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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 25 février 2025 - Vol. 47 N° 62

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l’intégration nationale


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-sept minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. La commission est réunie ce matin afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi no 84, Loi sur l'intégration nationale.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) est remplacée par M. Lemieux (Saint-Jean); Mme Prass (D'Arcy-McGee), par M. Morin (Acadie); et M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, bienvenue, mesdames et messieurs. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons par la suite M. Gérard Bouchard, qui est un professeur émérite de l'Université du Québec...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...à Chicoutimi, M. Guillaume Rousseau, ainsi que M. Vincent Vallée, de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. J'invite donc dès maintenant le ministre à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous allez disposer de six minutes, et la parole est à vous.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je salue d'emblée les collègues de toutes les formations politiques qui sont présents ici ce matin. Je suis content de vous voir pour amorcer des travaux qui sont importants. Merci à l'équipe des fonctionnaires. On a travaillé très, très fort pour arriver avec ce projet de loi, pour le mettre au jeu, pour le mettre au monde. Puis l'objectif, bien, c'est de l'améliorer, hein, d'écouter les gens qui vont venir en commission nous formuler des commentaires parfois très enthousiastes à l'égard du projet de loi, d'autres fois, des inquiétudes aussi. On va tenir compte des deux. J'espère qu'ils vont nous faire aussi des propositions parce qu'on est très ouverts à améliorer le projet de loi, comme on le fait toujours lors de l'étude des projets de loi. Merci aussi, évidemment, à l'équipe du cabinet. Ça fait quand même plusieurs mois, même presque 18 mois et plus qu'on travaille avec beaucoup d'enthousiasme là-dessus.

On commence donc aujourd'hui les consultations du projet de loi n° 84 sur notre, enfin, notre nouveau modèle d'intégration des nouveaux arrivants et des personnes qui s'identifient à une minorité au Québec. C'est donc un moment important parce qu'on ne vient pas modifier une loi existante en apportant des ajustements qui sont importants. On vient carrément créer quelque chose de nouveau. On vient consacrer formellement l'intégration nationale dans le cadre législatif. C'est une première au Québec. C'est un projet de loi qui est essentiel, qui est fondamental, qui va définir un peu à la fois comment on veut continuer d'évoluer comme société, mais même aussi un petit peu qui nous sommes. C'est une loi qui va, je pense, s'insérer dans la lignée de d'autres lois fondamentales la Charte de la langue française, la Charte québécoise des droits et libertés, la Loi sur la laïcité. D'ailleurs, on fait référence à ces lois dans le cadre du projet de loi qu'on va étudier ensemble.

• (9 h 50) •

Le modèle multiculturel canadien ne nous convient pas. Je pense qu'il a été malheureusement trop longtemps, je vous dirais, suivi au Québec par diverses organisations. C'est un modèle qui nous est nuisible parce qu'il amène malheureusement une forme de communautarisme, une forme de repli sur soi, alors que, nous, on veut de la cohérence sociale, on veut de la cohésion sociale, on veut faire nation ensemble avec toutes les personnes qui ont choisi le Québec, mais le Québec les choisit aussi. Puis on a notre langue commune, notre langue officielle, qui devient maintenant aussi notre langue d'intégration à la nation québécoise. Je pense que c'est important de le mentionner, on affirme très clairement la culture commune québécoise. En fait, on définit que la culture québécoise devient la culture commune. Et quand on parle de culture, ce n'est pas seulement les arts et les lettres, mais c'est aussi notre manière de vivre, nos institutions, nos valeurs fondamentales notamment, et s'il y a quelque chose de pas négociable, c'est bien ça avec la démocratie, l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est extrêmement important. C'est un projet de loi qui, une fois sanctionné, va apporter une grande cohérence gouvernementale aussi parce que ce qu'on travaille en immigration, bien, il faut que ça soit cohérent avec ce qu'on fait dans l'ensemble des ministères, dans l'ensemble des municipalités. L'accueil des nouveaux arrivants, ça ne se fait pas seulement par le ministère de l'Immigration.

Donc, Mme la Présidente, il faut prendre garde à la partisanerie. Il faut prendre garde au fait de s'accoler des étiquettes en fonction d'un modèle préétabli qu'on préférerait, puis construire ensemble un modèle qui est nouveau, qui va nous permettre non pas de regarder ce qui a été fait l'an passé ou l'année d'avant, mais de se projeter vers l'avant, puis d'accueillir avec confiance des gens qui font le choix de venir ici au Québec. Travaillons ensemble dans cet esprit-là. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant nous tourner du côté de l'opposition officielle et du député de l'Acadie, ou d'Acadie, hein, d'Acadie pour faire ses remarques préliminaires pour une durée de 3 min 36 s. La parole est à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, collègues, députés des oppositions, collègues de la banquette gouvernementale, je vous... je vous salue, ainsi que les gens, probablement des différents ministères, qui vous accompagnent, M. le ministre. C'est un projet de loi que je qualifierais d'important, qui souligne évidemment l'importance de l'interculturalisme. Et je vous dirais...

M. Morin : ...que d'une certaine façon, l'interculturalisme pour le Parti libéral du Québec, ce n'est pas une notion qui nous est étrangère. M. Bourassa, en 1990, dans une politique, en parlait. M. Philippe Couillard, en 2017, dans une politique, en parlait. Et plus récemment, le comité Pratte Cadet en faisait mention. Donc, c'est un... c'est un concept avec lequel nous, au PLQ, on vit et on travaille depuis... depuis des années.

Et donc, ça sied bien au Québec. Cependant, une fois que j'ai dit ça, bien là, il faut regarder quel est le projet de loi qui est proposé par le gouvernement et ce qu'il comporte. Et nous aurons évidemment le privilège, Mme la Présidente, d'entendre plusieurs, plusieurs groupes, spécialistes, chercheurs, qui vont venir justement nous parler pour nous guider là-dedans, pour nous assurer, bien sûr, que ce projet de loi reflète les aspirations, bien sûr, des Québécois, des Québécoises, mais qui tient compte aussi, bien sûr, de la diversité des différents Québécois et Québécoises qui sont sur le territoire national du Québec.

Je souligne une chose. C'est, M. le ministre, en tant que ministre de la Langue française, qui dépose ce projet de loi. Il fait de la langue française un élément fondamental clé du projet de loi comme étant notre langue commune. Et c'est très bien, c'est un fait que c'est la langue officielle du Québec, d'ailleurs, une réalisation libérale. Sauf que je ne peux pas passer sous silence que si on veut arriver à une intégration réussie, bien, il faut que les gens puissent apprendre le français. Et qu'est ce qu'on lit, Mme la Présidente, dans la revue de presse de ce matin? 800 personnes en attente de francisation en Estrie. Ce n'est quand même pas banal. On nous apprend également que les PME, la majorité des entreprises au Québec, peinent à franciser des gens.

Alors, moi, je veux bien. C'est important, le français, c'est fondamental au Québec, mais encore faut-il qu'on soit capable, il faut que le gouvernement soit prêt à s'engager pour faire en sorte qu'on puisse franciser les gens qui veulent apprendre le français. J'ai posé plusieurs questions à M. le ministre là-dessus. Les admissions ont augmenté. Soit, mais comment on explique qu'il y a tant de centaines de personnes en attente? Alors là, il y a véritablement un problème. Et puis moi, ce que j'espère, c'est que ce projet de loi là va faire d'une façon concrète, va mettre des obligations sur les épaules du gouvernement, puisque... pour qu'on n'ait plus à lire de tels... de tels articles dans les journaux.

Il y a un élément aussi, puis on en parlera, mais l'intégration de la langue française, c'est fondamental. Mais quand quelqu'un arrive ici, il veut aussi travailler. Puis ça, je pense que c'est une composante aussi essentielle de l'intégration, on en reparlera, ainsi que d'enseigner l'histoire du Québec parce que les gens qui arrivent ici, il faut qu'ils connaissent d'où on vient puis où on va. Alors, en terminant, très hâte d'entendre les groupes, Mme la Présidente. C'est parti!

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, je me tourne du côté du député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour une période de 1 min 12 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, j'ai écouté, moi aussi, avec attention la présentation du ministre. Et malgré que je considère que le projet de loi soulève des débats sur des éléments importants, je n'ai pas pu m'empêcher que de voir les contradictions du gouvernement qui nous sautent au visage avec ce projet de loi là. Notre langue, notre culture, c'est en effet le socle de notre identité, et c'est très clair, sauf que, plus que jamais, nos artistes et notre culture sont au bord du gouffre. Un article de LaPresse ce week-end, nous le dit, il ne passe pas une journée sans qu'un théâtre, un musée, un orchestre annonce qu'il sabre dans sa programmation et supprime des postes. Même chose pour l'aide à l'intégration, Mme la Présidente. En janvier dernier, on apprenait que le gouvernement coupait dans le soutien aux élèves immigrants et autochtones. Que dire aussi des nombreuses coupes en francisation qui ont fait les manchettes tout l'automne et qui continuent encore ce matin de faire les manchettes alors que des milliers d'étudiants ont perdu leurs cours. Alors, Mme la Présidente, le ministre peut certainement déposer un projet de loi. On veut l'étudier, mais ce sont les actions qui seront jugées. Et, pour le moment, eh bien, ces actions, elles sont en contradiction directe avec le projet de loi. Il va falloir y remédier sans délai.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. Alors, on termine les remarques préliminaires avec le député de Matane-Matapédia pour 1 min 12 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. C'est un projet de loi intéressant. Beaucoup d'intérêt de notre part. Je note d'entrée de jeu que le ministre indique que le modèle multiculturaliste canadien ne nous convient pas et est nuisible. Il faudrait en tirer des conclusions politiques si on veut bien intégrer les nouveaux arrivants. Je pense que le ministre va se rendre compte rapidement des limites du régime provincial et de ses pouvoirs à lui. Ceci étant dit, sur quoi devrait reposer l'intégration? Le français langue commune, l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité, créer de l'appartenance, de la fierté, favoriser l'intégration. On aura des propositions, notamment du...

