à notre réalité qui est comme ça. Ils font partie de la diversité, mais
d'une façon qui est différente de la communauté latino, de la communauté noire,
ou italienne, ou maghrébine.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Merci beaucoup.
M. Morin : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Bouchard. On poursuit avec la deuxième
opposition pour une période de 3min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Et merci beaucoup pour votre excellente présentation. Je reviens sur
certains mots dans votre mémoire. Vous dites : « En d'autres mots, l'intégration
assigne des responsabilités aux immigrants et aux minorités...
M. Cliche-Rivard : ...mais
aussi d'importants devoirs à l'État, c'est un processus à deux voies. C'est ce dont
vous parlez dans votre mémoire. J'aimerais ça savoir votre jugement ou votre
analyse du projet de loi dans ce périlleux équilibre, dans ces deux voies-là.
Est-ce que vous sentez que l'équilibre est rejoint dans la version actuelle?
M. Bouchard (Gérard) : Bien,
je pense que le texte de loi aurait pu aller plus loin, insister davantage sur
le fait que c'est une dualité, hein, qu'il y ait un processus à deux voies.
Mais, encore une fois, je ne suis pas porté à être très sévère. Moi, je ne
m'attendais pas à ce que le projet de loi contienne des références, une mise en
place, une articulation très, très précise parce qu'il va falloir du temps pour
arriver là. La définition, là, de la politique, dont il est question, ce n'est
pas quelque chose qui va se faire rapidement. Il y a des tâches très
compliquées, là, qu'il va falloir examiner de près, qui vont demander des
expertises, qui vont demander des études aussi. Alors, c'est pour ça que moi,
mes exigences, mes attentes du projet de loi n'étaient pas celles que tout le
monde exprime. Mais c'est évidemment une absence dans la formulation actuelle,
il faudra aller plus loin, bien sûr, il faudra aller plus loin.
M. Cliche-Rivard : Et donc,
pour bien vous comprendre, votre lecture du projet de loi est à l'effet que les
responsabilités qui incombent aux nouveaux arrivants et aux minorités sont
supérieures à celles qui incombent à l'État dans la lecture actuelle du projet
de loi. C'est ce que vous tirez comme analyse?
M. Bouchard (Gérard) : Non,
non, ce n'est pas ce que je dis, non, non. Je ne pense pas que le texte du
projet de loi ni ce qu'on vient de dire, sauf qu'il ne l'affirme pas de manière
aussi claire qu'il aurait pu, en tout cas, je ne veux pas prêter
d'arrière-pensée à M. Roberge.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends. Je termine là-dessus. Dans le texte du Devoir, vous
mentionnez : «Il incite du même souffre à éviter les dérives
assimilationnistes.» À quoi vous vouliez faire référence exactement dans le
projet de loi avec cette phrase ou ce mot précis?
M. Bouchard (Gérard) : Non,
je ne voyais pas de dérive assimilationniste, je n'irais pas jusque-là. Je
voyais des formulations, je voyais des formulations qui auraient pu conduire à
l'idée qu'il y avait des relents d'assimilationnistes. Mais, pour moi, la
principale question, c'est celle qu'on a discutée avec M. Roberge tantôt, c'est
de partir de l'idée de creuset. C'est tellement associé au modèle assimilateur
du concept de creuset que là, finalement, je trouvais que le projet de loi était
en faute. En tout cas, il se rendait extrêmement vulnérable.
• (10 h 40) •
M. Cliche-Rivard : Est-ce
qu'il y a un mot pour vous qui remplacerait «creuset»? Est-ce que vous avez une
suggestion pour nous?
M. Bouchard (Gérard) : Ah!
Pour moi, ça s'appelle l'interaction.
M. Cliche-Rivard : Pardon?
M. Bouchard (Gérard) : L'interaction...
M. Cliche-Rivard : L'interaction.
Merci beaucoup.
M. Bouchard (Gérard) : ...ça
suppose l'égalité, ça suppose la liberté des acteurs qui y participent. Ça
suppose que les citoyens prennent des responsabilités et puis ils fabriquent
eux-mêmes de l'interculturalité. Et c'est ce qui est plus solide, parce que ça
a créé un tissu social et culturel au niveau des citoyens et des citoyennes,
une interaction...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, merci, M. Bouchard. Alors, on termine cette ronde de
discussions avec le député de Matane-Matapédia pour 3 min 18 secondes.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. M. Bouchard, c'est un plaisir de vous retrouver. Vous avez
peut-être entendu la déclaration d'ouverture du ministre qui indiquait et qui
concédait que le modèle multiculturalisme canadien ne nous convient pas et est
nuisible. Alors, ce n'est pas rien, là. Il faut savoir dans quel cadre
s'inscrit nos efforts avec notre juridiction, avec les limites des pouvoirs
d'une province. Je vois bien la bonne volonté, mais le Canada existe. Lorsque
les nouveaux arrivants arrivent, les immigrants, ils arrivent dans un cadre
connu d'un pays bilingue, ça existe. Au Québec, c'est plus flou, à tout le
moins, au début. Alors, je regarde le projet de loi puis je me dis :
Quelles actions concrètes vont nous permettre d'y arriver, à créer de
l'appartenance, la fierté, de l'intégration réussie pour que les gens soient
heureux, tout simplement.
Alors, avez-vous, en tête, un certain
nombre d'actions concrètes qui nous sortiraient des débats sémantiques? Parce
que ça fait 40 ans qu'on débat de ces questions-là, mais je cherche les moyens
pour y arriver. À titre d'exemple, est-ce qu'on devrait faire une cérémonie
d'accueil québécoise ou un examen de citoyenneté pour l'obtention du CSQ,
renforcer la place de la culture et de l'histoire à l'école? Donc, je veux
volontairement vous amener sur le terrain des actions concrètes qui ne sont pas
présentes, à tout le moins, jusqu'à maintenant, dans ce projet de loi.
M. Bouchard (Gérard) : Est-ce
que la question s'adresse à M. le ministre?
M. Bérubé : À vous.
M. Bouchard (Gérard) : À moi?
Bon, alors, écoutez, on va descendre encore bien plus au niveau des pâquerettes
pour voir des choses extrêmement évidentes qu'il faudrait faire. Je ne sais pas
si vous avez eu le temps de lire La Presse de ce matin, mais on apprenait que,
dans a toponymie québécoise, les Noirs sont représentés dans une proportion...
M. Bouchard (Gérard) : ...un
demi de 1 %. Bien, voilà quelque chose qui devra être corrigé. Comment
voulez-vous que les Noirs se ressentent vraiment chez eux quand ils se
promènent dans les rues de Montréal et qu'Ils ne voient aucun signe, aucune
expression qui leur rappelle qu'ils existent? Si, de temps à autre, ils
tombaient sur un nom, je ne sais pas, Luther King, ou des Noirs qui se sont
illustrés d'une certaine façon dans notre histoire...
M. Bérubé : Toussaint
Louverture...
M. Bouchard (Gérard) : ...ils
ne demanderaient pas, d'ailleurs, qu'il y en ait la moitié hein, bon... mais,
déjà, ce serait quelque chose, ils se sentiraient plus chez eux, ils se
sentiraient plus à l'aise, plus attirés par cette société. Alors, il y en a des
paquets, d'exemples comme ça, hein, qui sont des choses qui ont l'air
négligeables, mais qui ne le sont pas du tout dans l'oeil de l'immigrant.
M. Bérubé : L'idée d'une
cérémonie d'accueil, où on indique ce qui est important pour nous, le français
langue commune, la laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes, les choix
qu'on a faits au Québec qui... qu'on manifeste régulièrement dans des motions,
dans des politiques, physiquement, de rencontrer ces personnes et de leur dire
«bienvenue au Québec» d'une façon différente, est-ce que vous pensez que c'est
une bonne idée?
M. Bouchard (Gérard) : Bien
oui, c'est une bonne idée, certainement. Ça attirerait l'attention des
immigrants, ça leur montrerait aussi l'importance qu'on leur accorde, et je
pense qu'ils sortiraient d'une cérémonie comme ça un peu différents de ce
qu'ils étaient avant. Une prise de conscience de ce que c'est qu'un Québécois,
c'est quelque chose d'important, et ils devraient se sentir honorés, je crois.
Bon, alors, vous voyez, c'est... Ça, évidemment, ce n'est pas... on n'est pas
dans l'ordre des détails, là. C'est quelque chose d'extrêmement important.
Mais, encore une fois, les détails...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. Bouchard, c'est, malheureusement, ce qui doit mettre un
terme à ces discussions. Alors, la commission, les élus qui en font partie vous
remercient de votre apport aux travaux. Je vais, toutefois, vous demander de
nous faire parvenir votre mémoire, nous ne l'avons pas reçu à la commission,
donc... On ne l'avait pas à la commission, alors, si vous vous voulez nous le
faire parvenir, on apprécierait, ça étofferait davantage la suite des choses.
Alors, encore une fois, merci beaucoup.
Alors, nous allons suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 45)
(Reprise à 10 h 47)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec
les citoyens reprend ses travaux. Nous en sommes donc rendus à la présentation
de Me Guillaume Rousseau, professeur titulaire de la Faculté de droit à
l'Université de Sherbrooke et directeur de la recherche, Institut de recherche
sur le Québec, ainsi que de M. Vincent Vallée, administrateur à l'Institut de
recherche du Québec. Messieurs, bienvenue à la commission. Alors, vous
connaissez le processus, vous bénéficiez d'une période de 10 minutes, au total,
pour votre présentation, puis ensuite on va échanger avec les parlementaires.
La parole est à vous.
M. Rousseau (Guillaume) : Alors,
bonjour, merci pour l'invitation à vous présenter notre mémoire sur le projet
de loi n° 84. Outre Vincent Vallée, qui m'accompagne ici, on a également
les étudiants de la cohorte du DESS en droit et politique appliqués de l'État,
donc ça me fait vraiment plaisir d'être accompagné par mes...
M. Rousseau (Guillaume) : …étudiant,
ce matin. En 2014, à l'Institut de recherche sur le Québec, on a publié une
étude intitulée Vers une politique de la convergence culturelle et des
valeurs québécoises, dans laquelle on présentait les fondements historiques
de la convergence culturelle, et l'actualité de ce concept, avant de proposer
une loi-cadre québécoise sur le modèle québécois d'intégration. La méthodologie
était assez simple, c'est qu'on a fait une revue de la littérature en sciences
sociales sur le concept de convergence culturelle et on avait traduit dans un
texte de loi, donc à l'aide de règles de légistique, les grands principes qu'on
retrouvait dans la littérature sur la convergence culturelle.
Puis, en 2021, on a publié une version
modifiée, bonifiée de cet article dans la Canadian Journal of Law and
Society, publiée par la Cambridge University Press. Et, dans cet
article-là, on répond… on parle des critiques à l'encontre de la convergence
culturelle et les réponses des gens qui défendaient la convergence culturelle.
Et, dans ce projet de loi là… pas projet, dans cette étude-là, on a une
proposition de loi en annexe.
Alors, vous comprendrez qu'on était très,
très content de voir le projet de loi n° 84 puis on était… On avait hâte
de voir à quel point nos travaux allaient… allaient… avaient inspiré des
éléments du projet de loi n° 84 et c'est le cas. Donc, il y a plusieurs
choses dans nos… dans nos publications qui semblent avoir inspiré le projet de
loi n° 84. La culture québécoise comme culture commune, le français comme
véhicule de la culture québécoise, l'enrichissement de la culture québécoise par
les membres des communautés culturelles, la laïcité, l'importance de la
participation en français. L'idée même d'une loi-cadre suivie d'une politique,
c'était dans nos publications, et l'idée d'une modification de la Charte
québécoise pour y inscrire le modèle québécois d'intégration. Donc, vraiment,
il y a plusieurs choses qui ont été reprises. Donc, tant mieux si on a pu
inspirer le législateur.
Par contre, il y a beaucoup de choses que
l'on proposait dans nos propositions de loi qui ne sont pas dans le projet de
loi n° 84. Par exemple, la politique qui est proposée par le projet de loi
ne viserait pas les cégeps et universités. Or, les cégeps et universités, on en
sait quelque chose à l'Université de Sherbrooke, c'est un lieu d'accueil
d'étudiants internationaux qui souvent deviennent des immigrants, au moins… au
moins temporaires, parfois permanents par la suite. Donc, on pense qu'il faut
que les cégeps et les universités soient visés par la politique ou qu'il y ait
une obligation pour les cégeps et les universités de se doter d'une politique
en matière d'intégration nationale. Comme dans la loi 101, ce n'est pas la
politique linguistique de l'État qui s'applique aux cégeps et universités, mais
une obligation d'avoir leurs propres politiques.
• (10 h 50) •
Ensuite, on vous propose d'ajouter au
projet de loi le principe de mixité. On pense vraiment qu'il faut… que, dans la
politique, on ait une attention particulière à faire en sorte que les nouveaux
arrivants soient appelés à participer à des institutions communes où on
retrouve beaucoup de Québécois francophones natifs, là, de la société
d'accueil. Donc, on vous propose un amendement à l'article 9, alinéa un.
Mais sinon, la grande différence entre nos propositions et le projet de loi,
c'est que nos propositions, c'est de consacrer la convergence culturelle comme
modèle québécois d'intégration, alors qu'ici, avec le projet de loi n° 84,
ce qu'on retrouve, avec l'appellation intégration nationale, ce qu'on retrouve,
c'est un compromis. Il y a des éléments d'interculturalisme et des éléments de
convergence culturelle. Donc, c'est vraiment ce qu'on retrouve dans le projet
de loi n° 84, peut-être un petit peu moins d'éléments d'interculturalisme,
mais il y en a, notamment, le français comme langue de communication
interculturelle.
Donc, ça pose peut-être la question de
savoir pourquoi ne pas tout simplement s'inspirer exclusivement de
l'interculturalisme. Or, nous, on pense que c'est un bon choix de ne pas
s'inspirer exclusivement de l'interculturalisme, entre autres parce que
l'interculturalisme insiste trop peu sur les arts, les lettres, le patrimoine,
l'histoire. Si on regarde les définitions de l'interculturalisme, souvent, ça,
c'est absent. On est plus sur les institutions, les chartes des droits. Et
nous, on pense que l'intégration, c'est la participation à des institutions
communes fondées sur une langue commune. Et, parmi les institutions les plus
importantes au Québec, il y a les institutions culturelles. Donc, on pense
qu'ils doivent être au cœur du modèle d'intégration. Et c'est pas mal ce que
font les articles 3, 5 et 6 du projet de loi.
L'autre raison pourquoi il ne faut pas
s'inspirer strictement de l'interculturalisme, c'est que l'interculturalisme,
ça divise beaucoup entre Québécois… les Québécois francophones, natifs,
immigrants, membres des communautés culturelles. Bon, c'est un peu… c'est un
peu inévitable, mais l'interculturalisme perpétue un peu trop cela et ça nous
apparaît inopportun, cette division trop étrange… étanche, entre autres, parce
que le défi actuel du Québec, ce n'est pas seulement les immigrants de première
génération, c'est beaucoup les immigrants de deuxième, troisième génération
issus de mariages mixtes, bien souvent, donc. Donc, l'interculturalisme a été
pensé dans les années 80, à l'époque où le défi du Québec, c'était
première génération. Aujourd'hui, moi, dans mes classes au bac, notamment,
c'est des étudiants issus de l'immigration de deuxième ou troisième génération.
Donc, on est ailleurs.
Et la convergence culturelle est plus
appropriée, à mon sens, pour les deuxième ou troisième génération. Parce que
des immigrants de première génération, évidemment, leur demander d'adhérer à la
culture québécoise, de l'enrichir, ce n'est peut-être pas réaliste, alors que
de leur demander de découvrir la culture québécoise, nous, de la société
d'accueil, de découvrir…
M. Rousseau (Guillaume) :
...sur leur culture. Pour les premières générations, ça me semble réaliste.
Pour les deuxième, troisième générations, issus souvent de mariages mixtes, de
dire : On vous invite à participer à la culture québécoise, de la faire
évoluer, de l'enrichir, peut-être en puisant dans le bagage de vos... de vos
parents, du pays d'origine de vos parents, ça nous apparaît une bonne façon de
voir les choses. Mais à la limite, peut-être même que le projet de loi
pourrait, dans un considérant ou autre, faire écho à ça, au fait que
l'interculturalisme pourrait être particulièrement approprié pour les premières
générations puis la convergence culturelle pour les deuxième et troisième.
Sinon, l'autre raison pour quoi on pense
qu'il ne faut pas s'inspirer strictement de l'interculturalisme, c'est que
l'approche différente, la convergence culturelle, a beaucoup d'appuis
populaires. Quand on regarde les sondages, poser des questions : Est-ce
que les immigrants doivent adhérer à la culture québécoise, des choses comme
ça? Systématiquement, il y a des appuis aux positions proches de la convergence
culturelle. Puis moi, ce que je dis toujours en matière de politique publique,
c'est qu'il faut éviter l'approche élitiste qui consiste à dire : On va
faire une loi en se basant sur les avis d'experts, en faisant fi de l'opinion
publique, des aspirations de la population. Il faut éviter l'autre extrême, qui
est l'approche populiste, de dire : On va faire une loi qui va dans le
sens de l'opinion publique, en faisant fi des opinions des experts, des
valeurs, des données probantes. Non. Une bonne politique publique, ça tient
compte et des opinions des experts et de l'opinion publique. Et c'est ce que,
je pense, fait le projet de loi n° 84.
Et enfin, la raison pour quoi il ne faut
pas s'inspirer exclusivement de l'interculturalisme, c'est que c'est quand même
proche du multiculturalisme. On vous a joint notre mémoire en page 12, un
peu une espèce de spectre des modèles d'intégration. Puis on voit que
l'interculturalisme, c'est proche du multiculturalisme. On n'a peut-être pas
besoin de développer là-dessus. Ce qu'on... Ce sur quoi on veut développer,
c'est qu'il faut un modèle différent au Québec parce que le Québec est
différent. Puis, là-dessus, je passe la parole à M. Vallée.
M. Vallée (Vincent) :
Donc, bonjour. Il y a un mémoire qui a été déposé récemment au Comité sur les
enjeux constitutionnels, où je définissais l'intérêt national comme le fait de
garantir la pérennité et la vitalité de notre nation et la capacité de réaliser
ses aspirations. Le rapport Rousseau-Proulx qui a été déposé dans cet esprit
proposait un projet de loi-cadre sur l'intégration nationale. Le projet de loi
n° 84, dans ses principes, respecte également en grande partie cet esprit.
L'Institut de recherche sur le Québec vient de mener une recherche sur la
différence québécoise, où il fait ressortir beaucoup de données sur les
différences entre le Québec puis le Canada dans tous les domaines. On va parler
de certaines de ces données-là, en particulier entre Montréal, Toronto et
Vancouver. En fait, il y a des graphiques qui se trouvent dans le mémoire. Il y
a un chercheur qui a fait ressortir le fait qu'à Montréal il y avait 1,7 %
des quartiers qu'il considérait, dans ses mots, comme des enclaves ethniques. À
Toronto, c'est 23 % des quartiers et à Vancouver, c'est 21 %. Nous,
ça, c'est le genre de chose qui nous indique que la mixité sociale, ça fait
partie de la spécificité québécoise. Et le fait de venir le codifier dans le
projet de loi-cadre, ça pourrait venir encadrer ça. Les Québécois sont aussi
plus exigeants que les autres Canadiens envers les immigrants. Il y a des
raisons pour ça. L'assimilation, le mot assimilation au Québec, c'est lourd de
sens parce que c'est indissociable du rapport Durham déposé en 1839. L'histoire
du Québec s'est de par la suite largement fondée en réaction à l'assimilation
et à ce rapport-là. Et les Québécois, cette sensibilité-là à l'immigration peut
expliquer en partie la raison pour laquelle les langues autochtones sont de
loin les mieux préservées au Québec, dans le Canada. Ça, ça ne veut pas dire
qu'il n'y a pas beaucoup de travail à faire au Québec. À travers son histoire,
l'État du Québec a développé une responsabilité de lutter contre
l'assimilation. La dynamique de la langue française ne peut pas être comprise
uniquement au Québec si on ne la prend pas dans son ensemble, dans l'ensemble
nord-américain, où on forme uniquement 2 % de francophones, un chiffre qui
est en déclin. C'est en défendant la diversité des cultures dans le monde qu'on
développera des solidarités et qu'on luttera contre l'assimilation.
M. Rousseau (Guillaume) :
En conclusion, dans les années 80, l'interculturalisme québécois a pu
apparaître comme une voie consensuelle entre le républicanisme français et le
multiculturalisme canadien, mais à partir de 2008, le consensus autour de
l'interculturalisme a éclaté. De plus en plus de critiques contre l'interculturalisme
réputé trop proche du multiculturalisme. En même temps, l'émergence d'une autre
possibilité, d'un autre modèle, la convergence culturelle. Ce qui ne veut pas
dire que la convergence culturelle n'est pas une troisième voie. Au contraire,
je pense qu'elle est aussi une troisième voie entre le multiculturalisme et le
républicanisme français. Il faut aussi situer les modèles dans le contexte
québécois. Le contexte québécois, c'est celui d'une culture nationale quand
même minoritaire à l'échelle du Canada, à l'échelle du continent. Et c'est un
contexte où il y a une culture anglo-américaine très forte. Ça fait que dans ce
contexte-là, de dire l'État québécois va mettre tout son poids pour la culture
québécoise, ça me semble parfaitement légitime.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
M. Rousseau (Guillaume) :
Et je dirais même plus, et je finis là-dessus en quelques secondes. Donc, ce
que propose la convergence culturelle et c'est repris par le projet de loi,
c'est vraiment de combiner les forces de la culture québécoise, des cultures
minoritaires issues de l'immigration. On combine ces forces...
M. Rousseau (Guillaume) : ...pour
résister à l'hégémonie de la culture anglo-américaine. Et c'est vraiment un
point fort du poète danois.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, messieurs. Alors, je me tourne du côté de
la banquette ministérielle. Vous avez au total 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je ne voudrais être nulle part ailleurs sur terre ce matin
qu'ici en commission. C'est extraordinaire, la contribution qu'on a eue de
M. Bouchard et puis du duo d'experts qu'on a en ce moment. Merci beaucoup
de nous permettre d'élever le débat, d'être à la fois très concret, avec des
propositions d'amendements, toujours apprécié, je pense, pour les membres de la
commission, d'avoir un équilibre entre des débats de concepts de principe puis,
en même temps, des modifications très concrètes. Parce que des fois on entend
des choses, on dit : Oui, c'est correct, mais ça irait où dans le projet
de loi? Comment on pourrait l'insérer? Comment on pourrait l'intégrer? C'est
très, très constructif comme démarche.
Le premier intervenant, M. Bouchard,
a vu dans la Loi sur l'intégration nationale des éléments qui relèvent de, je
vais dire, sa définition du modèle interculturel. Parce que j'ai lu toutes
sortes de choses, puis l'interculturalisme selon qui le défend peut-être, je
pense, tout à fait acceptable ou peut être même exécrable dépendamment des
personnes, mais donc qui a vu, selon sa définition que je trouve très
intéressante, par ailleurs, pas mal d'éléments de l'interculturalisme dans
notre modèle, nouveau modèle.
Vous voyez aussi, de votre point de vue,
des éléments de convergence culturelle — il y a carrément des fois
des mots qui sont empruntés à vos travaux — dans la loi actuelle, et
je pense que vous avez tous les deux raison, à la fois M. Bouchard et
vous. Et, comme ancien enseignant, comme enseignant, j'ai bien aimé la valeur
pédagogique du graphique. Vous avez fait un graphique qui est très intéressant,
je ne sais pas si on le voit à l'écran, mais on voit le multiculturalisme à un
un extrême, vraiment à une extrémité du... c'est tiré de votre mémoire.
Complètement à l'autre bout, il y a l'assimilation, et puis là, bon, il y a...
on parle du multiculturalisme, il y a l'interculturalisme, il y a l'intégration
nationale, un petit peu de l'autre côté,la convergence culturelle et on se
trouve un petit peu entre les deux. Puis ce n'est pas comme étant assis entre
deux chaises, dans ce cas-là, je pense que c'est très confortable d'avoir un
modèle qui peut être un peu hybride. Ceci dit, c'est un modèle qui est
perfectible, c'est certain. On peut emprunter davantage la convergence culturelle,
davantage l'interculturalisme. On peut préciser aussi puis s'assurer qu'on
comprend bien les concepts de la bonne manière parce qu'on le voit, on l'a vu
tout à l'heure, puis on va le voir encore, des fois, un même mot peut être
interprété de diverses manières.
• (11 heures) •
Une chose qu'on assume, c'est que ça
existe, la majorité québécoise. Clairement, on assume ça, que ça existe, la
majorité québécoise et qu'il y a des groupes qui appartiennent davantage aux
minorités. Ce n'est pas des groupes ostracisés, au contraire, ce n'est pas des
groupes qu'on ne veut pas, c'est des groupes qu'on veut intégrer, qu'on veut
rencontrer. Puis l'article 4 — je vais vous lire
l'article 4 à vous et à tous ceux qui nous écoutent aussi — je
pense qu'il va vraiment dans cette direction-là. On est dans Modèles et
fondements, donc on est vraiment à la base du principe de l'intégration
nationale. Article 4 : «Afin de favoriser l'adhésion et la
contribution de tous — tous, c'est large, hein, c'est tous — à
la culture commune, le modèle d'intégration nationale commande l'accueil et la
pleine participation en français des personnes immigrantes et des personnes
s'identifiant à des minorités culturelles et la mise... et mise sur
l'interaction et les rapprochements entre ces personnes et celles s'identifiant
à la majorité francophone.»
Donc, on a ici le concept... Vous avez
parlé tout à l'heure de mixité, mais contrairement à certaines définitions qui
relèvent de l'interculturalisme, mou dans ce cas-ci, puis je sais que ce n'est
pas le modèle de M. Bouchard, là où on dit : On va mettre des gens en
interrelation, mais sans poser le fait qu'il existe une culture commune, nous,
on met des gens en interrelation, il y a de l'interculturalisme. On dit :
Attention, il existe une culture commune, il existe une majorité qui accueille
et qui a des devoirs. Est-ce que vous pensez que ce qui est sur la table en ce
moment en fait assez pour arriver au fil des générations à une intégration qui
serait réussie? Parce que je vois que vous parlez... vous faites des nuances
qui ne sont pas dans un projet de loi, là, puis qui pourraient être dans une
politique entre des gens qui viennent d'arriver, des gens, même, de première
génération...
11 h (version non révisée)
M. Roberge : ...mais qui sont
ici depuis 20 ans, ce n'est quand même pas pareil que depuis 20 jours, puis des
gens qui sont de deuxième génération. Bien, est-ce qu'on en fait assez pour qu'après
10 ans, après 20 ans, puis avec la deuxième génération, on ait une intégration
réussie pour faire nation avec tout le monde ensemble?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Donc, merci pour la question. Effectivement, l'article 4 est important, puis on
voit dans l'article 4, l'espèce de dialectique entre des éléments de
convergence culturelle, des éléments d'interculturalisme. Donc, c'est bien... c'est
bien ramassé, comme on dit, à l'article 4. C'est effectivement un article
important, mais moi, j'ai presque envie de dire que l'article le plus
important, pour des raisons un peu de légistique, c'est l'article 9, parce que
ce qui va être important, c'est la politique qui va suivre la loi, je pense que
M. Bouchard le disait bien tantôt, et vraiment l'article 9... Et là, là, il y a
le pouvoir discrétionnaire de la politique «peut». Donc, moi, je préférerais
que ce soit la politique «doit» plutôt que «peut», je ne suis pas sûr qu'on
veut donner un pouvoir discrétionnaire aussi large. Je pense que, comme c'est
le cœur du projet de loi, j'aurais tendance à ne pas consacrer un pouvoir
discrétionnaire et y aller plutôt pour un «doit», parce que, là, le danger, c'est
qu'au fil des gouvernements puis des changements de gouvernement, les
alternances politiques, c'est normal, en démocratie, bien, un gouvernement
puisse adopter une politique en mettant de côté, mettons, trois des six
principes, trois des six paragraphes.
Puis là, donc, le modèle pourrait beaucoup
varier selon les alternances politiques, alors... puis c'est normal, un peu, en
démocratie, évidemment, mais ce qu'on souhaite, c'est qu'autant que possible,
qu'il y ait un consensus puis que oui, qu'il puisse y avoir des variations en
fonction des différents gouvernements, des changements de gouvernement, mais
que ça fasse un minimum consensus. Un peu comme le multiculturalisme canadien :
la politique, elle ne change pas beaucoup, que ce soit conservateurs ou
libéraux. Donc, si, au Québec, on pouvait avoir un consensus assez large... Et
là, si on mettait un «doit» à l'article 9, bien, peu importe la couleur du
gouvernement, ces six ou sept principes-là, nous, on propose d'ajouter mixité,
bien, à ce moment-là, ce serait forcément là.
Ça fait que ça, j'attire votre attention,
quand vous parlez, là... est-ce qu'on en fait assez? Peut-être que l'article
9ouvre la porte à la possibilité qu'un gouvernement n'en fasse pas assez dans
sa politique, en ayant le pouvoir discrétionnaire de ne pas traiter de tous ces
sujets-là, qui me semblent tous importants. Puis nous, on en ajouterait un
septième, qui est la mixité, ça nous semble très important, la mixité, c'est
vraiment la base, parce que l'intégration, ça se définit comme la participation
à des institutions communes fondées sur une langue commune. Donc, il faut que
les nouveaux arrivants participent à des institutions où il y a d'autres
nouveaux arrivants, de d'autres origines, mais aussi qu'il y a des gens qui
sont là, de la société d'accueil, depuis plus longtemps, et ça, c'est beaucoup
le concept de mixité, puis ça nous apparaît vraiment au cœur du cœur des défis
du Québec puis de... Puis tout le reste va avec ça, j'ai envie de dire, là.
Bien, s'il y a de la mixité, il y aura donc des interactions. S'il y a de la
mixité, bien, les valeurs québécoises, les valeurs démocratiques risquent plus
d'être partagées que si on a de l'isolement. Donc, vraiment, la mixité, ça m'apparaît
être quelque chose de vraiment important qui mériterait d'être à l'article 9.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Puis, justement, tout de suite, on est dans la politique, article 9, article 10,
«le gouvernement peut déterminer que la politique s'applique», puis, dans le
deuxième alinéa, «des personnes morales, des entreprises dont une partie du
financement provient de plusieurs organismes»... Ici, dans le dans le 10, la
politique pourrait s'appliquer aux cégeps ou aux universités, comme vous le
souhaitez, mais vous, vous proposez plutôt... je vois dans vos propositions, à
la fin, d'ajouter carrément un article qui précise que tout établissement
offrant le collégial, l'universitaire, bon, à l'exception des non agréés,
doivent se doter d'une politique qui respecte l'intégration nationale. Donc,
pour vous, c'est important que l'enseignement supérieur soit visé par la
politique? Pouvz vous nous expliquez pourquoi, vous qui relevez de l'enseignement
supérieur?
M. Rousseau (Guillaume) : Bien
oui. Donc, effectivement, nous, tous les jours, on a des étudiants
internationaux. Certains sont là de manière temporaire, mais d'autres vont
vouloir rester au Québec après leurs études. Donc, ça, c'est beaucoup pour les
deuxième, troisième cycles. Premier cycle, on a beaucoup, comme je vous dis, d'étudiants
issus de l'immigration, mais de deuxième ou troisième génération. Donc, nous,
on est à Sherbrooke, mais beaucoup de nos étudiants viennent de votre région,
de Montérégie, puis, bien, il y a beaucoup de Québécois issus de l'immigration
en Montérégie, puis il y en a même de Montréal qui viennent étudier à
Sherbrooke. Donc, c'est une... c'est une réalité que, dans les cégeps et
universités, il y a des immigrants qui arrivent pour une première fois, surtout
aux cycles supérieurs, puis il y en a de deuxième ou de troisième génération
qui sont plus nombreux que jamais au premier cycle.
Donc, c'est un lieu d'accueil, c'est un
lieu d'intégration. C'est une de ces institutions communes où il y a cette
participation, où on accueille les nouveaux arrivants. Donc, c'est
probablement, là... toutes proportions gardées, c'est sans doute parmi les
institutions au Québec qui ont le plus fort pourcentage de nouveaux arrivants.
Les municipalités en ont, toutes les institutions québécoises en ont, mais,
vraiment, cégeps, universités, vous... Il y a eu un projet de loi, il n'y a pas
si longtemps, là-dessus, vous le savez bien. Donc, il y en a vraiment. C'est
vraiment... Stratégiquement, là, après l'école, évidemment, l'école primaire,
secondaire, ça, c'est le summum de l'institution commune qui favorise l'intégration,
mais... immédiatement après école, ce serait vraiment cégeps et universités qui
sont les institutions les plus stratégiques pour l'intégration nationale. Donc,
de les voir pas inclus d'emblée, simplement une possibilité qu'ils le...
M. Rousseau (Guillaume) : ...ça
ne me semble pas, vraiment pas l'idéal. Puis là, ensuite, comme je vous dis,
là, probablement que mon recteur et d'autres recteurs vous répondraient que
liberté académique, ils ne veulent pas que la politique s'applique à eux, d'où
l'autre possibilité qui est de dire : Prenons le modèle de la loi 101
qui fait en sorte que les cégeps et les universités ne sont pas soumis à la
politique linguistique de l'État, mais doivent se doter de leurs politiques en
matière de langue française. Et je pense qu'en matière d'intégration
nationale... puis là, ensuite, ils auraient des comités, puis, comme profs,
bien, on pourrait participer à des comités, puis les étudiants seraient
invités, puis on se dote de politiques adaptées à chacune des institutions, ça
fait qu'il y aurait des avantages à ce que ce soit une politique par
institution d'enseignement plutôt qu'une politique nationale qui s'applique. Et
probablement que nos amis recteurs et directeurs généraux de cégeps
préféreraient cette formule.
M. Roberge : Merci énormément.
Je pense que j'ai des collègues, là, qui aimeraient beaucoup échanger avec
vous.Donc, merci pour votre éclairage.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, il reste encore
5 min 50 s, et je reconnais la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Merci aussi aux étudiants d'être présents ce
matin, c'est toujours apprécié. Vous savez, moi, à mes yeux, j'ai l'impression
que l'interculturalisme, le multiculturalisme, ce sont deux visions très
différentes, deux définitions très différentes. C'est sûr que lorsque j'entends
que le multiculturalisme ressemble d'une certaine part à l'interculturalisme,
ça m'a un petit peu surpris, là, je ne vous le cacherai pas ce matin, d'autant
plus qu'il y a des limites aussi au multiculturalisme, hein, selon les valeurs
prônées, etc., je pense qu'il y a... les limites, elles sont là.
J'aimerais peut-être vous entendre sur...
au niveau du multiculturalisme canadien, au cours des 50 dernières années,
quel a été l'impact sur le Québec?
M. Rousseau (Guillaume) : Donc,
c'est une très bonne question. L'impact du multiculturalisme. C'est sûr qu'à la
base la loi sur le multiculturalisme, c'est un peu comme... c'est une
loi-cadre, donc ce que ça fait, c'est que toutes les institutions fédérales, un
organisme de sécurité dans le nucléaire, ou dans l'armée ou quoi, doit adopter
une politique de multiculturalisme. Donc, c'est vraiment... ça touche les
institutions fédérales qui ne sont pas les plus nombreuses. Donc, ça a, en
termes de concret au jour le jour sur le terrain, ça n'a pas un si grand
impact, mais il y a un impact symbolique. D'avoir consacré le
multiculturalisme, l'État fédéral nous dit : Bien, ce n'est plus le
biculturalisme, donc ce n'est plus une culture de langue française, une culture
de langue anglaise, c'est vraiment un multiculturalisme. Donc, ça, ça a un
impact sur la reconnaissance, la non-reconnaissance de la culture de langue
française comme étant une culture fondatrice. Ensuite, il y a quand même
beaucoup de budgets. Je vous disais que sur le terrain, ça n'a peut-être pas
tant d'effet, mais il y a quand même beaucoup de budgets, donc on encourage
beaucoup des événements de communautés culturelles, sans nécessairement insister
sur le fait qu'idéalement ça devrait être multiethnique, ça devrait être ouvert
à tous, il devrait y avoir une place pour la langue commune au Québec. Donc, on
n'a pas ça. Donc, essentiellement, ça a cet effet-là. Mais, ensuite, plus
largement, au niveau symbolique, au niveau des messages qui sont envoyés, parce
qu'une loi ce n'est pas juste un outil pour gérer des droits, c'est une
expression de la volonté générale. Donc, le message que ça envoie, c'est un
message de concurrence des modèles d'intégration. Donc, on envoie le message
qu'au Canada, mais là pour les nouveaux arrivants, évidemment, le Canada,
c'est... soit ils pensent au Canada en arrivant au Québec, donc le
multiculturalisme, donc préservez votre culture d'origine. Alors là, on arrive
au Québec, puis il faut, je pense, et c'est pour ça que le projet de loi est
important, il faut vraiment renforcer notre modèle d'intégration, l'affirmer
plus fortement parce qu'il y a une concurrence des modèles d'intégration. Si ce
n'était pas le cas, qu'il n'y avait pas de modèle canadien applicable au
Québec, ce serait bien différent. Et là on aurait... le projet de loi serait
pertinent quand même, mais peut-être moins. Et là il l'est, il le devient
encore plus. Je ne sais pas si vous vouliez...
• (11 h 10) •
M. Vallée (Vincent) : Bien,
l'exemple des données que j'ai mentionné, c'est allé vite, je n'ai pas eu le
temps de les montrer, mais j'ai des graphiques qui se trouvent dans le mémoire
sur les fameux indicateurs, là, des enclaves ethniques comme ils l'appellent,
où Montréal se distingue vraiment beaucoup, là. Ici, c'est Toronto avec les
carrés rouge et orange. Ici, on a Vancouver. Donc, ça démontre une tendance qui
avait déjà au Québec de s'opposer à cette politique-là qui semble s'installer
en tout cas à Vancouver puis à Toronto. Puis ça va exactement dans le sens de
ce que M. Rousseau, il dit, c'est que ce que ça fait, c'est que la
politique du multiculturalisme, la loi sur le multiculturalisme s'applique au
Québec, alors que, manifestement, ce n'est pas nécessairement ce que les
Québécois souhaitent avoir. Puis ce n'est pas, je pense, que le consensus au
Québec. Donc, le projet de loi-cadre ici vient clarifier cette différence-là,
selon nous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. On va terminer cette ronde avec le député de
Saint-Jean pour 2 min 6 s
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Mme la Présidente. M. Vallée, merci pour votre référence à Lord Durham et
à l'assimilation, qui a besoin d'être mise en perspective par rapport à tous les
concepts et la sémantique qu'on utilise pour ce débat-là.
Me Rousseau, je ne vous amènerai pas dans les
modèles parce que j'ai essayé de faire un bout avec M. Bouchard, mais je
ne me suis pas rendu avec M. Bouchard...
M. Lemieux : ...que je vais
vous soumettre à vous. Moi, je pense que le modèle sur mesure, c'est le
meilleur modèle. C'est ce que j'ai dit tantôt. La question, c'est que M.
Bouchard nous a dit : La culture du Québec va changer, mais elle n'est pas
en danger, inquiétez-vous pas, ça va bien aller. Oui, mais la langue française,
elle, est en danger. Est-ce que... est-ce que le lien... parce que c'est le
véhicule, tout le monde le reconnaît, tout le monde l'écrit, tout le monde le
dit, tout le monde le bénit... est-ce qu'on n'a pas la responsabilité de
regarder cette intégration nationale là avec encore plus d'acuité par rapport à
la langue?
M. Rousseau (Guillaume) : ...absolument.
Puis quand M. Bouchard dit que la culture québécoise va changer, bien, en fait,
pour moi, c'est le sens de la convergence culturelle, parce qu'on invite les
nouveaux arrivants à se joindre puis en acceptant qu'ils arrivent avec leur
couleur, leur apport original. Donc, absolument, la culture québécoise va
changer. Qu'elle ne soit pas en danger... En tout cas, moi, elle m'apparaît
fragile. Quand on regarde les données récentes sur la consommation de produits
culturels chez les jeunes, bon, bien, c'est beaucoup en anglais, c'est beaucoup
la culture anglo-américaine, donc la consommation de contenu culturel québécois
par les jeunes générations, c'est un défi. Alors, moi, dans ce contexte-là, je
pense que la politique...
Puis une des forces du projet de loi
n° 84, puis ça vient plutôt de l'influence de la convergence culturelle
que de l'interculturalisme, c'est, justement, de mettre l'accent sur les arts,
les lettres. Souvent, on oublie ça quand on parle de modèle d'intégration. On
est, évidemment, dans les emplois, là, c'est superimportant, les institutions
économiques, les institutions juridiques, tout le monde aient les droits, et
tout, mais n'oublions pas que le multiculturalisme — c'est aussi sa
force, en quelque part — mise sur les arts, les lettres, le folklore,
et tout. Bien, il faut faire la même chose, nous, miser sur les arts, les
lettres, le patrimoine. L'histoire aussi. On trouve que... l'histoire est
mentionnée dans la définition de la culture, mais il faut mettre plus l'accent
sur l'histoire. On a des amendements là-dessus.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine la première ronde de
discussion. On se tourne du côté de l'opposition officielle. Vous bénéficiez de
9 min 54 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, MM. Rousseau et Vallée, merci d'être là.
Permettez-moi également de saluer vos étudiants. J'imagine que c'est la cohorte
qui est à l'arrière. Ils ont... ils ont le privilège, évidemment, d'assister
à... au fonctionnement du Parlement, hein, une institution démocratique
hyperimportante, en pleine action. Alors, je vous salue, bonjour.
J'ai... j'avoue... Pr Rousseau, vous
m'avez un peu... un peu surpris. J'écoutais, en fait, la question de la
collègue du gouvernement, la députée de Vimont, et, si je vous ai bien compris,
pour vous, l'interculturalisme, dont parlait M. Bouchard, entre autres, mais
pas uniquement M. Bouchard, n'irait pas assez loin. Et donc vous nous parlez ce
matin de convergence culturelle, dont le projet de loi ne fait pas référence
particulièrement, d'une façon spécifique. Cependant, le projet de loi parle, à
son article 5, du creuset, dont nous a mis en garde M. Bouchard, mais, plus
particulièrement, le ministre que nous. Est-ce que votre convergence
culturelle, ça s'apparente au creuset, ou est-ce qu'il y a des distinctions et
quelles sont-elles? J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
très, très bonne question. Puis, comme il en avait été question avec M.
Bouchard, je me doutais qu'on... qu'on irait sur la question du creuset, donc
c'est une bonne question. Pour répondre précisément à votre question, je vous
réfère à notre graphique, à la page 12, auquel nous référait le ministre plus
tôt. C'est-à-dire que, pour nous, donc, la notion de creuset, c'est beaucoup
associé au melting-pot américain. En même temps, la notion de creuset est
également utilisée en France, dans l'approche républicaine, qui est quand même
un peu différente de l'approche américaine, donc on pourrait... on pourrait
faire cette nuance-là. Mais, n'empêche, le creuset, c'est beaucoup associé au
melting-pot.
Ça fait que nous, ce qu'on... comme vous
voyez dans notre graphique, on place le melting-pot comme étant plus proche
d'un bout du spectre, qui est celui de l'assimilation, alors que la convergence
est plus au milieu. Donc, un peu la nuance qu'on pourrait dire, c'est que, dans
le creuset, donc, les immigrants se fondent dans la culture majoritaire, et
tout. Dans la... dans la convergence culturelle, on va beaucoup insister...
oui, on souhaite une adhésion puis une participation, par les nouveaux
arrivants, à la culture québécoise, mais on met beaucoup l'accent sur le fait
que cette culture-là, elle évolue, elle change, elle s'enrichit.
Donc, on invite les Québécois venus de
l'étranger à adhérer à la culture québécoise, mais aussi, à l'enrichir, à la
transformer, puis l'accent est beaucoup mis là-dessus. Alors que, dans le
melting-pot, on est peut-être plus dans : Fondez-vous. Un melting-pot,
c'est... on veut qu'ils se fondent. Puis là, accessoirement, oui, la culture
américaine, les influences de partout, mais... Autrement dit, c'est comme si la
priorité n'est pas la même, c'est d'abord, fondez-vous, puis, accessoirement,
si vous avez des petits apports originaux, tant mieux. Tandis que la
convergence culturelle, les apports, les enrichissements originaux des
Québécois venus d'ailleurs sont au cœur de la réflexion. Ça fait que je vous
dirais que c'est ça, la différence.
Puis, comme vous voyez dans notre
graphique, bien, la convergence culturelle est moins proche de
l'assimilation...
M. Rousseau (Guillaume) : ...et
plus vraiment au centre, entre les deux extrêmes, multiculturalisme,
assimilation.
M. Morin : Oui, sauf que
j'avais l'impression qu'en lisant sur l'interculturalisme, en lisant M.
Bouchard, en lisant des documents qui ont été publiés par le Parti libéral,
dont vous faites référence dans votre mémoire, notamment la politique du
premier ministre Couillard, je n'ai pas vu des références à la politique de M.
Bourassa des années 90, cependant, mais elle existe. Puis j'avais l'impression
que l'interculturalisme, ça faisait exactement ce que vous venez de dire, donc,
permettez-moi l'expression, qu'il y a une espèce de tronc commun. Évidemment,
on va valoriser la diversité. On ne veut pas que les gens oublient ce qu'ils
sont, mais, par ailleurs, on veut qu'ils adhèrent à un tronc commun de valeurs
qui sont propres à la nation québécoise. Donc, j'ai... En tout cas, bref, vous,
vous y voyez une différence, pour moi, c'est un petit peu moins clair.
Puis je vois sur votre graphique - je vous
en remercie - la convergence culturelle se rapproche plus cependant de
l'assimilation que d'une intégration nationale, et je vous remercie pour votre
explication. Autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre, j'en ai parlé
dans mes remarques d'ouverture, le projet de loi, à mon avis, n'y fait pas du
tout référence, c'est toute la question économique. Parce que, oui, c'est
fondamental qu'un nouvel arrivant qui arrive ici parle français. D'ailleurs, il
y en a, puis ça se fait, c'est fondamental, on est d'accord là-dessus. Mais il
n'y a aucune référence, par exemple, dans le projet de loi, des chances égales
d'emploi, des chances égales d'avancement. M. Bouchard parlait de racisme,
c'est toujours un terrain glissant. Mais, si on ne veut pas que les gens se
sentent exclus quand ils arrivent ici... Puis souvent dans l'emploi, puis on
sait qu'au Québec, notre économie repose beaucoup sur les PME puis beaucoup sur
des PME dans des régions.
Donc, pour moi, ça peut être un facteur
d'intégration important parce que quelqu'un qui s'en va, par exemple, dans un
village, dans une plus petite ville en région, où il y a une majorité de
francophones, va devoir parler français puis, au travail, il va aussi parler
français. Est-ce qu'on ne devrait pas, dans le cadre du projet de loi, inclure
cette notion-là pour faire en sorte que l'État va venir aider tout le monde
dans leur quotidien à vivre les valeurs puis à parler français? J'en ai parlé,
moi, dans mon allocution d'ouverture, la francisation, là, présentement, il y a
plein de ratés. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, sur toute cette
composante-là économique qui n'est pas dans le projet de loi.
• (11 h 20) •
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
c'est une excellente question, puis la réponse pourra être complétée par mon
collègue. Deux, trois éléments de réponse, vous avez raison, évidemment, sur
l'importance, quand on parle d'intégration comme participation des institutions
communes, des institutions économiques, l'emploi c'est vraiment à la base à
l'intégration, vous avez raison. Maintenant, est-ce que c'est la place dans
cette loi-là, considérant qu'il y a d'autres lois qui portent là-dessus, la
Charte québécoise des droits contre la discrimination pour les chances égales.
Il y a des lois sur l'accès à l'emploi équitable, et tout. Donc, est-ce que
c'est, dans cette loi-là? On peut se poser la question, mais, si on voulait
aller dans ce sens-là, à ce moment-là, il faudrait peut-être songer à appliquer
la loi dans l'entreprise privée, et c'est ça la question que ça pose.
Évidemment, c'est une loi-cadre, donc, en théorie, ce n'est pas fait pour ça.
Mais, en même temps, on a le précédent de la loi 101, la loi 101, ça a été une
des premières lois au monde, à dire : On va gérer la langue dans les
entreprises privées. La Belgique ne faisait pas ça, la Suisse, personne ne
faisait ça avant que le Québec décide de faire ça.
Donc, d'inclure une application, puis là
ça peut être modulé, ce n'est pas obligé d'être les mêmes obligations pour une
entreprise privée que pour un grand ministère. Puis là il y aurait vraiment des
détails à travailler. Mais, sur le principe d'appliquer la loi à, d'une
quelconque façon appropriée, à des entreprises privées ou, du moins, aux plus
grandes d'entre elles, pas aux très petites, mais aux PME puis aux plus
grandes, oui, c'est une vraie question. Puis si vous pouvez débattre de ça... a
priori, je suis d'accord, mais je suis conscient que ça peut être complexe,
mais je vous invite vraiment à réfléchir à ça, c'est une très bonne piste.
M. Vallée (Vincent) : Concernant
le milieu économique, en fait, il y a des des données, comparent le Québec et
l'Ontario par rapport au taux d'emploi. Le Québec a un taux d'emploi plus élevé
pour les minorités visibles que l'Ontario. Puis c'est encore plus vrai pour les
femmes qui se distinguent là-dessus. On voit aussi que les immigrants ont une
tendance à rester plus longtemps, à avoir une meilleure adhésion à la société
québécoise. Ça fait que, ça aussi, c'est un élément qui est important. Puis
même qu'Ottawa l'a utilisé comme justification pour refuser des demandes du
Québec parce qu'il y avait des gens qui restaient justement davantage. C'est
dans le mémoire, justement, si vous voulez le voir.
M. Morin : Oui, merci
beaucoup. Dernier élément, parce que, ça aussi, j'en ai parlé dans mon
allocution d'ouverture. Je n'ai pas vu dans le projet de loi, j'ai peut-être
mal vu, il n'y a aucune référence particulière à l'histoire du Québec. Et, pour
moi, il me semble que ça peut être aussi un vecteur d'intégration...
M. Morin : ...si les gens
veulent s'intégrer dans la société québécoise, il faut qu'ils connaissent
l'histoire de la nation avec lesquelles, bien évidemment, ils vont vivre.
J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Rousseau (Guillaume) :
Oui, absolument. La seule référence est à l'article 3 quand on définit la
culture commune comme étant caractérisée par un parcours historique. Donc
c'est... Ça fait partie de la culture commune. Puis ensuite la culture commune
est partout. Donc, indirectement, l'histoire est partout. Mais je pense que
vous avez raison, ça mériterait vraiment d'être accentué. Nous, ce qu'on
propose dans nos amendements, en annexe de notre mémoire, c'est vraiment d'y
aller, là, aux articles 6, 7, donc vraiment les articles du projet de loi
qui sont consacrés, évidemment, aux devoirs de l'État, aux devoirs de tous les
Québécois et aux devoirs des nouveaux arrivants. Donc là on propose de les
moduler. L'État doit en faire plus pour enseigner l'histoire. Les membres de la
société d'accueil doivent aussi diffuser les connaissances sur l'histoire. Les
nouveaux arrivants doivent, autant que possible, être encouragés à l'apprendre,
même à y adhérer, à s'inscrire dans la continuité. Donc, vous avez raison,
c'est d'autres amendements, mais je n'avais pas eu l'occasion d'en parler. Ça
fait que merci pour votre question.
M. Morin : ...ma
dernière question, mais je pense que c'est déjà dans vos amendements suggérés.
Quand on regarde la loi fédérale sur le multiculturalisme, il y a une
obligation pour les institutions fédérales. Ce n'est pas un «peut», c'est un
«doit». Ici, le législateur utilise à 9, l'article 9, «peut». Il me
semble, en tout cas personnellement, que ce n'est pas très contraignant. Vous
en parlez. Je pense qu'un «doit» serait préférable.
M. Rousseau (Guillaume) :
Absolument. Puis de manière générale, il pourrait y avoir plus d'obligation de
parler de la mise en œuvre de la politique dans les rapports annuels des
organismes qui sont visés. On pourrait. On pourrait renforcer tout le volet
reddition de comptes, puis mettre plus de dents à la loi eu égard à ses
mécanismes d'application. Puis, effectivement, à l'article 9, ce serait un
«doit» qui serait préférable.
M. Morin : Merci beaucoup,
messieurs.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. C'est ce qui met fin à cette deuxième période
d'échange. On poursuit avec la deuxième opposition pour
3 min 18 s. Le micro est à vous.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. J'aimerais ça vous ramener au projet
de loi puis aux articles modifiant la Charte des droits et libertés de la
personne. Je ne vous ai pas lu, là, à moins que je me trompe, dans le mémoire
là dessus, notamment la modification à l'article 50. Et j'aurais aimé ça
connaître votre perspective ou votre vision sur les impacts de cette
modification-là, notamment à 21, là, qui viendrait ajouter un volet
interprétatif de manière compatible avec le modèle québécois d'intégration nationale
prévu par la loi. Quel effet, ça, ça pourrait avoir dans une potentielle future
contestation judiciaire?
M. Rousseau (Guillaume) :
À date, pardon, le libellé de l'article 9.1 de manière... puis des clauses
interprétatives de la charte québécoise, de manière générale, n'a pas eu
beaucoup d'impact sur la jurisprudence. Parce que ce que font les plaideurs,
les juges, c'est que souvent ils vont reprendre la jurisprudence sous la charte
canadienne, puis la plaider quand vient le temps de l'appliquer à un cas, puis
souvent les deux chartes s'appliquent, là, puis c'est ce qui fait qu'on plaide
la jurisprudence sur les deux, mais dans certains cas de litige de droit privé,
bon, bien là, ça fait que la charte canadienne ne s'applique pas, mais s'il y a
moins de jurisprudence dans la charte québécoise, on va quand même importer la
jurisprudence de la charte canadienne, donc de common law dans un litige de
droit privé québécois, ce qui est quand même problématique. Et il y a... Et
normalement on devrait, comme plaideurs, puis les juges également, on devrait
vraiment essayer de se référer au texte de la charte québécoise. Dans la
tradition civiliste, on se rapporte beaucoup au texte du législateur et à son
intention. Et à date, il n'y en a pas beaucoup dans la jurisprudence. Puis là
on ajoute... La loi n° 21 l'a fait, la loi n° 96 l'a fait. Ça fait
plusieurs fois qu'on modifie, mais la Cour suprême, encore dans l'affaire Ward,
disait : 9.1, article 1, la clause de justification des limites, c'est la
même interprétation. Donc, il faudrait... Je ne sais pas à quel point,
systématiquement, les plaideurs du procureur général font l'effort de plaider
la distinction dans la charte québécoise, mais... Donc, pour l'instant, ça ne
donne pas de résultat, mais on en ajoute une couche. Puis peut-être qu'à la
troisième, quatrième, cinquième couche de différence, avec 50, 9.1 et 43, on
arrivera... Puis après ça, il faut la plaider. Donc, j'aurais tendance à dire
que c'est bien. Ça risque de ne pas avoir d'effet, mais il faut continuer quand
même.
M. Cliche-Rivard : Et
j'en suis. Je pense effectivement qu'il faut qu'on donne vie et autonomie à
notre charte québécoise, tout à fait. Ceci dit, c'est un document qui est quasi
constitutionnel. On le reflète souvent, sauf qu'il n'y a pas de processus
d'amendement tel que défini. Et là on vient en majorité simple modifier un
document qui aurait probablement nécessité d'avoir une préséance législative
supérieure. Qu'est ce que vous pensez comme ça des modifications à 50 %
plus un du Parlement versus le processus d'amendement qu'on connaît dans la
charte canadienne?
M. Rousseau (Guillaume) :
Bien, donc, c'est un peu inévitable. C'est le principe de la souveraineté du
Parlement. Donc, le Parlement qui a adopté la charte québécoise en 1975, n'est
pas plus légitime que celui qui veut la modifier plus tard. Je comprends que ça
a été fait à l'unanimité à l'époque, mais ça... Il n'y a pas de règle de droit
qui empêche cette modification-là, mais ça pose la question d'une Constitution
québécoise qui, le cas échéant, inclurait la charte québécoise et, le cas
échéant, un processus...
M. Rousseau (Guillaume) : …de
modification, donc rigide, une procédure rigide. Puis mon point de vue très
personnel là-dessus, c'est que dans la… dans la constitution québécoise… bien,
ça, c'est dans le rapport du comité, il devrait y avoir la Charte québécoise
des droits, la loi 101, la loi 21, puis, à mon sens, et là c'est
personnel, ce n'est pas la position du comité, la procédure d'amendement
devrait être la suivante : Si vous voulez augmenter la protection du
français, de la laïcité ou des droits de la Charte québécoise, 50 % plus
un. Il y a les nouvelles technologies ou quoi, il faut… il faut se garder cette
possibilité-là. Vous voulez diminuer la protection du français, de la laïcité
ou des droits fondamentaux? Là, on devrait exiger une majorité qualifiée aux
deux tiers. Donc, c'est ça, ma position de constitutionnaliste.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à cette portion, Mais
nous allons terminer avec le député de Matane-Matapédia pour
3 min 18 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Félicitations pour les travaux
de votre institut, que… je suis un abonné, je suis vos travaux avec beaucoup
d'intérêt.
Vous avez parlé, d'entrée de jeu, de
l'enseignement supérieur. Vous avez des propositions très concrètes. Nous
aussi, il y a une convergence idéologique là-dessus, mais même pratique. Nous,
on est d'avis que la Charte de la langue française devrait inclure le
collégial, que c'est un facteur d'intégration, que ça contribue à poursuivre le
parcours qu'on a fait au primaire puis au secondaire. Il y a encore même des
mineurs au collégial, je ne parle pas de l'université, je leur laisse leur
liberté, mais à tout le moins pour le collégial. Je pense même que, dans les
réflexions du ministre, sur la laïcité, ça devrait s'appliquer aussi au
collégial. Il apprendra en primeur maintenant, je révèle que ce sera une de nos
positions. Alors, pouvez-vous utiliser le temps qu'on a pour nous préciser
comment ça pourrait s'articuler, votre proposition pour le... pour le
collégial, particulièrement?
• (11 h 30) •
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
donc essentiellement deux possibilités. Puis maintenant que vous me posez la
question, ça me fait penser que, dans les deux possibilités, il y en a une qui
est peut-être plus appropriée pour l'université, une plus appropriée pour le
cégep, c'est-à-dire soit la politique nationale d'intégration nationale, donc,
de l'État québécois s'applique aux cégeps et universités, ou soit on leur donne
l'obligation sur le modèle de la loi 101, on leur donne l'obligation
d'adopter leur propre politique, sous prétexte ou pour la bonne raison de la… de
l'autonomie des institutions d'enseignement supérieur. Mais je pense que ce
serait plus justifié de dire : On applique la politique de l'État aux
cégeps, parce qu'ils sont plus proches de l'État québécois, historiquement,
pour toutes sortes de raisons. Les universités, il y en a qui sont à charte
privée ou quoi. Une autre des solutions possibles, que je n'avais pas évoquée
dans le mémoire, mais vous m'amenez là, peut-être qu'on pourrait appliquer la
politique nationale de l'État aux cégeps, parce qu'ils sont particulièrement
importants, puis ils sont dans les régions, et tout, puis les universités, il y
a une tradition d'autonomie. Puis là on pourrait obliger les universités à
avoir chacune leurs propres politiques. Ça m'apparaîtrait peut-être un bon… une
bonne façon de procéder.
M. Bérubé : On s'entend
là-dessus, parce qu'on est convaincu, particulièrement, que les nouveaux
arrivants, qui parfois arrivent plus tard, hein, ils peuvent arriver à
18 ans, à 19 ans, ils vont s'intégrer beaucoup à travers leur institution
scolaire, donc collégial, universitaire. Ça, c'est important. Puis aussi pour
tous ces enfants qui ont fait le parcours primaire et secondaire, il me semble
que le collégial pourrait être une bonne continuité à l'âge où on devient
adulte, on commence à s'intégrer un réseau d'amis professionnels, un lieu où on
va exercer sa profession. On fait des choix d'adulte. Je vais appeler ça comme
ça. Il m'apparaît que c'est une mesure pleine de bon sens que j'invite, depuis
un bon moment, le gouvernement à adopter. Et je serais le premier à m'en
réjouir s'il était d'accord avec votre idée d'assujettir, notamment, la chaire
de la langue française… d'assujettir le collégial à la Charte de la langue
française. Voilà, c'est tout, Mme la Présidente.
M. Rousseau (Guillaume) : Si
le temps me permet…
M.
Bérubé
:
Prenez ce qui reste.
M. Rousseau (Guillaume) :
…peut-être ajouter à votre argument que c'est à l'âge de fréquentation du cégep
souvent qu'on fait les premiers choix culturels. Est-ce qu'on lit un journal de
langue française ou de langue anglaise le matin? Est-ce qu'on consomme plus de
musique, de cinéma dans telle ou telle langue? C'est à cet âge-là qu'on prend
ces habitudes qui se cristallisent pour la suite. Donc, c'est stratégique, le
cégep.
M. Bérubé : Beaucoup d'appui,
même Guy Rocher invite le gouvernement à aller dans ce sens-là. Alors, on est
en bonne compagnie.
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
Guy Rocher, qui avait été un des auteurs de la politique de développement
culturel de 1978, où il y avait le concept de convergence culturelle.
M. Bérubé : Vous m'enlevez
les mots de la bouche.
M. Rousseau (Guillaume) : Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, sur ces bons mots, c'est ce qui termine
les échanges. Merci beaucoup professeur, ainsi que M. Vallée. Merci beaucoup
aux élèves qui vous accompagnent. Ça démontre leur intégration aux travaux
parlementaires, évidemment, au projet de loi que nous étudions aujourd'hui.
Alors, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 32)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 37)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, pour terminer cet... ce premier
avant-midi, nous recevons la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse qui sont en visioconférence. Nous avons le président M. Philippe-André
Tessier, la vice-présidente Myrlande Pierre, la conseillère juridique Geneviève
St-Laurent, ainsi qu'un chercheur Jean-Sébastien Imbeault. Alors, mesdames,
messieurs, vous avez 10 minutes pour votre présentation, 10 minutes
au total. Et, par la suite...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : …ensuite, nous allons échanger avec les parlementaires.
Alors, le temps commence maintenant pour vous.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci,
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour votre
accueil. Juste rappeler, premièrement, que la commission a pour mission
d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des
droits et libertés de la personne. Je précise que, compte tenu du court délai
avec lequel la commission a été convoquée aux présentes consultations
particulières et contrairement à notre habitude, notre mémoire plus détaillée
vous sera envoyée ultérieurement. Entre-temps, nous avons transmis une copie de
nos notes de présentation pour faciliter vos travaux et les échanges.
Donc, simplement pour débuter que, dans un
premier temps, pour notre mémoire, il faut souligner que le fait de consacrer
un modèle d'intégration nationale, ce n'est pas en soi attentatoire aux droits
et libertés protégés par la charte. La charte elle n'est pas attachée à un seul
modèle d'intégration, mais il faut reconnaître que certains de ces modèles
emportent des risques d'atteintes aux droits et libertés de la personne, alors
que d'autres incluent des balises à cet égard, d'où la nécessité de s'attarder
aux paramètres et aux modalités d'application du modèle d'intégration nationale
proposé pour bien l'articuler avec la charte. Une telle articulation repose sur
les principes reconnus qui viennent guider l'interprétation, l'application et
la modification de la charte. Donc, placer la charte au cœur de ce modèle
d'intégration nationale, ça implique d'expliciter cette articulation et de
faire référence non seulement aux valeurs de la charte, mais évidemment aux
droits et libertés reconnus à tous et à toutes.
C'est pourquoi nous recommandons d'ajouter
un considérant au préambule du projet de loi qui soulignerait le rôle central
et incontournable de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne
dans l'élaboration et la consolidation d'un modèle d'intégration québécois garantissant
à tous l'exercice des droits et libertés en pleine égalité. Je cède maintenant
la parole à ma collègue pour la deuxième partie.
Mme Pierre (Myrlande) : Alors,
la commission reconnaît que le projet de loi énonce certaines des caractéristiques
du modèle d'intégration, pensons, entre autres, au principe de réciprocité en
tant qu'assise de ce modèle, à l'article 2.
Alors, le modèle d'intégration proposé
demeure toutefois imprécis, ce qui soulève des enjeux. À titre d'exemple, un
considérant souligne que «les caractéristiques spécifiques de la culture
commune ont amené la nation à développer un modèle unique de vivre ensemble»,
sans toutefois qualifier ce modèle unique. De plus, l'article 4 affirme
que le modèle proposé se distingue du multiculturalisme canadien et qu'il
s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des groupes
ethnoculturels particuliers. Cependant, cette distinction par la négative et
cette opposition ne permettent pas de définir le modèle retenu. La référence du
préambule à la politique québécoise de développement culturel de 1978, au titre
de fondement d'un modèle d'intégration fondé sur l'intégration culturelle,
n'éclaire pas non plus complètement le contenu retenu du modèle de convergence
culturelle.
• (11 h 40) •
La commission s'interroge par ailleurs
quant à l'emploi par le projet de loi de la notion de creuset à
l'article 5. Est-ce que l'emploi de cette notion dans le projet de loi ne
laisse pas présager un recul par rapport aux types d'intégration qu'a promus et
mis en pratique le Québec jusqu'à maintenant?
Alors, en somme, le projet de loi
gagnerait à apporter de nombreuses précisions quant au modèle formalisé,
notamment afin de mieux garantir l'exercice des droits et libertés à l'ensemble
des Québécois et Québécoises, issus ou non de l'immigration, et afin d'inscrire
ce modèle dans la continuité des politiques publiques en matière d'intégration
qui ont su concilier la protection de la langue et la culture commune avec une
orientation pluraliste respectueuse de la diversité.
Une telle orientation a impliqué le
respect de la diversité interne à la société québécoise et le refus
d'assimilation en témoignant d'une sensibilité en faveur du développement des
échanges interculturels, tout en restant attentive par rapport à d'éventuels
replis identitaires. Alors, cette constate recherche d'équilibre devrait se
trouver au cœur du modèle d'intégration. C'est pourquoi la commission
recommande que soient ajoutées les dimensions «pluraliste, inclusive et favorisant
des relations interculturelles harmonieuses» aux caractéristiques de la culture
commune qui sont précisées au premier considérant du préambule et à
l'article 3.
La commission recommande également que
l'article 6 du projet de loi sur les devoirs de l'État du Québec précise
que celui-ci agit…
Mme Pierre (Myrlande) : ...de
manière à encourager les rapprochements et les relations, les relations
interculturelles harmonieuses.
Plus largement, c'est la définition de
l'appartenance québécoise qui est en jeu. À partir de quand une personne
est-elle considérée pleinement intégrée? L'amalgame entre personnes immigrantes
et minorités culturelles, qu'on retrouve à plusieurs endroits du projet de loi,
soulève en ce sens d'importantes préoccupations. Toutes les minorités ne
s'inscrivent pas nécessairement dans un parcours migratoire. Cette association
à nuancer peut, par exemple, laisser entendre que les personnes nées au Québec,
scolarisées en français au Québec mais appartenant à une minorité ethnique, nationale
ou autre, ne sont pas pleinement intégrées ou même qu'elles ne sont pas
considérées comme des Québécois et Québécoises à part entière. La commission
invite donc à préciser les différents articles du projet de loi qui associent
les personnes immigrantes et les minorités culturelles afin de bien refléter
leurs réalités propres.
Dans un autre ordre d'idées, il faut
saluer que le projet de loi reconnaisse les devoirs de l'État permettant de
contribuer à l'intégration et à l'épanouissement des personnes immigrantes. Il
demeure cependant important que le gouvernement et la société d'accueil
assument pleinement leurs responsabilités. Trop souvent, le fardeau
d'intégration a dû être supporté par les personnes immigrantes elles-mêmes. Il
importe donc que les devoirs de l'État du Québec, énoncés à l'article 6 du
projet de loi, soient pleinement mis en œuvre.
Alors, la commission recommande que les
devoirs et attentes attribués aux personnes immigrantes soient formulés en
tenant compte de leurs droits à l'égalité, du contexte des processus
d'intégration qui influencent la capacité de participation et d'apprentissage
de ces personnes. Et rappelons, en ce sens, que, conformément aux principes
énoncés dans la charte, l'Assemblée nationale a appuyé à l'unanimité, en
décembre 1986, la déclaration du gouvernement du Québec sur les relations
interethniques et interraciales, par laquelle le gouvernement a condamné sans
réserve le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes et
s'est engagé à favoriser la pleine participation de toute personne au progrès
économique, social et culturel du Québec.
Dans le même sens, la commission
recommande d'ajouter à la lutte... d'ajouter au projet de loi la lutte au
racisme et à la discrimination comme un fondement supplémentaire du modèle
d'intégration prévu à l'article 5. Et donc la commission réitère, entre autres,
sa recommandation visant à ce que le gouvernement adopte une politique de lutte
contre le racisme et la discrimination systémique, qui devrait, de notre point
de vue, aller de pair avec toute politique relative à l'intégration.
M. Tessier (Philippe-André) : Le
deuxième ordre d'enjeux qui a été identifié par la commission, il porte sur les
modifications que le projet de loi propose d'apporter à la charte, plus
spécifiquement, premièrement, quant aux modifications envisagées au préambule
et à l'article 50 de la charte. Pour s'assurer que de tels ajouts permettent de
bien articuler le modèle d'intégration nationale avec la charte, la commission
recommande que le respect du pluralisme de la société québécoise en tant
qu'élément du modèle d'intégration québécois soit expressément mentionné dans
les propositions d'ajouts au préambule et à l'article 50 de la charte,
dispositions dites interprétatives. À cet égard, le législateur pourrait
s'inspirer des éléments contenus au projet de loi no 493, Loi sur
l'interculturalisme, présenté devant l'Assemblée nationale en 2019, plutôt que
procéder par opposition à la notion de multiculturalisme.
La commission tient à souligner qu'elle a
davantage de réserves quant à la proposition de modification à l'article 9.1 de
la charte. En effet, il s'agit là d'une disposition fondamentale dans
l'équilibre de la charte et qui doit permettre la mise en œuvre du principe
selon lequel les droits sont indissociables et interdépendants, intimement
liés. Il faut comprendre que cet article a été récemment modifié par le projet
de loi no 96, devenu la loi 14, et les éléments contenus dans l'article 9.1
reflètent maintenant les modifications apportées dans les dernières années,
soit les fondements du modèle d'intégration nationale, le français, la laïcité
et la valeur démocratique. Ces éléments-là se retrouvent déjà à l'article 9.1.
Et, compte tenu qu'une proposition de modification du préambule et de l'article
50, en plus, est proposée, cette... l'article 19 du projet de loi modifiant
l'article 9...
M. Tessier (Philippe-André) : ...ne
nous semble pas nécessaire dans les circonstances. Finalement...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Pour les propositions de modification de l'article 43, et je pourrai y
revenir en questions, réponses, la proposition de remplacer «minorité ethnique»
par «minorité culturelle» pose de nombreux enjeux. Et l'autre élément également
est le fait que le fait de pouvoir vivre en français la pleine participation à
la vie culturelle, cet article-là également a été bonifié à la charte par
l'article 3.1 dans le projet de loi n° 96. Et je pourrai y revenir,
Mme la Présidente, en questions et réponses.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va commencer maintenant la
période de discussion avec les parlementaires, M. le ministre vos collègues du
gouvernement, vous avez 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Effectivement, je comprends
que ça a été un peu difficile d'arriver avec un mémoire aussi rapidement, parce
que le projet de loi, pas qu'il y a des centaines et des centaines d'articles,
mais on touche quand même au fondamental. Je suis très content que vous soyez
ici avec nous virtuellement aujourd'hui, quand même, on apprécie l'occasion de
vous entendre, puis d'échanger, puis on lira évidemment votre mémoire avec
attention.
J'attire votre attention sur l'article…
Excusez-moi, on vient de me le montrer, oui, c'est ça, sur l'article 5,
quand on parle : «le modèle d'intégration repose sur les fondements
suivants», donc dans les fondements. À l'alinéa 3 de l'article 5, on
dit : «L'adhésion aux valeurs démocratiques, aux valeurs québécoises
exprimées notamment par la Charte des droits et libertés de la personne, dont
l'égalité entre les hommes et les femmes.» Le fait qu'une référence claire et
nette à la charte figure dans les fondements, est-ce que c'est de nature à vous
rassurer ou est-ce que vous trouvez qu'on devrait y référer peut-être à
d'autres endroits de la loi aussi?
• (11 h 50) •
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, effectivement, oui, on avait constaté cet élément-là, M. le ministre. Et
puis, ce qu'on veut souligner, et puis c'est un peu le sens de notre première
recommandation, c'est que, dans le préambule du projet de loi n° 84… que
le rôle central de la charte... Donc, on place finalement la charte au cœur du
projet de loi sur l'intégration nationale. D'ailleurs, ça, ça fait écho aussi
au rapport qui a été présenté au ministre de la Justice, l'automne dernier, par
les coprésidents Proulx et Rousseau, où on venait dire que les éléments constitutifs
ou les éléments constitutifs du modèle retenu au Québec, bien, c'est un modèle…
un modèle qui était basé sur les droits et libertés qui sont contenus à la
charte, puis, je le précise, pas simplement sur les valeurs contenues à la
charte, parce que la charte est considérée comme étant le reflet des valeurs
démocratiques de la société québécoise, mais elle contient également des
droits. Et donc c'est cet élément-là, quant à nous, qui pourrait être bonifié
dans le projet de loi. On ne nie pas le fait que c'est déjà mentionné à
l'article 5, vous avez parfaitement raison, mais on propose, on suggère,
en tout respect, un ajout dans le préambule pour que ce soit encore plus
robuste.
M. Roberge : O.K. Donc, on
l'a dans les fondements. Vous souhaiteriez le voir d'une manière quelconque
dans les… dans le préambule, puis ce sera peut-être, justement, l'objet de
votre mémoire, si vous êtes capable de nous formuler des propositions sur des…
la meilleure manière de l'intégrer. On lira ça avec attention. Tant mieux, tant
mieux. Des fois, ça peut être une bonne idée, même, d'avoir le mémoire après la
présentation. Parce que vous allez vouloir intégrer des suggestions, des
propositions que la commission pourra reprendre.
Vous avez mentionné, rapidement, dans
votre présentation, tout à l'heure, vous avez mentionné, vous avez souligné le
fait qu'on parle du caractère de réciprocité à l'intérieur du projet de loi
n° 84, c'est-à-dire qu'on ne met pas le fardeau, là, de l'intégration
simplement sur les nouveaux arrivants. Est-ce que vous croyez que, dans le
projet de loi, c'est important? Est-ce qu'on doit le maintenir? Est-ce qu'on
doit le renforcer, cette notion de réciprocité, à trois, hein? Quand on regarde
dans la loi comme il faut, on parle de trois… je vous dirais, trois… triple
responsabilité, donc les nouveaux arrivants, le gouvernement, puis les
Québécois eux-mêmes qui sont déjà sur le territoire. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Tessier (Philippe-André) : Ma
collègue pourrait…
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Bien, écoutez, la question de la réciprocité, effectivement, apparaît dans le
projet de loi. Ce qui importe à la commission, c'est effectivement une
responsabilité partagée, l'intégration, mais la commission insiste bien sûr sur
le rôle de l'État, le rôle de l'État dans la mise en oeuvre…
Mme Pierre (Myrlande) : ...la
mise en œuvre, par exemple, de ce modèle d'intégration nationale. Donc, je
pense que ou la commission pense, essentiellement, qu'on peut renforcer cette
notion de réciprocité mais aussi l'articuler dans sa mise en œuvre, quelle va
être justement la responsabilité de l'État. Et vous le mentionnez... vous le
dites bien, M. le ministre, c'est une responsabilité partagée. Et donc comment
maintenant l'État va jouer pleinement son rôle pour s'assurer d'une pleine
intégration et une pleine participation des personnes immigrantes, mais des
personnes racisées, des personnes issues de l'immigration? Et on parle
également... Par exemple, on a insisté aussi, hein, sur le fait de ne pas faire
l'amalgame entre personnes immigrantes et personnes issues de l'immigration,
parce que ça fait appel parfois, dans certaines communautés, à la deuxième,
troisième ou quatrième génération. Alors, oui, cette réciprocité, elle est
importante dans le projet de loi, mais maintenant c'est comment, ça s'articule
dans sa mise en œuvre effective.
M. Roberge : Merci beaucoup
pour cette réponse. J'ai plusieurs collègues, je pense, qui veulent échanger
avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la
députée de Vimont. Il reste encore 10 min 50 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames messieurs. Merci d'être présents.
On parle... Bien, c'est sûr que le sujet des droits de la personne, le respect
justement des droits de la personne est extrêmement important. J'aimerais par
contre vous entendre de quelle façon maintenant on peut parler de culture et
puis de valeurs québécoises, dans le respect justement des droits de la
personne.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
assurément, on peut parler du cadre de la charte, puis c'est un petit peu
l'objectif qui est le nôtre. Lorsque l'on traite de ces questions-là, il faut
comprendre que l'intégration, ce n'est pas que l'intégration culturelle, c'est
l'intégration socioéconomique, c'est l'intégration qui a de multiples facettes,
et tout ça, bien, ça doit se faire dans un contexte où le gouvernement lutte
activement contre le racisme et la discrimination, parce qu'assurément une
intégration va être beaucoup moins efficace, va être beaucoup moins partagée,
oui, on va être beaucoup moins accueillants si on ne déploie pas, comme État,
des leviers pour lutter contre le racisme et la discrimination, ce qui veut
donc dire se rattacher aux principes et aux règles contenues dans la Charte des
droits, qui est le principe d'égalité réelle, donc le droit à la
non-discrimination. Donc, comme... comme acteur, l'État va... doit se rattacher
à ces principes-là qui sont consacrés dans la charte québécoise des droits et
libertés. Et c'est pour ça que je le redis, un des messages qu'on veut...
c'est : Il faut que ce projet de loi là d'intégration nationale capture
cet élément-là très clairement, qu'il ne peut pas faire l'économie de l'ensemble
de la vie des personnes immigrantes ou, comme l'a dit ma collègue, des
personnes issues de l'immigration, choses bien, bien différentes, qu'elles
doivent pouvoir vivre, dans la société québécoise, libre de racisme et de
discrimination. C'est ça aussi, une des conditions gagnantes, excusez
l'expression, d'un modèle d'intégration réussie.
Mme Schmaltz : Bien,
justement, je vais un peu rebondir sur votre réponse. C'est quoi, les défis,
les enjeux principaux que l'on rencontre justement chez les gens immigrants à
ce niveau-là?
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être
ma collègue veut compléter. Le micro, le micro.
Mme Pierre (Myrlande) : Il y
a plusieurs éléments, Mme la députée, plusieurs éléments qui touchent
l'intégration socioéconomique. Par exemple, en emploi, du droit... l'égalité en
emploi, l'accès à l'égalité en emploi nous apparaît quelque chose de
fondamental. Par exemple, la commission a le mandat d'assurer le suivi de la
loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, par exemple.
Alors, oui, la dimension socioéconomique, mais c'est aussi une condition...
c'est... En fait, le travail, comme l'intégration socioéconomique, ce sont des
leviers pour réaliser l'idéal social, justement, de la pleine intégration et de
la pleine participation des personnes immigrantes mais, comme je l'ai mentionné
un peu plus tôt, des personnes qui sont issues de l'immigration ou des
minorités dites racisées, par exemple, qui sont confrontées encore, dans le
domaine de l'emploi et dans d'autres secteurs d'activité, à des questions de
discrimination et, d'autre part, de racisme...