M. Bérubé : ...cérémonie d'accueil pour les nouveaux arrivants, cérémonie d'accueil québécoise, investir dans la culture, dans l'accès à l'histoire du Québec. La francisation, évidemment, j'aurais aimé qu'on commence le projet de loi une fois qu'on a réglé les enjeux de francisation au plan budgétaire... également que ce n'est pas une première. Le ministre aime bien dire que c'est historique. Je lui rappelle que le gouvernement Lévesque avait adopté un plan d'action du gouvernement du Québec à l'intention des communautés culturelles, c'était le nom à l'époque, qui s'appelle Autant de façons d'être Québécois. Alors, tout n'est pas historique, il s'est passé des choses avant l'arrivée de la CAQ et il va s'en passer après aussi. Alors, je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le député. C'est ce qui met fin aux remarques préliminaires. Alors, on va pouvoir commencer les auditions. Je vais juste suspendre quelques instants pour s'assurer que notre premier intervenant, qui est en visioconférence, on puisse entendre le son. Alors, je suspends quelques secondes.

(Suspension de la séance à 9 h 58)

(Reprise à 10 heures)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous en sommes donc rendus à la période des auditions.

Alors, je souhaite, dans un premier temps, la bienvenue à M. Gérard Bouchard, professeur émérite du programme de recherche sur les mythes sociaux et les imaginaires collectifs de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Alors, M. Bouchard, vous avez... vous allez avoir une période de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, on va commencer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

M. Bouchard (Gérard) : Très bien. Merci. Mme la Présidente. Je voudrais d'abord saluer tous les membres ou tous les membres de la commission, et en particulier M. le ministre Roberge, que je remercie de m'avoir associé à cette réflexion, que je voudrais féliciter aussi pour l'initiative qu'il a prise de doter le Québec, enfin, d'un modèle d'intégration de la diversité. Et aussi, je le remercie pour les références qu'il a bien voulu faire au modèle de l'interculturalisme pour lequel il a montré les sympathies.

Alors, j'ai choisi d'axer cette présentation sur divers points qui, me semble-t-il, appellent des changements ou des ajouts importants dans le texte de la loi. M. Roberge, les compliments vont venir plus tard, quand on se verra.

Je signale aussi que mes commentaires sont inspirés par la politique d'intégration qui est celle de l'interculturalisme auquel je travaille, comme vous le savez, depuis pas mal d'années. Je pense qu'une loi sur l'intégration nationale devrait poursuivre deux objectifs principaux. Premièrement, de concevoir un modèle original et qui est plus approprié au Québec que ne l'est le multiculturalisme canadien. Et deuxièmement, un modèle qui vise à l'interpénétration de toutes les cultures, mais ces cultures, les cultures minoritaires, ne doivent pas être conçues comme ayant une fonction utilitaire, c'est-à-dire la fonction d'épauler ou de renforcer la culture majoritaire. Je pense qu'il faut reconnaître la richesse des cultures minoritaires, leur droit de survivre, de se manifester en public. Et, en fait, il y a un profit à retirer pour tout le monde parce que c'est par leur vitalité qu'elles peuvent enrichir la culture majoritaire et la culture québécoise. Et, de toute façon, j'imagine que, pour...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Bouchard (Gérard) : ...ce qui concerne les minorités culturelles et le statu quo, on doit le reconnaître. Je pense bien que personne ne va constater... ne va contester l'existence des minorités anglophones, juives, latinos, noires, etc. Bon, je crois qu'on s'entend bien là-dessus.

Je pense qu'il n'y a pas lieu non plus de craindre qu'une mixité conçue de cette façon verse dans le multiculturalisme à cause des politiques d'interaction, de contact, d'échange, de collaboration dont l'interculturalisme fait la promotion, et sur lesquelles je reviendrai un petit peu plus loin. Et puis, finalement, il ne faut pas craindre non plus que l'interpénétration des cultures affaiblisse la culture majoritaire. Je crois que c'est le contraire. Et puis, de toute façon, la culture majoritaire dispose d'un avantage démographique, à cause du poids du nombre qu'elle représente, aussi, à cause de son statut de culture fondatrice, à cause des ressources dont elle dispose, et aussi parce que, finalement, au Québec, c'est encore des représentants de la culture majoritaire qui contrôlent la plus grande partie des institutions, donc l'exercice du pouvoir.

En résumé, donc, il n'y a pas de hiérarchie formelle, ici, entre les cultures, mais il s'agit de promouvoir une culture commune, qui se situe dans la continuité du passé québécois, mais se nourrit aussi de l'interculturel. Alors, je voudrais signaler que la dimension culturelle est, évidemment, très importante quand on parle de la gestion de la diversité, mais il faut également faire une grande place à la dimension économique et sociale, parce que, comme il a été mentionné tout à l'heure, les immigrants sont invités à s'intégrer, mais ils se heurtent à plusieurs obstacles, et certains de ces obstacles concernent des problèmes de logement, d'emploi, d'apprentissage de la langue, d'accès aux services publics, et surtout, et surtout, doivent faire face à, quand même, des manifestations de discrimination et de racisme, comme nous en avons vu des exemples, malheureusement, récemment.

En d'autres mots, l'intégration assigne des responsabilités aux immigrants, bien sûr, mais elle assigne aussi des responsabilités à l'État et à la société d'accueil. Autrement dit, c'est un processus à deux voies, et c'est très important de garder ça à l'esprit. Je pense qu'il faut s'assurer de rejeter toutes les formes de domination que la majorité pourrait être tentée d'exercer aux dépens des droits des minorités, comme il arrive souvent. On en voit bien des exemples dans l'histoire des nations en Occident, et même, dans le passé québécois pas si lointain. Alors, dans cette perspective d'éviter l'assimilation, je pense que le concept de creuset ne convient pas. C'est un concept qui est issu du melting-pot américain, qui est un modèle, essentiellement, assimilateur.

La culture commune, ce n'est pas la fusion de toutes les cultures, parce que ça reviendrait, donc, à une forme d'assimilation. Ce n'est pas non plus l'idée de la culture majoritaire dans laquelle viendraient se fondre, à la longue, les cultures minoritaires. Encore là, c'est simplement une forme différée d'assimilation. La culture commune doit être le résultat d'un brassage général, un brassage interculturel général d'une combination d'apports très variés.

Un mot sur les valeurs québécoises. Ici, il faut faire attention à un stéréotype assez courant, qui veut que, bon, la majorité a des valeurs, et le problème, c'est de les transmettre aux minorités. C'est un stéréotype. Il y a des études qui ont démontré il y a quelques années, au Québec, que les valeurs, nos valeurs, hein, ce qu'on appelle nos valeurs, la démocratie, la liberté, y compris la laïcité, sont partagées autant par les représentants des minorités que par ceux de la culture majoritaire. C'est une donnée qu'il faut absolument garder à l'esprit, parce que ça entraîne une vision complètement différente de ce que sont les immigrants et de leurs attitudes par rapport au Québec et à la culture majoritaire.

Alors, au sujet du pluralisme, maintenant, la vie interculturelle favorise, évidemment, comme nous le savons, la proximité et la mixité des cultures, mais elle est souvent, aussi, un foyer d'intolérance et de rejet, et cette...

M. Bouchard (Gérard) : ...ce danger-là mérite... milite pour un, ce qu'on pourrait appeler un apprentissage de la diversité, qui pourrait prendre diverses formes, mais disons que ce n'est pas le moment d'entrer dans ces détails-là.

J'ai mentionné les interactions. J'y reviens. Les interactions, c'est-à-dire toutes les formes de contacts, d'échanges, de coopération entre les minorités culturelles et la majorité. En fait, ici, on est au cœur de l'interculturalisme. Les interactions favorisent la connaissance mutuelle et favorisent la lutte contre les stéréotypes, elles préviennent l'exclusion et, finalement, elles sont une école d'ouverture et d'apprentissage mutuel. L'interaction, encore une fois, c'est le cœur de l'interculturalisme. Et, de ce point de vue là, il faut quand même reconnaître qu'il y a plusieurs initiatives qui sont en cours présentement dans notre société, mais il en faudrait plus. L'officialisation d'un modèle général comme l'interculturalisme viendrait remplir une fonction importante, c'est-à-dire que ça viendrait coiffer et stimuler toutes ces initiatives en les intégrant dans un cadre cohérent et en leur assignant une direction précise. Ça, je crois qu'il y aurait une nouvelle énergie qui serait... qui se déploierait si toutes ces activités étaient coiffées par un modèle général soutenu par l'État.

Est-ce qu'on doit craindre que l'interculturalisme vienne compromettre la culture québécoise? Alors là, il faut se rappeler ce qu'était la culture québécoise il y a 40 ans, par exemple, et ce qu'elle est devenue aujourd'hui. En fait, elle a été transformée, bien sûr, par les contacts interculturels. Un tour d'horizon rapide ferait voir qu'il y a eu des changements importants, bon, à différents niveaux dans la cuisine, le vêtement, la musique, la littérature, les médias, le cinéma, la recherche scientifique. Toute la réflexion sur le Québec porte presque toute la trace importante des apports des minorités culturelles. Est-ce que pour autant on dirait que...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste 30 secondes, M. Bouchard.

M. Bouchard (Gérard) : Pardon?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 30 secondes pour conclure.

M. Bouchard (Gérard) : 13 secondes?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 30.

M. Bouchard (Gérard) : Ah, 30 secondes, excusez-moi. Ça fait 28, donc. Alors, est-ce qu'on dirait qu'aujourd'hui la culture nationale est moins québécoise qu'elle l'était il y a 40 ans? Bien sûr que non. Elle est aussi québécoise, mais elle l'est différemment. Et le changement, ce n'est pas quelque chose qu'il faut craindre, c'est un signe de la vitalité d'une culture.

• (10 h 10) •

Je termine sur une question qui se pose souvent : Qu'elle est la différence entre l'interculturalisme et le multiculturalisme? Alors, elles sont nombreuses. Par exemple, l'insistance que met l'interculturalisme sur la nation et la culture nationale, la promotion d'une culture commune... sur l'intégration.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Bouchard (Gérard) : Donnez-moi encore trois secondes, s'il vous plaît. La pratique des interactions. Et puis une autre différence de taille qui commande bien d'autres choses : au Canada, il n'y a pas d'inquiétude sur la survie culturelle de la nation. Alors qu'au Québec, cette inquiétude est constante et ça commande toute sorte de dispositions de réflexe qu'on ne verra pas à l'échelle canadienne et dont ne tient pas compte, encore une fois, le multiculturalisme canadien. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Bouchard. Alors, on va commencer... pardon, la période d'échange avec M. le ministre. Il vous reste 15 min 57 s.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Bouchard, de vous être rendu disponible puis de participer aux travaux ce matin. Je pense qu'on est tous très reconnaissants de la contribution que vous apportez puis de l'éclairage parce qu'on n'est pas au ras les pâquerettes, comme on dit. Puis c'est correct. À certains moments, on va regarder un article précis, un mot, puis d'autres moments on va être dans les concepts et puis on va être, je vous dirais, dans les principes, les valeurs qui nous aident ensuite à rédiger puis à choisir le bon mot. Donc, je trouve ça très intéressant.