Mme Pierre (Myrlande) : ...donc
il faut que... le modèle d'intégration nationale que l'on propose doive aller
de pair avec des mesures pour lutter pleinement contre les discriminations,
contre toutes les formes de discrimination, dont le racisme, qui en est une
déclinaison.
M. Tessier (Philippe-André) : Si
je peux me permettre de juste compléter, un petit élément, il ne faut pas
oublier l'accès à la francisation, également. Donc, on parlait d'intégration
socioéconomique et d'intégration culturelle. Donc, c'est tous ces éléments-là
qui font... qui participent au parcours d'intégration et qui sont des éléments
clés. Et tout ça, bien, évidemment, maintenant, et c'est très clairement
établi, le modèle que la charte met de l'avant, bien, c'est un modèle qui est
basé sur le français, la laïcité, l'égalité hommes-femmes, les valeurs
démocratiques. Tous ces éléments-là sont contenus dans la charte. Donc, je
reviens, là, sur : il faut vraiment bien arrimer ces deux éléments-là
ensemble, la charte et la Loi sur l'intégration nationale.
Mme Schmaltz : Je vous
remercie. Vous avez entièrement raison. Je vais laisser mon collègue.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais le député de
Saint-Jean. Il reste encore 6 min 12 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, on n'en sort pas, on parle toujours de
modèle. J'ai bien peur que ça va être comme ça toute la semaine : modèle
d'intégration. L'affaire, c'est qu'on veut en sortir, du multiculturalisme, qui
est le modèle sous lequel on vit par la force des choses et de l'imposition de
cette politique-là par le gouvernement du Canada il y a très longtemps. Donc,
on est en train de parler d'interculturalisme, de convergence, de... bon.
Est-ce qu'il y a un modèle sur la base purement théorique, qui est plus... pas
convenable, mais qui vous sied mieux, en termes de votre posture, par rapport à
votre perspective de ce que ça va donner? Autrement dit, sans vouloir le dire
dans ces mots-là, est-ce qu'il y a quelque chose qui est plus respectueux des
droits de la personne dans l'un ou l'autre des modèles? On oublie
l'assimilation, qui n'est pas un modèle mais qui est au bout du vecteur, puis,
de l'autre côté, il y a la ségrégation, qui n'est pas beaucoup mieux. Mais,
entre les deux, il y en a beaucoup. Nous, on est en train de s'en faire un un
peu sur mesure.
Est-ce que vous allez me répondre que le
multiculturalisme, c'était parfait, merci beaucoup. on a vécu avec, on peut
continuer? Pas sur sa valeur d'intégration, mais sur sa valeur de respect des
droits.
• (12 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) : Je
ne sais pas si ma collègue veut débuter, je peux compléter.
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Bien, écoutez, comme on l'a précisé au tout départ, il y a des modèles,
effectivement, qui prennent en compte le cadre de la Charte des droits et
libertés. Si on réfère aussi à la littérature, bien, on... les experts, tu
sais, présentent, par exemple, l'interculturalisme québécois, qui institue,
comme mon collègue l'a bien mentionné, le français comme langue commune, les
rapports interculturels, mais aussi une orientation pluraliste et soucieuse de
la protection des droits et donc... et met l'accent notamment, en particulier,
sur l'intégration et la pleine participation, et préconise la pratique des
interactions. Donc, lorsqu'on parlait, là, justement de repli identitaire,
bien, ce modèle-là, justement, présente tous les... des paramètres qui peuvent
permettre la pleine participation des personnes immigrantes mais aussi des
personnes issues de l'immigration. Alors, on ne veut pas nécessairement s'attarder
sur un modèle en particulier, mais clairement il y a des modèles, je réfère ici
à l'interculturalisme, qui prennent en compte la question des droits et de la
protection des droits de la personne. Et ça, on le retrouve clairement dans la
littérature. Alors, voilà.
M. Tessier (Philippe-André) : Puis,
peut-être juste pour compléter, M. le député, simplement pour dire que tout ça,
bien, évidemment, ça s'inscrit dans une continuité, là, on ne part pas de zéro
ici, là. Donc, ces discussions-là... Puis, je pense, M. le ministre l'a dit
dans... tout à l'heure, donc, il y a eu de nombreux échanges, vous avez eu la
chance d'entendre M. Bouchard ce matin, M. Rousseau, je veux dire, il y a des
travaux. Puis notre mémoire pourra aussi venir bonifier un peu cette ligne du
temps, là, tous les travaux. Ma collègue a fait référence à une déclaration de
1987 du gouvernement du Québec, on... Donc, il y en a eu, des prononcés, des
réflexions, des politiques, des discussions. Là, ce qu'on vient ici, c'est
mettre dans une loi, puis ça... Bien, encore, là, on le dit, nous, on n'a pas
de problème avec ça, ce qu'on dit, c'est que ce projet de loi là, il doit se
faire en étroite articulation avec le principe de la charte québécoise des
droits et libertés.
M. Lemieux : O.K. Si on épure
un peu, parce qu'il y a beaucoup de choses dans le projet de loi, là, puis
qu'on part du principe que la langue officielle et commune du Québec, c'est le
français, puis que le projet de loi dit : Il faudrait que la culture
commune soit celle qui est prônée par le projet...
12 h (version non révisée)
M. Lemieux : ...d'intégration
nationale. À partir de là, est-ce que ça, le principe de ça, ça pose problème
ou est-ce que c'est comment ça va être opérationnalisé, entre guillemets, qui
peut risquer... Parce que c'est là où je ne vois tout de suite pas de dérapage,
mais une réticence de votre réaction quand j'écoute ce que vous nous avez dit.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, assurément, M. le député, la question va être de... puis on l'explicite
brièvement dans nos notes d'allocution, puis on pourra y revenir un peu plus en
détail dans notre mémoire, mais assurément le... tout le défi du projet de loi,
puis c'est... je ne pense pas qu'on est le seul intervenant à le dire, c'est qu'évidemment
on établi certains grands principes d'un modèle et il va y avoir beaucoup,
beaucoup de nuances, beaucoup d'éléments apportés tant à la fois dans la
politique et dans le règlement. Donc, ces éléments-là d'incertitude, c'est
aussi une des raisons pourquoi on a beaucoup de réserves sur les ajouts à la
charte québécoise elle-même parce qu'on vient un peu conditionner le texte de
la charte à une politique et un règlement à venir, mais, si vous vous rappelez,
la charte, c'est la loi quasi constitutionnelle du Québec, c'est une loi
fondamentale, puis on vient un peu de l'assujettir à une interprétation
réglementaire ou politique. Donc, d'un point de vue de hiérarchie des normes,
là... puis désolé de mettre mon chapeau d'avocat, mais c'est un petit peu
particulier comme façon de fonctionner. Et donc, nous, c'est pour ça qu'on
sensibilise le législateur que vous êtes à dire : Attention! Lorsqu'on
vient préciser des éléments comme ça dans la loi, bien, si on fait un renvoi
réglementaire, bien là, à ce moment-là, on se retrouve à un peu conditionner l'interprétation.
Donc, c'est pour ça que nous, on fait preuve de prudence dans modification de
la charte elle-même.
M. Lemieux : Oui. Je ne suis
pas avocat, moi, je ne suis pas avocat, mais je comprends la différence entre
une loi-cadre et une loi ordinaire, alors, à quelque part, on s'entend. Là où
je voulais en venir, c'est que, si la langue officielle et commune du Québec
peut être le français, il peut y avoir une culture commune en français.
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être
ma collègue...
Mme Pierre (Myrlande) : Mais
ce que vous dites, M. le député, est tout à fait louable, mais il faut,
quand... il faut appréhender l'intégration dans toutes ses dimensions. Elle ne
repose pas sur uniquement la dimension culturelle. Donc, on parlait de l'intégration
sociale, économique...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, je dois vous arrêter.
Malheureusement, cette première round de discussions est terminée. On va
poursuivre avec l'opposition officielle qui bénéficie de 12 min 23 s. Le temps
est à vous.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, mesdames messieurs, bonjour. Merci, merci d'être là avec
nous, puis il nous a aidés dans nos travaux. Moi, d'emblée, je vais vous
partager, comment dirais-je, un inconfort que j'ai eu en lisant le projet de
loi, je vous le partage, j'aimerais avoir vos lumières là-dessus, vous y
avez... vous y avez fait d'ailleurs référence dans votre exposé, et je vous
réfère à l'article 19 du projet de loi qui réfère à l'article 9.1 de
la charte québécoise, la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec. Mon inconfort vient de ceci. Il me semble que l'article 9.1... et
corrigez-moi si je fais erreur, mais c'est un peu l'article de la charte qui
fait en sorte que, si jamais il y avait une discrimination à un droit énoncé
dans la charte, le gouvernement pourrait développer un argumentaire en disant :
Bien, écoutez, ça... il y a un besoin réel, urgent, etc. Donc, ça peut être
justifié. Et il y a des éléments qui sont énoncés à 9.1, dont éventuellement
les tribunaux ou la commission auront... pourront s'y référer pour interpréter
les dispositions législatives. Où je suis un peu embêté, c'est qu'on veut y
rajouter le modèle québécois d'intégration nationale, qui par ailleurs est,
pour moi, à ce jour, un concept qui est flou. Donc, quand à 9.1 on fait
référence à d'autres types d'éléments comme la langue française, bien, la
langue française, ça, c'est clair, c'est... on sait ce que c'est, là, ça, ce n'est
pas un problème, mais le modèle québécois d'intégration nationale, ce n'est pas
évident.
Donc, est-ce que le gouvernement pourrait
utiliser, évidemment, 9.1 pour dire : Oui, oui, nos actions sont
justifiées, s'il y a un impact sur un droit? Bon, à ça, je voudrais vous entendre
là-dessus parce que le concept est flou, et ça, vous y avez fait référence tout
à l'heure, mais j'aimerais vous entendre davantage, et parce que... Je
comprends que la loi réfère à une politique éventuelle et à un règlement, et
donc est-ce que la charte serait soumise à un règlement et à une politique...
M. Morin : ...ce qui
m'apparaît un petit peu étonnant en termes de poids de la législation, si vous
me permettez de m'exprimer ainsi. Et évidemment, M. le ministre le disait, on
n'a pas encore lu votre mémoire. Donc, c'est intéressant parce que, là, on a un
dialogue, vous allez pouvoir le moduler en conséquence. Mais je dois vous dire
que ce volet-là m'interpelle particulièrement, puis j'aimerais avoir vos
lumières là-dessus.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, merci, M. le député. Parce qu'effectivement, comme je l'ai dit d'entrée
de jeu, c'est une question qu'on... Juste pour préciser quelque chose, là, il
faut comprendre que... Puis c'est une des choses qu'on tente de faire dans nos
notes d'allocution, là, dans le texte qu'on vous a déposé ce matin, puis qu'on
va venir bonifier dans le mémoire, c'est un peu de venir dire : Voici les
éléments, voici les paramètres qu'on doit... que doit contenir un modèle
d'intégration nationale. Donc, c'est sûr et certain que si on vient le définir
à la positive plutôt que par opposition à ce n'est pas du multiculturalisme, ce
qui est le texte extrait de la loi, nous, ce qu'on appelle, c'est d'avoir comme
législateur une interprétation positive, de venir bien créer c'est quoi les
balises du modèle d'intégration nationale, sans être obligé de faire référence
à un autre modèle, que ce soit le multiculturalisme ou tout autre modèle, si on
veut. Voici notre modèle au Québec. Donc, à ce moment-là, déjà, en partant, il
y a aussi cette imprécision-là, cette certitude... cette incertitude-là,
pardon, elle est moins grande.
Deuxièmement, pour ce qui est de
l'article 9.1 que vous avez, vous avez parfaitement raison, mais ça,
là-dessus, c'est plus une question à ce moment-là, pour nous, d'équilibre et de
cohérence de l'outil qu'est la Charte des droits et libertés de la personne.
C'est qu'il faut comprendre, et la commission le dit bien, d'avoir une
disposition interprétative. Donc, l'article 50, le préambule, de venir dire
que la charte doit être interprétée de façon cohérente ou conforme à la loi. À
la Loi sur l'intégration nationale, comme je le disais, il y avait une
interprétation de ce type-là qui était proposée à l'article 50.2, tel que
proposé dans le projet de loi n° 493, déposé par Mme Catherine
Fournier, qui était député alors, là, de Marie-Victorin. Donc, ça, c'est un
libellé positif qui vient dire: Bien, voici, c'est quoi, le modèle, puis voici
les dispositions interprétatives à la charte. Donc... Et on comprend pourquoi,
parce que ce qu'on veut faire, c'est l'équivalent, c'est l'équivalent de 27 de
la charte canadienne, donc l'article qui consacre le multiculturalisme.
Ça, tout le monde le comprend bien. Et
puis nous, on ne pose pas un enjeu quant à ça. C'est vraiment dans le libellé
qu'on veut revenir. Alors que pour 9.1, bien, c'est la disposition qui a été
ajoutée en 1982 par le gouvernement de M. René Lévesque lorsqu'on a
conféré une suprématie de la charte québécoise à toutes les autres lois québécoises.
Mais il a fallu prévoir un levier, donc, qui interprète tous les droits prévus,
1 à 9, les droits et libertés fondamentales en conformité avec le bien-être,
l'ordre collectif, donc, les valeurs démocratiques. Et là, en plus de ça,
récemment, c'est ça que je dis, on a ajouté laïcité et on a ajouté valeur de la
langue française.
• (12 h 10) •
Donc, 9.1, dans les faits, il contient
déjà valeur démocratique, il contient déjà bien-être, ordre public, il contient
déjà français et contient déjà laïcité. Et là on ajoute l'intégration
nationale. On dit ce n'est pas la... Avec égards, ce n'est pas le bon endroit.
Et si on fait une disposition... très bien, il n'y a pas de problème. Mais là
on se retrouve... Le législateur ne parle pas pour rien dire, on retrouve un doublon
à 9.1, même un triplon, un quadruplon puis on se pose la question pourquoi, si
on a déjà valeurs démocratiques, laïcité puis langue française à 9.1, quelle
est l'utilité de l'intégration nationale? C'est un peu ça, l'argument qu'on va
développer un peu plus amplement dans notre mémoire.
M. Morin : Bien, je vous
remercie, Me Tessier, parce que je suis... je suis d'emblée d'accord avec
vous, là. Évitons, évitons les doublons. J'essaie aussi dans ma vie d'être très
positif. Alors, je pense que ce serait préférable que le gouvernement définisse
l'intégration et l'interculturalisme d'une façon positive par rapport plutôt
que de dire que c'est distinct de quelque chose d'autre. Je pense qu'on a juste
à affirmer ce qu'on est puis ce qu'on veut faire. Puis ça va être bien correct
comme ça. Moi, personnellement, je pense qu'on devrait. On devrait y aller de
cette façon-là. Alors, je vous remercie. Puis, écoutez, on va attendre votre
mémoire avec beaucoup, beaucoup d'attention.
Autre chose. Ça, j'en ai parlé depuis le
début ce matin. Dans le projet de loi, il n'y a pas... Il n'y a aucune
référence à un volet économique, aucune référence à l'emploi, il n'y a aucune
référence à des chances égales d'emploi ou d'avancement. J'ai posé la question,
au Pr Rousseau puis on lui a parlé du public-privé, mais parlons dans un
premier temps du public. Il me semble que si on veut parler d'intégration, la
langue, c'est fondamental, la langue française, clairement. Mais après ça, une
fois que la personne est ici, puis elle parle français, elle veut travailler,
c'est comme ça qu'elle va s'intégrer dans son milieu de travail. Est-ce que
vous pensez que c'est un élément qui devrait être ajouté?
Mme Pierre (Myrlande) :
Pour nous, M. le député, ça nous apparaît vraiment fondamental. On référait
tout à l'heure à une compréhension de l'intégration dans toutes ses dimensions.
Et le travail, et ça, les études, les rapports mêmes du gouvernement...
Mme Pierre (Myrlande) : ...du
gouvernement du Québec le démontrent clairement, le travail, l'intégration
économique, socioéconomique constitue un levier essentiel à l'intégration, à la
pleine participation et aussi à la participation à définir aussi ce qu'on
souhaite comme société, donc participer aux orientations mêmes de la société
québécoise. Alors, oui, le travail constitue un levier essentiel, fondamental
pour assurer justement un égal accès, justement, aux ressources, mais aussi à
l'emploi. Alors, oui, essentiellement, ça devrait, du point de vue de la
commission, apparaître comme un élément également central dans le projet de
loi.
M. Morin : Écoutez, je vous
remercie. On a... Je vais avoir hâte de lire ça dans votre mémoire également,
c'est génial. Merci.
Autre élément — j'ai posé la
question au professeur Bouchard : dans les considérants, il y a une
référence aux Premières Nations et aux Inuits, notamment en reconnaissant
qu'ils sont les premiers habitants du pays, leur droit qu'ils ont de maintenir
et de développer leur langue et leur culture dans une loi sur l'intégration
nationale du Québec. Je me demandais si ça allait assez loin ou si même ça
devrait être là, carrément. Parce que, si on dialogue de nation à nation, s'ils
sont les premiers habitants puis ils ont leur culture propre, est-ce que ça,
c'est suffisant? Est-ce que... Parce que je ne voudrais pas non plus qu'on ait
une attitude que le professeur Bouchard qualifiait de «coloniale» à leur égard.
Est-ce que ça devrait apparaître là? Puis, si oui, puis si vous pensez que
c'est une bonne chose, est-ce qu'on devrait en dire plus? Parce qu'il n'y a
aucune référence à la Déclaration des Nations Unies sur les peuples
autochtones, qui est beaucoup plus complète, puis pourtant qui a d'autres
éléments de leur culture et de leur langue, et il y a quand même une motion de
l'Assemblée nationale qui l'a adoptée à l'unanimité.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dedans,
parce qu'évidemment... Et on a des membres des Premières Nations qui vont venir
témoigner. Mais, d'un point de vue de la commission, je trouverais ça intéressant
de vous entendre là-dessus.
M. Tessier (Philippe-André) : Si
je peux me permettre, là, puis c'est ça aussi... dans le temps imparti que nous
avons eu, là, ce n'est pas un élément qu'on a beaucoup creusé. Ce sont des
questions que vous posez qui sont des bonnes questions sur quelle est
l'articulation, effectivement, entre un modèle d'intégration nationale,
lorsqu'on reconnaît... Puis le Québec a reconnu les nations autochtones dès
1984 par une résolution unanime de l'Assemblée nationale, donc il y a beaucoup
d'eau qui a coulé sous les ponts depuis. On a parlé de sécurisation culturelle,
il y a un projet de loi qui vient d'être adopté qui reconnaît ces éléments-là.
Donc, il y a toutes sortes d'éléments sur lesquels on va se pencher, on va
regarder.
Peut-être, si je me permets de glisser ou
de répondre indirectement à votre question, là, c'est de parler de l'article
43. L'article 43 de la charte, aussi, est modifié dans le projet de loi, puis
nous, on s'est interrogés au sens de ça, parce que 43, il est là parce que les
conventions internationales que le Québec a ratifiées dans son droit interne...
Je nomme spécifiquement la... On n'y pense pas, mais la Convention relative aux
droits de l'enfant prévoit explicitement ce droit-là. Bien là, on vient déroger
à ce vocabulaire-là, qui a un sens précis, pour y introduire la notion de
«minorité culturelle» versus «minorité ethnique», et ça aussi, ça pose la
question : Est-ce que ça inclut les autochtones? Là, on se retrouverait à
inclure...
Donc, d'un... de notre côté, là, c'est
quelque chose qu'on va regarder, qu'on va creuser, parce qu'on a des
interrogations sur ce changement de vocabulaire là, qui peut paraître anodin à
43, mais qui ne l'est pas lorsqu'on fait juste le creuser un peu et qu'on
regarde un peu en droit international ce qui est dit. Ces éléments-là, je vous
le dis, là, sont dans le Pacte international... droits civils et politiques,
mais sont également dans la Convention relative aux droits de l'enfant puis
toutes sortes d'autres conventions aussi qui sont rattachées.
Et on a... on sent un... peut-être un
glissement au deuxième alinéa sur la participation : là, on a un... plus
un droit à la participation culturelle qui, lui aussi, est un élément consacré
par le droit international. Il y a d'ailleurs eu un rapport qui a été remis au
ministre de la Culture et des Communications, je pense, ou de la... - je ne me
rappelle plus si c'est le titre exact du ministre, mais le ministre de la
Culture - sur la question de la découvrabilité culturelle, la pleine
participation. Donc, nous, ces éléments-là, on dit : Attention, il y a des
considérations, là, ici, autres à entrer en ligne de compte, d'autres travaux,
d'autres mémoires, d'autres recommandations qui ont été faites pour la pleine
participation culturelle, parce que la participation à la... droit à la
culture, ce n'est pas un droit d'une minorité, c'est un droit de tous. Tout le
monde a droit à la culture, pas juste les minorités.
Donc, il faut faire attention de ne pas
faire dire à 43 ce qu'il ne veut pas dire, là. Puis je m'excuse si ça a été une
longue explication...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En terminant.
M. Tessier (Philippe-André) : ...c'est
un élément quand même important.
M. Morin : Non, au contraire.
En terminant, je vous remercie, parce que vous voyez tous les enjeux et les
questions que j'ai moi-même, quand j'ai vu ça là. Donc, évidemment, j'apprécie
votre expertise, et on a hâte de vous lire. ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...alors on termine nos échanges avec la deuxième
opposition pour une période de 4min 8s.
M. Cliche-Rivard : Merci, Mme
la Présidente, puis merci à la CDPDJ d'avoir fait si rapidement, quand même.
Vous dites que c'est un mémoire préliminaire, certes, mais il est assez
détaillé, quand même, soulignons-le. On vous en remercie.
J'aimerais qu'on aille sur un élément qui
n'a peut-être pas été discuté avec beaucoup de détails, c'est le volet du
financement, à 16 et 17 du projet de loi, notamment les conditions liées au
financement, là. Et là on peut parler de festivals, on peut parler
d'organismes, on peut parler d'événements culturels. Vous nous mettez en garde,
là, notamment aux pages 10 et 11, sur ce que voudrait dire... Éventuellement,
vous dites que ça devra être bonifié ou expliqué. J'aimerais ça, que vous nous
clarifiiez les inquiétudes de la CDPDJ sur cette question-là du financement
propre aux organismes ou aux événements culturels.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Merci, M. le député. Effectivement, c'est une section, là, qui est dans nos
notes d'allocution mais que nous n'avons pas eu le temps de dire, et c'est
un... c'est certains éléments préliminaires par rapport au financement et ça
renvoie aussi aux éléments qui vont être prévus à la politique et au règlement,
qui vont venir un peu définir ça. Donc, nous, l'incertitude, c'est sur l'effet
pratique des dispositions qui prévoient que le gouvernement va pouvoir
conditionner les aides financières et que ces aides financières là doivent
avoir un objet compatible avec le modèle québécois, mais il n'y a pas de
critères précisés dans la loi, donc tout ça va être renvoyé à la politique et
au règlement.
Donc, c'est effectivement la question que
nous nous posons : Est-ce que, là, on va avoir un conflit entre un
financement d'un groupe minoritaire visé à 43 et, comme je le redis, aux
conventions internationales que le Québec a ratifiées, au droit à la pleine
participation à la vie des minorités ethniques? Donc, on pourrait avoir, donc,
ici, un conflit entre le texte de la charte et la Loi sur l'intégration
nationale. Et, encore une fois, bien, ça va aussi, plutôt que de participer à
une pleine et entière intégration, venir distinguer, ou segmenter, ou
cristalliser la distinction entre ces... entre les groupes minoritaires puis la
société d'accueil. Donc, c'est pour ça que nous, notre proposition, c'est de
préciser 16 et 17, de venir dire, là, il va falloir préciser un peu le libellé.
• (12 h 20) •
Puis le dernier élément, puis je cède la
parole à ma collègue, là, si elle veut le compléter, mais c'est pour ça aussi
qu'à la fin, nous, on dit : Il peut y avoir aussi un organisme qui vienne
avoir un rôle de regard, qui va venir un peu dépolitiser tout l'exercice. Et je
le dis avec respect pour le travail politique, qui est tout à fait respectable
et louable dans notre société démocratique, il faut se rappeler que d'avoir des
institutions, ça sert aussi à ça, des fois, c'est de pouvoir jouer ce rôle-là,
un petit peu, d'évaluation, puis d'avoir des responsabilités pour assister le
ministre. Bien, ça, nous, on ne verrait pas ça d'un mauvais oeil. Mais je ne
sais pas si ma collègue veut compléter.
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
je rebondis, en fait, sur la notion de réciprocité. Et on parlait de
responsabilité partagée, et, effectivement, en matière d'intégration, en
matière d'accueil, en matière de pleine participation, bien, le rôle de la
société civile nous apparaît prépondérant. Donc, compte tenu des imprécisions
du projet de loi lui-même, donc, on se questionne sur quels... sur, à partir de
quels critères, sur quelle base on va venir conditionner le financement des
activités des organismes ou même la mission des organismes communautaires,
comme on le sait, qui jouent un rôle important dans l'intégration? Donc,
l'intégration, il faut l'envisager dans un continuum, avec toutes les
responsabilités partagées, soit la responsabilité de l'État, le rôle de la
société civile et les personnes elles-mêmes, mais ça nous apparaît important,
là, de venir bien préciser, baliser ce qu'on entend, là, par «conditionner les
aides financières». Donc, on a une inquiétude, effectivement, par rapport à cet
énoncé-là du projet de loi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui termine cette audition.
Je vous remercie pour l'apport à nos travaux. Nous allons recevoir votre
mémoire. Alors, dès que... dès que vous allez nous l'envoyer, il va être placé
dans notre plateforme pour le bien-être des parlementaires.
Alors, je vais suspendre jusqu'à l'avis
touchant les travaux des commissions. Merci. Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 17)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration à la nation québécoise.
Donc, l'ordre du jour de cet après-midi
est le suivant, nous avons devant nous le Commissaire à la langue française,
nous allons poursuivre avec la Table de concertation des organismes au service
des personnes réfugiées et immigrantes... (Interruption) ...pardon, l'Union des
municipalités du Québec... (Interruption) ...voyons, pardon, le Groupe des 13
et Québec Community Groups Network.
Alors, pour les 10 prochaines
minutes, mesdames et Messieurs, je vais vous demander de vous présenter, de
faire part de vos réflexions sur le projet de loi, et par la suite nous...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...entamer les discussions avec les parlementaires. Alors,
le micro est à vous.
M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour,
merci beaucoup de nous recevoir. Bonjour, tout le monde. Je suis accompagné
aujourd'hui de Me Stéphanie Cashman-Pelletier, qui est commissaire adjointe, de
Rodolphe Parent, qui est professionnel de recherche dans mon équipe, et de Me
Maxime Simoneau, avocat.
Alors, la Charte de la langue française
mentionne que le français, à titre de langue commune, est la langue permettant
l'adhésion et la contribution à la culture distincte de la nation québécoise.
Dans le cadre de nos travaux sur la situation linguistique, nous avons montré
que l'adhésion à cette culture commune représentait un défi, et que la vitalité
et la pérennité du français étaient compromises dans plusieurs domaines de la
vie culturelle. Alors, ces difficultés découlent des changements
démographiques, économiques et numériques des dernières décennies, qui ont
transformé, de façon importante, notre manière de vivre ensemble. Alors, pour
cette raison, nous accueillons favorablement le projet de loi n° 84, qui
vise à établir un modèle d'intégration nationale, et qui accorde une place
centrale à la culture commune et à la langue française.
Alors, dans le mémoire que nous avons
déposé, nous formulons des recommandations qui visent à bonifier le projet de
loi. Nous commençons par la définition des termes qui y sont utilisés, puis
nous abordons la portée des devoirs et des attentes qui y sont présentées. Nous
proposons aussi trois ajouts au projet de loi, qui portent sur les parcours
d'intégration, la promotion de la mixité et l'établissement de rapprochements
interculturels. Enfin, le mémoire contient une annexe qui inclut un certain
nombre de commentaires de nature juridique sur le préambule et les articles du
projet de loi.
Alors, le projet de loi introduit des
concepts dont la définition et la portée ne nous apparaissent pas toujours
claires. Donc, à l'article 7, par exemple, le texte ne précise pas ce qui est
inclus dans le concept de «Québécois». Nous ne savons pas si ce groupe inclut
uniquement les personnes de nationalité canadienne domiciliées au Québec ou
s'il comprend également les résidents permanents, voire les résidents non
permanents. De même, le projet de loi ne propose pas de définition des concepts
de majorité francophone, culture majoritaire, minorités culturelles, etc. C'est
une absence de définitions qui pourrait mener à une mauvaise compréhension de
la portée des dispositions de la loi et du modèle d'intégration proposé.
• (15 h 20) •
Nous sommes conscients que l'article 23
donne au ministre la possibilité de définir des termes et des expressions par
voie réglementaire, mais il nous semble important d'apporter des précisions
directement dans la loi, compte tenu de leur caractère essentiel à la bonne
compréhension de la loi-cadre. Donc, c'est notre première recommandation, qui
est de définir les différents termes utilisés dans le projet de loi pour en
assurer une bonne compréhension et en faciliter l'application efficace.
Ensuite, à l'article 7, le projet de loi
propose de définir des attentes envers les Québécois. Alors, le terme
«attentes» nous semble moins pertinent que celui de «devoirs», qui
responsabilise les citoyens, et qui insiste sur l'importance de l'implication civique
pour assurer la réussite du modèle d'intégration. C'est donc notre deuxième
recommandation, qui est de remplacer, à l'article 7, le concept d'attentes par
celui de devoirs, et de modifier le nom du chapitre en conséquence. Par
ailleurs, le chapitre III ne présente pas d'attentes ni de devoirs à
l'intention des organisations de la société civile, qui jouent pourtant un rôle
de premier plan dans l'intégration linguistique, sociale ou culturelle. Notre
troisième recommandation est donc de formuler des devoirs à l'endroit du
secteur privé, du système d'éducation et d'enseignement supérieur ainsi que du
milieu associatif.
À l'article 9, on mentionne les sujets
dont la politique nationale sur l'intégration peut notamment traiter, que les
sujets dont la politique peut notamment traiter. L'utilisation du verbe
«pouvoir» indique que le choix des sujets traités par la politique sera
largement laissé à la discrétion du gouvernement. Par conséquent, nous
recommandons de remplacer le verbe «peut», à l'article 9, par le verbe «doit».
Je reviens à l'article 7, qui présente
également des attentes particulières à l'intention des personnes immigrantes.
Cependant, ces attentes restent peu précises, de sorte qu'il pourrait être
difficile pour ces personnes, d'en saisir les implications et d'y répondre. À
ce sujet, plusieurs pays regroupent les obligations faites aux nouveaux
arrivants dans un parcours d'intégration. Ces parcours prévoient, généralement,
une formation linguistique, une familiarisation avec la culture et les valeurs
de la société d'accueil, des mesures de rapprochement culturel et d'insertion
en emploi ainsi qu'un engagement civique. Notre recommandation cinq est
d'inscrire, parmi les devoirs de l'État du Québec, et parmi les éléments
traités par la politique nationale sur l'intégration, la création d'un parcours
d'intégration à l'intention des personnes immigrantes.
Nous recommandons d'inscrire aussi, parmi
les devoirs des personnes immigrantes, la participation à ce parcours et nous
recommandons d'inscrire, parmi les devoirs des Québécois et des autres
organisations mentionnées plus tôt, la contribution à la réussite de ce
parcours. Alors, nous pensons aussi que, pour les gens souhaitant s'établir
durablement au Québec, la réussite du parcours d'intégration devrait être
considérée comme un élément déterminant de l'admission à la résidence
permanente.
Depuis plusieurs décennies, la
concentration de l'immigration dans la région...
M. Dubreuil (Benoît) : ...montréalaise
a contribué à faire naître un écart entre les dynamiques linguistique, sociale
et culturelle de la métropole et celles vécues dans les autres régions du
Québec. Un tel écart n'est pas unique au Québec, mais il peut nuire à
l'adhésion à la culture commune, en faisant obstacle à la formation de liens
entre les personnes qui sont issues de l'immigration et celles qui ne le sont
pas.
Au-delà du clivage entre Montréal et le
reste du Québec, les dynamiques de segmentation linguistique, résidentielle,
scolaire, économique, professionnelle et numérique créent souvent un contexte
peu favorable à la rencontre entre les Québécois de diverses origines.
À ce sujet, les recherches sur les jeunes
issus de l'immigration indiquent que l'identification à la culture québécoise
ne va pas toujours de soi, et qu'il existe une tendance à percevoir celle-ci
comme la culture ethnique de la «majorité francophone», plutôt qu'une culture
commune à laquelle tous pourraient s'identifier. Il nous paraît incontournable
de renforcer les occasions de socialisation entre Québécois de diverses
origines pour susciter une plus grande adhésion à la culture commune.
Alors, l'État devrait utiliser les leviers
à sa disposition dans le but de renforcer la mixité linguistique, sociale et
culturelle. Des actions pertinentes devraient notamment être déployées dans les
domaines de l'immigration, de l'éducation, de la culture, de l'aménagement du
territoire et de l'habitation, du sport et des loisirs ainsi que du
développement économique.
Nous recommandons d'inscrire — c'est
notre sixième recommandation — parmi les devoirs de l'État et parmi
les éléments traités par la politique, la promotion de la mixité linguistique,
sociale et culturelle et la déconcentration de l'immigration.
La mixité d'un milieu scolaire, d'un
milieu résidentiel ou d'un milieu de travail facilite les rencontres
interculturelles. Cependant, elle ne garantit pas que les personnes
s'identifiant à des cultures différentes développeront des relations de qualité
ni un sentiment d'adhésion à une culture commune. En fait, lorsque les
conditions gagnantes ne sont pas réunies, le contact interculturel peut
contribuer à renforcer les stéréotypes et la distance entre les groupes.
Le gouvernement doit, donc, viser à réunir
les conditions gagnantes en encourageant, voire en exigeant, la mise en œuvre
d'activités de mentorat et de jumelage dans les organismes de l'administration,
dans le système d'éducation et d'enseignement supérieur, dans les entreprises
privées et dans le milieu associatif. Pour mener à des résultats tangibles, une
mobilisation à grande échelle des Québécois de toutes origines nous apparaît
nécessaire.
Alors, c'est notre recommandation 7,
d'inscrire, parmi les devoirs de l'État québécois et parmi les éléments traités
par la politique, la création de contextes favorables aux interactions et aux
rapprochements interculturels.
Alors, j'en arrive à ma conclusion, comme
plusieurs sociétés, le Québec fait aujourd'hui face à la difficulté de susciter
l'adhésion de tous ses citoyens à sa culture commune. À ce défi s'ajoute celui
de faire vivre en Amérique du Nord une culture commune en français, dans un
contexte où une dynamique de minorisation de cette langue s'est installée dans
plusieurs domaines de la vie culturelle.
L'établissement d'un contrat moral entre
l'État, les personnes qui désirent s'établir au Québec et celles qui s'y
trouvent déjà nous paraît aujourd'hui nécessaire pour créer les espaces dont la
culture commune a besoin pour servir de véritable carrefour d'intégration.
Alors, le projet de loi n° 84 donnera
au gouvernement des outils supplémentaires pour mettre en œuvre une politique
que nous souhaitons ambitieuse et transformatrice. Son succès dépendra
néanmoins de la vigueur qu'il saura déployer dans sa mise en œuvre. Ainsi, le
gouvernement devrait se doter de plans d'action concrets qui mobiliseront
l'ensemble des leviers à sa disposition. Alors, nous suivrons, évidemment, avec
attention les mesures qui seront proposées à cet effet. Alors, je vous
remercie.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup, M. Dubreuil. Alors, on va commencer la période d'échange
avec les parlementaires, et vous l'avez deviné, M. le ministre, je vous cède la
parole pour une période de 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. Je vois dans votre présentation, puis vous me
corrigerez, plusieurs suggestions, c'est très apprécié, des propositions très
claires de resserrements, pour aller un peu plus loin, pour faire un peu mieux,
à... c'est-à-dire que les principes de base, les principes généraux du projet
de loi vont dans la bonne direction, d'après vous, mais qu'il faudrait
resserrer les boulons puis voir à la mise en œuvre de ça. Je vous pose la
question. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais est-ce que
c'est votre présentation?
M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez,
on a écouté les débats, les discussions ce matin. Ça fait quand même assez
longtemps, hein, qu'on parle de ces questions-là d'intégration,
interculturalisme, convergence culturelle, c'est des concepts... Je pense qu'il
y a un certain consensus, hein, au Québec, par rapport aux différents concepts,
par rapport à la direction générale que l'on veut prendre. En même temps, c'est
des concepts, des fois, qui peuvent être un peu flous, dont les contours, des
fois, mériteraient d'être définis. Donc, moi, il n'y a rien...
M. Dubreuil (Benoît) :
...Donc, moi, il n'y a rien dans les principes ou dans les orientations
générales qui me semblent en porte à faux avec le mandat que j'ai que je
défends, loin de là. Je pense qu'il y aurait peut-être des... qu'on propose
justement de définir peut-être un peu mieux les termes pour s'assurer justement
qu'il n'y a pas de mécompréhension de ce que le législateur cherche à faire
avec ce projet de loi.
M. Roberge : Donc,
lorsqu'on est dans la section sur la politique, on a des articles qui précisent
à quels organismes s'applique la politique. Il y a eu une suggestion ce matin
de M. Rousseau, excusez-moi, et de la personne qui l'accompagne, je suis
désolé d'avoir oublié son nom, qui me disait qu'il faudrait peut être nommément
parler du réseau d'enseignement supérieur. C'est déjà possible de l'appliquer à
l'enseignement supérieur, mais vous souhaiteriez qu'on le précise. C'est bien
ça?
M. Dubreuil (Benoît) :
Alors, nous, il y a deux éléments. Donc, dans la section des devoirs, si on
comprend que les devoirs, c'est une formulation un peu générale par laquelle le
législateur manifeste... cherche à favoriser le développement de certaines
normes sociales, O.K.? Donc, on pense que dans la section Devoirs, on
devrait interpeler un certain nombre d'organisations en dehors du gouvernement,
notamment les employeurs, notamment le milieu associatif et évidemment
l'enseignement supérieur, où en fait, c'est l'ensemble du système d'éducation,
incluant de l'enseignement privé. Parce qu'évidemment ce sont ces joueurs-là
qui sont au cœur des dynamiques d'intégration des personnes immigrantes, mais
aussi d'intégration de toutes les personnes qui viennent au monde au Québec. Donc
ça, c'est un élément. Ensuite, il y a la partie de la politique. Et on
considère que, dans la politique, il faut mettre des dispositions qui vont
aussi interpeler ces acteurs, que ce soit pour favoriser la mixité ou pour
favoriser les rapprochements interculturels.
M. Roberge : Quand vous
nous parlez de ça, que ce soit dans les attentes, les devoirs ou dans la
politique, vous nous avez dit tantôt, je l'ai noté, là, le gouvernement doit
réunir les conditions gagnantes pour que ça arrive, la mixité, pour que... En
fait, pour que l'intégration nationale soit mise en œuvre. Est-ce que vous
pensez que c'est une bonne idée de lier le financement des organismes,
justement, au respect des principes généraux de l'intégration nationale?
Puisque vous nous dites que le milieu associatif embarque dans le bateau,
est-ce une bonne avenue d'avoir le chapitre VII sur le financement pour
que les organismes subventionnés, financés par l'État, soient dans l'obligation
de suivre au moins les principes de l'intégration nationale?
• (15 h 30) •
M. Dubreuil (Benoît) :
Bon. Bien, pour moi, par exemple, tout ce qui concerne le domaine de la
culture, tout ce qui concerne le domaine du loisir, tout ce qui concerne le
domaine associatif, ça devrait être un principe général, quand on finance, de
respecter, en fait, un certain nombre de principes. Et moi, je voudrais que
l'État utilise au maximum ces leviers pour favoriser ce que j'ai mentionné,
donc à la fois la mixité et les rapprochements interculturels. Donc, c'est
plusieurs leviers qu'on a en matière de culture, en matière de sport, en
matière de loisirs, en matière d'éducation, où ce sont ces organisations-là sur
le terrain qui permettent aux gens d'entrer en contact les uns avec les autres.