Juste à la fin, on vous a coupé un petit peu, là, parce qu'on manquait un peu de temps, mais vous vous faisiez la différence entre le modèle interculturel ou l'interculturalisme, qui est d'une certaine manière... dans la manière dont vous le définissez, puis le multiculturalisme. On comprend que vous êtes un partisan de l'interculturalisme, mais pouvez vous nous expliquer comment ça s'incarne, le multiculturalisme, en ce moment au Canada, mais au Québec et comment ça se manifeste au quotidien pour qu'on comprenne bien la nécessité d'en sortir?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je crois que...

M. Bouchard (Gérard) : …principal, c'est ce que j'appelais les interactions. C'est la source la plus… la plus efficace et la plus importante pour concrétiser l'idéal du pluralisme, de l'intégration nationale, etc. Alors, prenons un exemple qui a été mis au point à l'UQAM, à l'Université du Québec à Montréal, aux facultés des sciences sociales. Ils ont appelé ça le jumelage des cours. Alors, par exemple, vous pouvez prendre… Dans une université, supposons qu'il y a un cours sur la citoyenneté qui va s'adresser à peu près à tout le monde, où il y aura pas mal de représentants de la majorité qui vont être inscrits. Et puis, à côté, il y a un cours d'apprentissage du français pour les immigrants. L'idée qu'ils ont eue, c'est de jumeler ces cours-là. Donc, ça veut dire 6 heures par semaine au lieu de trois. Ça veut dire des interactions constantes entre des gens des minorités culturelles et de la culture majoritaire. Ils obligent aussi à faire des travaux pratiques et à former des équipes qui sont diversifiées, qui accentuent le contact. Finalement, il se développe des amitiés et toutes sortes de relations qui survivent à ces deux cours-là.

Et c'est un exemple parfait du Québécois qu'on… qu'on imagine, dont on voudrait rêver. Je veux dire, c'est un Québécois qui ne ressemble pas à celui du XIXᵉ siècle, bien sûr, mais je dirais que c'est un Québécois qui est enrichi. Alors, à partir de cet exemple-là, là, déjà, hein, au Québec, là, dans les municipalités, dans les quartiers de Montréal, etc., il y a toutes sortes de formules qui procèdent du même esprit. Par exemple, je sais que, dans une rue à Montréal, les gens se sont entendus, des gens de différentes cultures, pour monter une pièce de théâtre. Alors, ils font… ils se réunissent, ils travaillent pendant, je ne sais pas, une saison. Et puis à la fin, ils donnent le spectacle pour les gens du quartier.

Je sais que, dans une autre partie de Montréal, les gens décident de nettoyer le territoire, mais ils font ça ensemble, et c'est très important parce que c'est non seulement les relations qui s'instituent entre les participants à ce moment-là, mais c'est l'héritage, ensuite, ces gens-là se souviennent de ce qu'ils ont fait ensemble. Et tout ça, c'est du Québécois, là, ça fabrique de la culture commune, ça fabrique la culture dont on rêve.

M. Roberge : Et, quand je vous entends parler, on voit que, dans votre modèle, dont vous faites la promotion, qui n'est pas loin du projet de loi actuel, vous misez sur les interactions, les interrelations qui amènent les gens un peu à se transformer. Vous avez dit d'ailleurs : La société québécoise, la culture québécoise de 2025 n'est pas la même que celle de 1975, à cause du passage du temps, mais à cause des échanges qu'il y a eu entre les gens de la diversité, donc. Donc, on ne fait pas que se côtoyer, dans des rencontres de gens de la diversité, d'un peu partout, on s'influence l'un l'autre. Et j'ai envie de vous réconcilier avec le concept de creuset, en faisant ça, puisque je suis allé voir à la fois la définition du Larousse et du Robert, les deux disent que creuset, c'est un lieu où plusieurs choses se mêlent.

Alors, il me semble que, si dans une démarche interculturelle, on crée des événements, des lieux, des organisations, des activités où les gens se rencontrent, mais ne font pas que se côtoyer, qu'ils s'influencent l'un l'autre, il me semble qu'on est dans quelque chose qui ressemble à un creuset, puisque les gens, en un lieu donné, se rencontrent, se mêlent et à la fin repartent un peu transformés.

M. Bouchard (Gérard) : Si vous êtes y tenez beaucoup, M. Roberge, vous pouvez conserver le concept de creuset, mais vous allez vous rendre extrêmement vulnérables, et vous allez devenir la cible de critiques extrêmement virulentes. Parce que le creuset dont nous parlons, l'exception que nous connaissons ici, au Québec et en Amérique du Nord, ce n'est pas celle du dictionnaire Larousse, c'est celle que les Américains ont diffusée en parlant du creuset comme étant le «melting pot», c'est-à-dire la fusion des immigrants qui entrent au pays et qui laissent leurs coutumes ou leur culture au vestiaire et qui s'assimilent complètement à la culture de la société d'accueil. Le creuset dans la langue de ce domaine de recherche et de réflexion, c'est à ça que ça réfère. C'est une forme très efficace, authentique et complète d'assimilation.

Alors, vous pouvez l'utiliser, mais, à chaque fois, il faudra que vous ouvriez une grande parenthèse pour expliquer que vous vous référez au dictionnaire Larousse, plutôt qu'à l'exemple américain qui est connu partout maintenant…

M. Bouchard (Gérard) : ... La notion de «creuset» est associée fondamentalement au melting-pot.

M. Roberge : Bien, merci, parce qu'effectivement, c'est... D'où le grand intérêt de vous avoir ici : c'est d'avoir votre perspective, avec des définitions sociologiques, et pas simplement étymologiques dans le dictionnaire. Merci pour ça. Parce que le modèle qu'on définit, l'intégration nationale, s'inspire à plusieurs égards de l'interculturalisme, il y a plusieurs éléments. D'ailleurs, on parle de «relations interculturelles», on est là-dedans, on est... On n'est pas dans la lutte à la diversité, au contraire, on veut de la diversité, mais on veut de la mixité, on est vraiment dans la mixité, dans les interrelations, et on n'est pas dans l'assimilationnisme, et, pas pour vous, parce que, je pense, vous le savez très bien, mais pour des gens qui croiraient qu'on est là-dedans, bien, je les réfère au considérant n° 9, qui dit : «Considérant que la langue française est le principal véhicule de la culture québécoise, à laquelle tous sont appelés à adhérer et à contribuer, pouvant ainsi enrichir cette culture sans renier leur culture d'origine». Donc ici, avec le «sans renier leur culture d'origine», je pense qu'on démontre bien qu'on ne demande pas aux gens de s'effacer.

Mais là, on est dans les considérants. Des gens pourraient s'inquiéter, dire : Oui, mais c'est seulement dans les considérants. Bien là, l'article 5, c, dans les fondements, on dit : Les gens doivent à... «contribuer, notamment à partir de leurs caractéristiques culturelles». Donc, on est là... on demande aux gens d'apporter avec eux leur bagage puis de le partager avec nous. Je pense qu'il y a là quelque chose...

Et puis je demande votre avis en même temps, là. Je vous ai lu deux extraits qui me semblent démontrer qu'on n'est pas... on est dans une démarche vraiment d'intégration à la nation, mais on n'est pas, je pense, dans une démarche d'assimilation. Est-ce que vous pensez que ces deux éléments-là, nommément inscrits dans la loi à la fois dans le considérant que dans la section sur les fondements, sont de nature à rassurer les gens?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je pense que les énoncés que vous venez de faire sont... vont dans le bon sens. Encore une fois, si vous mettez de côté... Je m'excuse d'y revenir, mais je vous évite bien du mal, là, si vous mettez de côté le concept de «creuset», qui va vraiment vous ennuyer si vous le conservez. Ce que vous venez d'énoncer va tout à fait dans le bon sens, bien sûr, parce que ça veut dire que formellement, vous ne reconnaissez pas de hiérarchies entre... des hiérarchies formelles, hein, entre la culture majoritaire et la culture minoritaire. Il peut y avoir des inégalités matérielles du fait que la culture majoritaire a plus de ressources, etc. Mais, finalement, vous voyez les choses comme étant - je parle en particulier à la culture commune - comme étant un objectif auquel vont participer à la fois les cultures majoritaires et les cultures minoritaires pour enfanter et engendrer quelque chose de commun tout en gardant quelque chose qui leur est spécifique, hein? C'est bien ce que signifient les énoncés que vous avez lus.

• (10 h 20) •

M. Roberge : Voilà. Merci. Merci beaucoup, M. Bouchard. Je continuerais encore de longues minutes, mais j'ai des collègues, là, qui je pense ont beaucoup envie d'échanger avec vous. Je vais laisser la présidente poursuivre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Je vais donc reconnaître la députée de Vimont, et pour votre banquette il reste encore 6 min 10 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bouchard, merci d'être présent, c'est toujours intéressant de vous écouter. J'aimerais vous entendre...

M. Bouchard (Gérard) : ...

Mme Schmaltz : J'aimerais vous entendre sur le concept, vous savez, de l'altérité, quand on parle... dans la gestion des conflits interculturels, puis j'aimerais aussi avoir votre avis sur la médiation interculturelle au sein des services publics, entre autres.

M. Bouchard (Gérard) : Je n'ai pas compris le premier mot que vous avez prononcé. Vous aimeriez m'entendre sur...

Mme Schmaltz : Sur le concept de l'altérité au sein de la gestion des conflits interculturels. Vous l'avez mentionné un petit peu tantôt. Puis je voulais savoir aussi votre idée, votre avis sur la médiation interculturelle au sein des services publics. Pensez-vous que c'est quelque chose qui est intéressant, qui est... qui doit être mis de l'avant?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je pense que c'est fondamental. C'est un des instruments les plus utiles dans la perspective d'une interpénétration des cultures, forcément. Et, quand on parle d'interaction, par exemple, ça peut se dérouler de toutes sortes de façons, une interaction. Quelqu'un peut vouloir l'orienter vers lui ou un autre, etc. La médiation est supposée fournir une discipline, je dirais, pour conduire ces interactions, et ça suppose donc une formation. Je ne dis pas que tous les citoyens doivent acquérir une formation sur la médiation, mais il doit y avoir des gens qui peuvent agir...

M. Bouchard (Gérard) : ...mais il doit y avoir des gens qui peuvent agir, par exemple, dans certaines situations où la dynamique des transactions quotidiennes bloque ou tourne en conflit. Là, un spécialiste ou une spécialiste des médiations pourrait accomplir une fonction extrêmement importante. Donc, en ce sens-là, c'est oui, c'est oui, mais finalement, il serait préférable, c'est que tout le monde soit dans des dispositions de médiation, je dirais, hein. Et quand des cultures se mettent en contact, il y a toujours une forme de compromis que chacun doit faire, mais ça se fait d'une façon qui n'est pas négative, parce qu'on est attirés par la différence que l'autre représente. On y voit un enrichissement, un élargissement des perspectives. Je pense que tout le monde, spontanément, est favorable à ça. Alors. Pour le reste, bien, si le mécanisme bloque, là, il faut faire intervenir des choses formelles comme la médiation. Je pense que c'est ça que vous avez à l'esprit.

Mme Schmaltz : Oui. Merci. Je vais laisser mon collègue qui a... qui a d'autres questions aussi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, je reconnais le député de Saint-Jean. Il reste 3 min 22 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bouchard, bien le bonjour. Content de vous retrouver, quoiqu'un peu déçu que ce soit à distance, pour vous saluer.

Écoutez, je vous écoutais, d'emblée, d'entrée de jeu, vous parliez de multiculturalisme sans en parler, en vantant l'interculturalisme qui est votre modèle de prédilection. Mais je veux revenir sur le multiculturalisme parce que ce n'est d'abord pas le contraire, mais pas loin de ce que c'est que ce projet de loi. Et moi, je l'ai vécu dans l'Ouest canadien, je l'ai vécu dans les Maritimes comme citoyen, et pour moi, c'est un encouragement vers la ghettoïsation si on va à l'extrême. Alors, j'aime beaucoup le modèle qu'on est en train de proposer, entre autres parce que c'est un modèle sur mesure. Je sais que vous êtes un fervent partisan de l'interculturalisme, mais si on se... si on ne s'arrête pas à un modèle théorique classique qui existe et qu'on se dit que la société distincte que nous sommes va se faire un modèle sur mesure, est-ce que ça ne ressemble pas un peu à ce qu'on vient de déposer?

M. Bouchard (Gérard) : Vous voulez dire un modèle sur mesure? Vous l'entendez dans le sens péjoratif?

M. Lemieux : D'intégration, d'intégration nationale.

M. Bouchard (Gérard) :  Oui. Mais alors là, j'aimerais comprendre un peu mieux votre question.

M. Lemieux : Bien, dans le fond, c'est parce que vous nous parlez beaucoup de l'interculturalisme comme un modèle, c'est comme un... c'est comme un modèle à suivre, mais il est inspiré de l'interculturalisme, mais il est sur mesure pour le Québec, ce plan d'intégration nationale qu'on dépose là.

M. Bouchard (Gérard) : Ah! bien. Alors là, je comprends votre question. Quand je vous dis que les chercheurs, les intellectuels québécois travaillent depuis quelques décennies à définir, à mettre au point l'interculturalisme, mais en faisant ça, ils ont attiré l'attention des gens d'Europe en particulier et de tous les continents. Les Japonais, par exemple, moi, m'ont invité à faire deux tournées de conférences parce qu'ils s'intéressent... ils s'intéressaient à l'interculturalisme puis ils voulaient savoir ce que c'était. Pourquoi les Japonais étaient-ils intéressés à l'interculturalisme? Bien... puis je pense qu'on pourrait s'arrêter juste sur cet exemple-là, ça va répondre à votre question. Ils Japonais sont très homogènes culturellement et ils croient que leur réussite économique, finalement, est due en grande partie à leur homogénéité culturelle. Et puis là-bas, bien, ils voient que la fécondité baisse, le taux de nuptialité baisse, les femmes japonaises ne veulent plus se marier. En fait, il y en a encore quelques-unes, là, mais je veux dire, le taux diminue beaucoup, et les Japonais ne veulent pas accueillir des immigrants en grand nombre. Alors, ils se sont dit : Si on fait ça, qu'est-ce qui va nous arriver si on ouvre les portes à l'immigration? Qu'est-ce qu'elle va devenir, notre culture? Alors, c'est comme s'ils avaient pointé du doigt le Québec. Ils ont dit : Ça, ça ressemble, le Québec en 1950, ça ressemble énormément au Japon, c'est homogène, mais ça veut s'ouvrir à l'immigration. Alors, vous l'avez fait pendant 50 ans. Regardez ce que vous êtes devenus. Vous êtes toujours Québécois finalement. Alors, comment vous avez fait? C'est ça qui intéressait les Japonais.

M. Lemieux : Merci beaucoup.

M. Bouchard (Gérard) : La même question se pose présentement dans toutes les nations parce qu'il y a eu une augmentation de l'immigration, et que les gens de la société d'accueil se sentent menacés. L'immigration est là pour rester, et il faut apprendre à vivre avec.

M. Lemieux : À mon tour de manquer de temps, M. Bouchard. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Bouchard, merci. Merci, M. le député. Le temps est écoulé pour la partie gouvernementale, mais on se tourne du côté de l'opposition officielle pour poursuivre ces discussions. M. le député, 9 min 54 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, professeur Bouchard. Merci de nous donner du temps et les explications pour aider à ce que ce projet de loi là soit le meilleur possible. C'est très apprécié. J'ai quelques questions pour vous parce qu'à la lecture du projet de loi...

M. Morin : ...c'est apprécié. J'ai quelques questions pour vous parce qu'à la lecture du projet de loi ça a soulevé chez moi certaines interrogations, et j'aimerais vous entendre là-dessus. D'ailleurs, vous avez fait référence à certains éléments dans un article qui a été publié ce matin dans Le Devoir, sous la plume de M. François Carabin, et vous soulignez que dans le projet de loi, effectivement, le gouvernement fait référence à la culture, on parle d'une culture commune. Il n'y a pas comme telle de définition. On parle également... Ça, c'est à l'article 1. On parle également à l'article 3 d'institutions particulières. On ne les identifie pas. Vous soulevez dans l'article qu'il faut faire attention parce que... Puis, en fait, vous avez bien répondu à certaines questions de M. le ministre quand il a fait référence au creuset. On ne veut pas parler ici d'assimilation. Alors, est-ce que pour vous, il y aurait un avantage à définir davantage ce que l'État entend par une culture commune et des institutions particulières?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, moi, je vais vous dire comment j'ai perçu le texte du projet de loi. Je ne suis pas un spécialiste de la législation. Bon. Moi, je pense que c'est un... Ça annonçait une intention, ça voulait formuler une direction et un certain nombre de repères que le ministre voudrait suivre dans la démarche suivante, qui est la conception de la politique elle-même. Alors, moi, je ne m'attendais pas à ce que le projet de loi contienne tout ce qu'on voudrait qu'il contienne, parce qu'il ne peut pas remplacer l'exercice de conception de la politique qui va suivre et qui va être beaucoup plus, beaucoup plus articulé, évidemment, beaucoup plus précis. C'est là où on va devoir trouver des définitions de la culture commune et de tous les concepts qu'on utilise quand on parle de la diversité, des relations culturelles, interculturelles, etc. Alors, moi, c'est... Ce n'est pas ça qui me gêne dans... Peut-être que j'ai une mauvaise conception de ce qu'est un projet de loi, mais ma conception à moi, c'était une esquisse, une ébauche même, qui nous préparait à ce qui s'en vient. Alors, moi, je pense que c'est ce qui s'en vient qui va être le plus important.

M. Morin : Je vous remercie. Il y a un élément... Enfin, moi, j'ai trouvé qu'il y avait un élément dans le projet de loi qui était absent. J'y ai fait référence dans mes remarques d'ouverture en ce qui a trait à l'intégration, et c'est tout le volet économique. Donc, oui, il y a la langue commune, c'est très important. Mais souvent, quand quelqu'un arrive ici, il veut apprendre le français, mais il veut aussi travailler. Quand on regarde certaines politiques, pas des projets de loi, mais des politiques qui ont été faites dans le passé, je songe notamment à celle de M. Bourassa en 1990, il y avait un volet important sur l'économie, l'engagement du gouvernement, qui est finalement de faciliter l'emploi ou l'accès à des emplois pour les nouveaux arrivants. Je n'ai rien vu de ça dans le projet de loi. Est-ce que, pour vous, c'est un élément qui devrait être ajouté? Est-ce que c'est... Le gouvernement devrait se commettre là-dessus?

M. Bouchard (Gérard) : Bien oui, comme je l'ai... je l'ai mentionné, hein, ce sont des obstacles qui se présentent à tous les immigrants qui veulent s'intégrer, les problèmes de logement, de travail, etc., de l'apprentissage de la langue, et puis surtout le racisme. Il ne faut pas oublier de le mentionner, c'est quelque chose qui est très présent, qu'on l'appelle comme on voudra, systémique ou pas, là. On ne va pas s'en... On ne va pas s'arrêter là-dessus, on va perdre du temps. Mais c'est un élément qui est très important. Et moi, je... Encore une fois, je ne juge pas sévèrement le projet de loi n° 84 là-dessus parce que c'est une omission, comme il y en a un certain nombre d'autres, mais je me dis que tout ça va être attrapé à l'étape de la définition de la politique elle-même. Mais c'est une absence. Ça, c'est sûr.