Donc, oui, tout à fait.
M. Roberge : Et...
Excusez-moi, j'ai perdu mon idée. Elle m'a montré des notes, puis en même temps
j'ai perdu ce que je veux dire. Ah oui! Voilà. Quand on parle de la mixité,
pour qu'il y ait une interaction entre le groupe majoritaire francophone et les
nouveaux arrivants ou les personnes qui s'identifient à des minorités, bien, il
faut qu'ils puissent se rencontrer, ça peut être difficile dans certains
quartiers, dans certaines régions, particulièrement à Montréal, mais pas
seulement, qu'est-ce qu'on devrait faire? Qu'est-ce que vous nous proposez
comme pistes d'action pour favoriser les interactions entre les différents
groupes puis la langue française dans des quartiers, dans des écoles, dans des
milieux où les francophones ne sont pas la majorité?
M. Dubreuil (Benoît) :
Effectivement, c'est un défi parce qu'à partir d'un certain moment, ça devient
très, très difficile d'avoir des contacts, par exemple, avec des gens qui ne
sont pas issus de l'immigration puis des gens qui sont issus de l'immigration.
Je pense que la politique d'immigration doit vraiment viser ce qu'on a appelé
la déconcentration. On n'a pas appelé... On n'a pas utilisé le mot
régionalisation parce que la régionalisation, ça fait uniquement référence à la
composante géographique. Mais il y a aussi une concentration qui est
socioprofessionnelle, qui est économique, qui est résidentielle. Donc, il faut
chercher à dépasser ces différentes barrières là, justement, en créant de la
mixité à chaque fois que l'on peut. Donc, ça peut se faire, évidemment, à
travers la politique scolaire, à travers l'offre de programmes scolaires, avoir
des programmes scolaires qui favorisent aussi la mixité, avoir un découpage de
la carte scolaire qui favorise la mixité, avoir une approche de composition des
classes...
15 h 30 (version non révisée)
M. Dubreuil (Benoît) : ...favorise
la mixité. La manière dont on crée les groupes pour les travaux d'équipe aussi,
dans les écoles, hein? Une des choses qui ressort clairement quand on lit sur
la dynamique scolaire, c'est que, dans les écoles, même quand c'est mixte,
souvent, les jeunes vont avoir tendance à se regrouper selon leur origine
ethnique. Les petits Québécois avec les petits Québécois, puis les petits
Arabes avec les petits Arabes, puis les gens vont... souvent, vont être timides
d'aller former des groupes pour... qui vont avoir de la mixité. Alors, est-ce
qu'on peut tout simplement avoir une politique où on favorise ces
rapprochements?
On parle aussi, dans le rapport qu'on a
publié cet automne, de l'importance d'avoir des jumelages, et des correspondances
scolaires, et des voyages scolaires entre écoles de milieux différents. C'est
évident qu'en région il y a des écoles où il y a très peu d'immigrants. Puis à
Montréal, bien, il y a des écoles où il y a très, très peu de gens qui ne sont
pas issus de l'immigration. Alors, on ne peut pas nécessairement faire de
miracles, mais si on est capable d'organiser des correspondances scolaires, si
on est capable d'organiser des voyages de fin d'année... Vous savez combien d'écoles
aujourd'hui vont faire des voyages scolaires à Boston, New York, Washington,
Philadelphie? Pourquoi on n'utilise pas toute cette énergie et toutes ces
ressources pour faire en sorte que les gens d'origines différentes se
rencontrent ici, au Québec et apprennent à se connaître? Je pose la question.
Les ressources, les moyens, ils sont immenses. Avec la politique d'immigration
aussi, c'est possible de faire des choix qui vont nous amener à privilégier les
gens qui s'insèrent dans des milieux où les contacts interculturels sont les plus
probables. Voilà, les possibilités sont nombreuses.
M. Roberge : Très, très
riches, effectivement. Je pense qu'il y a plusieurs déclinaisons dans le
ministère de l'Immigration, en Éducation, en Enseignement supérieur, dans les
municipalités, pour décliner ce que vous appelez de belle manière la
déconcentration. Merci beaucoup. Je pense que j'ai des collègues qui vont
prendre la relève, qui veulent vous interroger. Merci pour votre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je reconnais le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste encore... 30 secondes.
M. Lemieux : Oui. M.
Dubreuil, vous frappez tellement dans le mile avec les voyages scolaires que...
juste pour nous ramener sur le plancher des vaches, là, au ras des pâquerettes,
puis, en même temps, pour nous montrer jusqu'à quel point des petites choses
peuvent faire une énorme différence.
J'étais un de ceux qui, à un moment donné,
pensaient qu'il fallait qu'on envoie les cégépiens ailleurs que dans leur
région, dans une autre région du Québec, pour leur montrer le reste du Québec,
bon. Ça, je ne serai pas capable de convaincre le ministre de ça, en tout cas,
pas pour cette année, mais je pense que votre idée sur les voyages scolaires
peut faire, sans vouloir faire de jeu de mots, beaucoup de chemin.
Je voudrais que vous me parliez de l'importance,
puis là on va au-delà des modèles, parce que j'aime bien aussi... décidément,
on s'entend bien, j'aime bien aussi votre vision, votre caractérisation de
comment le Québec vit à travers et avec tous ces modèles dont on parle, la
convergence, l'interculturalisme, et comment on ne vit bien avec le
multiculturalisme, dont on va pouvoir se défaire avec le projet de loi no 84...
Mais je voudrais donc, quels que soient les détails du modèle avec lequel on va
aboutir, l'ensemble de l'œuvre de l'intégration... je voudrais que vous me parliez
de l'importance de réussir l'intégration pour notre langue officielle et
commune. Il y a un lien majeur, là. On entend tout le monde nous dire : Ah
bien, vous savez, la langue, c'est le véhicule de la culture. Donc, ça prend
une culture commune à certains égards, mais c'est quoi l'importance sur la
réussite de l'intégration pour la langue?
M. Dubreuil (Benoît) : Évidemment,
vous... J'ai vraiment, dans les rapports... dans le rapport qu'on a publié cet
automne, on a amené un certain nombre de constats qui sont quand même assez
préoccupants par rapport à la situation du français dans le domaine... dans le
domaine culturel. Il y a quand même encore beaucoup de Québécois qui
fonctionnent en français dans plusieurs domaines, mais on ne peut pas se fermer
les yeux, là, dans plusieurs... dans tout ce qui est affecté par l'arrivée des
plateformes, il y a un effondrement, en fait, de la consommation culturelle en
français. On parlait, ce matin, d'assimilation, par exemple. Bien, excusez-moi,
mais, en musique, on est à 5 % d'écoute de contenu québécois. On n'est pas
dans une dynamique d'assimilation, là, on est dans une dynamique de sauver la
musique en français. Dans l'audiovisuel, au Québec, chez les jeunes, l'anglais
est majoritaire. Donc, on n'est pas dans une dynamique non plus où on va
assimiler.
Alors, ce qu'il faut, c'est susciter l'adhésion.
On le sent, il y a un enjeu d'adhésion, à la fois chez les jeunes de
différentes origines... Chez les jeunes qui sont issus de l'immigration,
parfois, il y a un défi supplémentaire de ressentir l'adhésion, c'est bien
documenté dans la recherche sur la question et ça se traduit dans les
comportements... dans les comportements culturels, dans une consommation moins
grande. Donc, à mon avis, si on sauve le français comme langue utilitaire mais
qu'on n'est pas capable de maintenir cette utilisation du français dans les
domaines culturels...
M. Dubreuil (Benoît) : ...et
de susciter une certaine adhésion à une culture commune, je... je me demande
pourquoi un peu on fait ça, en tout cas, ce n'est certainement pas la visée qui
est dans la Charte de la langue française et que vous avez adoptée.
M. Lemieux : On va en
reparler, de l'avenir du français, mais là vous m'ouvrez une petite porte que
je trouve importante quand vous dites : S'il n'y a pas l'adhésion à la
culture, on a peut-être, par méprise ou par ignorance, pensé que... parce que
la deuxième génération de nouveaux arrivants allait forcément à l'école
française, que ça réglait tous les problèmes, qu'à partir de là ils étaient
francisés, donc c'était réglé, ça faisait des... ils parlaient en français,
puis des gens qui allaient partager la culture commune. Je comprends que...
parce que j'ai lu votre rapport, je comprends que ce n'est pas nécessairement
le cas.
M. Dubreuil (Benoît) : ...je
pense, on a été enthousiaste avec la Charte de la langue française, qui a donné
des résultats quand même, notamment le fait qu'à peu près tout le monde qui est
né au Québec aujourd'hui peut parler français et l'utilise d'une certaine
manière dans sa vie... dans sa vie de tous les jours. Cependant, il y a un défi
dans la culture qui concerne tous les jeunes, hein, évidemment, mais avec les
jeunes issus de l'immigration. Quand on regarde les cheminements, quand on
regarde la manière dont l'identité se développe, on sent qu'il y en a une part
importante qui ont de la difficulté à se sentir appartenir pleinement à la
société. Donc, il y a comme quelque chose qu'on n'a pas complètement réussi à
faire. Donc, les gens vont développer des fois une identité qui va être plus
associée au bilinguisme, qui va être plus associée au caractère multiculturel
de Montréal, mais il va y avoir une tendance, et ça, je vous invite à lire la
recherche qualitative qui a été réalisée sur la question, il va y avoir une
tendance à voir la culture québécoise comme la culture ethnique de la majorité
francophone, la culture des Québ. Tu sais, il y a... Donc, il y a une frontière
ethnique sur le plan culturel qui concerne, donc, plusieurs jeunes qui ne vont
pas se sentir appartenir. Et ça, je pense que ça va vraiment à l'encontre de ce
que l'on cherche à faire collectivement. Entendons-nous, là, on n'est pas en
train de lancer la pierre à personne, mais il faut trouver des manières de
reconnecter les gens les uns avec les autres pour essayer de surmonter cette
frontière ethnique qui se construit tous les jours dans nos écoles.
• (15 h 40) •
M. Lemieux : De là
l'importance de ce projet, on verra comment il finit, de politique d'intégration
nationale pour que tout le monde y participe et que tout le monde y gagne.
M. Dubreuil (Benoît) : Tout à
fait. Et je reprendrai ce que disait M. Bouchard ce matin, je pense qu'il avait
tout à fait raison d'insister sur la question des interactions. Pour moi, la
seule manière que je peux concevoir de susciter de l'adhésion et d'amener des
gens vers une culture commune, c'est d'avoir des contextes d'interactions, des
contextes de rapprochements culturels positifs qui sont bien structurés, de...
où les gens peuvent interagir de manière égalitaire, collaborer à faire des
choses en commun. Pour moi, c'est la seule... la seule avenue qu'il existe en
ce moment.
M. Lemieux : O.K. Merci
beaucoup. On va reparler du français, mais ma collègue a une question. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, je reconnais la députée de Vimont. Il reste 2
min 10 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est grâce à mon collègue, là, il m'a
allumé sur sa question-là, puis votre réponse aussi m'a interpelée, parce qu'on
parlait tantôt de musique, puis il disait justement que la musique est en
baisse, musique francophone, etc. Par contre, je me pose une question. Moi, je
suis la digne représentante humaine, là, d'un enfant adolescent de 15 ans,
ça fait qu'imaginez, là, je vis tout ça, là, à 100 000 à l'heure,
l'anglais, puis etc. Par contre, je me rends compte qu'au niveau de la musique
en français, si on regarde en France, je veux dire, la plupart des chansons
sont en français. Je me demande si le style musical n'a pas une influence aussi
au niveau... au niveau des enfants, des adolescents dans le sens que, si on regarde...
je ne sais pas. Des fois, les téléréalités en France, on a des concepts
musicaux, puis tout est en français, puis c'est très suivi, c'est très
apprécié. Il y a des chanteurs, là, qui font le tour du monde parce qu'ils
chantent... ils vont chanter en français et puis ils sont reconnus. C'est sûr,
c'est un style musical qui est un peu différent de ce qu'on connaît.
Pensez-vous que, du fait qu'on ne pousse pas assez peut-être sur un style
musical... Je ne sais pas, là, je me... pardon, mon député... «mon député, mon
Dieu, bref, mon collègue qui m'a allumé là-dessus. Parce que je trouve que,
dans certains pays francophones, la culture, la musique a encore toute sa
place.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
exactement. On voit qu'il y a des pays qui réussissent à maintenir une musique
dans leur langue nationale malgré la pression des plateformes. Donc, forcément,
il y a quelque chose... il y a quelque chose à faire au Québec. Les défis, on
les connaît. Oui, il y a la question des plateformes, mais, oui, aussi il y a
le fait que certaines personnes, par leur entourage, ne seront pas du tout...
M. Dubreuil (Benoît) : ...à la
culture québécoise ou francophone. Puis, ensuite, bien, il y a l'autre élément
que j'ai mentionné, qui est l'élément d'adhésion, mais il y a... Je veux dire,
il ne manque pas de musique en français, là, il ne manque pas de bonne musique
en français. La France est l'exemple même qui montre qu'on peut vraiment
réussir. Puis moi, d'ailleurs, je pense qu'on doit utiliser non pas seulement la
musique québécoise, mais aussi la situer dans le contexte plus large de la
musique francophone, où il y a énormément de contenu de grande qualité. Il faut
augmenter l'exposition, utiliser les leviers...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je dois vous arrêter, on va poursuivre. Le temps est
écoulé pour le gouvernement, on va poursuivre avec l'opposition officielle pour
une période de 9min 54 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bon après-midi, M. le commissaire, merci d'être là avec vos
collègues. J'ai une question pour vous. On en a déjà parlé, la loi... le projet
de loi no 84 sur l'intégration nationale est déposé par M. le ministre, mais en
tant que ministre de la Langue française. Et on reconnaît que... je pense que
la francisation, c'est un des éléments essentiels pour intégrer des gens.
Cependant, on lisait, ce matin, dans le Journal de Montréal, «800 personnes en
attente de francisation en Estrie», apprendre le français dans un centre
d'éducation pour adultes, mais le financement a été coupé. Une dame qui s'est
vu offrir par le MIFI des cours, mais le soir. C'est une mère avec un enfant
qu'elle ne peut pas laisser, donc elle ne peut pas.
Alors, ce n'est peut-être pas une
contradiction, mais vous ne trouvez pas ça un petit peu étonnant? Puis
j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est comme si le gouvernement
disait : Oui, oui, on va déposer ce projet de loi là, là, mais on ne se
donne pas les moyens, finalement, de le réaliser, parce que la pierre angulaire
du projet de loi, c'est la francisation des nouveaux arrivants, mais on coupe
dans la francisation. Donc, comment on peut se sortir de ça, pour
qu'effectivement on soit capable de franciser des gens au Québec?
M. Dubreuil (Benoît) : Le
rapport qu'on a publié, justement, en mai dernier, sur le déploiement de
Francisation Québec, faisait justement état des lacunes que vous mentionnez,
puis on expliquait, dans le fond, les causes qui avaient mené à cette
situation-là. Parce que je constate comme vous, là, que la situation semble
perdurer. C'est un enjeu, et le défi, il est très, très grand, parce que ce
n'est pas... Oui, il y a la question des listes d'attente, mais il y a aussi un
autre enjeu, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui auraient besoin d'apprendre
le français et qui ne sont pas inscrits. Je pense, par exemple, du côté des
demandeurs d'asile, très peu de demandeurs d'asile qui sont inscrits en
francisation, c'est un enjeu. Il y en a énormément qui ne connaissent pas le
français. Je présume qu'il y en a plusieurs qui sont dans une situation
vulnérable. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Ensuite, parmi les gens qui
s'inscrivent, les listes d'attente demeurent très, très longues. Donc, les gens
doivent attendre et attendre. Et ensuite l'autre problème que je mentionnais,
c'est que, parmi les gens qui réussissent à s'inscrire, les gens restent assez
peu longtemps dans les cours de français. Donc, il faut aussi trouver des
moyens de permettre aux gens d'investir de manière plus intensive dans leur
formation linguistique.
Et j'ajouterais un autre élément qui
m'apparaît aujourd'hui plus clairement, c'est que la francisation, elle doit
être pensée de pair avec l'intégration, parce que si les gens vont juste en
francisation dans le but d'obtenir leur niveau 7 pour se qualifier à
l'immigration permanente, on n'obtient pas vraiment ce que l'on veut. Ce que
l'on veut, c'est que la francisation soit pensée de telle manière qu'à partir
du moment où la personne atteint un certain niveau, le niveau intermédiaire,
par exemple, tout de suite, on l'intègre dans des réseaux où le français est
utilisé de manière habituelle, parce que ce qu'on veut, évidemment, ce n'est
pas uniquement des gens qui vont développer des compétences en français, ce
qu'on veut aussi, c'est prendre les gens puis les amener dans des contextes
sociaux où cette connaissance-là va être utile puis va pouvoir être utilisée
sur une base quotidienne. Donc, ces défis-là, il y en a quatre, là, et je vous
dis, c'est tout un défi.
M. Morin : Vous avez raison
et, je vous dirais, vous faites bien aussi de mentionner l'intégration parce
qu'il faut que le nouvel arrivant ou que la personne qui apprend le français
soit capable, après, de l'utiliser et de le vivre.
Et d'ailleurs il y a une recommandation
que vous faites dans... votre recommandation trois. Vous voulez formuler des
devoirs à l'endroit du secteur privé, du système de l'éducation et de
l'enseignement supérieur. Un élément que j'ai fait ressortir ce matin et, je
trouve, qui est un grand absent dans ce projet de loi, c'est tout le volet
économique. Parce que, quand quelqu'un arrive ici, il constate rapidement qu'il
doit apprendre le français, puis, après ça, bien, il veut travailler et puis il
veut se loger. Puis, après ça, quand on a ça, habituellement, là, ça peut
avancer mieux. Il n'y a rien là-dedans. Vous, vous recommandez des devoirs à
l'endroit du secteur privé. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir aussi des
obligations pour l'État, pour le secteur public, afin de permettre une...
M. Morin : ...faciliter un
accès à l'emploi, à la promotion sans discrimination pour les nouveaux
arrivants.
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
J'ai écouté les discussions ce matin, j'ai trouvé ça intéressant parce que je
suis d'accord effectivement que le secteur privé joue un rôle essentiel.
J'irais peut-être cependant un peu plus loin. C'est qu'il y a des secteurs
d'emploi puis il y a des types d'emploi qui sont favorables à l'intégration
dans le sens où ils sont favorables à établir des relations avec des gens qui
sont ici depuis longtemps ou avec des gens qui ne sont pas issus de
l'immigration. Et il y a d'autres secteurs d'emploi qui sont peu favorables au
développement de liens réels et authentiques avec des gens qui ne sont pas
issus de l'immigration, avec des immigrants de longue date, et il y a beaucoup
de gens qui arrivent au Québec, là, aujourd'hui, hier, cette semaine, les gens
arrivent et ne tombent pas nécessairement dans un contexte qui va leur
permettre d'établir des liens sérieux avec des Québécois. Si vous êtes en
train de faire de la livraison au centre-ville de Montréal, si vous faites des
ménages la nuit dans un édifice commercial, si vous tombez dans une usine de
transformation alimentaire où il y a uniquement des immigrants récents, si vous
faites du camionnage de poids lourd sur la 20 pour une compagnie de l'Ontario,
et là je vous donne des exemples d'emplois qui sont peut-être plus de basses
qualifications, mais on peut aussi donner des emplois à hauts salaires. Si vous
êtes dans le domaine de la finance, si vous êtes dans le domaine des
technologies de l'information, du jeu vidéo et qu'à longueur de journée vous
êtes en télétravail avec des collègues qui ne sont pas au Québec, bien, tous
ces contextes d'emploi là vont rendre difficile l'établissement de relations de
qualité avec des gens qui sont installés ici, ils vont compliquer
l'enracinement.
À l'inverse, et je pense que c'est vous
d'ailleurs qui donniez l'exemple ce matin par rapport au contexte industriel ou
manufacturier en région, bien, si vous êtes en région puis que vous avez comme
collègues des gens qui viennent d'ici, qui sont établis depuis longtemps, qui
vous permettent de vous insérer dans des réseaux, de développer des liens de
qualité avec les gens qui vivent sur place, à ce moment-là, le contexte
d'intégration est bien meilleur.
Donc, l'économie joue un rôle important,
mais il faut voir quels sont les contextes d'emploi qui sont favorables et
comment on amène aussi les entreprises à jouer un rôle supérieur. On revient
sur la question du mentorat ou du jumelage dans les entreprises. Est ce qu'on
peut faire travailler davantage les gens en binôme, hein, un Québécois avec un
nouvel arrivant, travailler en binôme? On peut faire ça dans le secteur public
aussi. Il y a une initiative, par exemple, d'un groupe qui s'appelle Perth, que
vous connaissez sans doute, qui vise à mettre justement... qui est financé par
le gouvernement du Québec derrière le programme Circonflexe, je crois, qui vise
à mettre en relation des professionnels francophones avec de jeunes anglophones
qui cherchent à améliorer leur français puis à surmonter leur insécurité
linguistique.
• (15 h 50) •
Donc, ça, c'est des programmes qui sont à
petite échelle, mais qu'on peut amener à un niveau supérieur. Et c'est pour ça
qu'en fait il faut mobiliser l'ensemble des acteurs, secteur public comme le
secteur privé.
M. Morin : Et donc, le projet
de loi devrait en faire état, puis je comprends que vous nous décrivez un peu,
peut-être, et corrigez moi si je fais erreur, ce que vous entendez par votre
parcours d'intégration.
M. Dubreuil (Benoît) : Alors,
le parcours d'intégration, c'est un peu différent, c'est qu'en ce moment, vous
voyez, on a plusieurs obligations ou devoirs. Par exemple, on a l'objectif
intégration qui existe, on a des plans d'action individualisés pour les
personnes immigrantes, on a la francisation, on a un test des valeurs, donc on
a plusieurs éléments. Et moi, ce que je constate, c'est qu'un peu partout en
Europe aujourd'hui, comment les gens fonctionnent, c'est qu'ils vont tous...
ils vont regrouper tout ça sous un parcours d'intégration, ce qui augmente la
lisibilité pour la personne immigrante. Parce que la personne immigrante sait,
en fait, quelles sont les différentes choses qu'elle a à faire.
Cela dit, ce n'est pas une recette
magique, hein, ce n'est pas une recette magique. Si c'était magique, la
cohésion sociale irait bien partout en Europe, ce qui n'est pas nécessairement
le cas. Donc, il faut avoir ça, mais il faut aussi avoir une politique qui
favorise la mixité puis qui favorise des rapprochements interculturels dans
toutes les institutions qui jouent un rôle important pour l'intégration des
gens.
M. Morin : Merci. J'ai une
dernière question. On parle dans le projet de loi du modèle québécois
d'intégration nationale. On fait référence dans ce modèle au fait que le
français y joue un rôle important. On veut rajouter le modèle d'intégration
nationale dans la charte québécoise, mais après le français qui est déjà là.
Bon, vous êtes le Commissaire à la langue française, est-ce que ça vous aide?
Est-ce que c'est redondant? Est-ce que c'est déjà correct ce qu'il y a dans la
charte?
M. Dubreuil (Benoît) : Moi,
il n'y a jamais trop de français, là, mais, effectivement, il peut y avoir des
enjeux de redondance, là, il faut voir. Je pense que c'est un sujet de
discussion important pour vous, oui.
M. Morin : Et trouvez vous
que le fait que le français soit déjà inclus dans la charte québécoise, c'est
suffisant pour sa protection ou s'il faut en faire plus?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
je pense qu'on a quand même beaucoup d'outils en ce moment. Je pense que c'est
le défi qui nous attend, c'est plus un défi de mise en œuvre, comment, de fait,
on déploie une politique transformatrice qui va vraiment changer la vie des
gens et non pas qui va être dans le symbolique ou dans dans les affirmations,
là, dans les... oui...
M. Dubreuil (Benoît) : ...la
mise en œuvre.
M. Morin : Très bien. Merci,
merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
pour une période de 3 min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le commissaire, ainsi qu'à toute votre équipe. Encore une fois, on
a toujours le plaisir de vous recevoir. Écoutez, je vais faire un petit peu la
suite de ce que mon collègue de l'Acadie disait. On est dans un... dans une
perspective délicate et difficile où, en même temps, on a un gouvernement qui
nous présente un projet de loi, là, sur l'intégration nationale, mais, de
l'autre côté, les nouvelles en lien avec la culture, l'intégration, la
francisation nous démontrent, disons, que les bottines ne suivent pas les
babines, là, si je peux m'exprimer comme ça. Je vois : «Une crise
majeure pour notre culture», c'est un article de La Presse de ce
week-end, où on y dit : il n'y a pas une journée qui se passe sans qu'un
théâtre, un musée, une orchestre... un orchestre, pardon, annonce qu'il sabre
sa programmation ou supprime des postes.
Vous avez fait vous-même une
communication, en décembre dernier, sur les coupures en francisation, où vous
dénonciez... vous vous disiez, là, être préoccupé par les répercussions, à
court terme, de ruptures de services sur les élèves, notamment dans les
régions, où il n'existe pas d'autre prestataire que les CSS, et vous souligniez
l'importance de replacer rapidement les élèves en place. Et par ailleurs,
récemment, on apprenait que Québec mettait fin ou mettait pause... sur pause le
soutien aux élèves immigrants et autochtones.
Donc, moi, je vois, dans vos
recommandations, plusieurs ajouts de responsabilité étatique de l'État
québécois. En fait, j'en ai calculé cinq, contrairement à une, que vous
ajouteriez, donc, la participation aux parcours d'intégration aux nouveaux
arrivants. Est-ce qu'il n'y a pas quand même un décalage entre l'intention puis
l'énoncé de principe puis la réalité terrain de ce que, finalement, le
gouvernement offre aux nouveaux arrivants?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
les défis sont, visiblement, importants, et vous y faites écho. Écoutez, moi...
cet automne, dans le rapport qu'on a publié là, sur le français langue commune,
on a mentionné la question du financement en culture. Je pense que c'est
évident que tous les outils de financement en culture qui existent sont pensés
pour l'écosystème québécois traditionnel, qui, aujourd'hui, est en crise. Et
moi, je comprends, là, il y a des gens, évidemment, beaucoup, beaucoup
d'artistes, dont la subsistance, en ce moment, est... des gens qui vivent de
manière très, très difficile, qui ont très, très peu de revenus, très, très peu
de ressources.
Je pense que, de manière plus large, il
faut vraiment revoir notre... l'ensemble de notre financement en culture, parce
que les chiffres que l'on voit, pour ce qui est de la consommation de contenus
culturels en français, ils sont extrêmement, extrêmement préoccupants. Donc,
visiblement, le modèle de financement avec lequel on a vécu jusqu'à présent ne
permet pas d'y arriver, sinon, on n'aurait pas 5 % d'écoutes en français
en musique, l'anglais ne serait pas devenu dominant dans tout ce qui s'appelle
l'audiovisuel. Dans le visionnement de films, l'anglais, maintenant, est plus
utilisé que le français chez les jeunes au Québec. Même chose dans le livre, on
voit une baisse. On voit une baisse dans la radio, on voit... Dans la lecture
de quotidiens aussi, et ça, c'est important. La lecture de quotidiens, c'est la
base même de la... de la démocratie.
Donc, moi, j'entends aussi les
préoccupations du milieu culturel. Honnêtement, on y réfléchit, on regarde la
question. Cela dit, c'est assez complexe aussi de savoir comment on peut
modifier ces financements-là pour faire monter les pourcentages et les chiffres
qu'on a... qu'on a sous les yeux. Donc, nous, on continue d'y... d'y réfléchir,
et j'espère qu'on va avoir des choses peut-être concrètes à proposer aussi là.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on termine cette ronde d'échange
avec le député de Matane-Matapédia, 3 min 33 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale. Chaque fois que vous
êtes présents, c'est annonciateur de conseils pour quiconque est intéressé par
l'avenir de la langue française. Et je me permettrai, avec cette tribune,
d'indiquer, parce qu'on a parlé de musique tout à l'heure, qu'il y a une
plateforme musicale 100 % francophone et québécoise qui s'appelle musiq.ca,
qui est dans l'actualité aujourd'hui, et qui souffre du manque de considération
et de financement. Voici une avenue intéressante, qui permet la découvrabilité
des chansons québécoises en français. Alors, j'utilise le peu de temps que j'ai
pour en parler.
Vous indiquez dans vos recommandations, la
quatrième, un parcours d'intégration, mais vous ne définissez pas quelles
pourraient être les stations de ce parcours. Alors, je vous laisse le soin de
nous préciser à quoi ça peut ressembler.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
j'ai déjà mentionné, hein, les composantes qui sont habituellement... qui sont
dans de tels parcours ailleurs, dans les autres pays. On les retrouve déjà un
peu ici, au Québec, sous la forme de la francisation, d'Objectif Intégration,
du test de valeurs aussi. Donc, c'est des choses qui existent déjà un peu... un
peu ici. La manière dont ça fonctionne en Europe, c'est que la réussite du...
M. Dubreuil (Benoît) : ...peut
être conditionnel à l'obtention d'un permis de séjour temporaire, ou au renouvellement
d'un permis de séjour temporaire, ou encore à la naturalisation. Des fois, il
peut y avoir des modalités, donc ça peut être obligatoire pour certaines
catégories d'immigrants, mais facultatif pour d'autres. Des fois, il y a des
approches qui sont très soutenantes avec des prestations, d'autres fois il y a
des approches qui sont plus punitives, selon les pays. Donc, il y a toute une
calibration qui est à aller chercher. Et, là-dessus, je ne veux pas trop
m'avancer, là, je pense qu'il y a plusieurs discussions qu'on pourrait avoir.
Pour moi, ce qui est intéressant avec ça, c'est de ramener sous un chapeau,
finalement, un ensemble d'obligations, ou de devoirs, ou d'outils même qui sont
disponibles pour les personnes immigrantes.
M. Bérubé : Je me permets
d'en ajouter deux à votre réflexion, par exemple, les cérémonies d'accueil pour
les nouveaux arrivants au Québec, où on réitère que le français est notre
langue commune. Et une autre peut-être plus étonnante, c'est une initiative de
l'Université de Montréal sur les concours d'art oratoire, et ça, c'est
fascinant parce que quiconque y participe travaille sa connaissance de la
langue, sa facilité à s'exprimer. Je trouve qu'au Québec ce type de débat,
d'échange, c'est un sport amical, devrait être valorisé davantage. Alors, cette
belle initiative qui existe. Souvent, on est sollicités, les parlementaires,
pour y assister. Je crois qu'il y a là quelque chose d'intéressant sur la
qualité de la langue exprimée aussi. Ça devrait être valorisé.
M. Dubreuil (Benoît) : L'enseignement
du français à l'école est beaucoup centré autour de la... autour de la variante
écrite puis autour de la question de l'orthographe, la maîtrise de
l'orthographe, et la question de la maîtrise de l'oralité est extrêmement
importante, particulièrement aussi pour les jeunes allophones qui ont besoin
d'utiliser le français dans des contextes de socialisation informels pour
maîtriser tous les registres de la langue et toutes les variétés. Vous
mentionnez justement les concours d'art oratoire. C'est parfait. On peut aussi
avoir des batailles de rap keb, ce serait...
• (16 heures) •
M.
Bérubé
:
C'est ce que j'allais vous dire. Ma conjointe, qui est une spécialiste dans le
domaine, me disait que : Qui est en train de nous donnez les plus belles
leçons en matière de langue, de maîtrise de la langue? C'est des rappeurs
français, québécois qui arrivent avec des tournures de phrases, avec des beaux
mots, avec une réalité fascinante. Alors, peut-être qu'ils pourraient éventuellement
collaborer à vos travaux et nous surprendre.
M. Dubreuil (Benoît) : Il
faut qu'on présente la langue française, pas seulement comme un code écrit qui
est utile, mais que ce soit un outil qui nous permet d'exprimer nos émotions et
de forger des liens.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, est-ce qu'on dit rappère ou rappeur? Merci
beaucoup. Alors, sur ces bonnes idées, ces échanges, je vous remercie pour
l'apport à nos travaux.
Nous allons suspendre quelques secondes,
le temps de recevoir... quelques instants, le temps de recevoir le prochain
groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 01)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 04
)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons pour lors la Table
de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes. Alors, je vous présente Mme Sarah Toulouse, membre du conseil d'administration,
M. Frey Guevara, membre du Conseil d'administration, M. Louis-Philippe Jannard,
membre de l'équipe, ainsi que Mme Émilie Bouchard, membre de l'équipe.
Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à la
commission. Vous allez avoir 10 minutes pour votre exposé, et par la suite
on va entamer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, les
prochaines 10 minutes sont à vous.
Mme Toulouse (Sarah) : Merci
beaucoup, M. le ministre, Mme la Présidente, et Mmes MM. les députés. Je vais
prendre un tout petit moment pour nous représenter dans nos rôles. En fait,
moi, je suis, oui, à la coprésidence, la table, de la TCRI, mais je suis aussi
directrice générale d'un organisme d'accueil, Accueil Intégration
Bas-Saint-Laurent basé à Rimouski. Mon collègue Frey, vice-président de la
TCRI, lui est directeur du SERY qui est à Granby, Louis-Philippe est
coordonnateur du volet protection, et Émilie est coordonnatrice au niveau de l'employabilité
pour la TCRI. Donc, je trouvais ça important de vous placer nos différents
chapeaux. Merci de nous offrir cet espace-là pour venir discuter avec vous de
notre... mais de nos commentaires par rapport au projet de loi.
La TCRI existe depuis 45 ans puis en
fait a au cœur de sa mission l'intégration, la défense de droits des personnes
réfugiées et immigrantes. Elle regroupe en fait 155 organismes de partout
au Québec, puis ces 155 organismes-là, dont le mien, celui de Frey et
plusieurs autres, sont vraiment au cœur de tout ce processus d'intégration là,
ont vraiment l'expertise de terrain au quotidien en fait de l'intégration, donc
c'est pour nous très pertinent d'être ici aujourd'hui.
Vous avez pu remarquer qu'on ne vous a pas
soumis la version complète de notre mémoire encore, considérant les courts
délais puis le fait qu'on a énormément de membres avec lesquels on peut prendre
le temps de bien discuter puis de bien asseoir les différentes recommandations.
On va vous soumettre ça dans les délais prescrits, mais on vous a envoyé
préalablement, là, nos commentaires préliminaires.
Bien, d'ailleurs, vous avez pu le
constater, en fait la TCRI revendique depuis longtemps et l'encadrement
législatif du modèle d'intégration dans l'idée d'avoir une approche qui soit
cohérente. On salue donc présentement, bien, l'initiative du gouvernement. On
souhaite d'ailleurs mettre à contribution notre expertise au service des
démarches qui sont à venir parce qu'on pense qu'on a un regard très intéressant
à apporter.
Vous avez pu le constater dans les
commentaires préliminaires, on n'est toutefois pas en mesure de dire qu'on
appuie, dans la mouture actuelle, le projet de loi tel que déposé. On est d'avis
que certaines nuances s'imposent afin, bien, d'avoir un projet de loi qui soit
vraiment à l'image de la société qu'on souhaite bâtir collectivement, puis je
vais laisser à mes collègues y aller plus en détail dans ces aspects-là.
Louis-Philippe.
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Merci, Sarah. Bonjour à toutes et à tous.
La première raison pour laquelle nous ne l'appuyons pas le modèle tel que
proposé a trait à son orientation générale. En effet, à la lecture des articles 1
et 4, on constate que le modèle d'intégration met d'abord l'accent sur la
préservation, la promotion de la culture commune et de la langue française
plutôt que sur l'intégration des personnes immigrantes proprement dites. De
plus, l'article 4 fait de l'accueil et de la pleine participation des
personnes immigrantes un moyen pour favoriser l'adhésion à la culture commune.
Dans cette conception, l'intégration ne semble pas être une fin, une fin en
soi. On observe ainsi un net déséquilibre entre les mesures consacrées à la
culture...
M. Jannard
(Louis-Philippe) : ...on observe ainsi un net déséquilibre
entre les mesures consacrées à la culture et celles qui sont consacrées à
l'intégration. Par exemple, lorsqu'on s'attarde aux fondements du modèle, aux
devoirs de l'État ou au contenu de la politique nationale, on remarque qu'une
grande majorité de mesures se rattachent à la culture. De surcroît, parmi les
mesures relatives à l'intégration, on ne retrouve rien dans le projet de loi
qui ne fait pas déjà partie des activités de nos organismes, que ce soit la
francisation, les séances objectif intégration ou le jumelage interculturel. Ce
déséquilibre se manifeste aussi dans la façon dont la culture québécoise ou
commune est définie à l'article 3. D'entrée de jeu, mentionnons qu'il n'y
a aucun élément dans cette définition auquel nous nous opposons. Par exemple,
la TCRI a toujours reconnu la langue française comme étant la langue
d'intégration au Québec. Néanmoins, la définition proposée comporte deux
problématiques majeures. D'une part, elle ne reconnaît pas la diversité qui
façonne le Québec d'aujourd'hui, par exemple, les multiples diasporas qui sont
présentes au Québec, certaines depuis plusieurs décennies. D'autre part, la
définition me semble particulièrement rigide, alors que, par essence, la
culture est en constante évolution. Malgré les quelques mentions de la
contribution des personnes immigrantes ou des minorités culturelles, on se
demande s'il y a réellement ouverture à cette contribution parce qu'on ne voit
pas d'espace pour ces apports dans la façon dont la culture est conceptualisée.
Donc, le projet de loi nous semble ainsi être en rupture avec l'approche
interculturelle au profit d'une approche aux accents assimilationnistes dans
laquelle les organismes ne se reconnaissent pas. Je passe maintenant la parole
à ma collègue Émilie.
Mme Bouchard
(Émilie) : Oui. Merci, Louis-Philippe. Donc, bonjour, tout le
monde. Moi, j'aimerais qu'on aborde la question de l'intégration parce que,
bon, pour nous, c'était une intégration assez problématique parce qu'on ne reconnaît
que la dimension culturelle de l'intégration des personnes immigrantes. Mais
comme vous le savez, l'intégration, c'est un processus complexe qui ne se
résume pas qu'à l'apprentissage du français et des valeurs québécoises. Il y a
plusieurs dimensions qui sont négligées, quant à nous, dans le projet de loi,
dont la dimension socioéconomique. Vous savez, il a bien été documenté que
beaucoup, la majorité des personnes immigrantes s'intègrent grâce à leur
emploi, qui est un vecteur d'apprentissage du français, mais aussi un lieu de
socialisation. On peut apprendre toutes sortes de choses dans l'emploi, dont
des compétences techniques mais aussi sociales. Dans le projet de loi, on peut
bien lire qu'il y a un principe de réciprocité qui est l'une des assises du
projet de loi. Il y a des attentes spécifiques qui sont formulées à l'égard des
personnes immigrantes.
• (16 h 10) •
Cependant, à la lecture des
articles 6 et 7, on trouve que le projet de loi demeure silencieux sur les
devoirs de l'État quant à la préparation de la société d'accueil pour favoriser
la pleine participation des personnes immigrantes, comme le dit le
gouvernement, alors qu'elles impliquent des dimensions collectives importantes
au niveau de la pleine participation. Le seul devoir de l'État qu'on voit, qui
se rattache à l'intégration, prévoit l'offre des mesures visant l'accueil et
l'intégration des personnes immigrantes. On mentionne à plusieurs reprises, là,
l'apprentissage du français, puis les valeurs démocratiques et québécoises. Les
autres devoirs concernent la protection de la langue française, la culture
commune ou la défense de certaines valeurs. Donc, pour nous, on ne voit pas
vraiment de réciprocité au niveau des personnes immigrantes, et puis les
obstacles spécifiques reliés aux politiques et programmes d'immigration ne sont
pas abordés, encore moins les solutions pour lever les barrières à
l'intégration qui sont nombreuses, comme on le sait. Donc, il est vraiment
important pour nous de reconnaître la diversité des parcours d'immigration et
d'intégration des personnes immigrantes que le Québec accueille. Il y a toutes
sortes de personnes avec des statuts d'immigration, des parcours de vie
différents. Donc nous, la TCRI, on s'est positionné depuis longtemps sur
l'intégration, puis on se base sur un document phare qui s'appelle Cap sur
l'intégration. Et les organismes de la TCRI qui, à travers leurs différents
services, dont le PASI, qui est financé en fait par les MIFI, sont au premier
plan de l'intégration des personnes immigrantes. Vous savez, il offre un
soutien personnalisé qui correspond à leurs besoins uniques. Puis chaque
parcours au sein des organismes est différent parce que chaque besoin semble
différent. Donc, je vais laisser mon collègue Frey vous parler un peu plus en détail,
là, du travail des organismes, puis comment le projet de loi pourrait avoir un
impact sur les organismes et les personnes elles-mêmes.