• (10 h 30) •

M. Morin : Je vous remercie. Autre élément sur lequel j'aimerais, j'aimerais vous entendre. Je suis aussi le porte-parole de l'opposition officielle pour les ordres professionnels. Et dans le cadre d'échanges ou de consultation avec les gens sur le terrain, on nous dit souvent que, pour les nouveaux immigrants, c'est difficile d'avoir accès ou d'avoir un statut de professionnel. Je comprends que les ordres professionnels sont ici, bien sûr, pour assurer la protection du public, mais la seule mention qui en effet dans le projet de loi, c'est, je crois, à l'article 10, où on dit que le gouvernement peut déterminer que la politique s'applique aux ordres professionnels dont la liste apparaît à l'annexe I. Est-ce que vous voyez un avantage à ce qu'il y ait, comment dirais-je, une réflexion qui soit faite pour qu'il y ait une ouverture chez les ordres professionnels à ce qu'on reconnaisse plus rapidement des compétences ou des équivalences pour faire en sorte...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...que des nouveaux arrivants qui sont des professionnels dans leur pays puissent exercer ici, au Québec, tout en protégeant le public, bien sûr.

M. Bouchard (Gérard) : Oui, bien, ça, c'est un problème qui était venu à notre connaissance de plusieurs façons au moment de la commission que j'ai coprésidée avec Charles Taylor, le problème de la reconnaissance des compétences des immigrants par les ordres professionnels. Il y avait là un blocage incroyable, qui était absolument inacceptable, d'ailleurs. Des gens étaient venus en faire la preuve devant nous, c'était irréfutable.

Est-ce que la situation a changé depuis 15 ans? Ça, je ne sais pas, je n'ai pas eu l'occasion de revenir sur cette question-là, mais d'après ce que vous me dites, c'est un problème qui n'est toujours pas vraiment réglé, bon. Alors, ça a la même urgence qu'il y a 15 ans, la même pertinence, bien sûr.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie. Dans... Le projet de loi a un long préambule, un nombre important de considérants, et il y a un des considérants qui souligne que l'Assemblée nationale reconnaît aux Premières Nations et aux Inuits au Québec, descendants des premiers habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d'origine. Vous avez fait référence tout à l'heure au racisme. C'est un considérant. C'est dans le préambule. Ça donne une intention de ce que le gouvernement veut faire, et, par la suite, il n'a rien de très concret. Pensez-vous qu'on devrait aller plus loin et qu'on devrait faire une plus grande place aux Premières Nations et aux Inuits dans le cadre d'un tel projet de loi?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je vais vous dire pourquoi moi, je pense que ça pose un problème. C'est que, si on fait ça, ça veut dire qu'on considère les autochtones comme étant une minorité culturelle à l'intérieur du Québec, et ça ne leur convient pas du tout, ça, ils se définissent comme une nation autonome, en dehors du Québec. Et, bien sûr, il faut ensuite penser les interactions entre ces nations, mais je veux dire, on ne peut pas les considérer comme une minorité culturelle. C'est pour ça que moi, d'ailleurs, dans mon mémoire, je n'ai pas parlé des autochtones. J'ai un paragraphe, d'ailleurs, pour expliquer pourquoi je ne l'ai pas fait. Ce sont des nations, maintenant, qui ont été reconnues par le Québec lui-même, au même titre que nous. Donc, on n'a pas à donner... on n'a pas à décider pour eux comment ils doivent être intégrés, quels rapports ils doivent entretenir avec notre société ou pas. C'est à eux à faire ça. Ce serait perçu encore une fois comme quelque chose de colonial si on essayait de faire quelque chose comme ça.

Et moi, je crois que cette question-là, des autochtones, peut légitimement être dissociée du problème de l'intégration de la diversité à l'intérieur du Québec. L'interculturalisme, c'est fait pour régler les problèmes d'intégration, de diversité à l'intérieur d'une nation, et non pas d'une nation à l'autre. Ça relève d'une autre compétence, je crois.

M. Morin : D'accord. Il y a aussi une référence sur les institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise. Et, quand on l'écrit comme ça, pour vous, ça correspond à quoi?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, pour moi, ça correspond au fait que... Vous voyez, quand on dit que la majorité francophone, et la majorité est l'élément fondateur, hein, de notre nation, bien, il faut faire attention, parce que les anglophones étaient là pratiquement en même temps que nous et ils ont été présents de toutes sortes de façons dans l'histoire, dans notre histoire à nous. Sauf qu'évidemment on n'aimait pas le type de présence qu'ils avaient, hein, ils faisaient partie de ceux qui nous dominaient, ils faisaient partie du problème que nous avions, qui faisait qu'en 1960 les Canadiens français étaient les plus mal payés dans l'ensemble du Canada, bon.

Alors, évidemment, dans la mesure où on associe la minorité anglophone du Québec à toute cette problématique-là, on n'a pas... on n'est pas spontanément portés à jeter un regard très favorable, mais si on regarde la réalité, ils sont là aussi, et on pourrait dire qu'ils ont aussi un statut de fondateurs parce que ça fait longtemps qu'ils sont là, ils sont au Québec, ils sont en interaction avec la majorité francophone. C'est une interaction qu'on n'a pas toujours vue d'un œil favorable, peut-être encore aujourd'hui, mais, enfin, ils sont là, on ne peut pas dire... hein, il faut s'en remettre à notre réalité qui est comme ça. Ils font partie de la diversité, mais d'une façon qui est différente de la communauté latino, de la communauté noire, ou italienne, ou maghrébine.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Merci beaucoup.

M. Morin : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Bouchard. On poursuit avec la deuxième opposition pour une période de 3min 18 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Et merci beaucoup pour votre excellente présentation. Je reviens sur certains mots dans votre mémoire. Vous dites : « En d'autres mots, l'intégration assigne des responsabilités aux immigrants et aux minorités...

M. Cliche-Rivard : ...mais aussi d'importants devoirs à l'État, c'est un processus à deux voies. C'est ce dont vous parlez dans votre mémoire. J'aimerais ça savoir votre jugement ou votre analyse du projet de loi dans ce périlleux équilibre, dans ces deux voies-là. Est-ce que vous sentez que l'équilibre est rejoint dans la version actuelle?

M. Bouchard (Gérard) : Bien, je pense que le texte de loi aurait pu aller plus loin, insister davantage sur le fait que c'est une dualité, hein, qu'il y ait  un processus à deux voies. Mais, encore une fois, je ne suis pas porté à être très sévère. Moi, je ne m'attendais pas à ce que le projet de loi contienne des références, une mise en place, une articulation très, très précise parce qu'il va falloir du temps pour arriver là. La définition, là, de la politique, dont il est question, ce n'est pas quelque chose qui va se faire rapidement. Il y a des tâches très compliquées, là, qu'il va falloir examiner de près, qui vont demander des expertises, qui vont demander des études aussi. Alors, c'est pour ça que moi, mes exigences, mes attentes du projet de loi n'étaient pas celles que tout le monde exprime. Mais c'est évidemment une absence dans la formulation actuelle, il faudra aller plus loin, bien sûr, il faudra aller plus loin.

M. Cliche-Rivard : Et donc, pour bien vous comprendre, votre lecture du projet de loi est à l'effet que les responsabilités qui incombent aux nouveaux arrivants et aux minorités sont supérieures à celles qui incombent à l'État dans la lecture actuelle du projet de loi. C'est ce que vous tirez comme analyse?

M. Bouchard (Gérard) : Non, non, ce n'est pas ce que je dis, non, non. Je ne pense pas que le texte du projet de loi ni ce qu'on vient de dire, sauf qu'il ne l'affirme pas de manière aussi claire qu'il aurait pu, en tout cas, je ne veux pas prêter d'arrière-pensée à M. Roberge.

M. Cliche-Rivard : Je comprends. Je termine là-dessus. Dans le texte du Devoir, vous mentionnez : «Il incite du même souffre à éviter les dérives assimilationnistes.» À quoi vous vouliez faire référence exactement dans le projet de loi avec cette phrase ou ce mot précis?

M. Bouchard (Gérard) : Non, je ne voyais pas de dérive assimilationniste, je n'irais pas jusque-là. Je voyais des formulations, je voyais des formulations qui auraient pu conduire à l'idée qu'il y avait des relents d'assimilationnistes. Mais, pour moi, la principale question, c'est celle qu'on a discutée avec M. Roberge tantôt, c'est de partir de l'idée de creuset. C'est tellement associé au modèle assimilateur du concept de creuset que là, finalement, je trouvais que le projet de loi était en faute. En tout cas, il se rendait extrêmement vulnérable.

• (10 h 40) •

M. Cliche-Rivard : Est-ce qu'il y a un mot pour vous qui remplacerait «creuset»? Est-ce que vous avez une suggestion pour nous?

M. Bouchard (Gérard) : Ah! Pour moi, ça s'appelle l'interaction.

M. Cliche-Rivard : Pardon?

M. Bouchard (Gérard) : L'interaction...

M. Cliche-Rivard : L'interaction. Merci beaucoup.

M. Bouchard (Gérard) : ...ça suppose l'égalité, ça suppose la liberté des acteurs qui y participent. Ça suppose que les citoyens prennent des responsabilités et puis ils fabriquent eux-mêmes de l'interculturalité. Et c'est ce qui est plus solide, parce que ça a créé un tissu social et culturel au niveau des citoyens et des citoyennes, une interaction...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, merci, M. Bouchard. Alors, on termine cette ronde de discussions avec le député de Matane-Matapédia pour 3 min 18 secondes.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. M. Bouchard, c'est un plaisir de vous retrouver. Vous avez peut-être entendu la déclaration d'ouverture du ministre qui indiquait et qui concédait que le modèle multiculturalisme canadien ne nous convient pas et est nuisible. Alors, ce n'est pas rien, là. Il faut savoir dans quel cadre s'inscrit nos efforts avec notre juridiction, avec les limites des pouvoirs d'une province. Je vois bien la bonne volonté, mais le Canada existe. Lorsque les nouveaux arrivants arrivent, les immigrants, ils arrivent dans un cadre connu d'un pays bilingue, ça existe. Au Québec, c'est plus flou, à tout le moins, au début. Alors, je regarde le projet de loi puis je me dis : Quelles actions concrètes vont nous permettre d'y arriver, à créer de l'appartenance, la fierté, de l'intégration réussie pour que les gens soient heureux, tout simplement.