M. Guevara (Frey) :
Merci beaucoup. Bon, la considération qui se rattache à toutes et tous dans la
politique nationale pour les organismes... ça comprend l'article 10 que
les organismes qui reçoivent de financement du gouvernement vont être soumis à
la politique. On ne sait pas exactement sur quel niveau ça va être le
financement ni la nature des obligations qui seront imposées. De plus, comme ça
a été mentionné, la TCRI est un réseau de 155 organismes, partout au
Québec qui accompagnent les personnes immigrantes. Et ça, c'est environ
120 000 personnes par année qu'on accompagne jour après jour. Ce
projet-là n'est pas...
M. Guevara (Frey) : ...ne
permet pas la consultation des parties prenantes dans l'élaboration de la
politique. Il est important de considérer la réalité terrain. Nos intervenants
sont des intervenants de première ligne qui confrontent... ou qui rencontrent,
plutôt... première fois la personne qui arrive dans nos territoires. Il faut
découvrir son parcours migratoire et comprendre un peu le contexte dans lequel
ils sont arrivés pour bien pouvoir développer une approche, une approche
interculturelle, qui est vraiment important pour pouvoir faire avancer et qu'on
utilise depuis plus de... plusieurs décennies. Alors, de notre part... on...
fortement des politiques et programmes d'intégration du ministère visés par le
règlement prévu à l'article 16. Ces programmes comportent déjà de nombreuses
exigences, de la reddition des comptes qui est particulièrement exigeante, en
termes de temps, pour les organismes. On a des... d'interventions à faire par
année, par intervenant, mais, en même temps, il faut considérer tout le temps
qui doit être consacré pour la préparation de la reddition de comptes en tenant
en compte les différents obstacles qu'on vit, par exemple, avec... c'est une
plateforme qui nous exige beaucoup de temps pour pouvoir présenter une
reddition de comptes qui représente vraiment le travail. Parce que, malgré tous
les efforts qu'on fait, il y a beaucoup de travail visible, à partir de ce
moment-là, parce qu'on n'arrive pas à pouvoir saisir toutes les informations et
tout l'accompagnement qu'on déploie pour pouvoir accompagner les gens.
Pour terminer un peu ma présentation, je
tiens aussi à mentionner qu'il y avait des... les exemples sur les mesures
d'intégration mentionnées dans le programme de... le projet de loi font partie
déjà des pratiques diversifiées. Par contre, on ne voit pas de nouvelles
stratégies ou des nouvelles propositions pour les personnes immigrantes, malgré
les différents obstacles à l'intégration. On s'oppose un peu au modèle, mais on
tient compte qu'on veut travailler de la main avec le ministère, tel qu'on vous
l'avait déjà mentionné, M. le ministre, lorsqu'on vous a visité. On est prêt à
vous tendre la main, à mettre sur la table notre expertise, la collaboration de
tout le réseau des organismes de la... Merci beaucoup pour l'invitation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour vos propos. On
va donc engager tout de suite la discussion avec les parlementaires, et je me
tourne du côté du ministre, pour une période de 16min 30 s au total.
M. Roberge : Merci, Mme la
Présidente. Merci à vous. C'est très intéressant de vous avoir autour de la
table aujourd'hui, parce que, bon, parfois on a des institutions, comme le
Commissaire à la langue française, on a des chercheurs, on a des universitaires,
on a des philosophes, mais on a vraiment besoin d'avoir des gens de terrain
comme vous, et vos organismes, et vos partenaires, et les gens qui sont
directement en contact avec les nouveaux arrivants pour faire attention de ne
pas s'égarer quelque part dans les nuages.
On est dans une loi-cadre, on est dans une
loi fondamentale. Donc, oui, ça nous prend des considérants, ça nous prend des
grands principes qui sont très importants, ça nous prend des concepts, mais ça
nous prend votre avis aussi. Donc, merci de participer à l'exercice, c'est très
apprécié.
Vous avez mentionné, en début de
présentation, vous saluez l'initiative du gouvernement, mais vous n'appuyez pas
le projet de loi tel que présenté parce qu'il y a des ajustements à faire, puis
c'est très bien, alors on est là pour vous écouter là-dessus, mais je voudrais
juste comprendre, avant qu'on creuse, là, dans le détail, quand vous dites que
vous saluez l'initiative du gouvernement, ça fait longtemps que vous attendiez
qu'on développe notre modèle... On n'a pas... en tout cas, il est informel,
notre modèle, en ce moment. Quel est l'impact, au moment où on se parle et
cette année, l'an passé, il y a deux ans, il y a trois ans, de ne pas avoir de
modèle formellement défini? Quel est l'impact, en ce moment, sur le terrain, de
ne pas avoir la loi optimale qui sera bonifiée?
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Oui, merci. Merci, M. le ministre, pour
votre question. L'impact, bien, évidemment, c'est qu'on peut observer un manque
de cohérence entre certains programmes. Pour nous, il y a certains éléments
dont on fait mention, là, dans nos commentaires préliminaires qui, tu sais, en
matière d'intégration, seraient importants d'inclure. Quand, on mentionne les
obstacles à l'intégration notamment, bon, ma collègue Émilie faisait référence
aux obstacles en emploi, il y a des dimensions sociales importantes. Plus tôt,
ce matin, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
parlait de la lutte contre les discriminations, la lutte contre le racisme.
Donc, avoir un outil législatif qui permette un modèle cohérent permet de
mettre en œuvre ce type de mesures là à travers la... je dirais, les
différentes composantes de la société, permet aussi d'avoir une approche... une
approche partagée relative à l'intégration...
M. Roberge : ...merci
beaucoup. Donc, une meilleure cohérence gouvernementale puis peut-être un outil
de référence pour chacun des organismes un peu partout. Maintenant, travaillons
à l'améliorer puis à regarder comment on comprend ce qui est sur la table en ce
moment.
Vous avez mentionné tout à l'heure que
vous aviez des enjeux avec l'article 3 où on parle de la culture commune,
puis on est dans le chapitre II qui s'appelle Modèle et fondements. Donc,
on est vraiment dans les concepts, les principes et il y a plusieurs articles
qui sont là, dans le chapitre II, sur le modèle et fondements.
L'article 3, d'après vous, ne mentionne peut-être pas assez la diversité.
J'accepte cette critique-là, il n'est pas précisément dans l'article 3,
effectivement, mais dans le même chapitre, on le détaille, le modèle, dans
plusieurs articles, et, dans l'article 5, on parle quand même que les
personnes immigrantes, les personnes s'identifiant à des minorités culturelles
sont appelées à contribuer — donc on parle qu'il y a des gens de
partout — sont appelés à contribuer, notamment à partir de leurs
caractéristiques culturelles, à son évolution et son enrichissement, on parle
de la culture commune. Donc, quand on... Est-ce que c'est suffisant pour vous
de dire qu'on a des gens qui ont différentes caractéristiques culturelles qui
n'appartiennent pas... le Québec n'est pas pleinement homogène, tout le monde
n'appartient pas à la même communauté culturelle, certains ont des
caractéristiques culturelles différentes. Je pensais qu'on le mentionnait assez
dans Modèle et fondements. Si oui, à cette lecture, tant mieux, sinon, comment
on devrait le formuler?
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Bien, il y a peut-être deux éléments que
je peux me permettre de suggérer. D'abord, dans la définition de la culture
commune à l'article 3, de reconnaître les apports de la diversité déjà
existants, je pense que, tu sais, aujourd'hui dans le Québec de 2025, il y a
déjà différentes communautés qui ont contribué à la culture commune, la,
différentes diasporas qui sont présentes au Québec depuis longtemps. Ce serait
un premier élément. Puis peut-être comme... c'est M. Bouchard, là, qui y
faisait référence ce matin, aussi reconnaître le caractère évolutif de la culture,
peut-être plus explicitement à l'article 3. On comprend qu'à certains
endroits, dans le projet de loi, il y a mention des contributions, une
invitation à adhérer, à contribuer à la culture commune, mais on pourrait
reconnaître d'emblée son caractère évolutif, ça nous semblerait une ouverture
peut être plus explicite, je dirais, aux apports de la diversité.
• (16 h 20) •
M. Roberge : Merci. Le
caractère évolutif, je note. On a quand même, dans le sixième
considérant : «considérant que des personnes immigrantes venues du monde
entier contribuent à la nation québécoise;», donc on voit qu'elles ont
contribué et qu'ils contribuent. On est au présent tout de suite, pas juste
vont contribuer peut-être un jour, mais ils ont quand même contribué à la
nation, la nation est là parce que des gens venus de partout ont contribué.
Mais je prends quand même des notes. Merci.
Peut-être une dernière question, je vois
mes collègues qui voudraient interagir avec vous, peut-être. Concrètement,
comment on peut mieux vous aider? Évidemment, si on vous donne plus d'argent,
c'est comme ça toujours, hein, plus de moyens, plus de ressources, plus de
locaux, plus d'intervenants, je suis très conscient, très, très conscient de
ça, mais je vous dirais, dans la manière de faire, dans le modèle qu'on
développe, comment on pourrait mieux faire pour intégrer les gens à la nation
québécoise, là, dans une démarche d'ouverture? Qu'est-ce qu'on devrait faire
ensemble? Qu'est-ce qu'on devrait dire ensemble?
Mme Toulouse (Sarah) : Bien,
moi... je vais y aller si vous permettez. J'ai envie de nommer le besoin
d'aller dans la globalité du besoin d'intégration. Les personnes que nous, on
accompagne sur le terrain, elles arrivent puis, oui, elles ont envie de
connaître la culture dans laquelle elles s'intègrent, de contribuer, mais elles
ont aussi envie de trouver leurs repères à travers ça, elles ont besoin
d'accompagnement au niveau psychosocial, au niveau de plein de facettes
socioéconomiques, au niveau de l'ensemble des différents facteurs qui vont
favoriser cette intégration-là. Donc, si on demande qu'est-ce qu'on peut faire
pour favoriser ça, bien, je pense que c'est encore une fois d'être à l'écoute
du terrain puis de voir, bien, qu'est-ce qui, concrètement, fait que les
personnes issues de l'immigration finissent par se sentir à leur place puis
qu'il y a vraiment un sentiment pour les intervenants, intervenantes sur le
terrain aussi d'avoir les bons outils pour les accompagner, d'avoir en main les
bons éléments pour faciliter l'intégration de plusieurs façons et pas juste
dans un angle.
Donc, j'ai envie de dire que de prendre le
temps qu'on regarde les différents programmes, puis, oui, dans l'élaboration de
la...
Mme Toulouse (Sarah) : ...l'élaboration
de la politique pour mettre en place les éléments qui vont faciliter le travail
terrain, mais je pense qu'ultimement ça va favoriser une intégration qui va
être au bénéfice de tous, à la fois de la collectivité, mais aussi des
personnes qu'on accompagne puis des organismes sur le terrain.
M. Roberge : Parce que...
Merci. Merci. On est là. On n'est pas techniquement dans un projet de loi sur,
purement, l'immigration, on est dans un projet de loi sur l'intégration.
Évidemment, on va intégrer les gens qui sont arrivés récemment, mais aussi des
personnes qui, des fois, peuvent être arrivées il y a un certain temps, même
des gens qui sont nés ici, parfois de parents migrants qui ne s'identifient pas
tellement encore à la culture québécoise. Donc, le défi, c'est de transmettre cet
amour du territoire, des cultures, des traditions, évidemment, en tendant la
main. Donc, pour susciter l'espèce d'adhésion, de fierté, de sentiment
d'appartenance, c'est quoi la potion magique que vous avez ou que vous voulez
davantage? Je n'ai pas des questions faciles, hein, mais on est dans... on
n'est pas dans un projet de loi qui est simple, mais c'est pour ça qu'on aime
ça.
M. Guevara (Frey) : Je
pense que, excusez-moi, je reprends la parole, oui, c'est très intéressant, et,
comme vous disez, ça incite beaucoup à la réflexion, mais il faut considérer
également... la responsabilité ne repose pas seulement sur un projet de loi ni
sur l'organisme... qui fait l'accueil des personnes immigrantes. C'est une
responsabilité de la collectivité. Mais je pense que les discours politiques,
il faut les adapter réellement, parce que si aujourd'hui on allume la télé, on
écoute de l'immigration au Québec et on entend seulement les discours
politiques, on est en train de voir l'immigration d'une façon négative. Je
pense qu'il faut aussi mettre en considération l'apport, la richesse. Si on le
regarde, mettons, sur le plan culturel, si on le regarde sur le plan économique,
comme une entreprise au Québec, on continue à fonctionner grâce aux
travailleurs étrangers temporaires par exemple. Alors, si on ne tient pas
compte de la richesse qu'apporte l'immigration dans notre pays à différents
niveaux, je pense que l'ensemble de la société ne va pas nécessairement
s'ouvrir à collaborer et à contribuer pour faciliter l'inclusion de ces
gens-là.
M. Roberge : Merci infiniment
pour votre présentation. J'ai des collègues qui brûlent de vous questionner.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : En effet, il y a que le druide d'Astérix qui a le secret de
la potion magique. Je laisse la parole maintenant à la députée de Vimont. Il
reste 6 min 10 s.
Mme Schmaltz : Parfait.
Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents aujourd'hui. À plusieurs
reprises, vous avez soulevé pendant la présentation les nombreux écueils que
peuvent rencontrer les nouveaux Québécois dans leur intégration. Vous
représentez 150 organismes, donc j'imagine qu'à travers les rencontres, ou
peu importe, là, que vous faites, il y a des éléments, justement, qui doivent
sortir de ces rencontres et qui viennent parler, justement, de ces
problématiques rencontrées. Pourriez-vous peut-être juste nous... peut-être
pour le bénéfice, là, de ma propre compréhension, là, peut-être, me mettre à
l'avant-plan, là, c'est qu'est-ce que les nouveaux arrivants racontent
principalement? Et, en réponse à ça, je vous poserais tout de suite la deuxième
question : Qu'est ce qu'on pourrait mettre de l'avant maintenant pour
favoriser une cohésion sociale qui est forte?
Mme Toulouse (Sarah) : J'ai
envie de nommer qu'est un des éléments majeurs présentement, c'est le discours
ambiant, dont mon collègue Frey parlait, il y a beaucoup... on sent beaucoup
d'incohérence sur le terrain. Ça a été nommé par d'autres qui sont venus devant
vous aujourd'hui aussi, entre ce qui semble être souhaité du côté du
gouvernement, au niveau de la francisation, au niveau de l'intégration
socioéconomique, et tout, puis concrètement qu'il y a de possibles sur le
terrain. Donc, un des... une des difficultés c'est de... comme personne issue
de l'immigration, de vivre à travers ce double discours-là, de dire : Je
sens que j'ai besoin d'apprendre le français, je dois être fonctionnelle, j'ai
besoin de comprendre la culture dans laquelle je vais m'intégrer, et tout.
Puis, en réalité, mais il y a plusieurs barrières, en fait, qui se mettent en
travers du chemin. Donc, qu'est-ce qui peut être fait concrètement?
Concrètement, avoir un accès... la francisation, je sais que vous venez tout
juste d'en parler, mais on ne peut pas ne pas en parler, surtout quand il est
question de... À la fois, Frey et moi, on a des organismes où on accueille les
personnes réfugiées prises en charge par l'État aussi. Il y a 14 villes au
Québec qui accueillent les réfugiés pris en charge. Et c'est tellement
essentiel, le volet francisation, dans tout ce qui est intégration dans le
milieu aussi, parce que c'est un espace... au-delà de l'apprentissage de la
langue, c'est un espace de socialisation, de compréhension des codes aussi.
Puis c'est...
Mme Toulouse (Sarah) : ...essentiel
de pouvoir l'offrir de façon présentielle et adaptée.
Je pense que ce qu'on a de particulier,
les 155 organismes qui font de l'accompagnement de personnes issues de
l'immigration c'est qu'on le fait de façon individualisée, personnalisée pour
chaque personne. Parce que c'est ce qui ressort du terrain aussi, c'est le fait
que chaque individu, chaque parcours, chaque histoire est unique, puis, pour
ça, ça prend du temps. Il n'y a pas un modèle, il n'y a pas une approche, avec
une liste à cocher de : voici comment bien intégrer une personne, puis
comment... ce dont elle a besoin. On doit toujours partir du besoin, de la
réalité, des aspirations aussi, parce qu'on n'a pas envie de mettre les gens
dans des cases. On a envie de leur offrir toutes les opportunités. Mais, pour
ça, il faut prendre le temps.
Donc, le plus beau... le plus bel outil qu'on
peut avoir sur le terrain, bien, c'est du temps pour les accompagner, puis des
milieux qui sont sensibilisés, puis qui ont la même intention aussi, de
dire : Bien oui, on va adapter nos pratiques, parce qu'on est dans une
société qui évolue puis qui a besoin d'adapter ces différentes approches tant
au niveau du milieu du travail, tu sais, au niveau de la santé, l'éducation.
Donc, j'irais dans ce sens-là.
Mme Schmaltz : Dernière
petite question, reliée à ce que vous expliquez. il y a certaines villes,
municipalités, au Québec, qui mettent à l'avant-plan des programmes, justement,
d'intégration des nouveaux arrivants, ou, du moins, des plans pour les aider à
bien s'intégrer, et puis, somme toute, on se rend compte que ça fonctionne très
bien. Souvent, c'est des idées, aussi, qui viennent du milieu, hein, parce que,
dans chaque région, la réalité est très différente, hein? On a parlé... on a un
peu soulevé l'intégration tantôt. On parle de francisation. On n'ira pas
là-dessus, non plus, pour débattre, parce que je pense que le ministre a très
bien expliqué, pendant plusieurs semaines, tout ce qui touche au niveau de
la... de la francisation. Je pense que la compréhension doit être... doit être
au rendez-vous pour pouvoir s'exprimer sur la question.
Alors, je voulais juste... Dernière petite
question, je ne sais pas si vous voulez passer aussi, après, à mon collègue, la
prochaine question, là, disons. Je voulais juste savoir, au niveau, justement,
de ces municipalités, qu'est ce que vous pensez de ça, justement, d'avoir ces
plans qu'ils mettent en place?
M. Guevara (Frey) : Je
vais me prononcer, parce qu'ici à Granby, effectivement, la municipalité a
décidé... s'est dotée d'un plan d'action, qui délivre... ne souligne plus
l'influence exercée par l'organisme lorsqu'un invité est en table de
concertation. Alors, les principaux défis ont été ressortis grâce à la
concertation. Mais, aujourd'hui, la concertation n'est pas nécessairement
financée. Il faut écouter les milieux, il faut écouter les personnes
immigrantes, les personnes concernées.
• (16 h 30) •
Et, un peu en lien avec... l'autre
question également, je pourrais dire que, dans différents exercices que nous
avons faits, dans différentes recherches, on demande aux personnes
immigrantes : Pourquoi vous n'adhérez pas... pourquoi vous n'êtes pas...
pourquoi vous ne participez pas à toutes les activités, qui sont des activités
collectives qu'on déploie pour vous? Donc, la réponse est : Premièrement,
on ne parle pas encore le français pour pouvoir comprendre qu'est-ce que vous
allez nous fournir comme information. Deuxièmement, vous avez essayé
d'inventer, les ministères... essayé de déployer des politiques sans tenir
compte de notre réalité. Alors, il faut... il faut connaître la personne qu'on va
accueillir. Donc, par exemple, on va faire une fête à la maison, on va savoir
qui on va inviter, qu'est-ce qu'on va préparer pour bien les accueillir. Ce
n'est pas la faute de l'invité si jamais, à la maison, on n'a pas tout préparé
pour bien les accueillir.
Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut
considérer aussi à... la personne migrante dans son besoin primaire pour
pouvoir adapter les techniques ou les... ou les pratiques d'accueil.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, c'est ce qui met fin à cette première
partie de discussion. Mais je me tourne du côté de l'opposition officielle, et,
M. le député d'Acadie, vous avez 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là, avec nous, c'est
fort important, fort agréable. J'ai... j'ai quelques questions. On a... on a
parlé un peu de votre réalité sur le terrain. Vous représentez un nombre
important d'organismes. Vous avez parlé aussi, en fait, de langage ou
d'attitudes qui sont véhiculés, parfois, par les politiques, ça peut ne pas
aider à l'intégration de l'immigration. Mais pour vous, sur le terrain, là,
c'est quoi, votre plus gros enjeu quand vous avez à travailler avec des
nouveaux arrivants? Je comprends que vous avez aussi des réfugiés. Pour vous,
faites-vous une distinction entre les réfugiés puis les demandeurs d'asile? Ça,
c'est deux catégories séparées. J'imagine que vous devez travailler avec des
demandeurs d'asile également. Alors, c'est quoi, les plus gros obstacles que
vous... que vous rencontrez, puis comment vous pouvez nous...
16 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...alors, c'est
quoi les plus gros obstacles que vous... que vous rencontrez puis comment vous
pouvez nous aider à les solutionner?
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Je peux peut-être me permettre de
commencer sur...
Mme Toulouse (Sarah) : Oui.
M. Jannard
(Louis-Philippe) : ...plus spécifiquement sur les personnes
en demande d'asile. Effectivement, c'est... bien, c'est une population, là, qui
rencontre certains défis, défis particuliers. Par exemple, bon, bien, ils ont
déjà un parcours souvent particulier. Ils arrivent avec un statut qui est
différent de celui de réfugié. Les réfugiés réinstallés arrivent avec un statut
de résident permanent qui leur donne accès à plusieurs services. Pour les
demandeurs d'asile, l'accès aux services est beaucoup plus difficile. Le
gouvernement du Québec a adopté un décret, en 1996, là, qui vient limiter les
services qu'il est possible d'offrir à cette population-là. Donc, je dirais
que, ça, c'est un obstacle particulier à cette... pour cette population-là. Le
fait aussi, par exemple, des... dans la planification des seuils d'immigration,
pour les... les demandeurs d'asile qui sont reconnus comme réfugiés pour les
personnes protégées, les seuils sont... restent quand même très bas par rapport
à la population de personnes qui sont reconnues comme réfugiées qui habitent au
Québec. Donc, ça implique de très longs délais pour obtenir la résidence
permanente. Aujourd'hui, on parle d'environ quatre ans. Si la personne a des
membres de sa famille à l'étranger, il faut ajouter une année de plus pour que
les personnes puissent arriver. Puis, bon, la question de la réunification
familiale pose aussi des obstacles particuliers en matière d'intégration. Donc,
c'est pour ce qui concerne les personnes en demande d'asile. Mais je m'attendrais
par mes collègues pour... pour compléter.
Mme Toulouse (Sarah) : Moi,
j'avais envie de nommer la disparité dans la capacité qu'on a d'accompagner les
personnes sur le terrain parce que, sur papier, dans les ententes qu'on a, on
accompagne les personnes réfugiées, les personnes qui ont des statuts, oui, de
résident, les statuts temporaires. Mais les demandeurs d'asile ne sont pas
couverts au même titre que les autres personnes qu'on accompagne.
Dans la réalité, ils se présentent dans
nos bureaux. Ils ont des situations de vulnérabilité qui sont dans les pires qu'on
accompagne, et tout ça, c'est du travail qui se fait j'ai envie de dire dans l'ombre,
dans la mesure où techniquement, ce qu'on devrait faire, c'est référer vers des
partenaires qui ont ces mandats- là. Quand on arrive en région, ces
partenaires-là n'existent pas. À Montréal, il y a des répartitions d'enveloppes,
il y a des partenaires qui sont dédiés dans ces accompagnements-là. Quand on
sort des centres où il y a ces ententes-là particulières, ça devient le lot des
organismes d'accueil, en fait, de... de soutenir les demandeurs d'asile aussi,
et ça crée pour nous une disparité puis un sentiment d'injustice aussi parce
que tu as deux humains devant toi, un qui n'a pas le bon papier et un qui a le
papier qui lui permet d'avoir l'accompagnement santé, éducation, tout ce qui
est... tout ce qui va lui permettre de faciliter l'intégration, et l'autre qui
techniquement n'a pas juste pas le bon bout de papier puis donc n'est pas en
mesure d'avoir accès à ça. Donc ça, ça fait une charge aussi, j'ai envie de
dire émotionnelle sur les équipes qui ont à accompagner ces situations-là,
parce qu'ils ont accès à un bagage de vie, à une vulnérabilité qui est énorme,
mais ils ne savent pas trop par quel bout prendre ça pour être capables de bien
accompagner. Donc, c'est ça, je pense que c'est important de le préciser, et ça
crée un sentiment d'injustice pour la personne qui se dit : Mais pourquoi
lui a accès à ça mais pas moi? On me dit qu'au Québec je suis supposé être bien
accueilli, que suis supposé pour avoir accès à tous les services, que tout ce
que moi j'ai à apporter est important. Donc, je pense que c'est... c'est bon de
le nommer.
Je ne sais pas, Frey, si tu voulais
compléter sur concrètement de quoi on aurait besoin sur le terrain.
M. Guevara (Frey) : Mais
évidemment, comme vous l'avez tout nommé, je ne vais pas répéter. Mais
évidemment, moi, je suis réfugié pris en charge par l'État, alors j'ai
peut-être un... qui peu importe les statuts, mais je suis chanceux parce que j'ai
eu ce statut en arrivant. Mais si j'étais un demandeur d'asile, sûrement, je
voudrais contribuer de la même façon... où je me suis retrouvé et où je me
retrouve aujourd'hui. Alors, il nous manque des chances pour ces gens-là. Comme
disait Sarah, ces gens-là se présentent pour demander un service auquel ils ont
droit d'une certaine façon, mais on connaît la réponse, on connaît la façon de
pouvoir les accompagner, mais on n'a pas le droit de le faire, c'est déchirant
en tant qu'être humain de répondre ainsi à un être humain.
M. Morin : Oui, je comprends
que c'est... c'est déchirant pour vous parce qu'évidemment la personne qui se
présente chez vous dans un des organismes que vous représentez, vous allez
devoir quand même... vous l'accompagnez. Il ne faut pas juste le mettre à la
porte en disant vous n'avez pas le bon papier.
M. Guevara (Frey) : Et
c'est quasiment ça.
M. Morin : O.K.
M. Guevara (Frey) : Parce
que si on regarde qu'est-ce que le service... qu'est-ce que le programme PASI
offre pour les demandeurs d'asile, je l'accompagne pour la recherche de
logement, dans mon cas. Je sais qu'il y a des organismes et qu'il y a aussi l'accès
à des informations pour aller s'orienter un peu plus, mais c'est tout. Une
chance que nous avons développé un service complémentaire pour l'exemption pas
de l'éducation. L'éducation, c'est un droit universel, donc peu importe si la
personne arrive sans papiers...
M. Guevara (Frey) :
...l'éducation, c'est un droit universel. Donc... si la personne est arrivée
sans papiers, elle a le droit à la scolarisation des enfants en droit. Dans ce
sens-là, on peut bénéficier et collaborer. Si on regarde actuellement aussi, le
gouvernement est entrain de rapprocher la possibilité que les demandeurs
d'asile aient accès au... pour les garderies. Alors, c'est aussi une autre
situation qu'il faut considérer. On dit que ces gens-là s'intègrent rapidement.
Et puis ça contribue à commencer à contribuer rapidement. Ils le font, même
s'ils ne parlent pas encore français. Ils se débrouillent avec des grimaces ou
peu importe, parce qu'ils ont besoin, ils sont habitués. Ils sont prêts à... à
traverser des continents pour arriver. Ce n'est pas juste pour rester en
attente. Ils sont prêts à continuer à travailler pour obtenir une meilleure
qualité de vie et pouvoir contribuer. Mais on ne lui donne pas la possibilité
ni le pouvoir de le faire pleinement.
M. Morin : Je vous
remercie. J'en ai parlé plus tôt aujourd'hui, il y a... Le projet de loi ne
couvre pas le volet socioéconomique, ne couvre pas, par exemple, la possibilité
pour l'État d'offrir des chances égales d'emplois ou d'avancement. Est-ce que,
selon vous, c'est un élément qu'on devrait inclure dans le projet de loi?
Est-ce que c'est un élément qui aiderait à l'intégration?
Mme Bouchard
(Émilie) : Oui, effectivement. Nous, on pense que ça devrait
être inclus parce que c'est un des piliers de l'intégration. Une personne
immigrante qui a un emploi qualifié à la hauteur de ses compétences va
contribuer à l'économie québécoise. Ça, ça va aussi, le développement personnel
de cette personne-là, se sentir intégré, collaborer avec des collègues, créer
un sentiment de cohésion sociale dans son milieu de travail. Donc, c'est sûr
que l'intégration socioprofessionnelle fait partie prenante de l'intégration
des personnes immigrantes. Il n'y a pas que ça. Puis on trouve que c'est un
pilier important de l'intégration. Mais c'est sûr que, pour l'intégration
socioprofessionnelle, pour qu'elle soit bien réussie, bien, plusieurs
interlocuteurs et parlaient avant nous, il faut qu'il aide à la levée
d'obstacles structurels et systémiques parce que c'est bien de vouloir
s'intégrer en emploi, c'est bien d'avoir un beau C.V., d'avoir été préparé par
les organismes, mais si, par exemple, c'est difficile au niveau de la
reconnaissance des acquis et des compétences, si le système fait en sorte qu'on
ne peut pas accéder à une profession réglementée, par exemple, bien, c'est sûr
qu'on ne va pas avoir un emploi à la hauteur de nos compétences. Puis le
processus, le cheminement pour y accéder va être long et laborieux, puis on
peut se déqualifier pendant ce temps-là.
M. Morin : Et dans votre
réalité, quand vous accompagnez des gens, admettons des professionnels qui
arrivent d'un autre pays, là, est-ce que vous éprouvez des difficultés avec les
ordres professionnels ou l'Office des professions? Qu'est-ce que vous vivez sur
le terrain? Est-ce que ça représente un obstacle, j'imagine?
• (16 h 40) •
Mme Bouchard
(Émilie) : Oui, effectivement, mais ça dépend des... Ce n'est
pas tous les ordres, là, qui sont au même niveau, qui ont fait des avancées
dans les dernières années. Certains ordres sont plus... ont des pratiques plus
adaptées. Mais c'est sûr qu'au niveau des ingénieurs, par exemple, beaucoup
d'organismes membres de notre réseau accompagnent des ingénieurs. Bien, c'est
sûr qu'il y a des choses qui ont été mises en place avec l'Ordre des ingénieurs
pour faciliter l'intégration des passerelles. Mais oui, c'est ça,
effectivement, les ordres professionnels, on est, au Québec, hein, une société
très réglementée. Il y a les ordres, mais il y a aussi toutes les instances de
réglementation au niveau, par exemple, de la CCQ, de l'AMF. Donc c'est ça qu'il
faut assouplir, mais toujours dans le bien du public, c'est ces règles-là,
parce que ça n'a pas été conçu pour des personnes, par exemple, qui ont étudié
à l'extérieur du pays, qui ont eu leur expérience professionnelle. Comment le
système fonctionne, ce n'est pas adapté. Donc, c'est sûr qu'au fur et à mesure,
bien, à travers les années, on a vu une percée, mais il y a encore beaucoup à
faire à ce niveau-là.
M. Morin : Je vous
remercie. Parlons maintenant des relations intercommunautaires. Est-ce que,
pour vous, c'est un élément qui favoriserait non seulement l'intégration, mais
l'égalité de tous les citoyens? Puis quel pourrait être le rôle des
municipalités? Parce qu'il y a ma collègue la députée de Vimont qui a posé une
question là-dessus, mais j'aimerais ça vous entendre davantage.
M. Guevara (Frey) :
Bien, je vais me lancer un peu. Oui, effectivement. Et moi, je l'ai déjà
mentionné et je l'ai déjà entendu aussi, le discours à un niveau politique et
du gouvernement. C'est une responsabilité partagée. Alors, si le milieu est
préparé, le milieu peut adapter ses pratiques, c'est sûr et certain que les
gens vont avoir des chances, de meilleures chances pour pouvoir percer. Mais si
on dresse un peu un cadre rigide, c'est difficile de permettre à ces gens-là
d'avoir un accompagnement. Il y a une considération de...
M. Morin : Très bien.
Mme Toulouse
(Sarah) : Moi, j'ai envie de nommer...
M. Morin : Oui.
Mme Toulouse
(Sarah) : J'ai envie de nommer qu'il y a des mesures en place
qui nous facilitent le travail en collectivité aussi. Tu sais, quand on parle
au Programme d'appui aux collectivités, justement, qui est un programme qui
nous permet d'aller à la fois faire de la sensibilisation, de la formation, du
maillage dans le milieu, c'est des programmes qui...
Mme Toulouse (Sarah) : ...il
ne faut pas perdre de vue parce que ça nous facilite le travail. Parce que
quand on parle d'intégration, oui, il y a la personne qu'on accompagne,
l'accompagner dans son cheminement, mais il y a le milieu dans lequel elle va
aller s'intégrer, cette personne-là, puis, pour nous, ça va main dans la main.
Il faut absolument qu'on puisse à la fois travailler dans le milieu puis aller
cibler les zones d'ombre où on se dit : O.K., là on a du travail à faire,
il faut qu'on ait les moyens d'y aller aussi. Donc, je pense que ça, ça
vient... c'est une solution qui existe déjà. Puis c'est un peu ce qu'on met de
l'avant aussi, il y a plusieurs des pistes qui sont amenées dans le projet de
loi, qui existent, qui sont déjà notre quotidien, en fait, aux organismes sur
le terrain. Donc, c'est ce dont on veut s'assurer, que ce qui se fait déjà de
bien sur le terrain remonte puis soit pris en compte dans l'élaboration à la
fois du projet de loi, mais de la politique à venir.
M. Morin : Je vous remercie.
J'imagine que, dans votre réalité, pour donner ces services, vous faites des
demandes au gouvernement pour des fonds compte tenu de différents programmes.
Est-ce que ça vous demande un effort? Est-ce que c'est très lourd pour avoir
accès? Et puis, est-ce que ça vous demande... est-ce que c'est difficile...
J'imagine, ces programmes-là ne sont pas pérennisés, est-ce que c'est un enjeu
pour vous?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je suis désolée, le temps est terminé. Bon, O.K., on a la
réponse, le temps est terminé, mais on a un dernier échange, une dernière
période d'échange avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour
4 min 8 s.
M. Cliche-Rivard : Bonjour et
merci d'être avec nous. Je connais quand même certains et certaines d'entre
vous, très content de vous revoir. Puis je voulais d'abord vous remercier pour
le travail que vous faites sur le terrain. C'est vous qui représentez vraiment
le contact direct et l'intégration directe. Au-delà de ce qu'un projet de loi
peut faire, là, c'est vous qui mettez en œuvre l'accueil des nouveaux
arrivants, puis, pour ça, on vous doit un grand merci.
Il y a plusieurs constats et il y a
plusieurs réalités, on en échangeait récemment, là, avec certains d'entre vous,
mais il y a l'explosion des délais en réunification familiale. Il y a
évidemment l'explosion des délais pour l'obtention de la résidence permanente,
vous en glissiez un mot tout à l'heure. Il y a la baisse des services en
francisation, on a eu l'occasion d'en discuter, avec les coupes aussi dans les
allocations. Il y a eu la contestation des places en CPE jusque devant la Cour
suprême, vous en parliez aussi tout à l'heure. La suspension du PEQ, la
suspension du PRTQ. Bref, tout ça, puis le projet de loi arrive dans un
contexte global, disons, particulier. Et je me demanderais, justement sur le
terrain, là, un autre projet de loi, une autre dimension, un autre élément, comment
c'est perçu par les gens sur le terrain, ce «buildup»-là ou, bref, cette
accumulation-là de réformes ou d'éléments. Comment c'est perçu sur le terrain?
Mme Toulouse (Sarah) : J'ai
envie de nommer qu'il y a peut-être une appréhension que ce soit ultimement
une... je n'ai pas envie de dire une coquille vide, mais que ce soit un
ramassis de choses qui existent. Je l'ai déjà mentionné, mais on fait déjà un
travail incroyable, ça été nommé, merci de le souligner d'ailleurs, mais il se
fait déjà énormément de choses qui vont dans ce sens-là. Oui, c'est important
de l'amener dans un cadre législatif plus global, mais on veut s'assurer aussi
que ça aille chercher des éléments sur lesquels on va pouvoir avoir des
avancées sur le terrain, tu sais, qu'on ne soit pas juste à reprendre certains
éléments qui existent déjà puis vouloir les mettre au même endroit, mais bien
d'aller plus loin dans l'idée derrière le projet. Je laisserais peut-être
Louis-Philippe compléter.
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Oui, merci. Bien, justement, on en parlait
avec les... avec nos membres vendredi dernier, puis c'est sûr que... bien,
c'est ça, le projet de loi s'inscrit, là, dans une suite de différentes
mesures, donc dans un contexte... bien, certaines personnes, certains membres
de la commission l'ont souligné, qu'on peut y voir certaines contradictions.
C'est sûr que, tu sais, parfois, dans le
projet de loi, à certains endroits, on voit ce qui a été nommé par les membres
comme un langage très dur quand on parle de repli sur soi, d'isolement. Quand
on voit aussi le fait que les mesures d'intégration qui sont prévues existent
déjà, il y a déjà la loi sur la laïcité, la Charte de la langue française, mais
qu'on rassemble tout ça, des mesures qui existent déjà, mais sous l'angle de
l'intégration des personnes immigrantes, ça envoie un certain message.
L'impression qui se dégage est que l'immigration ou les minorités culturelles
constitueraient en quelque sorte une menace pour le Québec. C'est reçu. Je
dirais, de cette façon-là, sur le terrain, là, ça s'inscrit dans un contexte
politique particulier, là, auquel vous faisiez référence aussi. Tu sais, on a
certaines...
M. Jannard
(Louis-Philippe) : ...interrogations. On voit que le ministre
porteur du projet de loi est le ministre de la Langue française. Aujourd'hui,
c'est le même titulaire que le portefeuille de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas.
Donc, il y a certains symboles, je dirais, dans le projet de loi qui
inquiètent.
M. Cliche-Rivard : Et vous
avez discuté... Oui. En terminant, vous en avez discuté avec les gens sur le
terrain, en fait les immigrants — les principaux — reçus.
C'est partagé, ce sentiment-là?
M. Guevara (Frey) : Effectivement,
ces gens-là n'arrivent même pas à comprendre les changements de dernière
minute...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est ce qui met fin à cette discussion. Alors, merci
beaucoup pour l'apport à nos travaux. Nous allons entendre... attendre votre
mémoire, et je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le
prochain groupe. Merci.
Une voix : Merci.
M. Guevara (Frey) : Merci
beaucoup.
Une voix : Merci. Bonne fin
de journée.
M. Jannard
(Louis-Philippe) : Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 49)
(Reprise à 16 h 51)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons pour la première...
la prochaine heure l'Union des municipalités du Québec. Alors, messieurs,
bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Pour les 10
prochaines minutes, vous aurez l'occasion de vous présenter et d'exposer votre
point de vue sur le projet de loi. Par la suite, nous allons entamer la période
d'échange avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.
M. Damphousse (Martin) :
Merci beaucoup. Je suis Martin Damphousse, maire de Varennes et président
de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné par M. Philippe
Biuzzi, conseiller aux politiques de l'UMQ.