Alors, avez-vous, en tête, un certain nombre d'actions concrètes qui nous sortiraient des débats sémantiques? Parce que ça fait 40 ans qu'on débat de ces questions-là, mais je cherche les moyens pour y arriver. À titre d'exemple, est-ce qu'on devrait faire une cérémonie d'accueil québécoise ou un examen de citoyenneté pour l'obtention du CSQ, renforcer la place de la culture et de l'histoire à l'école? Donc, je veux volontairement vous amener sur le terrain des actions concrètes qui ne sont pas présentes, à tout le moins, jusqu'à maintenant, dans ce projet de loi.

M. Bouchard (Gérard) : Est-ce que la question s'adresse à M. le ministre?

M. Bérubé : À vous.

M. Bouchard (Gérard) : À moi? Bon, alors, écoutez, on va descendre encore bien plus au niveau des pâquerettes pour voir des choses extrêmement évidentes qu'il faudrait faire. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire La Presse de ce matin, mais on apprenait que, dans a toponymie québécoise, les Noirs sont représentés dans une proportion...

M. Bouchard (Gérard) : ...un demi de 1 %. Bien, voilà quelque chose qui devra être corrigé. Comment voulez-vous que les Noirs se ressentent vraiment chez eux quand ils se promènent dans les rues de Montréal et qu'Ils ne voient aucun signe, aucune expression qui leur rappelle qu'ils existent? Si, de temps à autre, ils tombaient sur un nom, je ne sais pas, Luther King, ou des Noirs qui se sont illustrés d'une certaine façon dans notre histoire...

M. Bérubé : Toussaint Louverture...

M. Bouchard (Gérard) : ...ils ne demanderaient pas, d'ailleurs, qu'il y en ait la moitié hein, bon... mais, déjà, ce serait quelque chose, ils se sentiraient plus chez eux, ils se sentiraient plus à l'aise, plus attirés par cette société. Alors, il y en a des paquets, d'exemples comme ça, hein, qui sont des choses qui ont l'air négligeables, mais qui ne le sont pas du tout dans l'oeil de l'immigrant.

M. Bérubé : L'idée d'une cérémonie d'accueil, où on indique ce qui est important pour nous, le français langue commune, la laïcité, l'égalité entre les hommes et les femmes, les choix qu'on a faits au Québec qui... qu'on manifeste régulièrement dans des motions, dans des politiques, physiquement, de rencontrer ces personnes et de leur dire «bienvenue au Québec» d'une façon différente, est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée?

M. Bouchard (Gérard) : Bien oui, c'est une bonne idée, certainement. Ça attirerait l'attention des immigrants, ça leur montrerait aussi l'importance qu'on leur accorde, et je pense qu'ils sortiraient d'une cérémonie comme ça un peu différents de ce qu'ils étaient avant. Une prise de conscience de ce que c'est qu'un Québécois, c'est quelque chose d'important, et ils devraient se sentir honorés, je crois. Bon, alors, vous voyez, c'est... Ça, évidemment, ce n'est pas... on n'est pas dans l'ordre des détails, là. C'est quelque chose d'extrêmement important. Mais, encore une fois, les détails...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : M. Bouchard, c'est, malheureusement, ce qui doit mettre un terme à ces discussions. Alors, la commission, les élus qui en font partie vous remercient de votre apport aux travaux. Je vais, toutefois, vous demander de nous faire parvenir votre mémoire, nous ne l'avons pas reçu à la commission, donc... On ne l'avait pas à la commission, alors, si vous vous voulez nous le faire parvenir, on apprécierait, ça étofferait davantage la suite des choses. Alors, encore une fois, merci beaucoup.

Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 45)

(Reprise à 10 h 47)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous en sommes donc rendus à la présentation de Me Guillaume Rousseau, professeur titulaire de la Faculté de droit à l'Université de Sherbrooke et directeur de la recherche, Institut de recherche sur le Québec, ainsi que de M. Vincent Vallée, administrateur à l'Institut de recherche du Québec. Messieurs, bienvenue à la commission. Alors, vous connaissez le processus, vous bénéficiez d'une période de 10 minutes, au total, pour votre présentation, puis ensuite on va échanger avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Rousseau (Guillaume) : Alors, bonjour, merci pour l'invitation à vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 84. Outre Vincent Vallée, qui m'accompagne ici, on a également les étudiants de la cohorte du DESS en droit et politique appliqués de l'État, donc ça me fait vraiment plaisir d'être accompagné par mes...

M. Rousseau (Guillaume) : …étudiant, ce matin. En 2014, à l'Institut de recherche sur le Québec, on a publié une étude intitulée Vers une politique de la convergence culturelle et des valeurs québécoises, dans laquelle on présentait les fondements historiques de la convergence culturelle, et l'actualité de ce concept, avant de proposer une loi-cadre québécoise sur le modèle québécois d'intégration. La méthodologie était assez simple, c'est qu'on a fait une revue de la littérature en sciences sociales sur le concept de convergence culturelle et on avait traduit dans un texte de loi, donc à l'aide de règles de légistique, les grands principes qu'on retrouvait dans la littérature sur la convergence culturelle.

Puis, en 2021, on a publié une version modifiée, bonifiée de cet article dans la Canadian Journal of Law and Society, publiée par la Cambridge University Press. Et, dans cet article-là, on répond… on parle des critiques à l'encontre de la convergence culturelle et les réponses des gens qui défendaient la convergence culturelle. Et, dans ce projet de loi là… pas projet, dans cette étude-là, on a une proposition de loi en annexe.

Alors, vous comprendrez qu'on était très, très content de voir le projet de loi n° 84 puis on était… On avait hâte de voir à quel point nos travaux allaient… allaient… avaient inspiré des éléments du projet de loi n° 84 et c'est le cas. Donc, il y a plusieurs choses dans nos… dans nos publications qui semblent avoir inspiré le projet de loi n° 84. La culture québécoise comme culture commune, le français comme véhicule de la culture québécoise, l'enrichissement de la culture québécoise par les membres des communautés culturelles, la laïcité, l'importance de la participation en français. L'idée même d'une loi-cadre suivie d'une politique, c'était dans nos publications, et l'idée d'une modification de la Charte québécoise pour y inscrire le modèle québécois d'intégration. Donc, vraiment, il y a plusieurs choses qui ont été reprises. Donc, tant mieux si on a pu inspirer le législateur.

Par contre, il y a beaucoup de choses que l'on proposait dans nos propositions de loi qui ne sont pas dans le projet de loi n° 84. Par exemple, la politique qui est proposée par le projet de loi ne viserait pas les cégeps et universités. Or, les cégeps et universités, on en sait quelque chose à l'Université de Sherbrooke, c'est un lieu d'accueil d'étudiants internationaux qui souvent deviennent des immigrants, au moins… au moins temporaires, parfois permanents par la suite. Donc, on pense qu'il faut que les cégeps et les universités soient visés par la politique ou qu'il y ait une obligation pour les cégeps et les universités de se doter d'une politique en matière d'intégration nationale. Comme dans la loi 101, ce n'est pas la politique linguistique de l'État qui s'applique aux cégeps et universités, mais une obligation d'avoir leurs propres politiques.

• (10 h 50) •

Ensuite, on vous propose d'ajouter au projet de loi le principe de mixité. On pense vraiment qu'il faut… que, dans la politique, on ait une attention particulière à faire en sorte que les nouveaux arrivants soient appelés à participer à des institutions communes où on retrouve beaucoup de Québécois francophones natifs, là, de la société d'accueil. Donc, on vous propose un amendement à l'article 9, alinéa un. Mais sinon, la grande différence entre nos propositions et le projet de loi, c'est que nos propositions, c'est de consacrer la convergence culturelle comme modèle québécois d'intégration, alors qu'ici, avec le projet de loi n° 84, ce qu'on retrouve, avec l'appellation intégration nationale, ce qu'on retrouve, c'est un compromis. Il y a des éléments d'interculturalisme et des éléments de convergence culturelle. Donc, c'est vraiment ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 84, peut-être un petit peu moins d'éléments d'interculturalisme, mais il y en a, notamment, le français comme langue de communication interculturelle.

Donc, ça pose peut-être la question de savoir pourquoi ne pas tout simplement s'inspirer exclusivement de l'interculturalisme. Or, nous, on pense que c'est un bon choix de ne pas s'inspirer exclusivement de l'interculturalisme, entre autres parce que l'interculturalisme insiste trop peu sur les arts, les lettres, le patrimoine, l'histoire. Si on regarde les définitions de l'interculturalisme, souvent, ça, c'est absent. On est plus sur les institutions, les chartes des droits. Et nous, on pense que l'intégration, c'est la participation à des institutions communes fondées sur une langue commune. Et, parmi les institutions les plus importantes au Québec, il y a les institutions culturelles. Donc, on pense qu'ils doivent être au cœur du modèle d'intégration. Et c'est pas mal ce que font les articles 3, 5 et 6 du projet de loi.

L'autre raison pourquoi il ne faut pas s'inspirer strictement de l'interculturalisme, c'est que l'interculturalisme, ça divise beaucoup entre Québécois… les Québécois francophones, natifs, immigrants, membres des communautés culturelles. Bon, c'est un peu… c'est un peu inévitable, mais l'interculturalisme perpétue un peu trop cela et ça nous apparaît inopportun, cette division trop étrange… étanche, entre autres, parce que le défi actuel du Québec, ce n'est pas seulement les immigrants de première génération, c'est beaucoup les immigrants de deuxième, troisième génération issus de mariages mixtes, bien souvent, donc. Donc, l'interculturalisme a été pensé dans les années 80, à l'époque où le défi du Québec, c'était première génération. Aujourd'hui, moi, dans mes classes au bac, notamment, c'est des étudiants issus de l'immigration de deuxième ou troisième génération. Donc, on est ailleurs.

Et la convergence culturelle est plus appropriée, à mon sens, pour les deuxième ou troisième génération. Parce que des immigrants de première génération, évidemment, leur demander d'adhérer à la culture québécoise, de l'enrichir, ce n'est peut-être pas réaliste, alors que de leur demander de découvrir la culture québécoise, nous, de la société d'accueil, de découvrir…

M. Rousseau (Guillaume) : ...sur leur culture. Pour les premières générations, ça me semble réaliste. Pour les deuxième, troisième générations, issus souvent de mariages mixtes, de dire : On vous invite à participer à la culture québécoise, de la faire évoluer, de l'enrichir, peut-être en puisant dans le bagage de vos... de vos parents, du pays d'origine de vos parents, ça nous apparaît une bonne façon de voir les choses. Mais à la limite, peut-être même que le projet de loi pourrait, dans un considérant ou autre, faire écho à ça, au fait que l'interculturalisme pourrait être particulièrement approprié pour les premières générations puis la convergence culturelle pour les deuxième et troisième.

Sinon, l'autre raison pour quoi on pense qu'il ne faut pas s'inspirer strictement de l'interculturalisme, c'est que l'approche différente, la convergence culturelle, a beaucoup d'appuis populaires. Quand on regarde les sondages, poser des questions : Est-ce que les immigrants doivent adhérer à la culture québécoise, des choses comme ça? Systématiquement, il y a des appuis aux positions proches de la convergence culturelle. Puis moi, ce que je dis toujours en matière de politique publique, c'est qu'il faut éviter l'approche élitiste qui consiste à dire : On va faire une loi en se basant sur les avis d'experts, en faisant fi de l'opinion publique, des aspirations de la population. Il faut éviter l'autre extrême, qui est l'approche populiste, de dire : On va faire une loi qui va dans le sens de l'opinion publique, en faisant fi des opinions des experts, des valeurs, des données probantes. Non. Une bonne politique publique, ça tient compte et des opinions des experts et de l'opinion publique. Et c'est ce que, je pense, fait le projet de loi n° 84.

Et enfin, la raison pour quoi il ne faut pas s'inspirer exclusivement de l'interculturalisme, c'est que c'est quand même proche du multiculturalisme. On vous a joint notre mémoire en page 12, un peu une espèce de spectre des modèles d'intégration. Puis on voit que l'interculturalisme, c'est proche du multiculturalisme. On n'a peut-être pas besoin de développer là-dessus. Ce qu'on... Ce sur quoi on veut développer, c'est qu'il faut un modèle différent au Québec parce que le Québec est différent. Puis, là-dessus, je passe la parole à M. Vallée.

M. Vallée (Vincent) : Donc, bonjour. Il y a un mémoire qui a été déposé récemment au Comité sur les enjeux constitutionnels, où je définissais l'intérêt national comme le fait de garantir la pérennité et la vitalité de notre nation et la capacité de réaliser ses aspirations. Le rapport Rousseau-Proulx qui a été déposé dans cet esprit proposait un projet de loi-cadre sur l'intégration nationale. Le projet de loi n° 84, dans ses principes, respecte également en grande partie cet esprit. L'Institut de recherche sur le Québec vient de mener une recherche sur la différence québécoise, où il fait ressortir beaucoup de données sur les différences entre le Québec puis le Canada dans tous les domaines. On va parler de certaines de ces données-là, en particulier entre Montréal, Toronto et Vancouver. En fait, il y a des graphiques qui se trouvent dans le mémoire. Il y a un chercheur qui a fait ressortir le fait qu'à Montréal il y avait 1,7 % des quartiers qu'il considérait, dans ses mots, comme des enclaves ethniques. À Toronto, c'est 23 % des quartiers et à Vancouver, c'est 21 %. Nous, ça, c'est le genre de chose qui nous indique que la mixité sociale, ça fait partie de la spécificité québécoise. Et le fait de venir le codifier dans le projet de loi-cadre, ça pourrait venir encadrer ça. Les Québécois sont aussi plus exigeants que les autres Canadiens envers les immigrants. Il y a des raisons pour ça. L'assimilation, le mot assimilation au Québec, c'est lourd de sens parce que c'est indissociable du rapport Durham déposé en 1839. L'histoire du Québec s'est de par la suite largement fondée en réaction à l'assimilation et à ce rapport-là. Et les Québécois, cette sensibilité-là à l'immigration peut expliquer en partie la raison pour laquelle les langues autochtones sont de loin les mieux préservées au Québec, dans le Canada. Ça, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup de travail à faire au Québec. À travers son histoire, l'État du Québec a développé une responsabilité de lutter contre l'assimilation. La dynamique de la langue française ne peut pas être comprise uniquement au Québec si on ne la prend pas dans son ensemble, dans l'ensemble nord-américain, où on forme uniquement 2 % de francophones, un chiffre qui est en déclin. C'est en défendant la diversité des cultures dans le monde qu'on développera des solidarités et qu'on luttera contre l'assimilation.

M. Rousseau (Guillaume) : En conclusion, dans les années 80, l'interculturalisme québécois a pu apparaître comme une voie consensuelle entre le républicanisme français et le multiculturalisme canadien, mais à partir de 2008, le consensus autour de l'interculturalisme a éclaté. De plus en plus de critiques contre l'interculturalisme réputé trop proche du multiculturalisme. En même temps, l'émergence d'une autre possibilité, d'un autre modèle, la convergence culturelle. Ce qui ne veut pas dire que la convergence culturelle n'est pas une troisième voie. Au contraire, je pense qu'elle est aussi une troisième voie entre le multiculturalisme et le républicanisme français. Il faut aussi situer les modèles dans le contexte québécois. Le contexte québécois, c'est celui d'une culture nationale quand même minoritaire à l'échelle du Canada, à l'échelle du continent. Et c'est un contexte où il y a une culture anglo-américaine très forte. Ça fait que dans ce contexte-là, de dire l'État québécois va mettre tout son poids pour la culture québécoise, ça me semble parfaitement légitime.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

M. Rousseau (Guillaume) : Et je dirais même plus, et je finis là-dessus en quelques secondes. Donc, ce que propose la convergence culturelle et c'est repris par le projet de loi, c'est vraiment de combiner les forces de la culture québécoise, des cultures minoritaires issues de l'immigration. On combine ces forces...

M. Rousseau (Guillaume) : ...pour résister à l'hégémonie de la culture anglo-américaine. Et c'est vraiment un point fort du poète danois.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, messieurs. Alors, je me tourne du côté de la banquette ministérielle. Vous avez au total 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je ne voudrais être nulle part ailleurs sur terre ce matin qu'ici en commission. C'est extraordinaire, la contribution qu'on a eue de M. Bouchard et puis du duo d'experts qu'on a en ce moment. Merci beaucoup de nous permettre d'élever le débat, d'être à la fois très concret, avec des propositions d'amendements, toujours apprécié, je pense, pour les membres de la commission, d'avoir un équilibre entre des débats de concepts de principe puis, en même temps, des modifications très concrètes. Parce que des fois on entend des choses, on dit : Oui, c'est correct, mais ça irait où dans le projet de loi? Comment on pourrait l'insérer? Comment on pourrait l'intégrer? C'est très, très constructif comme démarche.

Le premier intervenant, M. Bouchard, a vu dans la Loi sur l'intégration nationale des éléments qui relèvent de, je vais dire, sa définition du modèle interculturel. Parce que j'ai lu toutes sortes de choses, puis l'interculturalisme selon qui le défend peut-être, je pense, tout à fait acceptable ou peut être même exécrable dépendamment des personnes, mais donc qui a vu, selon sa définition que je trouve très intéressante, par ailleurs, pas mal d'éléments de l'interculturalisme dans notre modèle, nouveau modèle.

Vous voyez aussi, de votre point de vue, des éléments de convergence culturelle — il y a carrément des fois des mots qui sont empruntés à vos travaux — dans la loi actuelle, et je pense que vous avez tous les deux raison, à la fois M. Bouchard et vous. Et, comme ancien enseignant, comme enseignant, j'ai bien aimé la valeur pédagogique du graphique. Vous avez fait un graphique qui est très intéressant, je ne sais pas si on le voit à l'écran, mais on voit le multiculturalisme à un un extrême, vraiment à une extrémité du... c'est tiré de votre mémoire. Complètement à l'autre bout, il y a l'assimilation, et puis là, bon, il y a... on parle du multiculturalisme, il y a l'interculturalisme, il y a l'intégration nationale, un petit peu de l'autre côté,la convergence culturelle et on se trouve un petit peu entre les deux. Puis ce n'est pas comme étant assis entre deux chaises, dans ce cas-là, je pense que c'est très confortable d'avoir un modèle qui peut être un peu hybride. Ceci dit, c'est un modèle qui est perfectible, c'est certain. On peut emprunter davantage la convergence culturelle, davantage l'interculturalisme. On peut préciser aussi puis s'assurer qu'on comprend bien les concepts de la bonne manière parce qu'on le voit, on l'a vu tout à l'heure, puis on va le voir encore, des fois, un même mot peut être interprété de diverses manières.

• (11 heures) •

Une chose qu'on assume, c'est que ça existe, la majorité québécoise. Clairement, on assume ça, que ça existe, la majorité québécoise et qu'il y a des groupes qui appartiennent davantage aux minorités. Ce n'est pas des groupes ostracisés, au contraire, ce n'est pas des groupes qu'on ne veut pas, c'est des groupes qu'on veut intégrer, qu'on veut rencontrer. Puis l'article 4 — je vais vous lire l'article 4 à vous et à tous ceux qui nous écoutent aussi — je pense qu'il va vraiment dans cette direction-là. On est dans Modèles et fondements, donc on est vraiment à la base du principe de l'intégration nationale. Article 4 : «Afin de favoriser l'adhésion et la contribution de tous — tous, c'est large, hein, c'est tous — à la culture commune, le modèle d'intégration nationale commande l'accueil et la pleine participation en français des personnes immigrantes et des personnes s'identifiant à des minorités culturelles et la mise... et mise sur l'interaction et les rapprochements entre ces personnes et celles s'identifiant à la majorité francophone.»