Donc, Mme Lucie Lecours, présidente de la
commission, M. Jean-François Roberge, ministre de la Langue française, Mmes,
MM. les membres de la commission, je vous remercie de donner l'opportunité à
l'Union des municipalités du Québec de vous présenter ses recommandations sur
le projet de loi n° 84.
L'immigration est une richesse inestimable
et un levier stratégique pour le Québec. L'accueil et l'enracinement des
personnes immigrantes dans leur milieu, c'est non seulement une nécessité, mais
aussi une occasion unique de contribuer au dynamisme des communautés de toutes
les régions. Face au vieillissement de la population, aux défis de la vitalité
économique et aux pénuries de main-d'œuvre, il est impératif de structurer nos
actions. Pour que le modèle d'intégration proposé dans le projet de loi
fonctionne, l'UMQ propose des recommandations en s'appuyant sur trois principes
phares...
M. Damphousse (Martin) : …la
régionalisation de l'immigration et la prise en compte des réalités locales et
régionales, la prévisibilité des politiques migratoires et une mise en œuvre
efficace et sans lourdeur administrative. Les gouvernements de proximité sont
des partenaires incontournables de l'intégration des personnes immigrantes, et
ce, peu importe le modèle dont se dotera le Québec. Les opportunités que
l'immigration offre sont multiples, et il est crucial de les saisir.
Dans un contexte marqué par les
perturbations économiques, les pénuries de main-d'œuvre et un vieillissement de
la population, la régionalisation de l'immigration devient non seulement une
question de développement régional, mais aussi une vitalité socio-économique
et, dans certains cas, de survie des communautés. Les réalités diffèrent d'une
région à l'autre, comme toujours, le mur-à-mur n'est pas la solution. Il faut
impliquer les municipalités à chaque étape du processus, de la définition des
besoins à la mise en œuvre des actions. L'UMQ recommande que la prise en compte
des réalités locales et régionales soit au cœur du modèle d'intégration
nationale. Il est essentiel que la régionalisation de l'immigration soit
abordée dans la politique nationale sur l'intégration à la nation québécoise et
à la culture commune.
L'UMQ rappelle l'importance d'adopter une
stratégie nationale de régionalisation de l'immigration, élaborée avec les
municipalités. Une telle approche garantirait que chaque milieu dispose
d'objectifs et de cibles adaptés à ses besoins et à ses particularités. Dans
notre mémoire, nous mettons en lumière l'exemple de Thetford Mines, mais il en
existe plusieurs autres à travers le Québec. Que ce soit au Bas-Saint-Laurent,
sur la Côte-Nord ou en Abitibi-Témiscamingue, chaque région se distingue par
ses particularités. C'est pourquoi nous réitérons la demande que nous avions
formulée, en 2023, lors de la consultation publique sur la planification de
l'immigration au Québec pour la période 2024-2027, soit la création d'un
programme pilote d'immigration régionale inspiré des modèles éprouvés ailleurs,
au Canada comme en Ontario.
Ces initiatives ont fait leurs preuves en
facilitant l'enracinement durable des personnes immigrantes en région en
réponse à des besoins de main-d'œuvre spécifiques. Un tel programme
favoriserait une immigration primaire, c'est-à-dire l'établissement des
personnes immigrantes en région dès leur arrivée au Québec. En établissant un
modèle d'intégration propre aux particularités du Québec, le projet de loi
ouvre la porte à une collaboration gouvernementale renforcée, par exemple en
s'inspirant de l'approche tripartite de l'Ontario. Le Québec gagnerait à mettre
en place un cadre de gouvernance clair où les municipalités auraient une place
reconnue dans la région des… dans la gestion des fonds d'intégration et
pourraient établir des stratégies locales adaptées à leurs réalités.
En renforçant la coordination locale et
régionale, Le Québec éviterait la fragmentation des initiatives et assurerait
une meilleure complémentarité entre les municipalités et les acteurs
communautaires. En attendant que le gouvernement du Québec saisisse cette
opportunité, l'UMQ réitère la nécessité d'apporter des améliorations
substantielles au programme d'appui des collectivités, le Pacte. Il doit mieux
répondre aux besoins des municipalités et soutenir efficacement l'intégration
des personnes immigrantes. Ce programme est une composante essentielle du
partenariat entre les municipalités et le MIFI, mais ne permet pas la mise en
place d'actions structurantes.
Comme mentionné, l'immigration est un
levier stratégique puissant, essentiel au développement économique, social et
culturel du Québec. Or, les dernières années ont mis en lumière un défi majeur,
le manque de prévisibilité des politiques migratoires du Québec. Une telle prévisibilité
favoriserait la cohérence des actions gouvernementales et faciliterait la
planification des municipalités, des entreprises, des institutions
d'enseignement et des organismes communautaires qui participent à l'intégration
des personnes immigrantes. La prévisibilité ne profite pas seulement aux
acteurs économiques et institutionnels, elle est particulièrement importante
pour les personnes immigrantes, puisqu'elles peuvent alors mieux s'enraciner et
planifier…
M. Damphousse (Martin) : ...leur
avenir au Québec.
L'UMQ recommande donc que la prévisibilité
du système d'immigration soit intégrée dans le préambule de la Loi sur
l'intégration nationale et qu'elle devienne un pilier du principe de
réciprocité entre l'État et la population québécoise. L'UMQ réaffirme son
engagement envers une approche cohérente et concertée en matière d'intégration
des personnes immigrantes. Les municipalités doivent jouer un rôle clé, et la
mise en œuvre de la future loi doit être efficace sans créer de lourdeur administrative.
L'UMQ recommande que les coûts liés à la reddition de comptes demandée aux
municipalités soient évalués et compensés afin d'éviter qu'elle ne soit pas
excessive.
Finalement, l'article 16 du projet de loi
prévoit que le gouvernement pourra déterminer par règlement quelles formes
d'aide financière devront être compatibles avec le modèle québécois
d'intégration nationale et ses fondements. Il s'agit d'un empiétement sur
l'autonomie municipale, c'est pourquoi l'UMQ recommande que cet article soit
retiré. En plus, étant donné l'importance et la portée de ce projet de loi,
l'UMQ recommande que la politique et les règlements d'application de la loi
soient soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Cette approche
garantirait une transparence démocratique en favorisant un débat parlementaire
rigoureux. Une meilleure cohérence entre l'éventuelle loi sur l'intégration
nationale, la politique qui en découlera et ses règlements d'application et une
prise en compte des réalités municipales, assurant une mise en œuvre efficace
et adaptée aux besoins des communautés.
Une partie du modèle d'intégration sera
définie par la politique et les règlements d'application. L'UMQ considère qu'il
s'agit d'une délégation excessive du pouvoir législatif vers le pouvoir
exécutif. Le statut quasi constitutionnel de l'éventuelle Loi sur l'intégration
nationale justifie pleinement une approche centrée sur l'approbation de
l'Assemblée nationale.
Nous sommes maintenant prêts, Mme la
Présidente, à répondre à vos questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Damphousse. Alors, on va entamer la
période d'échange avec les parlementaires et on commence, évidemment, avec M.
le ministre. Vous avez évidemment une période de 16min 30 s au total.
• (17 heures) •
M. Roberge : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. Le groupe qui est passé juste avant vous
amenait, un peu comme vous le faites avec les municipalités, une couleur
terrain, comme gouvernement de proximité, eux, comme organisme qui agit
directement dans vos municipalités, notamment. Je leur ai demandé : Vous
êtes d'accord avec l'idée qu'on se dote d'un modèle, quel est le problème à ne
pas avoir de modèle? Quel est le problème du statu quo? Parce que, souvent, on
cherche des solutions, mais existe-t-il vraiment un problème? Ils nous ont
dit : Oui, il y a un problème. En ce moment, il n'y a pas de cohérence, il
n'y a pas de cohérence entre les concepts qui sont véhiculés. Certains se
réclament plus du multiculturalisme, certains de l'interculturalisme, mais à
chacun sa définition. On a eu ce matin un grand penseur québécois, M. Gérard
Bouchard, mais d'autres ont leur propre définition de l'interculturalisme,
d'autres, c'est de la convergence.
Donc, nous, ils nous ont dit qu'il y a un
problème de cohérence en l'absence de modèle, en l'absence de loi formelle.
Donc, je pense qu'on a besoin d'une cohérence gouvernementale. Quand on
accueille des nouveaux arrivants, on a une responsabilité envers eux. Ils
choisissent le Québec, mais nous les choisissons aussi, puis il ne faut pas
qu'ils vivent une expérience complètement différente, selon qu'ils arrivent,
des fois, dans deux villes côte à côte. Évidemment, si je suis à Montréal, si
je suis à Gaspé, je vais vivre une expérience très, très différente, mais si
j'ai deux villes collées, il faut qu'il y ait quand même une vision commune.
Ils sont au Québec dans les deux cas.
Bien, comment on concilie votre désir de
préserver l'autonomie municipale, que je sens, là, dans votre mémoire puis dans
vos commentaires, puis la nécessité d'avoir une cohérence gouvernementale puis
une manière d'accueillir les Québécois et les nouveaux Québécois, en fait, des
immigrants, c'est des nouveaux Québécois, bien, de les accueillir à la Québécoise,
justement? Comment on conjugue ces deux choses-là?
M. Damphousse (Martin) :
En fait, cohérence n'est pas en opposition aux particularités régionales,
mais là...
17 h (version non révisée)
M. Damphousse (Martin) : ...vous
donner un contre-exemple, en disant, mais deux villes voisines, très souvent
sont dans la même MRC, ils ont le même plan match d'intégration et dans plein d'autres
aspects. Donc, je serais très étonné qu'ils aient une forme de compétition ou
qu'ils aient surtout une approche très différente. Par contre, votre deuxième
exemple est plus intéressant. Montréal, Gaspé on est à un monde de différence,
ça fait que vous comprenez très bien, comme moi, qu'accueillir des immigrants à
Montréal sera assurément complètement différent de Gaspé. Mais l'exemple de
Thetford Mines est un bel exemple. Ils ont fait des efforts pour accueillir des
immigrants pour justement se sortir du... de la monoculture du secteur minier.
Et ils ont réussi, ils ont réussi. Donc, régionalement, ce n'est pas juste la
ville de Thetford, mais toute la MRC a contribué. Donc, c'est pour ça que je
serais très étonné qu'on ait un problème. Mais d'avoir une vision provinciale,
bien sûr qu'on est d'accord, mais en précisant... comme je le fais maintenant
et comme je l'ai mentionné tantôt, en reconnaissant les particularités
régionales, simplement.
M. Roberge : Parce que je
vais vous donner un petit exemple bien concret, là. Dans ma circonscription de
Chambly, j'ai deux villes de taille similaire, la ville de Chambly, un peu plus
grosse on va dire, Saint-Basile-le-Grand, un peu plus petite, mais dans les
deux cas, là, on est dans la même région. Ils ne sont pas dans la même MRC puis
il n'y a pas tant de différences dans les quartiers, la richesse foncière, etc.,
mais on pourrait avoir un maire ou une mairesse qui se réclame plus de la
convergence culturelle puis l'autre du multiculturalisme, et là ce serait des
expériences complètement différentes d'intégration dans la mesure où ces deux
municipalités-là organisent des activités pour les nouveaux arrivants,
financent des OSBL en disant : Mais voici ce qu'on attend de vous. Donc, comme...
Je vous répète ma question, je ne pense pas qu'on est si loin de s'entendre que
ça, vous êtes d'accord pour qu'on en ait un... qu'on se dote d'un modèle, et
vous me direz... vous me corrigerez si je me trompe, c'est correct, là, vous
êtes d'accord pour qu'on se dote d'un modèle, mais vous voulez que les
municipalités aient une marge de manœuvre sur la manière de l'appliquer puis de
le mettre en œuvre? Est-ce que c'est bien ça?
M. Damphousse (Martin) :
Ça ressemble à ça. Et je reprends encore une fois votre exemple où là, vous
comparez deux maires, mairesses de régions que je connais bien, à Varennes, je
ne suis pas très loin. Si une municipalité veut déployer beaucoup d'efforts
pour attirer davantage d'immigrants parce qu'ils ont plus de manque de main-d'œuvre
et ils veulent mettre en place une stratégie, ça ne sera pas une compétition
avec la ville voisine qui a moins cet intérêt-là, au contraire, mais si tu es
un immigrant et que tu arrives de n'importe où, il y a des chances que tu
choisisses l'endroit où on veuille bien te proposer un accueil qui va te
convenir, et un emploi, et un milieu de vie qui est plus favorable. Ce n'est
pas une compétition pour moi, mais c'est le respect de l'objectif de chaque
région et chaque municipalité ou MRC.
M. Roberge : C'est ça. Il ne
s'agit pas de... La question ce n'est pas de savoir qui veut en accueillir 300
versus 3 000, mais quelle expérience d'intégration on veut leur faire
vivre. Puis ce qu'on souhaite poser dans le projet de loi actuellement, c'est
de s'assurer que peu importe que j'arrive à Montréal, à Gaspé, à Saint Basile
ou à Chambly, bien, on me propose des activités où je vais aller en interaction
avec des gens de ma communauté minoritaire, parce que j'arrive, avec d'autres
groupes minoritaires mais aussi avec le groupe majoritaire, pour qu'il y ait
des relations interculturelles, pour qu'on se connaisse, qu'on se reconnaisse
puis que, finalement, tombent les préjugés, parce que ça le dit, préjugé, c'est
je juge d'avance. Mais un coup que je te connais, je ne peux plus avoir de
préjugés. Donc, on veut que les gens se connaissent et donc qu'on arrive à une
intégration nationale. Donc, on est capables de faire ça, je pense, en
préservant un espace d'autonomie aux municipalités, en prenant garde à la
reddition de comptes, je le comprends, je le comprends, évidemment. Vous voulez
utiliser vos ressources pour accueillir les nouveaux arrivants, pas pour faire
des rapports sur votre manière de les accueillir. Je comprends ça. Il faudra
voir comment on doit adapter le projet de loi ou pas, ou la politique peut-être
davantage, pour tenir compte de ce que vous dites. Vous m'avez parlé de... mon
Dieu, quelle ville vous avez citée en exemple?
M. Damphousse
(Martin) :
Thetford Mines.
M. Roberge :
Thetford Mines.Je ne connais
pas le modèle de Thetford Mines. Je vais aller chercher par contre, c'est sûr,
je vais aller voir ça. Est-ce que vous connaissez les projets qu'on appelle
Racines plurielles qui font de la médiation...
M. Roberge : ...est-ce que
vous connaissez les projets qu'on appelle Racines plurielles qui font de la
médiation interculturelle? Je sais que les villes de Gatineau, Laval,
Longueuil, Sherbrooke, Québec, Rimouski, MRC des Etchemins, Trois-Rivières,
Saint-Eustache s'inscrivent. C'est organisé par Culture pour tous, puis ils
font des activités de médiation culturelle justement entre les nouveaux
arrivants puis les gens qui sont en place, organisés par la ville. Est-ce que
vous êtes au fait de ce... ce programme?
M. Damphousse (Martin) :
En fait, pas dans tous les détails, mais ce qui est intéressant, avant de
me présenter ici, j'ai eu deux appels, la mairesse de Sherbrooke et la mairesse
de Gatineau qui m'ont parlé, puis vous venez de citer des exemples, justement
de modèles d'intégration puis de collaboration avec le milieu. Ça fait que je
pense que ce sont de beaux exemples, il faut s'assurer... Tu sais, on parlait
tantôt de cohérence, prévisibilité, lourdeur administrative, je pense qu'on se
rejoint là-dessus. Si on était capable de mettre ça de côté pour assurer le
plus grand succès possible à l'intégration. Mais j'irai chercher plus de
détails sur les modèles dont vous me parlez. Mais j'en ai entendu parler, puis
j'ai surtout su que ça fonctionnait, puis ils voulaient s'assurer de ne pas
perdre leurs acquis par rapport à ça.
M. Roberge : Merci. Je
termine avant de passer, là, la parole... la présidente va passer la parole,
juste dire que la notion de prévisibilité, je l'ai bien comprise. Il y a eu pas
mal de changements ces dernières années.
M. Damphousse (Martin) :
Oui.
M. Roberge : Effectivement,
de la part du Québec, aussi de la part d'Ottawa qui a changé plusieurs règles
aussi, mais avec la planification pluriannuelle qu'on prépare dans les
prochains mois, on devrait être capables de faire des discussions de toute la
société civile, être capables de se projeter en avant pour au moins trois ans,
à la fois pour l'immigration permanente, l'immigration temporaire, avec des
règles puis une bonne prévisibilité pour les municipalités, les entreprises,
tous les groupes. Donc, oui, j'ai bien entendu ce commentaire-là. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, on va poursuivre
avec la députée de Vimont. Il reste 7 min 15 s.
Mme Schmaltz : Merci, Mme la
Présidente. Vous avez tellement raison quand vous dites que la réalité est
différente dans chaque région. C'est vrai, c'est vrai parce que j'ai eu
l'occasion, il y a à peu près un an et demi, de faire une tournée des régions
où on a rencontré justement... On a été... tant Gaspé versus Laval, hein, on
s'entend que c'était très différent les réalités, les réalités culturelles
entre autres aussi. On l'a rencontré parce que dépendamment où les gens vont,
il y a aussi une réalité. Thetford Mines, on le sait aussi, c'est
principalement, je pense, hispanophone, là, en tout cas des gens qui
proviennent d'Amérique du Sud, là, si ma mémoire est bonne.
Mais savez-vous quoi? Puis je le sais que
William a été... il faisait partie, là, de cette grande tournée-là. Mais
savez-vous quoi? Ce que... ce que les les maires et mairesses des municipalités
qu'on a rencontrés nous ont dit à chaque fois : Oui, ils faisaient en
sorte qu'ils ont développé des programmes, comme je l'ai mentionné tantôt à
l'autre groupe. Ils ont eux-mêmes développé des programmes pour favoriser une
belle intégration. Mais tout le monde cherchait un plan, quelque chose de
commun. Tout le monde est à la recherche, là, d'une ligne directrice pour
justement avoir un peu cette... où on s'en va. C'est quoi notre vision commune
de tout ça? Alors finalement, je ne sais pas si j'ai une question par rapport à
ça, là, mais... non, mais c'est vrai comment je regarde ça, mais c'est un
constat.
M. Damphousse (Martin) :
...des commentaires.
Mme Schmaltz : Oui. Bien,
allez-y! On va...
• (17 h 10) •
M. Damphousse (Martin) :
Vous avez raison. Puis je fais un parallèle avec l'aspect de la
prévisibilité, puis il y a des régions qui non seulement dépendent d'eux, mais
ils ont besoin de s'assurer de qui va venir pour s'assurer que leur entreprise
se maintienne en vie. Il y en a que c'est une question de survie. Donc, quand
les... ce qu'on a vécu comme chambardements dans les deux dernières années avec
l'immigration, c'est très déstabilisant, surtout pour des régions pour qui
c'est important. Donc, je suis d'accord avec votre prévisibilité, mais il y a
des régions où c'est une question de survie, d'emplois qui est essentielle.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître le député de
Saint-Jean. Il reste encore cinq minutes.
M. Lemieux : Merci, Mme la
Présidente. On va continuer d'en parler, des régions, mais avant, c'est juste
ne pas mettre la table, mais faire une parenthèse. Vous avez déjà un demi,
sinon trop encore de mémoires de prêts pour lorsque le ministre, qui est aussi
ministre de l'Immigration, va vous inviter pour l'exercice pluriannuel qu'il va
partir. Et c'était de bonne guerre de votre part de rentrer ça dans ce qu'on
est en train de faire, j'aurais fait la même affaire, bon. Sauf qu'on est dans
une loi-cadre, on est dans une loi-cadre qui part avec des considérants
philosophiques ou presque, des principes très larges, puis il va y avoir une
politique, éventuellement des politiques, comme... comme vous avez dit qui
allaient venir. Bon.
Là, on va reculer un peu pour... avant de
sauter dans les régions. On fait ça parce que le Québec n'est pas bien avec le
multiculturalisme canadien depuis 45, 50 ans. Vous, êtes-vous bien avec le
multiculturalisme?
M. Damphousse (Martin) :
Maintenant, j'ai l'impression que si j'ose répondre oui ou non, je pense
que je vais être perdant dans mes deux réponses...
M. Damphousse (Martin) : ...j'ai
l'impression que si j'ose répondre oui ou non, je pense que je vais être
perdant dans mes deux réponses. Sincèrement, comme président de l'Union des
municipalités du Québec qui défend l'intérêt de ses membres, je vais me garder
mon opinion personnelle parce que je ne veux pas mélanger mon rôle de
président. Je pense que vous comprenez bien la nuance et la...
M. Lemieux : Et le
multiculturalisme implique une façon de faire qui est ce qu'on veut changer.
Alors, le plan pour l'intégration nationale ne changera pas la façon dont on va
distribuer régionalement les immigrants, là. Ça ne changera rien là-dedans. Par
contre, quand il est question de faire de l'immigration en région, bien là, on
va en parler longtemps, là. J'ai fait le tour du Québec je ne sais pas combien
de fois, c'est certain qu'un nouvel arrivant qui arrive d'Amérique latine,
d'Asie ou d'Europe, rendu à Chicoutimi, là, ça ne sera pas long qu'il va
apprendre à parler, peut être avec du là, là, mais il va apprendre à parler
assez vite. D'ailleurs, l'Université du Québec à Chicoutimi, c'est un bon
exemple de ça. Ils ont scoré à l'international plus que n'importe quelle
institution universitaire.
Donc, l'idée, c'est que c'est plus facile
d'intégrer dans les régions. Vous avez raison, je pense, tout le monde est
d'accord, mais ça, ça dépend de l'autre job du ministre, c'est sa partie de
ministre de l'Immigration, parce que ce n'est pas... c'est plus facile à dire
qu'à faire, même si on en veut. Mais une fois qu'on l'a, on fait des petits miracles
avec ça, comme à Thetford et comme à Chicoutimi et à bien d'autres endroits.
Ce qu'on vous propose, M. le Maire
Damphousse, président de l'UMQ, c'est qu'avec la Loi sur l'intégration
nationale, on le ferait en vertu d'un espèce de savant mélange entre... loin de
la... loin du multiculturalisme, quelque part entre l'interculturalisme et la
convergence. Bon, nos spécialistes, experts, philosophes et autres se chicanent
sur la sémantique de l'affaire, mais, au fond, au fond du compte, là, ça change
énormément de choses, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
Alors, moi, je voudrais savoir si les
municipalités sont mûres pour ça, comme elles ont dit à la ministre d'avant de
l'Immigration qui a fait une tournée du Québec, puis qui est revenue en
disant : C'est l'intégration qui est la clé puis c'est l'intégration qu'il
faut revoir parce que le modèle multiculturel ne nous amène pas où on a besoin
d'aller puis ça se démontre depuis 50 ans.
M. Damphousse (Martin) :
Donc, vous avez compris que je ne m'aventurerai pas dans les termes de
sémantique, mais, par contre, je vais... On a parlé de Thetford Mines, vous
avez parlé de Chicoutimi et vous allez vous rendre compte que les régions où on
a des succès d'intégration, c'est parce qu'il y a une collaboration étroite du
milieu municipal qui devient un acteur prépondérant et une condition gagnante à
l'intégration. Ça fait que mon message va beaucoup dans ce sens-là. Je vais
laisser aux spécialistes le choix des mots, je ne veux pas me mêler de ça, mais
on va collaborer avec vous, mais en respectant, comme je l'ai dit à plusieurs
reprises, la spécificité des régions.
M. Lemieux : Je vais quand
même essayer de vous en faire sortir un, mot, puis ce ne sera pas du
multiculturalisme. La grande affaire de cette loi-là, c'est qu'au-delà de la
langue française, qui est notre langue officielle et commune, on ferait de
notre culture la culture commune pour tous les Québécois, les anciens comme les
prochains, les nouveaux et tous. La culture commune, ça vous parle?
M. Damphousse (Martin) :
Oui.
M. Lemieux : Merci, M. le
maire.
M. Damphousse (Martin) :
Honnêtement, on en a parlé puis on n'a pas d'enjeux et de problèmes avec
ça.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président de l'UMQ.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit avec l'opposition
officielle pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, M. le Maire Damphousse.
M. Damphousse (Martin) :
Bonjour.
M. Morin : M. Biuzzi,
bonjour. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Vous avez dit d'emblée que,
pour vos municipalités, il y a de l'inquiétude. On vit une pénurie de
main-d'œuvre et c'est un enjeu... c'est un enjeu réel, là. Puis on ne parle
même pas de la situation internationale, avec peut-être des tarifs qui vont
nous arriver, qui ne vont pas aider aucunement, là. Puis je comprends qu'ici le
projet de loi, ça traite de l'intégration, mais, bon, puis québécois n'est pas
défini dans le projet de loi, mais on peut penser que ça vise à intégrer des
nouveaux arrivants. Alors, moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est quoi,
la réalité dans vos régions, dans vos municipalités, avec des travailleurs qui
sont aussi parfois des nouveaux arrivants qui voudraient s'intégrer puis qui
ont de la misère? Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'ils vivent une inquiétude
particulière? Est-ce que les...
M. Morin : …les règles en
immigration, qui ont changé, font en sorte que c'est de plus en plus difficile.
Puis, tu sais, vous parlez que les villes, finalement, pourraient être des bons
partenaires d'intégration. Alors, comment on peut travailler tous ensemble pour
faire en sorte que l'économie, les PME au Québec fonctionnent mieux et qu'on
puisse intégrer, justement, les travailleurs ou les nouveaux arrivants qui vont
s'établir en région?
M. Damphousse (Martin) :
Bien, en fait, je vais… je vais avoir mon opinion. Puis, si M. Biuzzi a le
goût d'ajouter des éléments, je vais l'inviter à le faire. Mais je l'ai
mentionné tantôt, mettons-nous deux secondes dans la peau d'un immigrant qui
arrive de l'Amérique du Sud, peu importe, difficultés en français, mais il fait
beaucoup, beaucoup d'efforts d'apprentissage, et c'est parfait. C'est ce qu'on
souhaite. Mais là, dans quelle région il va aller? Le Québec est vaste. Quel
emploi il va utiliser… Il va pouvoir faire? Est-ce que, s'il est médecin, il va
pouvoir pratiquer la médecine? J'en doute. Il va devoir trouver d'autres
choses. Et très souvent associé à ça, il y a une lourdeur administrative qui
est complexe. Donc, je l'ai mentionné et je le redis, si on était capable
d'assouplir ça. Puis j'étais là quand les autres intervenants sont venus parler
juste avant moi, ceux qui sont sur le terrain, entre le gouvernement et nous,
là, en fait, ceux qui sont… on est entre les deux. On vient les aider, mais eux
sont sur le terrain. Mais ça fait en sorte que, quand la lourdeur
administrative est trop complexe, quand l'insécurité de l'emploi, de l'école,
donc de tout ce qui touche l'intégration, bien, ça amène une difficulté. Puis
la prévisibilité du nombre d'immigrants à arriver a tellement été galvaudée
dans les deux dernières années. On a tous été témoins de ça. Puis ça,
honnêtement, c'est probablement le pire scénario pour l'ensemble des régions
qui ont besoin et qui souhaitent intégrer ces gens-là.
M. Morin : Écoutez,
là-dessus, on se rejoint. D'ailleurs, comme porte-parole en immigration de
l'opposition officielle, on réclame haut et fort un bureau intégré de la
planification, justement, en immigration, pour arriver exactement à ce que… à
ce que vous décrivez, ça m'apparaît… ça m'apparaît être essentiel avec une
prévisibilité des politiques. Parce qu'évidemment l'intégration, j'imagine, ça
va viser beaucoup des nouveaux arrivants, des travailleurs qui vont être ici,
puis, si les gens ne savent pas s'ils vont repartir ou pas, s'ils vont être
capable de rester, ça a un impact sur leur intégration. On s'entend là-dessus.
M. Damphousse (Martin) :
Exact. Puis là j'ai l'impression que M. Biuzzi a le goût d'ajouter un
commentaire, donc je vais lui laisser…
M. Morin : Parfait. On va
l'écouter avec plaisir.
M. Biuzzi (Philippe) : Oui.
Ce pour quoi on vous demande d'ajouter la prise en compte des réalités locales
et régionales, dans les fondements du modèle d'intégration, c'est que, pour
nous, sans prise en compte de ces réalités-là, on ne parviendra jamais à avoir
un modèle d'intégration qui fonctionne. De la manière dont l'union perçoit le
modèle d'intégration, c'est comme une opportunité, l'opportunité pour les
municipalités de jouer un rôle de concertation, de s'assurer que les projets
qui sont mis en place, que les plans d'action qui sont mis en place à l'échelle
locale et régionale, ce sont des actions structurantes.
• (17 h 20) •
Puis, tu sais, on a fait mention,
notamment du Programme d'appui aux collectivités. Pour le moment, le constat,
dans certaines municipalités, là, je reviens aux exemples sur le terrain. Le
constat, c'est que, dans certains cas, la municipalité est une boîte postale
qui distribue de l'argent à des organismes, puis de l'argent qui est important,
mais qui fait en sorte que la seule… les seules actions, c'est la survie de ces
organismes-là qui offrent des services qui sont essentiels, on va se le dire,
mais il n'y a pas d'action structurante, il n'y a pas de concertation. Et la
concertation, elle est faite par la municipalité qui va aller parler à… aux
universités sur son territoire, aux cégeps, aux entrepreneurs, mais après ça,
ça, ce n'est pas financé. Puis l'argent ne peut seulement aller qu'aux
organismes communautaires.
M. Morin : …c'est d'ailleurs
dans votre mémoire à la page quatre de votre recommandation sept. Vous parlez,
entre autres, du programme d'accompagnement et de soutien à l'intégration, le
PAFI et évidemment, il y a une augmentation de la clientèle. Donc, une
augmentation du financement vous permettrait de… pour les municipalités, de
mieux jouer votre rôle.
M. Damphousse (Martin) :
Mieux accompagner. Puis je rajoute des exemples à ce que Philippe vient
juste de dire, que ce soit pour l'intégration à l'école, dans les CPE.
Finalement, le territoire est vaste, où on peut accompagner et ça va tout faire
la différence pour un succès retentissant de ces gens-là, ils ne voudront plus
partir parce qu'ils auront tout l'accompagnement nécessaire pour une
intégration réussie. Ils ne voudront pas aller voir ailleurs.
M. Morin : À condition,
évidemment, que, s'ils ont besoin de permis de travail, ils puissent le
conserver ou le renouveler. Parce que, là, sinon, on fait fausse route.
M. Damphousse (Martin) :
Bien sûr.
M. Morin : Tu sais, donc, au
fond, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait une régionalisation, une
décentralisation pour une meilleure planification, puis travailler de concert
avec la politique que…
M. Morin : ...bien, la loi, en
fait, que le gouvernement veut adopter.
M. Damphousse (Martin) :
En fait, la reconnaissance des régions est importante, et la particularité,
la spécificité. C'est ça qu'on veut sentir. On l'a souvent dit, dans à peu près
n'importe quel projet de loi, le phénomène du mur-à-mur passe difficilement.
Nos membres, mes membres me le disent tout le temps, la réalité de Montréal, de
Québec, de Gaspé est tellement différente. Ils sont un peu allergiques au
mur-à-mur. Donc, c'est de reconnaître les particularités des régions à
l'intérieur de l'immigration. Ce serait l'idéal.
M. Morin : Donc, on s'entend
pour dire que le sur mesure est préférable dans un cas comme ça, pas du
mur-à-mur, du sur mesure.
M. Damphousse (Martin) :
Ah! O.K., oui. Oui, régional, on va dire, c'est bon.
M. Morin : Oui, c'est ça,
exact, tout à fait. Tantôt, le collègue député de Saint-Jean vous a parlé
beaucoup du multiculturalisme. Moi, j'ai une question pour vous, puis je ne
sais pas si vous avez réfléchi à ça, mais, à l'article 18 du projet de loi, on
veut ajouter un préambule dans la Charte des droits et libertés de la personne,
en disant : «Considérant que le Parlement du Québec a formalisé le modèle
québécois d'intégration nationale, lequel est distinct du multiculturalisme
canadien». La question que j'ai pour vous est la suivante. Avec le projet de
loi, on définit ce que c'est, pour nous, l'interculturalisme. Est-ce que c'est
vraiment nécessaire de dire qu'on veut se distinguer du multiculturalisme?
Est-ce que, tu sais, on ne pourrait pas affirmer positivement ce qu'on est,
puis ça va être clair pour tout le monde?
M. Damphousse (Martin) :
Étant donné que, tantôt, j'ai fait exprès de ne pas vouloir m'avancer dans
une définition... Puis je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat, mais si
Philippe a des précisions qui pourraient vous aider, je vais lui laisser la
parole.
M. Morin : Je vous remercie.
M. Biuzzi (Philippe) : Je
ne m'avancerai pas non plus, là, sur tout ça. Je pense que moi, ça va être pire
que M. le président. Ce que je peux vous dire, c'est que le fait de se doter
d'un modèle d'intégration, pour nous, c'est une opportunité, notamment par
rapport aux relations avec le fédéral. C'est une opportunité de signer des
ententes avec le fédéral, des ententes tripartites, et de faire en sorte que le
modèle dont le gouvernement... bien, en fait, l'Assemblée nationale va se
doter, bien, que ce modèle-là, il découle dans ces ententes-là. Pour nous,
après ça, que ce soit du multiculturalisme ou pas, de la manière dont on le
définit, par opposition ou pas, ce n'est pas vraiment notre rôle. Tu sais, le
principe de subsidiarité, c'est aussi reconnaître quand ce n'est pas notre
échelon, là, qui doit prendre position là-dessus.
Toutefois, une fois que c'est dit, bien,
ce modèle d'intégration là, puis... tu sais, je pense que c'est la plus haute
autorité administrative... je ne me rappelle plus à quel article exactement il
se trouve, mais c'est la plus haute autorité administrative qui doit faire en
sorte qu'on prenne en compte la politique. Tu sais, tout à l'heure, ça a été
mentionné que les changements, les changements politiques pouvaient avoir un
impact, mais il va rester que l'administratif va devoir appliquer la politique.
M. Morin : O.K. Parce qu'en
fait, dans les différentes politiques gouvernementales, plusieurs
gouvernements, là, tous partis confondus, au Québec, on a toujours parlé de
l'interculturalisme, et non pas de multiculturalisme, ce qui nous définit, là.
Alors, enfin, je voulais avoir votre opinion là-dessus. Je vous remercie pour
la réponse.
Maintenant, vous soulignez également, dans
votre mémoire, que vous souhaitez que la politique éventuelle soit adoptée par
l'Assemblée nationale, et non pas par le gouvernement. Pouvez-vous m'en dire
davantage? Comment ça va s'argumenter? Parce que, d'habitude, l'Assemblée
adopte des lois. Le règlement, c'est au gouvernement, puis la politique, bien,
c'est clairement au gouvernement. Donc, comment vous voyez ça?
M. Damphousse (Martin) :
Bien, encore une fois, j'aurai mon opinion puis je vais inviter Philippe à
vous partager la sienne. Je pense que c'est un sujet hautement d'importance
pour s'assurer que chacun des articles puisse être débattu, pour qu'on entende
et qu'on comprenne la même chose. Donc, c'est pour ça qu'on juge que c'est
important. Autant pour le milieu municipal, quand on aura, ou si on avait le
privilège d'entendre le débat, bien, ça clarifiera beaucoup d'aspects. Mais ça,
c'est mon opinion, puis, honnêtement, après, c'est le choix du gouvernement,
mais la réalité, c'est qu'on souhaiterait bien que ça puisse se faire de cette
façon-là.
M. Biuzzi (Philippe) : Je
vais compléter sur ce que M. Damphousse vient de dire. Ce n'est pas... ce n'est
pas usuel de voir des règlements qui sont soumis à l'Assemblée nationale, mais
ce n'est pas impossible non plus. Puis j'ajouterais, tu sais, on le demande là,
et ce n'est pas par rapport à ce gouvernement-là, à ce ministre-là. On le
ferait pour n'importe quel gouvernement...
M. Biuzzi (Philippe) : ...ce
qui est traité dans ce projet de loi là aurait, du moins, une valeur quasi
constitutionnelle. Pour nous, la politique va venir définir énormément de
choses. Et c'est ce qui motive cette décision-là, là, on... cette
proposition-là... Ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir discuter de la politique,
de discuter des effets de la politique, discuter des effets des règlements. Tu
sais, on parle... Notamment, là, dans les règlements, bon, il y a l'article...
il y a l'article 16 qui permet de dire quelle aide financière octroyée
doit être compatible avec le modèle, mais, au-delà de ça, il y a... il y a un
pouvoir réglementaire de venir définir des termes. Bien, ça, pour nous, la
définition de termes qui se retrouve dans la Loi sur l'intégration nationale,
bien, pour nous, ça devrait être fait avec l'Assemblée nationale, il faut qu'on
puisse en débattre. Puis je comprendre le processus réglementaire où on donne
45 jours pour recueillir des commentaires, parce que la réalité, c'est
qu'après ça, bien, on n'aura pas nécessairement eu de débat public sur la
définition de ces termes-là.
M. Morin : Alors, est-ce que
je dois comprendre que...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est terminé.
M. Morin : ...on pourrait les
mettre dans la loi?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est terminé. On va poursuivre maintenant avec le député
de Saint-Henri Sainte-Anne pour 4 min 8 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, et merci à vous pour votre excellente
présentation, vos réponses aux questions. Votre cinquième recommandation
m'intéresse particulièrement, là, celle du programme pilote d'immigration
régionale. C'est quelque chose que ma formation politique a déjà mis de l'avant
notamment. Je vais vous entendre sur quel rôle vous pourriez jouer là-dedans.
Donc, vous vous voyez comme en présélection ou vous vous voyez donner des
lettres d'invitation? Comment... Comment ça se matérialiserait, là, du rôle des
villes, des MRC? Comment vous l'avez imaginé?
M. Damphousse (Martin) :
Vous me permettrez, quand on rentre dans des détails de notre mémoire, je
vais inviter Philippe à commenter, s'il vous plaît, évidemment.
M. Biuzzi (Philippe) : Bien,
tu sais, ce pourquoi on... ce pourquoi on dit «programme pilote», c'est qu'on
souhaite quand même le tester. En Ontario, ça fait quelques... quelques fois
qu'ils le font, ils ont pris certaines municipalités, pour commencer, où il y
avait des besoins de main-d'œuvre spécifique hyperimportants, tu sais. Puis, si
on pense au Québec, il y a certaines industries dans certaines régions où un
programme pilote comme ça serait hyperpertinent. Après ça, je pense que, tu
sais, si on souhaite se doter d'un programme complet, ce serait une bonne chose
aussi, mais je pense que, vu que c'est nouveau, ça vaudrait la peine de se
faire un programme pilote, d'aller le tester.
M. Cliche-Rivard : On va
faire des jaloux sur qui va le tester en premier, mais ça, ça va être une autre
discussion. Vous faisiez référence à Toronto, notamment avec l'industrie de la
construction, qui avait un programme dédié qui a quand même bien fonctionné. Je
vous amène sur le point que vous aviez détaillé sur l'article 16 puis
l'autonomie municipale. L'article 16 parle quand même de financement des
organismes. Je voulais quand même bien comprendre le lien que vous faites entre
la préservation de l'autonomie municipale puis le financement des organismes.
M. Damphousse (Martin) :
Bien, ce qui est intéressant, Philippe a mentionné tantôt qu'on ne veut pas
être une boîte postale, le milieu municipal. Le rôle qu'on peut jouer avec nos organismes
locaux... On est déjà très impliqués dans toutes les sphères, auprès des
entreprises jusqu'aux CPE, donc on peut être un maillage essentiel. Donc, si
Philippe veut compléter... on en a parlé tantôt.
M. Biuzzi (Philippe) : Mais
c'est surtout... Tu sais, le libellé qui est utilisé, c'est les organismes qui
sont assujettis, si je me rappelle bien, puis, par l'annexe de la Charte de la
langue française, les municipalités sont considérées dans l'administration de
l'État. Ce qui nous inquiète avec l'article 16, c'est qu'on vient de nous
dire qu'il y a certains financements qu'on donne actuellement... bien, ils sont
non conformes. Puis après ça, cette interprétation-là, qui la fait? Est-ce que
c'est le fonctionnaire municipal qui dit : Ah! je pense que je ne suis pas
conforme et donc je ne financerai plus telle chose, qui est un service
important pour...
M. Cliche-Rivard : Donc, les
fonds de la ville que vous octroyez, vous ne voulez pas que ça, ça soit
conditionnel à la politique nationale. Québec va faire ce qu'il veut avec les
fonds de Québec, mais...
M. Biuzzi (Philippe) : Mais
c'est qu'en fait il y a d'autres manières de mettre en œuvre cette loi-là, ce
modèle d'intégration nationale là, et notamment, bien, il va falloir qu'on la prenne
en compte par la plus haute autorité administrative, donc le directeur général
de toute municipalité.
M. Cliche-Rivard : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste encore du temps. C'est beau? Alors, écoutez, je
vous remercie infiniment pour votre présence ici, en commission.
Alors, je vais suspendre, et nous allons
entendre le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 32)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 36)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons, pour la prochaine
heure, le Groupe des 13. Alors, mesdames, je vais vous laisser le soin de vous
présenter, et par la suite, vous avez, en tout et partout, une période de 10
minutes pour présenter votre argumentaire, vos précisions sur le projet de loi,
et on va ensuite en discuter avec les parlementaires. Alors, votre période de 10
minutes commence à l'instant.
Mme Cá (Félicia) : Bonjour.
Donc, pour représenter le G13 aujourd'hui, je suis accompagnée de mes collègues
Colette Cummings, Marianne Lapointe, Julie St-Pierre-Gaudreault, Elisabeth Viens
Brouillard... et moi-même, Félicia Cá. Donc, le Groupe des 13 est constitué de
24 organisations féministes et communautaires, regroupant des centaines de
groupes et des milliers de Québécoises. Donc, pour en savoir plus sur les
groupes qu'on représente, vous pouvez consulter le document qui joint cette
présentation.
Donc, le projet de loi n° 84, Loi sur
l'intégration nationale, comporte de nombreux enjeux qui préoccupent les
organismes de défense des droits des femmes et la communauté féministe. Ce projet
de loi tente d'établir une vision restreinte, rigide et homogène de la culture
québécoise et propose des modifications préoccupantes à la Charte des droits et
libertés de la personne ainsi qu'à la Loi sur l'exercice des droits
fondamentaux et des prérogatives...
Mme Cá (Félicia) : ...du
peuple québécois et de l'État du Québec. Nous considérons que le projet de loi
repose sur l'imposition d'une culture dominante en misant sur la soi-disant
laïcité de l'État ainsi que sur l'apprentissage de la langue française comme
condition punitive à l'accès aux services essentiels à l'intégration. Il omet
de prendre en compte les réalités spécifiques et les besoins des personnes
immigrantes, réfugiées et à statut précaire, et plus particulièrement les
barrières systémiques auxquelles les femmes immigrantes sont confrontées au
cours de leur processus d'immigration.
Le projet de loi n° 84 ne propose
aucune disposition ou action concrète pour permettre l'intégration des
personnes immigrantes ni faciliter l'accès aux services permettant une
intégration réussie pour les femmes. Les nombreux défis de l'intégration des
personnes immigrantes vont bien au-delà de l'apprentissage du français,
incluant des obstacles systémiques et institutionnels. Les femmes immigrantes
rencontrent une série de barrières croisées, notamment en ce qui concerne
l'accès au logement, aux soins de santé, au marché de l'emploi et à des
services sociaux comme l'accès aux garderies subventionnées, par exemple. Une
telle politique d'intégration devrait adresser ces enjeux et prévoir le
financement nécessaire pour pallier ces obstacles. Le gouvernement devrait
notamment reconnaître les conditions spécifiques infligées aux femmes
immigrantes, réfugiées et à statut précaire pouvant limiter leur capacité à maîtriser
le français.
Les dernières coupures dans les services
de francisation démontrent le désengagement du gouvernement envers
l'intégration des personnes immigrantes allophones. L'apprentissage du français
repose alors de manière complète, individuelle, sur les personnes immigrantes
plutôt que sur l'implication et le devoir de soutien de l'État. Ce dernier est
alors déjà en contradiction avec son premier devoir tel que... tel quel... dans
son projet de loi. Dès que le législateur tente aux articles 10 et 11
d'appliquer et de mobiliser les ordres professionnels, les personnes morales et
les gestionnaires d'organisations dans la grande démarche d'intégration, cela
manque de balises. Ces interlocuteurs ont un grand impact puisque le travail
est un élément important de l'intégration dans la société. Quelles seront
réellement leurs responsabilités et comment seront surveillés les impacts et
résultats? L'analyse du G13 met en lumière les lacunes liées à l'absence d'une
approche intersectionnelle en ce qui a trait aux modifications proposées par le
projet de loi n° 84, mais également les impacts de ces modifications sur
les femmes immigrantes, réfugiées ou à statut précaire.
• (17 h 40) •
Nous revendiquons également le retrait des
modifications à apporter à la charte ainsi qu'une révision des pouvoirs
octroyés par cette loi en ce qui a trait à l'élaboration de la politique
d'intégration nationale et la centralisation de ces pouvoirs. La question de
l'attribution des financements publics aux organismes d'aide mérite également
d'être analysée. La première grande préoccupation du G13 consiste en l'absence
d'une ADS+. Le projet de loi n° 84 manque cruellement d'une analyse
différenciée selon les sexes, ADS+, ce qui témoigne d'une absence de
considération pour les réalités spécifiques des femmes immigrantes et d'une
reconnaissance de la diversité des expériences vécues par les femmes en
fonction de multiples facteurs, dont leur origine culturelle, leur statut
d'immigration, leur orientation sexuelle et autres. Cette analyse aurait permis
de mieux comprendre comment ce projet de loi risque d'impacter différemment les
divers groupes de la population en tenant compte des discriminations qui
touchent particulièrement les femmes. Le gouvernement, en omettant d'appliquer
une ADS+, ignore les effets disproportionnés que ce projet de loi pourrait
avoir sur les femmes en situation de vulnérabilité, notamment celles qui sont
victimes de violences avant, pendant et après leur parcours migratoire ou qui
rencontrent des obstacles majeurs à l'intégration économique et sociale.
L'analyse différenciée selon les sexes, ADS+, devrait être appliquée à tous les
projets de loi présentés à l'Assemblée nationale afin de permettre l'étude des
impacts des lois proposées sur les femmes, mais également sur plusieurs groupes
marginalisés vivant à l'intersection de multiples systèmes d'oppression.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Merci, Félicia. Moi, pour poursuivre, c'est sûr qu'il y a la
nécessité d'appliquer une LDS+ au projet de loi, mais il y a aussi le manque de
mesures concrètes à l'intégration des femmes immigrantes. Le G13 s'inquiète
particulièrement par rapport aux modifications qui ont été apportées, bien, qui
veulent être apportées à la Charte des droits et libertés, surtout concernant
l'aspect qui stipule qu'il y a un droit de participation en français à la
société québécoise. Le G13 tient à rappeler que le gouvernement devrait
reconnaître les conditions spécifiques sont infligées aux femmes immigrantes,
réfugiées et à statut précaire, qui pourraient limiter leur capacité à
maîtriser ou utiliser le français dans différents contextes, que ce soit parce
qu'elles ont vécu des violences pendant le parcours migratoire ou à leur
arrivée ici, parce qu'elles avaient besoin de services psychosociaux ou des
services de santé après un parcours difficile. Ça peut être juste par rapport à
la prise en compte de la surcharge que peut représenter le parcours migratoire.
Il y a des difficultés à obtenir un emploi, à conserver un emploi pour lequel
elles sont... elles sont compétentes puisqu'il n'y a pas nécessairement de
reconnaissance des acquis non plus, dans un emploi dans lequel elles pourront
pratiquer et utiliser le français, ce qui va faciliter leur intégration. Il y a
aussi la difficulté à avoir accès à des services de garderie, comme ma collègue
l'a mentionné tout à l'heure pour les demandeuses d'asile. Puis en fait, la
modification à la charte, ce qui nous inquiète le plus, c'est qu'il se produise
un peu la même chose qui s'est...
Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :
…lors de l'adoption de la loi 21 sur la laïcité de l'État, on a
vraiment peur qu'en modifiant la Charte des droits et libertés… bien, en fait,
qu'on vienne atténuer son effet, puis que… puis que le projet de loi limite le
champ d'application de la charte. Ça empêcherait les femmes immigrantes, qui
auraient eu des droits de violer, de pouvoir l'utiliser pour se défendre. On
tient à rappeler que la Charte existe pour protéger les droits humains, les
libertés et l'égalité, et… indépendamment du niveau de français et de
l'utilisation de la langue française sur le territoire québécois, d'autant plus
que ce type d'outil là devrait servir à protéger les droits des personnes les
plus marginalisées, dont les femmes immigrantes qui ont eu des parcours
difficiles ou qui sont allophones.
Selon nous, les droits humains, et selon
probablement plusieurs groupes aussi, les droits humains sont universels,
indivisibles et interdépendants, puis ils ne devraient pas être modifiés selon
les aléas des débats ou orientations politiques ni selon une vision
gouvernementale ou des valeurs de la soi-disant majorité des Québécois. On
propose donc un retrait de l'article 20 du projet de loi… le point numéro
deux, qui modifierait l'article 43 de la Charte québécoise des droits et
libertés, ainsi qu'un retrait de l'article 21 qui modifie
l'article 50 de la charte.
Ensuite, il y a un des points aussi qu'on
trouve particulièrement inquiétant, c'est celui de la pérennité du financement
pour les groupes communautaires qui desservent les communautés immigrantes. Au
chapitre V, il y a une… en fait, deux paragraphes, là, qui prévoient que les
organismes qui… qui reçoivent des fonds publics et auxquels s'adresse la future
politique nationale d'intégration à la nation québécoise et à la culture
commune, devront se conformer et être compatibles au modèle québécois
d'intégration. Donc, là, je lis, mais c'est seulement pour dire qu'on… ça nous
pose des questions sur le fait que... Est-ce que la question du respect de
l'autonomie des organismes communautaires va être respectée? On… qu'on
considère aussi que c'est des groupes communautaires qui déterminent leur
mission et les services qu'ils offrent à la population en fonction des besoins
des populations qu'ils desservent, dont des femmes immigrantes qui peuvent être
allophones ou qui peuvent ne pas utiliser le français parce qu'elles n'ont pas
eu la chance de l'apprendre ou qu'elles n'ont pas eu la chance de le pratiquer.
Cette disposition, bien, on s'inquiète à
ce que ça puisse limiter l'autonomie des acteurs locaux, communautaires dans la
définition des approches, justement, qu'ils utilisent sur le terrain, puis que
ce soit en fait une une tactique pour restreindre l'accès au financement pour
ces groupes. Donc, nous, on propose une modification aux articles 16 et 17
du projet de loi pour qu'en fait ces articles-là soient mieux encadrés puis
qu'ils stipulent clairement qu'il y va avoir un respect de l'action
communautaire autonome et des missions des organismes communautaires qui prodiguent
des services aux personnes immigrantes.
Ensuite, c'est sûr que ça a probablement
été discuté dans plusieurs des autres consultations que vous avez eues, mais on
considère que la question des financements est aussi essentielle quand on parle
des programmes qui viennent en aide aux personnes immigrantes, mais aussi pour
l'apprentissage du français. Donc, c'est vraiment urgent de rétablir les
investissements en francisation puis en intégration, mais aussi de prévoir des
programmes de francisation qui pourraient être flexibles, accessibles et
adaptés aux réalités des femmes immigrantes, notamment par des horaires puis
des rites d'apprentissage qui sont… qui sont flexibles et adaptables.
On pense aussi que la plupart des… bien,
des programmes qui permettent la création d'outils qui pourraient être adaptés
aux besoins des femmes immigrantes, puis là, dans ce cas-ci, je parle de femmes
qui pourraient avoir vécu des violences et qui ne peuvent pas s'exprimer en
français… Bien, on pense que des programmes qui permettent des services
d'interprétariat devraient aussi être reconduits, parce que c'est essentiel
pour assurer la sécurité des femmes. Puis finalement, en fait, je pense qu'un
véritable engagement de l'État dans la francisation et en fait dans un… dans
des services d'intégration pour les personnes immigrantes, dont les femmes
immigrantes, ça passe par un financement qui est durable, qui est adéquat, puis
une analyse des besoins sur le terrain.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre présentation. On va donc
commencer la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre, la
parole est à vous. Votre groupe bénéficie de 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci bien, Mme
la… Présidente. Merci pour votre présentation. Je vous écoutais attentivement,
en regardant aussi les éléments de votre allocution, votre mémoire. J'ai été
interpelé en début de présentation quand vous avez dit : Le projet de loi
tente d'établir une vision restreinte, rigide, homogène de la culture
québécoise. Donc, je me suis demandé à quel endroit, dans la loi, on pouvait
avoir une vision telle de la culture québécoise. Puis on… dans la
section II, Modèles et fondements, on parle la culture québécoise, à
l'article 3. C'est là où, je vous dirais, on la définit d'une quelconque
manière, à quoi on réfère dans le projet de loi, quand on parle de la culture
québécoise. On dit : «La culture québécoise à laquelle tous sont
appelés...
M. Roberge : ...sont appelés à
adhérer et à contribuer se caractérise notamment par la langue française, la
tradition civiliste, en réalité ce sont notre manière de gérer nos tribunaux
par rapport au reste du Canada qui est le common law, au Québec, c'est la
tradition civiliste, des institutions particulières, on parle à nos... on pense
à nos grandes institutions, notamment le Vérificateur général, la Commission
des droits de la personne, etc., des valeurs sociales distinctes, un parcours
historique spécifique, l'importance accordée à l'égalité entre les femmes et
les hommes, la laïcité de l'État, la protection de la seule langue officielle
et commune du Québec. En quoi cette notion de culture commune serait restreinte
ou homogène? Il me semble qu'on couvre assez large quand on réfère à ces
concepts-là.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Oui, bien, je peux commencer puis je laisserai mes collègues
continuer. Je pense que, je veux dire, tous les aspects que vous avez nommés
puis qui sont en introduction de ce projet de loi sont complètement... je veux
dire, oui, c'est vrai que c'est la langue française qui est une partie commune
de la culture québécoise. Je pense que la notion qui est un petit peu omise
dans la présentation de la culture québécoise, c'est le fait que la diversité
culturelle, l'interculturalisme, le fait qu'il y a des immigrants qui arrivent
sur le territoire québécois depuis des décennies, des décennies ça a enrichi la
culture québécoise et ça fait partie de notre... notre héritage culturel. Puis,
ça, cette question là, je trouve qu'elle est complètement mise de côté. Puis,
en même temps, c'est comme si penser que les immigrants qui sont arrivés il y a
50 ans, il y a 40 ans, qui ont contribué à la société québécoise puis
à son effervescence, mais qu'aujourd'hui on ne pourrait pas offrir le même
partage, on ne pourrait pas partager les mêmes valeurs avec les nouvelles
personnes qui arrivent sur le territoire parce qu'ils devraient se conformer à
ce modèle qu'on dit uniforme ou cette case dans laquelle on essaie de les
insérer. Puis je ne sais pas si mes autres collègues auraient quelque chose à
dire, là.
• (17 h 50) •
M. Roberge : Je peux
continuer. Bien, écoutez, mais je comprends mieux comment vous avez lu la
définition. Je peux vous rassurer que dans le sixième considérant, là, au début
de la loi, on dit : Considérant que les personnes immigrantes venues du
monde entier contribuent à la nation québécoise. Donc, ils contribuent, ils ont
contribué et continueront de contribuer. Ça a été mentionné dans les
présentations des groupes ce matin. On l'a bien dit que la culture québécoise,
ce n'est pas seulement les arts et les lettres, là, c'est notre manière de
vivre, c'est nos traditions, nos manières d'accueillir des gens en commission
parlementaire qui vont suggérer des choses, mais aussi faire une critique en
fonction de leur posture, ça fait partie de la culture québécoise, justement,
on la vit en ce moment. Notre parlementarisme en faisant venir une pluralité de
groupes, pour moi, ça fait partie de la culture québécoise aussi. Puis quand on
dit que les personnes immigrantes venues du monde entier contribuent à la
culture québécoise, mais ça veut dire qu'elle n'est pas figée, elle va
continuer d'évoluer à mesure que de nouvelles personnes vont arriver.
Effectivement, il y a les deux concepts
dans la loi, cependant il y a adhérer et contribuer. Puis, tantôt, tout à
l'heure, quelqu'un est venu présenter avant vous, dans les auditions, quelqu'un
disait : Bien, quand les gens arrivent au début avant de dire qu'on
contribue et on veut prendre racine, on veut connaître la langue, on veut
connaître le territoire, on veut connaître l'histoire, donc, au début, on
apprend, mais après, rapidement on bascule vers la contribution. Et puis là, la
personne apporte sa couleur puis vient contribuer, là, à ce que... à ce qu'est
et ce que sera la culture québécoise. En tout cas, c'est comme ça qu'on l'a
pensé. C'est comme ça qu'on veut la faire vivre avec les gens qui arrivent.
Donc, c'est ça. Parfois, vous parlez d'une culture dominante, en fait, il y a
une culture qui est majoritaire, puis on ne demande pas aux gens de cesser
d'être qui ils sont, on le précise à quelques endroits dans la loi d'ailleurs,
quand on leur dit qu'ils doivent contribuer en fonction de leur bagage, on le
mentionne. Donc, on peut s'attendre à ce que ça continue.
À un autre endroit, là, j'ai une question,
vous parlez d'une soi-disant laïcité de l'État, vous dites : Nous
considérons que le projet de loi repose sur l'imposition d'une culture
dominante en misant sur la soi-disant laïcité de l'État. Puis vous revenez plus
tard avec la laïcité de l'État. Dois-je comprendre que votre regroupement et
chacun de vos membres, parce que j'ai vu qu'il y avait beaucoup de membres...
M. Roberge : ...dois-je
comprendre que votre regroupement et chacun de vos membres, parce que j'ai vu
qu'il y a beaucoup de membres, vous êtes tous en désaccord avec la Loi sur la
laïcité de l'État?
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : Je peux peut-être m'avancer, là. Ce qu'on veut dire avec
le bout sur la laïcité, c'est que la laïcité de l'État vous la dite est
essentielle pour assurer l'égalité entre les citoyens. Là, c'est ce que vous
semblez dire. Nous, ce qu'on dit, c'est que cette approche-là ne tient pas
compte des répercussions spécifiques sur les femmes immigrantes, qui portent,
par exemple, des signes religieux, notamment en matière d'employabilité, en
matière d'accès aux services également. Donc, la laïcité, selon nous, ne
devrait pas être utilisée comme un outil d'exclusion.
M. Roberge : Mais quand on
parle de la loi sur la...
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Je peux répondre. Ah!
M. Roberge : Allez-y,
allez-y, je vous écoute.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Non, j'allais juste répondre, tu sais, bien, justement, le
Groupe des 13, il y a de nombreuses organisations qui en font partie. C'est sûr
que là, nous, on a eu à peu près, je dirais, trois jours pour pour préparer
tout ça et soumettre un simili mini mémoire, et on n'a pas eu le temps d'avoir
toute l'approbation ni... de chacune des membres puis on n'a pas du tout abordé
la question non plus de la laïcité de chaque groupe... par rapport à la
décision de chaque groupe d'appuyer la Loi sur la laïcité de l'État ou quoi que
ce soit. Donc, je ne veux pas non plus... je ne voulais pas aller dans des
détails. C'est sûr que, là, on représente le G13 à titre de... pour chaque
organisme aussi que nous, auquel on en fait partie.
M. Roberge : O.K. Très bien.
Mme Lapointe (Marianne) : Je
trouve que l'important de souligner, c'est qu'ensemble ce qu'on a trouvé, c'est
qu'il y a un manque de nuances en fait, parce que quand vous utilisez en fait à
l'article 7, vous utilisez trois verbes vraiment très forts «adhérer»,
«reconnaître» et «respecter, et en fait il y a un manque de nuances. Et on le
dit d'entrée de jeu dans l'introduction, pour nous, l'analyse différenciée
selon le sexe ferait tout à fait ressortir les ombres, les zones d'ombre qui
pourraient avoir des impacts vraiment très négatifs sur les femmes issues de
l'immigration qui, dans leur processus d'intégration, font face à des
barrières. Donc, elles ne sont pas nécessairement capables d'adhérer, de
reconnaître et de respecter parce qu'on ne leur fournit pas nécessairement les
outils nécessaires pour pouvoir faire le processus de façon adéquate.
M. Roberge : Par rapport...
Mme Lapointe (Marianne) : Sur
le terrain, on pourrait faire un exemple, les services d'employabilité. Donc,
tu sais, si on ne donne pas accès aux services de francisation,
d'employabilité, de santé, de garderie aux femmes immigrantes, bien, elles ne
peuvent pas s'intégrer. Elles ne peuvent même pas aller aux cours de
francisation s'il n'y a pas de garderie pour elles, etc. Donc, récemment, on a
vu des... des éléments en fait sur la place publique, là... En tout cas, les
luttes pour les garderies pour les personnes réfugiées immigrantes à statut
précaire, on ne fera pas un cours d'histoire aujourd'hui, mais c'est quand même
des luttes, là, qui ont eu lieu récemment. Et pour nous, l'accès aux services
pour les femmes immigrantes permet d'avoir... permet aux femmes migrantes de
pouvoir faire exactement ce que vous leur demandez, d'adhérer, de reconnaître
et de respecter, mais il faut leur donner les moyens et, présentement, le
projet de loi nous semble flou et peu... peu balisé.
M. Roberge : O.K. Mais je
vous remercie, mais je veux clarifier juste un élément. Quand vous parlez de la
laïcité avec l'accès à l'emploi, l'accès aux services, effectivement, avec la
Loi sur la laïcité en ce moment qui touche les gens qui représentent l'autorité
de l'État, on ne peut pas porter un symbole religieux durant les heures de
travail pour les professions visées comme étant des personnes incarnant
l'autorité de l'État. Par contre, lorsque vous parlez de l'accès aux services,
je ne vois pas en quoi la laïcité pourrait toucher ou empêcher quiconque
d'accéder à un service de l'État, cela, je ne l'ai pas vu.
Vous parlez aussi de la... des droits, le
respect des droits, à quelques endroits, vous l'avez mentionné, des gens. Je
veux juste vous mentionner que, plus tôt dans la journée, la présidence de la
Commission des droits de la personne et de la jeunesse, enfin, la commission,
sont venus nous présenter ici leur mémoire, ont répondu aux questions, puis
pour la commission et le premier officier de la commission, le projet de loi,
selon leurs propres termes, n'est pas attentatoire d'aucune manière, donc ne
porte pas atteinte...
M. Roberge : ...le projet de
loi tel qu'il est là, selon leurs propres termes, n'est pas attentatoire
d'aucune manière, donc il ne porte pas atteinte aux droits et libertés des
gens. Ils ont mentionné que le projet de loi ne contrevenait pas, d'après leur
lecture, à la Charte des droits et libertés. Je pense que c'est de nature à vous
rassurer.
Et il y a un dernier élément qui pourrait
vous rassurer aussi, ce que vous avez dit, et la possibilité à tous de
participer à la société. Vous voulez être certains. Évidemment, c'est ce qu'on
veut, on veut l'intégration, l'intégration de tous. La dernière chose qu'on
veut, c'est d'empêcher quelqu'un de participer à la société québécoise. On veut
de la mixité, on veut de la diversité, on veut des interactions, des
interrelations. Donc, soyez certains... certaines, pardon, qu'on est très très volontaires
pour la participation de tous.
Puis à cet égard-là, je vous fais
référence à l'article 5, alinéa 5. On est dans les fondements du
modèle. L'article 5, alinéa 5 nous parle de la possibilité offerte à
tous de participer à la société québécoise. Et quand on parle de la Société
québécoise, la définition du MIFI, du ministère de l'Intégration, de la
Francisation et de l'Immigration, évidemment, on parle de la participation
communautaire, culturelle, économique, identitaire, linguistique, citoyenne.
Donc, c'est chacun de ces aspects là de la participation citoyenne qui est visé
pour nous, quand on dit qu'on veut la participation de tous à la société
québécoise. Donc, je veux vous rassurer à cet égard là. C'est écrit en toutes
lettres puis ça réfère à une participation qui est quand même globale. Sur ce,
je passerais la parole à mes collègues, et je vous remercie beaucoup pour votre
présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci. Alors, pour le groupe du gouvernement,
il reste encore 3 min 56 s, et je reconnais la députée de
Vimont.
Mme Schmaltz : Parfait. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je vais aller assez rapidement. Mesdames,
permettez-moi de... Mon Dieu, écoutez, je vais être très franche dans ma
question. Sachez d'une part que si je sentais que les femmes n'étaient pas
reconnues dans leurs vulnérabilités ou encore qu'on ne reconnaissait pas les
réalités des femmes, je serais la première à me lever puis à le dénoncer. Soyez
assurées là-dessus.
• (18 heures) •
Vous savez, chez nous, à Vimont, à Laval,
on a un organisme qui s'appelle Femmes en emploi. Peut-être que vous connaissez
l'organisme, peut-être pas, mais sachez que c'est un organisme qui vient en
aide aux femmes immigrantes, qui les intègrent notamment au niveau de l'emploi.
Ce programme... écoutez, c'est un organisme aussi qui est financé d'une part
par le gouvernement et raison de plus aussi d'y être présente, c'est que cette
réalité nous concerne toutes. Ceci étant dit, je vais vous poser une question
franche, je m'attends à une question... à une réponse franche aussi de votre
part. Est-ce que vous observez depuis quelque temps, je vous dirais, certaines
remises en question du principe de l'égalité entre l'homme et la femme dans certains
secteurs de la société québécoise?
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Qu'est ce que vous voulez dire?
Mme Schmaltz : Ce n'est pas
compliqué, l'égalité entre hommes et femmes? Est0ce que c'est un concept qui a
sa raison d'être? Est-ce que vous le percevez? Est-ce qu'il y a un recul face à
ça?
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Je pense qu'en tant que représentante de groupes féministes,
on peut dire que, bien sûr, l'égalité entre les hommes et les femmes sont une
valeur qui est importante pour nous. Je pense que si on s'attend à ce qu'il y
ait des reculs, c'est parce que, finalement, la plupart du temps, il y a aussi
une montée de discours qui sont discriminatoires envers certains groupes,
envers certains groupes de femmes particulièrement. Je pense qu'il y a une
montée des discours haineux aussi. Je pense qu'il y a... Je pense que, même si
la nation québécoise, vous l'appellerez comme vous voulez, se veut en faveur de
l'égalité hommes-femmes, il y a toujours un chemin à réaliser, que ce soit par
rapport à l'égalité salariale, par rapport à plein d'aspects, à l'égalité en
emploi, l'accessibilité, comme on mentionnait, à différents services. Donc,
oui, l'égalité hommes-femmes est importante, oui, il y a des reculs, puis je
pense qu'on est ici aussi pour les adresser. Je ne sais pas vraiment où est-ce
que vous alliez vers cette direction.
Mme Schmaltz : Non, en fait,
je n'ai pas... Oui, non, je voulais laisser Mme répondre.
Mme Lapointe (Marianne) : Bien,
j'aimerais apporter une petite nuance. Dans votre introduction, vous parliez
des groupes qui desservent les femmes immigrantes. Présentement... En fait,
nous, nous sommes du CIAFT, membres du G13, groupe de défense des femmes au
travail et aussi un regroupement d'organismes spécialisés en développement de
la main-d'œuvre féminine...
18 h (version non révisée)
Mme Lapointe (Marianne) :
...l'organisme que vous avez mentionné ne fait pas partie de notre réseau. Par
contre, il y a d'autres organismes à Laval qui font partie de notre réseau. Je
tiendrais, dans le fond, à mentionner que, présentement, et ça fait un lien
avec votre question, présentement, beaucoup de groupes d'employabilité font
face à une situation déchirante en fait. Donc, elles reçoivent des demandes de
services de femmes immigrantes à statut précaire et se font refuser leur
admission dans nos groupes d'employabilité pour les services d'emplois. Donc,
il y a vraiment, présentement, effectivement, des femmes immigrantes qui ne
peuvent pas être desservies, et on sait très bien que les démarches de recherche
d'emploi sont nécessaires à...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois...
Mme Lapointe (Marianne) :
...l'immigration dans la société québécoise.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter parce que la partie, là... Le temps
imparti au gouvernement est terminé, mais on va poursuivre les discussions avec
l'opposition officielle et le député d'Acadie pour 12 min 23 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bon après-midi, Mmes Cà, St-Pierre-Gaudreault, Cummings
et Viens Brouillard. Merci d'être avec nous. Merci pour le mémoire que vous
avez déposé. Vous étiez en train de parler, et je vois... Je vois mal votre... votre
nom, là. C'est écrit un petit peu en petit. Désolé. Mais vous étiez en train de
parler de la précarité dans l'emploi. Je vais vous permettre de continuer parce
que vous n'aviez pas terminé. Ce que vous dites, c'est fort intéressant. Puis
un des éléments que j'ai soulevé avec plusieurs groupes aujourd'hui, c'est que
dans le modèle d'intégration, il n'y a pas de référence à toute la question de
l'emploi, au modèle socioéconomique qui fait aussi, quant à moi, partie d'un
élément important de l'intégration. Alors, si vous pouviez continuer pour nous
expliquer votre réalité, ce que vous voyez sur le terrain puis est ce que le
projet de loi va venir aider ou pas ce que vous êtes en train de nous décrire?
Mme Lapointe (Marianne) :
Bien, en fait, c'est tout simple. On parle de culture québécoise et d'intégration
à la culture québécoise. Bien, la culture du travail, c'est aussi quelque chose
dont les personnes immigrantes doivent s'approprier en fait. Donc, les services
d'aide à l'emploi sont essentiels, en fait, pour bien amener ces personnes-là à
prendre en considération la culture du travail qui est tout à fait différente d'un
pays à l'autre ou d'une province à l'autre. Donc, tu sais, c'est là où je venais,
en fait, avec mon énoncé, et je voulais rajouter que nous avons, en fait, toute
une panoplie de statistiques qui démontrent très bien que l'égalité entre les
femmes et les hommes, bien qu'elle fait partie de nos valeurs au Québec, elle n'est
pas atteinte, et que les femmes sont toujours victimes de discrimination, et qu'il
y a toujours des écarts économiques et autres qu'économiques dans notre
société. Il y a encore des violences, violences sexuelles, violences
psychologiques, violences au travail. Il y a encore des grandes situations où
les femmes et, entre autres, les femmes immigrantes, parce que c'est le sujet
aujourd'hui, vivent des doubles et triples discriminations. Et je peux donner
un exemple au travail. On peut tout à fait voir des femmes immigrantes arriver
de d'autres pays et avoir des diplômes absolument très intéressants pour le
Québec. Premièrement, ne pas se faire reconnaître ces diplômes-là.
Deuxièmement, vivre des discriminations. Donc, le fait d'être une femme, le
fait d'être une immigrante et parfois, selon le milieu de travail qu'elles
veulent intégrer, être une femme dans un milieu majoritairement masculin. Donc,
ces femmes-là vivent parfois des doubles, des triples et des quadruples discriminations.
Et n'oublions pas qu'il y a parmi les femmes qui sont immigrantes aussi des
femmes qui sont racisées. Donc, vraiment, le commentaire de mes collègues sur l'analyse
différenciée selon les sexes est fondamental. Pour nous, mettre en place une
analyse différenciée selon les sexes permettrait de tout à fait mettre en
lumière toutes ces interactions entre les formes de discrimination possibles
pour favoriser une intégration qui fait du sens pour elles.
M. Morin : D'où la
référence, j'imagine, que vous avez faite à l'intersectionnalité au début de
votre exposé. Je vous...
M. Morin : ...qu'est-ce qu'on
pourrait faire avec le projet de loi — parce qu'on parle
d'intégration nationale — pour diminuer ces types de discrimination
là, et faire en sorte qu'on tienne compte de l'égalité des chances en emploi
puis aussi de l'égalité des chances dans l'avancement en emploi? Avez-vous des
recommandations spécifiques? Ou, si vous n'en avez pas maintenant, vous pouvez
nous les faire parvenir, en tout cas, les faire parvenir à la commission. Moi,
je serais intéressé de vous entendre. J'ai vu, vous avez fait oui. Alors, je
vous écoute.
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : Oui, bien, je peux y aller, là, rapidement. On en a
plusieurs qui sont dans le mémoire, que vous pourrez consulter, mais,
rapidement, bon, on a, comme mes collègues l'ont dit, assuré une véritable
analyse différenciée selon les sexes, donc l'ADS+. Le retrait des modifications
à la Charte des droits et libertés de la personne, donc article 20, article 21.
Garantir l'autonomie des organismes communautaires, comme ma collègue le disait
plus tôt. Rétablir les investissements en francisation et en services
d'intégration. Revoir la centralisation des pouvoirs prévue par le projet de
loi, aussi, qui est quelque chose d'assez inquiétant. Et puis de préciser,
donc, de baliser les articles 10 et 11 du projet de loi n° 84, là.
Rapidement, je pourrais... je pourrais faire le tour avec ces points-là.
M. Morin : Je vous remercie.
Parce qu'évidemment, là, un des éléments très importants du projet de loi sur
l'intégration, c'est de faire reposer l'intégration sur l'apprentissage de la
langue commune et officielle au Québec, qui est le français.
Maintenant, vous y avez fait référence, en
francisation, le gouvernement a de la misère, c'est le moins qu'on puisse dire,
puis encore, ce matin, dans Le Journal de Montréal, on publiait que 800
personnes sont en attente de francisation. Un des éléments qu'on soulignait,
c'est qu'on offre des cours à des gens qui veulent apprendre, mais on offrait
des cours à une dame qui ne peut pas laisser son enfant seul à la maison le
soir puis on lui a offert des cours le soir. Vous comprendrez qu'elle n'a pas
pu aller suivre les cours. Donc, c'est autant d'éléments qui pourraient aider,
si je vous comprends bien, à l'intégration de ces personnes-là si on était
capables d'avoir un modèle de cours qui tient compte de la réalité de ces
personnes-là, pour ne pas, en fait, qu'elles soient exclues, bien sûr. Je vous
remercie.
• (18 h 10) •
Il y a un autre sujet que je voudrais
aborder avec vous, parce que je pense que, dans votre groupe, vous avez Femmes
autochtones du Québec. C'est exact? Parfait. Dans le projet de loi, il y a un
considérant qui fait référence aux Premières Nations, et on dit le droit qu'ils
ont de maintenir et de développer leur langue et leur culture d'origine. Est-ce
que ça devrait être là aussi? Parce qu'on veut, évidemment, avoir des rapports
de nation à nation avec eux. On ne devrait pas carrément l'enlever? Parce que
ça ne s'adresse pas à eux, ils sont une nation à part, ils ont leur culture. On
ne veut pas nécessairement qu'ils changent leur culture. On veut les aider à
préserver leur culture. Ou, si on le laisse, bien, est-ce qu'on devrait dire
davantage... pour faire une référence, par exemple, à la Déclaration des
Nations unies sur les peuples autochtones, qui contient beaucoup plus que ça,
puis la reconnaître? Avez-vous eu le temps de réfléchir ou d'en parler avec
Femmes autochtones du Québec?
Mme Cá (Félicia) : Je peux
peut-être... Effectivement, comme un de mes collègues l'a mentionné plus tôt,
on n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer puis on n'a pas réussi à avoir
leurs échos. Par contre, sur le point que vous mentionniez avant, tu sais, le
désir d'apprendre le français, l'importance du français, personne ne crache
là-dessus, mais le gouvernement parle, dans ce projet de loi là, de sa
responsabilité, les attentes qu'ils ont envers les Québécois, mais les
responsabilités qu'ils ont eux aussi. Puis je trouve que, si on part d'une
position, O.K., de... que c'est commun, que les gens veulent apprendre le
français, tu arrives dans un nouveau pays, tu es intéressé, mais la réalité
d'arriver comme immigrant au Québec, ce n'est pas facile. Quand tu es une femme
puis que tu as des enfants à t'occuper, tu as... c'est ça, la priorité. C'est
de trouver un travail, la priorité, c'est de placer tes enfants, la priorité.
Si le cours est donné le soir, puis que tu ne peux pas y aller, bien, tu ne
peux pas y aller, puis c'est ça qui est ça.
Ça fait que je trouve que le gouvernement
est un peu déconnecté de la réalité. Puis je suppose que vous avez eu
d'autres... d'autres intervenants qui ont fait valoir ces points, là, puis des
experts en immigration. Nous, on est plutôt avec la lunette féministe. Mais je
trouve ça vraiment déplorable parce que, des fois, j'ai l'impression que c'est
mal compris par le gouvernement que les personnes arrivent ici avec, vraiment,
l'intention de s'intégrer. Mais il y a une réalité à travers ça, puis il y a
une réalité, quand on est femme, à travers ça, il y a une réalité qu'on est une
femme racisée à travers ça, puis il y a une réalité qu'on est une femme racisée
qui porte un symbole religieux à travers ça. Donc, je pense que c'est quelque
chose...
Tu sais, personne ne crache sur le
français, qu'il arrive ici puis qui est comme, non, je ne veux pas apprendre le
français. Ce n'est pas ça, la réalité. Donc, je trouve qu'il y a comme...
Mme Cá (Félicia) : ...une
déconnexion du gouvernement envers... Tu sais, c'est ça, Mme la députée de
Vimont semblait être en contact avec des groupes qui travaillent avec les
femmes en immigration, donc je me dis qu'elle doit entendre ces échos-là. Je
trouve que, des fois, la distance entre le gouvernement puis le terrain semble
très, très grande.
M. Morin : En fait, si je
vous ai bien compris, vous nous dites que le projet de loi, et corrigez-moi si
je fais erreur, est contraignant pour les personnes qui arrivent ici, mais pour
le gouvernement, ce n'est pas très contraignant. Et...
Mme Cá (Félicia) : Oui.
M. Morin : Oui, c'est ça,
hein?
Mme Cá (Félicia) : C'est ça.
Je trouve qu'il y a des belles intentions de rallier les Québécois, tu sais,
d'appeler que les Québécois participent à l'intégration des nouveaux arrivants.
Personne n'est contre ça en général, mais le gouvernement fait quoi pour
encourager ça? Donc, moi, j'ai un peu une interrogation par rapport à ça. Parce
que c'est peut-être un peu de bonhomie de ma part, mais j'ai l'impression que
les gens sont quand même assez ouverts et motivés à intégrer. Mais des fois, je
me demande, avec les coupures du gouvernement... Tu sais, je... comme
l'expression : Est-ce qu'il y a les bottines sur les babines? Des fois, je
ne suis pas sûre.
M. Morin : En fait, je peux
vous dire que sur le terrain, moi, ce que j'entends des gens qui veulent
apprendre le français, ils le veulent, sincèrement, ils veulent, mais il y a
des embûches à tout bout de champ. Alors, ça devient excessivement,
excessivement compliqué.
Vous avez parlé... Il me reste combien de
temps?
Une voix : Deux minutes.
M. Morin : Deux minutes. Vous
avez aussi parlé de la Charte des droits et libertés de la personne. Ça, vous
en avez parlé brièvement, mais qu'est-ce que vous pensez de l'article 19?
Parce qu'il me semble que le modèle québécois d'intégration nationale n'est pas
très défini puis on veut l'insérer, alors que, dans la loi, on fait référence
aussi que ce modèle-là reprend certaines composantes essentielles de la nation
québécoise, dont la protection du français. On veut l'ajouter après la
protection du français qui est déjà dans la charte. Trouvez-vous que c'est
incohérent ou... J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Mme Lapointe (Marianne) : Oui,
c'est ça. En fait, notre position par rapport à l'ouverture de la charte, c'est
qu'on la trouve bien correcte comme elle est puis on voudrait qu'on ne l'ouvre
pas. C'est un peu notre résumé. Puis, pour poursuivre, je dirais que, dans ce
projet de loi là, il y a beaucoup de responsabilités qui sont données à plein
de monde, à la société en général, aux Québécois, Québécoises, aux personnes
immigrantes. Il y a même des responsabilités qui sont données aux ordres
professionnels, aux personnes morales, aux gestionnaires d'organisation. Mais
est-ce que le gouvernement va donner les moyens à tout le monde d'atteindre les
objectifs? Donc, c'est plus ça nos questions, en fait. Aurons-nous les moyens?
M. Morin : Parfait, je vous
remercie.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : ...si je peux... Ah! je ne sais pas si j'ai encore un petit
peu de temps
M. Morin : Oui, bien sûr.
Non, non, allez-y, je vous en prie
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Bien, en fait, moi, c'est plus, aussi, je me demande qui va
déterminer ce modèle québécois aussi d'intégration nationale puis la future
politique qui est nommée dans... un peu partout dans le projet de loi. Je veux
dire, ça aussi, ce serait supposé relever, comme c'est écrit dans le projet de
loi, du gouvernement, mais pourquoi est ce que ce ne sera pas... ça ne serait
pas débattu à l'Assemblée nationale d'une manière démocratique pour qu'on
puisse déterminer aussi c'est quoi, les valeurs qui nous représentent, c'est
quoi, cette culture commune, au lieu que ce soit justement quelque chose qui
soit établi par un gouvernement qui n'aura pas nécessairement accès aux
réalités du terrain?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
Mme St-Pierre-Gaudreault
(Julie) : Donc, voilà.
M. Morin : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, oui, on a... On va faire attention aux
téléphones, s'il vous plaît. Je le tiens, le temps, faites-vous-en pas. On
termine, on termine avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour
4 min 8 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci à vous toutes pour votre excellente
présentation. Vous aviez un élément de discussion intéressant avec le ministre,
puis moi, j'ai envie de vous parler d'action communautaire autonome. Vous nous
en parliez un petit peu tout à l'heure. On voit et on a vu à travers les
échanges une vision, disons, qui n'est pas la même de celle de la laïcité. Vous
avez parlé de celle notamment en lien avec l'article de la loi n° 21,
là, qui parle de signes religieux. Donc, il y a véritablement là un élément de
dissension politique, là, vous en avez... vous l'avez soulevé. Et moi, je veux
référer à vous ladite disposition de l'article 16 sur le financement des
organismes en lien avec la politique, la future politique nationale. Et là où
moi, j'ai une inquiétude, c'est advenant le fait que vous, organisme
communautaire terrain, si vous n'êtes pas directement au diapason de la vision
gouvernementale de la laïcité au sens qu'elle sera peut-être définie dans la
politique...
M. Cliche-Rivard : ...au sens
qu'elle sera peut-être définie dans la Politique nationale sur l'intégration,
est -ce qu'il n'y a pas là un risque que vous, votre financement au sens de
l'article 16 et celui des organismes, soit limité ou conditionnel à ce que
vous vous conformiez, auquel cas, que fait-on de l'action communautaire
autonome? C'est ma question.
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : Je peux peut-être y aller rapidement. Les organismes
communautaires jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des femmes
immigrantes. On sait les femmes réfugiées à statut précaire et puis le projet
de loi n° 84, selon nous, en centralisant davantage les... les décisions
et en conditionnant le financement des organismes à des critères qui sont
définis par l'État, pour nous, ça porte atteinte à la... à l'action
communautaire autonome, donc à la... Donc, le G13 insiste vraiment sur la
nécessité de préserver l'autonomie des organismes communautaires afin de
restreindre le champ d'action. Et puis, le gouvernement devrait soutenir notre
expertise et nos approches qui sont ancrées dans la réalité des communautés sur
le terrain en assurant un financement qui est stable et respectueux de chacune
de nos missions.
M. Cliche-Rivard : C'est
votre posture. Donc, le libellé de l'article 16, tel qu'aujourd'hui,
attacherait ou, disons, menacerait, là, l'action communautaire autonome. C'est
votre...
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : Oui.
M. Cliche-Rivard : ...c'est
votre lecture.
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : Oui.
M. Cliche-Rivard : Et ça,
c'est partagé par l'ensemble du groupe ou en tout cas par les... les
discussions que vous avez été capables d'avoir en amont par les partenaires que
vous avez pu contacter jusqu'à aujourd'hui, là.
Mme Viens Brouillard
(Elisabeth) : O.K. Exact.
M. Cliche-Rivard : Excellent!
Mme Lapointe (Marianne) : Nous,
on prend pour acquis qu'on est capables, comme groupes communautaires, de se
consulter en trois jours ouvrables, mais vous comprendrez que ce n'est pas tout
à fait possible d'atteindre ce résultat-là. Et pour nous, c'était... en fait,
on avait envie de faire un clin d'oeil au gouvernement par rapport à la
conciliation travail-famille-études et proche aidance.
M. Cliche-Rivard : Mais oui.
• (18 h 20) •
Mme Lapointe (Marianne) : De
donner à des groupes communautaires trois jours ouvrables pour se préparer pour
une consultation parlementaire, c'est vraiment... on pourrait utiliser le mot
«inadéquat».
M. Cliche-Rivard : Je pense
que le message est passé. Il me reste une minute. Je voulais vous poser une
question sur les ordres professionnels. Vous avez parlé de reconnaissance des
acquis, vous avez parlé de reconnaissance des diplômes. Vous avez dit
essentiellement qu'une intégration réussie, ça fonctionne également par
l'abolition, disons, de biais ou de limitations qui permettent d'occuper le
poste ou les postes pour lesquels vous êtes qualifiés peut-être dans votre pays
d'origine. Vous avez notamment soumis ça dans une perspective féministe. On
s'entend que les femmes sont plus impactées que tous de cette incapacité-là des
ordres professionnels à pleinement reconnaître leurs acquis, là.
Mme Lapointe (Marianne) : Tout
à fait. En fait, au départ, à la première lecture, on était tout à fait ravies
de voir arriver cette phrase dans le point 10 du projet de loi. Par
contre, on ne peut pas s'empêcher de voir que c'est mince, hein, il n'y a
qu'une phrase, les balises n'y sont pas. Comment allons-nous vérifier que les
acteurs vont vraiment atteindre les résultats? Et c'est quelque chose qui est
demandé depuis beaucoup... depuis très longtemps par beaucoup d'organisations
communautaires...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci.
Mme Lapointe (Marianne) :
...qui travaillent avec les personnes immigrantes.
M. Cliche-Rivard : Un gros
merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui met un terme à cette...
à cette audience. Merci beaucoup, Mesdames, pour votre apport à nos travaux.
Je vais suspendre la commission quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Au revoir.
Des voix : Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 22
)
(Reprise à 18 h 25)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Donc, pour le dernier groupe de cette
première journée d'auditions, nous recevons Québec Community Groups Network.
Alors, bienvenue, mesdames à la commission. Vous allez bénéficier d'une période
de 10 minutes, d'abord pour vous présenter et ensuite pour expliquer
l'essentiel de votre mémoire. Et, par la suite, nous allons procéder à une
période de discussion avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Mme
la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir
d'être devant cette commission ce soir, au nom du Québec Community Groups
Network. Je suis ici avec Me Marion Sandilands, conseillère juridique du QCGN.
Je remercie la commission pour cette importante occasion nous permettant de
partager avec vous la perspective de la communauté d'expression anglaise sur le
projet de loi n° 84 intitulé Loi sur l'intégration nationale.
Ce projet de loi est très vaste et puissant.
Il pourrait bien affecter toutes les sphères de la société québécoise et
impliquer tous les niveaux de gouvernement, les organisations professionnelles
ainsi que les organismes communautaires et leurs événements, les employeurs et
employés, les personnes nouvellement arrivées et même celles qui vivent ici
depuis des générations.
Ce texte législatif n'est pas banal. On
lui accorde un statut équivalent à la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne. Et il est clair que l'on prévoit que ce projet de loi soit l'un
des piliers sur lequel se basera la proposition d'une Constitution québécoise
éventuelle. Parallèlement à la Charte québécoise des droits et libertés, la
Charte de la langue française et la loi n° 21 qui définissent un État
laïc. Le projet de loi n° 84 cherche à établir non seulement que le
français soit la langue officielle du Québec, mais, de manière très concrète,
qu'elle soit la seule langue que la population québécoise devrait utiliser pour
être considérée comme un participant à part entière à cette société.
De plus, le projet de loi vise à exiger à
se conformer à une culture québécoise qui n'est pas définie en détail, mais qui
semble évoquer en ce moment des attentes plus étroites et rigides de la
signification de cette culture et peut-être plus important encore, de ce qui
sera exclu...
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : …définir
cette véritable contre-culture québécoise avec plus de précision, ce qui est
vraisemblablement se produira à l'aide de politiques et de règlements qui feront
éventuellement partie de la loi, est essentiel, parce que la… la législation
proposée met énormément d'emphase sur la nécessité d'être adopté par toute la
population québécoise.
The Québec community
groups network is concerned. First, that this bill, in what can only be
interpreted as deliberate but symbolically powerful emissions, contains no more
than a fleeting, oblique reference to the Québec English-speaking community.
This is a community which has played an enormous role in enriching and developing
Québec, economically, culturally, socially and intellectually for more than two
centuries.
That this bill creates a
framework that could restrict the QuébecGovernment's financial
assistance to organizations and or events, according to their support for the
proposed national integration model. That this bill engages in what could be
called definition… in defining Québec as a quasi-sovereign nation state. That
this bill further subordinates fundamental rights in Québec.
Do we have a place in
Québec? For us, in the Québec community groups network, this is the most
sobering question we have for the minister. What is our community's place? What
is our role in Québec society, as Quebeckers who speak English, in addition to
speaking French? If we are to judge by this proposed legislation, which makes
next to no mention of us, nor any role we can… we can and should play in the
enrichment and the vivre-ensemble ofQuébec, we fear the answer has been
made abundantly clear, we have none. This bill appears to narrow the definition
of Québec's heritage and culture to one that isexclusively French. This
is in spite of the enormous contribution of non francophones, our community,
First Nations and numerous other minority communities… have made over the
centuries to Québec's arts and culture, intellectual life, economic development
and formidable institutions. We believe we are being written out of
history.
• (18 h 30) •
Nous avons proposé et proposons
toujours de travailler avec le gouvernement, ainsi qu'avec nos collègues, amis,
famille, voisins francophones afin de renforcer, faire respecter la présence de
la langue française en Amérique du Nord. Cela me permettra de poser d'autres
questions. Est-ce que le ministre envisage que les multiples contributions de la
communauté d'expression anglaise, en matière d'art, de littérature et de
musique, depuis deux… les deux derniers siècles, fassent partie de la culture
québécoise? Est-ce que le ministre envisage d'ajouter un amendement au projet
de loi pour démontrer un plus grand degré d'inclusion et notre rôle dans
l'intégration? Est-ce que le ministre peut nous dire… dire qui ou quelle
instance établira les critères que les groupes communautaires ou les
organisateurs d'événements devront respecter afin de garder… de garantir leur
financement?
Ceci nous mène à poser la question
suivante, c'est peut-être la question qui tue, en plus de la police de la
langue… de la langue qui vise à renforcir… à renforcer la Charte de la langue
française, la province doit-elle maintenir… maintenant embaucher une police de
la culture afin de renforcer les éventuelles politiques et règlements contenus
dans la loi 84? Est-ce que le ministre, dans tous les cas, s'engagera à
assurer qu'il n'y aura pas d'abrogation des droits et libertés enchâssés dans
la… dans la charte, une fois que le projet de loi sera adopté?
We can already see an
erosion of fundamental rights at work in this bill, in the bill contains four
amendments to Quebec's Charter of Human Rights and Freedoms…
18 h 30 (version non révisée)
Mme
Martin-Laforge (Sylvia) :
...the cumulative effect of which is to pare back minority rights,
not enhance them. When it comes to describing the attributes of Québec society
to which immigrants must adhere, there is no mention of this bill of fundamental
human rights beyond the equality of men and women and the secular nature of the
State. One might have expected to have seen such universally recognized rights
as freedom of expression, freedom of religion and the right to full and equal
recognition and exercise of human rights and freedoms as guaranteed in the
Charter of Human Rights and Freedoms. Strangely, they are absent. The bill's
expressed intent to state... to use the State's financial stick to encourage
compliance concerns us. Many of our member organizations are funded, at least
in part, by the Provincial Government. As we have seen repeatedly, Bill 96 and
its associated regulations have provoked misinterpretation by officials at all
levels who have been left to enforce that law, and whether it be a library or a
hospital emergency room.
Les tentatives de
légiférer l'identité, de définir qui et qui n'est pas entraînent presque
toujours des complications, de l'injustice, de la division sociale et un
conflit inévitable entre les personnes qui ont des droits et celles qui n'en
ont pas. C'est pourquoi la Déclaration des Nations Unies sur les droits de lapersonne adoptée en 1948 portait le titre Déclaration universelle des
droits de l'homme, rédigée en grande partie en passant par John Humphrey, un
juriste et Montréalais depuis le début de ses études et un fier... une fierté
internationale pour le Québec. En établissant les bases d'une constitution qu'il
vise à entériner, nous croyons que le Québec pourrait bien réussir en
équilibrant le besoin compréhensible de protéger et promouvoir la langue
française avec une bonne dose d'inclusion de son concept d'intégration qui, tel
que proposé, manque, et ainsi démontrer les principes que sa propre charte défend.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je dois vous arrêter, le 10 minutes est
écoulé. Alors, on va commencer l'échange avec les parlementaires. M. le
ministre, le premier bloc vous revient, 16 min 30 s.
M. Roberge : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Merci pour votre présentation... toujours un plaisir de discuter
avec vous, puis de trouver des points de convergence, puis tenir compte aussi de
vos propositions pour améliorer le projet de loi.
Avec ce projet de loi là, on souhaite à la
fin arriver à un Québec qui sera plus inclusif, plus fort, avec une meilleure
cohésion sociale. On s'est déjà parlé de la nécessité de poserdes
gestes pour avoir de la cohésion sociale. Ça ne veut pas dire être
monolithique, ça ne veut pas dire être unilingue, ça ne veut pas dire tout le
monde pareil, mais ça veut dire qu'on est capables de se retrouver, qu'on a
moins de préjugés, qu'on a moins de racisme, qu'on est capables de discuter
comme on le fait aujourd'hui dans le cadre de cette commission parlementaire, de
le faire encore mieux. Je vous dirais, quand on aura atteint ça, on aura fait
un pas, tout le monde, je pense. C'est ça, l'objectif.
Après ça, on va regarder c'est quoi, les
meilleurs moyens. Je commence par un petit message. Lorsque dans le préambule,
dans nos considérants, on précise, là, que la loi s'applique dans le respect
des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise, je pense
que c'est important, puis on sait très bien que la communauté historique
anglophone, bien, ce n'est pas des nouveaux arrivants. Vous le mentionnez, là,
que ça fait quelques siècles qu'il y a des gens qui sont arrivés ici. Donc, on
n'est pas dans des nouveaux arrivants, là, puis on en est bien conscients au
gouvernement. On a le secrétariat... relations avec les communautés
anglophones, on a des institutions, écoutez, santé... Il n'y a rien de tout ça
qui est remis en question, là, je veux le... bien le préciser. Je pense, c'est
important de... avant d'arriver avec une question, de remettre des choses en
perspective, puis après ça, bien, on peut voir quels sont les points de
convergence, où est ce qu'il y a des malentendus puis où est-ce qu'il y a des
propositions d'amélioration...
M. Roberge : ...dans votre
présentation, au tout début, je pense, troisième paragraphe, vous vous
inquiétez que la langue française soit la seule, en fait, de manière très
concrète, à la fin du troisième paragraphe, «que la langue française soit la
seule langue que la population québécoise devrait utiliser pour être considérée
comme une participante à part entière de cette société». On a la Charte de la
langue française qui dit que la langue est la seule langue officielle, c'est la
langue commune, effectivement, mais dans la loi, ici, on dit que ça devrait
être la langue d'intégration.
Mais on précise quelque chose, par contre,
on dit que le français est le principal véhicule de la culture, et non pas
l'unique véhicule de la culture. Donc, ça, c'est peut-être une nuance que vous
pouvez retrouver, qui est à plusieurs endroits. On est dans le neuvième
considérant, «Considérant que la langue française est le principal véhicule de
la culture québécoise». Ça revient ensuite... donc, c'est dans les
considérants, mais c'est aussi, par exemple, dans les fondements, à l'article 5 :
«Le français est le principal véhicule de la culture québécoise». Peut-être
souhaiteriez vous que ce soit un véhicule parmi d'autres, mais, non, on assume
que c'est le principal véhicule. Mais en inscrivant ça comme ça, je veux juste
vous mentionner qu'on n'a pas écrit «le seul véhicule de la culture
québécoise».
Donc, quand vous dites... vous craignez
que la langue soit la seule langue que la population québécoise devrait
utiliser pour être considérée comme une participante à part entière de cette
société, je veux juste dire qu'on aurait pu choisir de mettre «la seule
langue». On a choisi de ne pas mettre ce mot dans le projet de loi. Certains
vont nous le reprocher, mais... On va... on va les écouter. Mais disons qu'on a
choisi ça parce qu'on sait bien qu'on a une communauté historique anglophone et
je veux quand même le préciser.
• (18 h 40) •
Ensuite, sur la définition de la culture,
c'est quelque chose qui interpelle plusieurs groupes, qui nous en ont parlé,
là, la culture commune. Là, on est à l'article 3, dans Modèles et fondements.
La culture commune, vous, vous dites que ça semble restreindre la culture.
C'est comme si on ne considérait pas toutes les personnes qui ont contribué à
la culture au fil des décennies, au fil des siècles, puis que c'était
essentiellement... la culture commune, bien, c'est français ou ce n'est pas la
culture commune. Mais, quand même, on le précise à l'article 3, «la culture
commune à laquelle sont appelés à adhérer et à contribuer... tous sont appelés
à adhérer et à contribuer se caractérise notamment par la langue française».
Effectivement, on le mentionne.
Mais quand on parle des autres choses, la
tradition civiliste, des institutions particulières, des valeurs sociales
distinctes, un parcours historique spécifique, dont fait partie la communauté
anglophone, évidemment, l'importance accordée à l'égalité des femmes et des
hommes, la laïcité de l'État, tout ça, il me semble que ça ne vous exclut pas,
d'aucune manière. C'est pour ça que je m'étonne de voir... Dans vos choses,
vous dites que la culture... semble restreindre la définition de sa culture et
de son héritage à la langue française exclusivement. Vous avez dit ça tout à
l'heure, on semble restreindre la définition de la culture et de son héritage à
la langue française exclusivement, malgré les immenses contributions des
non-francophones. Je veux juste préciser que, pour nous, la culture commune, ce
n'est pas seulement la langue française. Elle est là, et on le ramène souvent,
et elle est fondamentale. Mais il n'y a pas que ça. Bon, j'ai parlé de la
communauté historique anglophone, du fait que vous êtes présents, de la
culture.
Est-ce que vous avez quelque chose à
ajouter là-dessus? Est-ce que c'est de nature à vous rassurer ou est-ce que
vous croyez qu'on devrait ajouter quelque chose ailleurs, dans le projet de
loi, pour vous rassurer davantage?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Bien,
M. le ministre, merci pour la question. Je vais demander à Mme Sandilands de
vous parler un peu comment on se sent par rapport au préambule et notre place
dans le préambule.
Mme Sandilands (Marion) : Bien,
du point de vue juridique, la seule mention explicite de la communauté est dans
le préambule, on est d'accord avec... on est d'accord que c'est le cas. Mais,
pour commencer, vous savez bien, un préambule n'a pas la même valeur juridique
qu'un article de loi et on n'est pas mentionnés dans les articles de la loi.
Mais il y a... de plus, il y a deux problèmes de plus...
Mme Sandilands (Marion) : ...ils
sont encore plus profonds que ça. Premièrement, la communauté et sa
contribution à la société québécoise est beaucoup plus que ses institutions, et
la clause de préambule mentionne seulement les institutions de la communauté.
Deuxièmement, la communauté ne se voit pas
dans le cadre du modèle d'intégration. Vous avez parlé un peu de... peut-être,
c'est implicite dans quelques articles, mais ce n'est pas explicite dans le
modèle, et, franchement, la communauté ne se voit pas dans ce cadre-là. Et
cette mention dans le préambule, qui est la seule mention de la communauté,
n'est nettement pas assez pour un groupe qui a le statut de fondateur, selon
Gérard Bouchard.
M. Roberge : O.K., je prends
bonne note de votre commentaire. Il faudrait voir si c'est possible de le
mentionner ailleurs, et avec quelles conditions. Aussi, est-ce que vous adhérez
à la nécessité d'avoir, après l'adoption de la loi, une politique pour la
mettre en œuvre, cette loi sur l'intégration nationale?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Oh!
certainement, M. le ministre, c'est... les législations... une législation
comme celle-là, qui, selon plusieurs, semble quand même assez vague. Il va y
avoir absolument besoin d'une politique, des règlements pour décrire comment ça
va se passer, la mise en œuvre, alors. D'ailleurs, nous serions très à l'aise
de travailler avec vous sur une politique. Je pense que les consultations
seraient importantes, pas juste avec la communauté expression anglaise. Mais
comment est-ce que ça va... comment est-ce que ça va se dérouler? Je pense que
les inquiétudes qu'on a par rapport à la loi pourraient, avec des consultations
rigoureuses, ouvertes, transparentes... pourraient alléger nos inquiétudes.
M. Roberge : Je vous
remercie, je vous remercie de cette main tendue. Je vous remercie pour vos
commentaires, vos réponses. Et je pense que j'ai des collègues qui veulent
poursuivre les échanges.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais poursuivre avec le
député de Saint-Jean pour encore 6 min 35 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Je dois vous avouer que,
quand je vous ai écouté présenter votre point de vue et votre opinion
détaillée, je me demandais ce que le ministre allait vous dire. Et je suis très
content parce qu'il est allé dans les points du projet de loi, tel qu'il est
écrit en ce moment, pour expliquer ce que lui considérait que vous deviez
savoir et comprendre sa position et son point de vue. Je dois vous dire aussi que
j'étais impressionné de votre présentation, en tout cas, le début, parce que
c'était probablement le résumé le plus concis, le plus pragmatique et le plus
vrai, si on enlève les hyperboles d'opinion, la quasi-séparation, puis tout ça,
la présentation que vous faisiez du projet de loi me semblait être très sur la
coche, comme on dit chez nous, ça disait ce que c'était. Après ça, il y a eu
les hyperboles, puis là je me demandais ce que le ministre allait vous dire.
J'étais très content de voir qu'il prenait la question comme il le fait.
Et, moi, puisque vous l'avez dit en
anglais, je vais me permettre de répondre en anglais sur le fond. Pas au nom du
gouvernement, quoique je siège du côté du gouvernement, mais de celui qui
présente la loi parce que c'est le ministre, mais de ce que j'en comprends et
de ce que j'en décode. So, in English, you said:
Something to the effect that you were being written out of history. You are not
being written out of history. You are part of our common history. You are part
of our common present and you are part of our common future. J'utilise
«common» en anglais de la mauvaise façon, je le comprends, mais c'est parce que
c'est important pour moi, parce que c'est une culture commune et que j'essayais
de rentrer le mot «commune» comme... et je sais que ce n'est pas correct, mais
vous avez compris l'idée.
Vous avez façonné notre culture. On s'est
fait dire ce matin par des gens de haut savoir, qui nous dépassent, en tout
cas, moi puis bien d'autres, de beaucoup de têtes. Gérard Bouchard, c'est un
grand penseur...
M. Lemieux : ...d'ailleurs,
quand vous dites que Gérard Bouchard, j'ai noté ça quelque part, a parlé des
peuples fondateurs, je vais y venir, parce que les peuples fondateurs, c'était
dans le bon vieux temps, ça. Avec le multiculturalisme... Mais bon, revenons à
Gérard Bouchard. Il nous disait : Vous savez, le Québec a changé depuis 50
ans puis il va continuer de changer. Depuis 50 ans, il a changé avec l'apport
de l'immigration. Puis, il y a 50 ans, il nous aurait probablement dit que le
Québec a changé les 50 ans d'avant, mais ce Québec là, on l'a fait ensemble, la
communauté historique anglophone et la communauté de l'époque... avant, il y a
50 ans, on disait Canadiens français.
Aujourd'hui, on parle des nouveaux
arrivants. Et je comprends très bien que vous soyez dans la position dans
laquelle vous vous retrouvez, et que vous nous évoquez, et que vous nous
expliquez. Mais là, j'ai fini, j'arrivais à une question, ne vous en faites
pas, puis je vais vous donner tout le temps qu'il reste. Je vous ai dit que
c'est fini, ça, le... pas le multiculturalisme, mais les deux peuples
fondateurs. Je ne sais pas comment vous, comme anglophone au Québec, vous voyez
ça, mais je sais pertinemment, pour travailler beaucoup avec eux, que les
francophones du reste du Canada, qu'on appelait à l'époque hors Québec, sont
confortables dans le multiculturalisme un peu comme une grenouille dans l'eau
chaude, c'est-à-dire que c'est un peu une bouée de sauvetage pour eux autres,
le multiculturalisme. Ils sont une nation parmi tant d'autres.
Je ne sais pas comment vous, vous
l'interprétez, je ne suis pas assez près de la communauté anglophone québécoise
pour l'interpréter en votre nom, mais ce que je sais, c'est qu'il y a des
Canadiens anglais, et j'en ai lu un dans le National Post, la semaine dernière
ou la semaine d'avant, qui disait : Aïe!... puis c'était un grand prof,
là : Avez-vous vu ça? Au Québec, ils sont en train de virer le
multiculturalisme à l'envers puis ils vont sortir leur nouveau modèle. Puis il
a dit au reste du Canada anglais : Pas fou, leur affaire, on devrait
peut-être regarder ça, parce que, si ça marchait, le multiculturalisme au
Canada, on le saurait. Et ils ne le savent pas. En tout cas, lui, il ne le
savait pas.
• (18 h 50) •
Alors, ce que je vous soumets, c'est qu'on
est parti, on est dans le même bateau, on s'en va à la même place. Oui, c'est
la langue officielle et commune, le français. On parle d'une culture commune
parce qu'on parle d'intégrer ceux qui vont se joindre à nous, mais nous, vous
êtes là-dedans. Ceux qui se joignent à nous sont là-dedans. En tout cas,
j'espère que... Je vous laisse tout le temps qu'il reste pour répondre, jusqu'à
ce que la présidente vous interrompe pour passer à d'autres questions de
l'opposition, mais je pense vraiment qu'on est dans la même culture commune,
passée, présente et future.
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Alors,
votre question, c'est, exactement...
M. Lemieux : Multiculturalisme :
oui, non, peut-être?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Eh
bien, la communauté expression anglaise... May I say it in
English?
M. Lemieux :
But, of course!
Mme Martin-Laforge
(Sylvia) :
We
are poster children for integration in Québec. Nous sommes ici depuis
longtemps. Ceux qui sont ici maintenant ne sont pas partis. On parle français,
la plupart de nous parlent assez bien français, d'autres comprennent le
français, d'autres travaillent en français, même s'ils sont anglophones. Alors,
l'intégration au Québec, on connaît ça, on sait ce que ça veut dire, mais, dans
ce projet de loi, on ne s'y retrouve pas, encore. J'ai confiance que, M. le
ministre, comme il nous a parlé tout à l'heure, vous allez trouver le moyen de
nous rassurer qu'on a une place au Québec et que ça va être reconnu. On n'aura
pas besoin de se chicaner autour de combien de places qu'on a, la sphère de
notre influence, que ce projet de loi la, et la politique qui va suivre, va
vraiment faire... être publique dans la reconnaissance, de la contribution de
la communauté d'expression anglaise dans toutes les sphères.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine cette première portion
d'intervention. Je me tourne du côté de l'opposition officielle pour une
période de 12min 23s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bon après-midi, Mme Martin-Laforge et Me Sandilands. Heureux
de vous avoir en commission. Merci pour votre mémoire, que j'ai lu avec
attention, je l'ai lu très attentivement. Je peux vous dire qu'en tout cas,
vous n'êtes pas l'ennemi, ça, c'est clair, puis vous avez une place au Québec,
ça, c'est clair aussi.
Vous y êtes depuis longtemps, d'ailleurs.
D'ailleurs, c'est ce que M. le ministre reconnaissait quand il disait... et...
M. Morin : ...j'ai pris des
notes. Vous n'êtes pas des nouveaux arrivants, la communauté anglaise
anglophone au Québec, vous êtes une communauté historique. Et ça, je le
reconnais d'emblée, sauf que l'ennui, c'est que le projet de loi n'en parle
pas. Alors, je suis heureux que M. le ministre le dise, mais, quand on parle de
l'intégration, on parle des Québécois. Donc, c'est important, là, j'en
conviens, mais moi, je voulais savoir de vous comment vous avez réagi quand
vous avez... vous avez lu, évidemment, que le respect des institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise, finalement, c'est uniquement dans
un considérant.
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Mme
Sandilands... Me Sandilands en a parlé de ça tout à l'heure. D'ailleurs, aussi,
j'aimerais prendre l'occasion de vous dire, la notion d'institution, la
définition d'institution pour nous, ce n'est pas juste, comment dire, «bricks
and mortar», c'est le QCGN qui... qui va célébrer son 30e anniversaire
cette année et donner le soutien de la communauté d'expression anglaise. La
notion, la définition des institutions est importante. Et c'est sûr que, si on
prend en considération ce que Mme... Me Sandilands a dit, on aimerait voir
notre présence ailleurs dans le projet de loi.
L'autre chose que j'aimerais vous dire,
c'est que la communauté d'expression anglaise n'est pas seulement l'historique,
«historic anglophones». Nous aussi, notre communauté a changé dans les deux
dernières décennies, comme les Québécois majoritaires, comme les francophones
majoritaires au Québec. On a grandi, on a évolué ensemble. On n'est pas comme
on était il y a 10 ans, il y a 20 ans, il y a 30 ans. Alors,
voilà, ce projet de loi devrait reconnaître l'ensemble, la diversité de la
majorité francophone et les autres minorités qui font partie de ça. On... Je ne
rentrerai pas à essayer de définir ce que c'est la multiculturaliste ni
vis-à-vis l'interculturalisme, mais on sait... tout le monde autour de la
table, ici, on sait qu'on a changé depuis toutes ces années-là. Il faut que ce
projet de loi reflète ce changement-là. Et la communauté d'expression anglaise
est un grand morceau, les autochtones aussi, des morceaux importants de la
culture québécoise qu'on veut voir dans ce projet de loi.
M. Morin : Et, si je vous
entends bien, parce qu'on réfère dans le préambule au respect des institutions,
plus loin dans le projet de loi, à l'article trois, il y a une référence aux
institutions particulières. M. le ministre, tout à l'heure donnait un exemple,
comme par exemple la Commission des droits de la personne. Mais je comprends
que la communauté québécoise d'expression anglaise, c'est plus que des
institutions, c'est plus qu'un hôpital puis une université, là, on se comprend,
et le considérant ne semble pas faire référence à ça. Donc, ça semble vous
décrire mais d'une façon très réduite. Est-ce que je me trompe?
Mme Sandilands (Marion) : Non,
c'est... Ça, c'est exactement ce que j'essayais de dire tantôt, oui.
M. Morin : D'accord.
Qu'est-ce qui pourrait être fait dans le projet de loi pour tenir compte de
votre réalité?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Eh
mon Dieu! On a essayé... On voulait apporter des amendements, on y a pensé
beaucoup, on a eu des bonnes discussions, mais c'est le cadre qui ne nous va
pas, l'ensemble du projet de loi. Alors, quand le ministre nous a
demandé : Bien, vous allez avoir des politiques, et tout ça, ensuite,
c'est pour ça qu'on a... On s'engage à travailler en consultation pour voir si
on ne pourrait pas dépasser ce cadre qui... qu'on trouve exclusif...
«non-inclusive» pour essayer de voir comment on pourrait s'y retrouver. Alors,
pour l'instant, on n'a pas d'amendements spécifiques...
Mme Martin-Laforge (Sylvia) :
...on vous dit à la commission qu'on s'inquiète de l'ensemble de l'oeuvre et on
est prêt à voir si, avec les consultations, s'il n'y a d'autres choses qu'on
pourrait faire. D'ailleurs, on a écouté ce qui se passait aujourd'hui à la
commission, et on n'est pas les seuls qui ont ces préoccupations-là. We have common cause with others on our concerns about this bill.
M. Morin : D'accord, je
vous remercie. Il y a un élément qui a été, qui a été soulevé par plusieurs
groupes, et j'attire votre attention au chapitre VI qui parle du
financement des articles 16 et 17. Puisque le préambule réfère à vos
institutions, pas nécessairement la culture, et que dans le financement le
gouvernement peut déterminer par règlement l'aide financière qui va être
octroyée à des organismes auxquels la politique nationale sur l'intégration
s'applique, est-ce que vous avez peur d'être exclus?
• (19 heures) •
Mme Martin-Laforge (Sylvia) :
Eh bien, on s'inquiète de la mise en œuvre, certainement, de ces deux
sections-là. C'est là pour une raison, c'est sûr. C'est là et c'est... Me go
ways change both ways, as is said. Alors, de dire que le financement serait
peut-être un critère si on n'a pas vraiment... on n'a pas défini... on n'a pas
les critères pour avoir le financement, c'est très inquiétant. Qu'est ce que ça
veut dire l'intégration québécoise? J'entendais des journalistes poser la
question, même à M. le ministre apparaît aux Nuits d'Afrique. Est-ce qu'il va y
avoir des paramètres qui vont dire que les Nuits d'Afrique, pour avoir le
financement, dev rait faire ceci ou cela en considérant les Québécois, la
culture québécoise? Je ne sais pas. The St-Patrick's day
parade or many of our cultural traditions, est-ce qu'on… will they be affected
financialy by this culture québécoise? And we know that many Irish blended
families, with francophones, throughout the years… So, what does this mean and
how will funding be… funding them be considered? Who will be in charge of
deciding this is funded and this is not funded? There was a terrible example a
couple of weeks ago in a library where some people wanted to hold an English
book club in a French library. And rather than see that as an
extraordinarybuilding of bridges, they were told that they couldn't do it there
until somebody read the regulation a little more will allow them. The concern
about interpretation is… should be paramount for people. We want to build
bridges. We don't want to burn them.
M. Morin : Oui. Et, en
fait, je peux vous donner une autre expérience, là, mais que vous connaissez
sûrement. Il y a un événement au mois d'août à Montréal chaque année qui attire
des centaines, des centaines de personnes, qui s'appelle les Jeux écossais de
Montréal. Il y a des gens de partout, du Canada, de l'Europe. Et il y en a de
la Belgique. Il y en a de la France. Il y en a des États-Unis. Ils ont parfois
des difficultés de financement parce que le préambule réfère uniquement à vos
institutions. Je ne pense pas que les Jeux écossais de Montréal, ça soit une
institution, mais ça fait partie carrément de votre culture, de notre culture,
la culture de Montréal. Est-ce que c'est pour vous une inquiétude?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) :
Absolutely. Si on regarde le drapeau de la ville de Montréal, le drapeau
démontre les différentes cultures qui ont établi, qui ont développé Montréal.
C'est... On ne devrait pas prendre de chance, de risque à appauvrir la société québécoise...
19 h (version non révisée)
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...avec
des mesures coercitives. On est là pour grandir, pour vivre ensemble, pas
appauvrir la société.
M. Morin : Puis, avec le
drapeau de Montréal, on peut se rappeler aussi la devise de la ville de
Montréal : Concordia salus, c'est-à-dire le salut par la concorde et non
pas la division. Je vous remercie.
Autre élément, l'article 19, et ça j'en ai
parlé beaucoup aujourd'hui, mais j'aimerais avoir votre opinion là-dessus,
modification à la Charte des droits et libertés de la personne. On veut
ajouter, après «français», «le modèle québécois d'intégration nationale», qui
fait déjà référence à l'importance du français. Est-ce que ça vous inquiète?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : L'importance
du français n'est pas une inquiétude pour nous. C'est important, le français.
On est resté au Québec, on parle français, on... Ça dépend comment c'est
interprété, ça dépend comment c'est interprété. Si tout ça est interprété avec
générosité, on peut très bien vivre avec ça, mais, vous savez, dans les
dernières années, les différentes lois, 96, 21, ont inquiété la communauté d'expression
anglaise. C'est l'interprétation. C'est la législation, oui, mais comment...
les règlements, ensuite, qui interprètent la législation. Alors, «we are...»
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, le temps de l'opposition officielle
vient de se terminer. Nous avons un dernier bloc d'échange avec le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4min 8s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous. «Thank you very
much.» Ça m'a fait beaucoup de peine, en fait, de vous lire, là, sur :
on n'est pas des ennemis. J'espère que... j'espère que vous comprenez que c'est
effectivement, en tout cas, de mon côté, là, la dernière volonté qu'on a.
Notamment, je représente une bonne partie de la communauté anglophone de
Montréal, dans Saint-Henri-Sainte-Anne, là, dans la Petite-Bourgogne, dans
Saint-Henri, dans Pointe-Saint-Charles, dans Griffintown, évidemment. Donc, on
est très content d'avoir une communauté vibrante.
Et moi, ce que la communauté anglophone me
parle, c'est «how much they know about integration within Québec», c'est ce qu'ils
me partagent, comment eux-mêmes sont vecteurs aussi de francisation. Je
rencontre souvent le English Montréal Schoolboard, qui me disent qu'ils sont
une des plus grandes machines de francisation au Québec, c'est ce qu'ils me
disent, pour la pérennité de leurs enfants, pour la pérennité de leur
intégration culturelle. Et vous avez tellement bien dit... et vous dites,
vous, vous êtes habitués de construire des ponts, pas de les brûler. Je pense
que... Alors, dans cette perspective-là, et vous qui l'avez si bien dit et si
bien fait, qu'est-ce qu'on a à retenir, en termes, d'intégration? Qu'est-ce qu'on
a à retenir de tout ce bagage-là puis cette culture historique anglophone, qui
peut nous aider à avancer dans ce projet de loi là de manière positive, sur la
base de toute votre expérience?
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Merci.
Je vous ai déjà entendu à CGAD.
M. Cliche-Rivard : Ah oui! «Most likely».
Mme Martin-Laforge
(Sylvia) :
«And
as I said, we are poster children for integration.» Je suis certaine, j'espère,
que le ministre se rappelle, l'année dernière, au printemps dernier, lorsqu'il
a sorti le plan d'action pour le français, le... lui a écrit une lettre offrant
un 10e axe. Il y avait neuf axes au plan de Français. Et puis nous avons dit :
Nous sommes d'avis qu'on devrait ajouter un 10e axe car il n'y a pas de
référence constructive à notre communauté dans notre plan. On est là,
tendez-nous la main, on est là. C'est important pour nous, comme j'ai dit tout
à l'heure, puis je ne suis pas la seule à le dire, de faire les ponts. Alors,
je pense que ça va prendre de l'innovation...
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...«thinking
outside the box, I'm sorry to use the cliché» pour... de façon très publique,
de demander à la communauté d'expression anglaise d'aider à l'intégration. On
le fait de toute façon, de facto, on est là. Que le gouvernement veuille ou
pas, il y a des gens qui utilisent nos hôpitaux bilingues. Il y a des gens qui
parlent français dans leur vie de tous les jours. Alors, on est là pour y
travailler. Il y a les moyens, les moyens sont là. Nos interprètes chantent en
anglais, chantent en français. On tend la main. J'espère que j'ai répondu à
votre question.
M. Cliche-Rivard : Vous y
avez répondu, et je pense que c'est tout le temps qu'on avait. Alors, je vous
remercie profondément pour vos échanges aujourd'hui, votre participation à la
commission. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, à mon tour, je vous remercie pour
votre contribution à nos travaux. C'est très apprécié. Et je suspends...
j'ajourne, en fait, les travaux jusqu'au mercredi 26 février 2025, après les
avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée. Merci.
(Fin de la séance à 19 h 10)