Donc, on a ici le concept... Vous avez parlé tout à l'heure de mixité, mais contrairement à certaines définitions qui relèvent de l'interculturalisme, mou dans ce cas-ci, puis je sais que ce n'est pas le modèle de M. Bouchard, là où on dit : On va mettre des gens en interrelation, mais sans poser le fait qu'il existe une culture commune, nous, on met des gens en interrelation, il y a de l'interculturalisme. On dit : Attention, il existe une culture commune, il existe une majorité qui accueille et qui a des devoirs. Est-ce que vous pensez que ce qui est sur la table en ce moment en fait assez pour arriver au fil des générations à une intégration qui serait réussie? Parce que je vois que vous parlez... vous faites des nuances qui ne sont pas dans un projet de loi, là, puis qui pourraient être dans une politique entre des gens qui viennent d'arriver, des gens, même, de première génération...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Roberge : ...mais qui sont ici depuis 20 ans, ce n'est quand même pas pareil que depuis 20 jours, puis des gens qui sont de deuxième génération. Bien, est-ce qu'on en fait assez pour qu'après 10 ans, après 20 ans, puis avec la deuxième génération, on ait une intégration réussie pour faire nation avec tout le monde ensemble?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui. Donc, merci pour la question. Effectivement, l'article 4 est important, puis on voit dans l'article 4, l'espèce de dialectique entre des éléments de convergence culturelle, des éléments d'interculturalisme. Donc, c'est bien... c'est bien ramassé, comme on dit, à l'article 4. C'est effectivement un article important, mais moi, j'ai presque envie de dire que l'article le plus important, pour des raisons un peu de légistique, c'est l'article 9, parce que ce qui va être important, c'est la politique qui va suivre la loi, je pense que M. Bouchard le disait bien tantôt, et vraiment l'article 9... Et là, là, il y a le pouvoir discrétionnaire de la politique «peut». Donc, moi, je préférerais que ce soit la politique «doit» plutôt que «peut», je ne suis pas sûr qu'on veut donner un pouvoir discrétionnaire aussi large. Je pense que, comme c'est le cœur du projet de loi, j'aurais tendance à ne pas consacrer un pouvoir discrétionnaire et y aller plutôt pour un «doit», parce que, là, le danger, c'est qu'au fil des gouvernements puis des changements de gouvernement, les alternances politiques, c'est normal, en démocratie, bien, un gouvernement puisse adopter une politique en mettant de côté, mettons, trois des six principes, trois des six paragraphes.

Puis là, donc, le modèle pourrait beaucoup varier selon les alternances politiques, alors... puis c'est normal, un peu, en démocratie, évidemment, mais ce qu'on souhaite, c'est qu'autant que possible, qu'il y ait un consensus puis que oui, qu'il puisse y avoir des variations en fonction des différents gouvernements, des changements de gouvernement, mais que ça fasse un minimum consensus. Un peu comme le multiculturalisme canadien : la politique, elle ne change pas beaucoup, que ce soit conservateurs ou libéraux. Donc, si, au Québec, on pouvait avoir un consensus assez large... Et là, si on mettait un «doit» à l'article 9, bien, peu importe la couleur du gouvernement, ces six ou sept principes-là, nous, on propose d'ajouter mixité, bien, à ce moment-là, ce serait forcément là.

Ça fait que ça, j'attire votre attention, quand vous parlez, là... est-ce qu'on en fait assez? Peut-être que l'article 9ouvre la porte à la possibilité qu'un gouvernement n'en fasse pas assez dans sa politique, en ayant le pouvoir discrétionnaire de ne pas traiter de tous ces sujets-là, qui me semblent tous importants. Puis nous, on en ajouterait un septième, qui est la mixité, ça nous semble très important, la mixité, c'est vraiment la base, parce que l'intégration, ça se définit comme la participation à des institutions communes fondées sur une langue commune. Donc, il faut que les nouveaux arrivants participent à des institutions où il y a d'autres nouveaux arrivants, de d'autres origines, mais aussi qu'il y a des gens qui sont là, de la société d'accueil, depuis plus longtemps, et ça, c'est beaucoup le concept de mixité, puis ça nous apparaît vraiment au cœur du cœur des défis du Québec puis de... Puis tout le reste va avec ça, j'ai envie de dire, là. Bien, s'il y a de la mixité, il y aura donc des interactions. S'il y a de la mixité, bien, les valeurs québécoises, les valeurs démocratiques risquent plus d'être partagées que si on a de l'isolement. Donc, vraiment, la mixité, ça m'apparaît être quelque chose de vraiment important qui mériterait d'être à l'article 9.

M. Roberge : Merci beaucoup. Puis, justement, tout de suite, on est dans la politique, article 9, article 10, «le gouvernement peut déterminer que la politique s'applique», puis, dans le deuxième alinéa, «des personnes morales, des entreprises dont une partie du financement provient de plusieurs organismes»... Ici, dans le dans le 10, la politique pourrait s'appliquer aux cégeps ou aux universités, comme vous le souhaitez, mais vous, vous proposez plutôt... je vois dans vos propositions, à la fin, d'ajouter carrément un article qui précise que tout établissement offrant le collégial, l'universitaire, bon, à l'exception des non agréés, doivent se doter d'une politique qui respecte l'intégration nationale. Donc, pour vous, c'est important que l'enseignement supérieur soit visé par la politique? Pouvz vous nous expliquez pourquoi, vous qui relevez de l'enseignement supérieur?

M. Rousseau (Guillaume) : Bien oui. Donc, effectivement, nous, tous les jours, on a des étudiants internationaux. Certains sont là de manière temporaire, mais d'autres vont vouloir rester au Québec après leurs études. Donc, ça, c'est beaucoup pour les deuxième, troisième cycles. Premier cycle, on a beaucoup, comme je vous dis, d'étudiants issus de l'immigration, mais de deuxième ou troisième génération. Donc, nous, on est à Sherbrooke, mais beaucoup de nos étudiants viennent de votre région, de Montérégie, puis, bien, il y a beaucoup de Québécois issus de l'immigration en Montérégie, puis il y en a même de Montréal qui viennent étudier à Sherbrooke. Donc, c'est une... c'est une réalité que, dans les cégeps et universités, il y a des immigrants qui arrivent pour une première fois, surtout aux cycles supérieurs, puis il y en a de deuxième ou de troisième génération qui sont plus nombreux que jamais au premier cycle.

Donc, c'est un lieu d'accueil, c'est un lieu d'intégration. C'est une de ces institutions communes où il y a cette participation, où on accueille les nouveaux arrivants. Donc, c'est probablement, là... toutes proportions gardées, c'est sans doute parmi les institutions au Québec qui ont le plus fort pourcentage de nouveaux arrivants. Les municipalités en ont, toutes les institutions québécoises en ont, mais, vraiment, cégeps, universités, vous... Il y a eu un projet de loi, il n'y a pas si longtemps, là-dessus, vous le savez bien. Donc, il y en a vraiment. C'est vraiment... Stratégiquement, là, après l'école, évidemment, l'école primaire, secondaire, ça, c'est le summum de l'institution commune qui favorise l'intégration, mais... immédiatement après école, ce serait vraiment cégeps et universités qui sont les institutions les plus stratégiques pour l'intégration nationale. Donc, de les voir pas inclus d'emblée, simplement une possibilité qu'ils le...

M. Rousseau (Guillaume) : ...ça ne me semble pas, vraiment pas l'idéal. Puis là, ensuite, comme je vous dis, là, probablement que mon recteur et d'autres recteurs vous répondraient que liberté académique, ils ne veulent pas que la politique s'applique à eux, d'où l'autre possibilité qui est de dire : Prenons le modèle de la loi 101 qui fait en sorte que les cégeps et les universités ne sont pas soumis à la politique linguistique de l'État, mais doivent se doter de leurs politiques en matière de langue française. Et je pense qu'en matière d'intégration nationale... puis là, ensuite, ils auraient des comités, puis, comme profs, bien, on pourrait participer à des comités, puis les étudiants seraient invités, puis on se dote de politiques adaptées à chacune des institutions, ça fait qu'il y aurait des avantages à ce que ce soit une politique par institution d'enseignement plutôt qu'une politique nationale qui s'applique. Et probablement que nos amis recteurs et directeurs généraux de cégeps préféreraient cette formule.

M. Roberge : Merci énormément. Je pense que j'ai des collègues, là, qui aimeraient beaucoup échanger avec vous.Donc, merci pour votre éclairage.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, il reste encore 5 min 50 s, et je reconnais la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci aussi aux étudiants d'être présents ce matin, c'est toujours apprécié. Vous savez, moi, à mes yeux, j'ai l'impression que l'interculturalisme, le multiculturalisme, ce sont deux visions très différentes, deux définitions très différentes. C'est sûr que lorsque j'entends que le multiculturalisme ressemble d'une certaine part à l'interculturalisme, ça m'a un petit peu surpris, là, je ne vous le cacherai pas ce matin, d'autant plus qu'il y a des limites aussi au multiculturalisme, hein, selon les valeurs prônées, etc., je pense qu'il y a... les limites, elles sont là.

J'aimerais peut-être vous entendre sur... au niveau du multiculturalisme canadien, au cours des 50 dernières années, quel a été l'impact sur le Québec?

M. Rousseau (Guillaume) : Donc, c'est une très bonne question. L'impact du multiculturalisme. C'est sûr qu'à la base la loi sur le multiculturalisme, c'est un peu comme... c'est une loi-cadre, donc ce que ça fait, c'est que toutes les institutions fédérales, un organisme de sécurité dans le nucléaire, ou dans l'armée ou quoi, doit adopter une politique de multiculturalisme. Donc, c'est vraiment... ça touche les institutions fédérales qui ne sont pas les plus nombreuses. Donc, ça a, en termes de concret au jour le jour sur le terrain, ça n'a pas un si grand impact, mais il y a un impact symbolique. D'avoir consacré le multiculturalisme, l'État fédéral nous dit : Bien, ce n'est plus le biculturalisme, donc ce n'est plus une culture de langue française, une culture de langue anglaise, c'est vraiment un multiculturalisme. Donc, ça, ça a un impact sur la reconnaissance, la non-reconnaissance de la culture de langue française comme étant une culture fondatrice. Ensuite, il y a quand même beaucoup de budgets. Je vous disais que sur le terrain, ça n'a peut-être pas tant d'effet, mais il y a quand même beaucoup de budgets, donc on encourage beaucoup des événements de communautés culturelles, sans nécessairement insister sur le fait qu'idéalement ça devrait être multiethnique, ça devrait être ouvert à tous, il devrait y avoir une place pour la langue commune au Québec. Donc, on n'a pas ça. Donc, essentiellement, ça a cet effet-là. Mais, ensuite, plus largement, au niveau symbolique, au niveau des messages qui sont envoyés, parce qu'une loi ce n'est pas juste un outil pour gérer des droits, c'est une expression de la volonté générale. Donc, le message que ça envoie, c'est un message de concurrence des modèles d'intégration. Donc, on envoie le message qu'au Canada, mais là pour les nouveaux arrivants, évidemment, le Canada, c'est... soit ils pensent au Canada en arrivant au Québec, donc le multiculturalisme, donc préservez votre culture d'origine. Alors là, on arrive au Québec, puis il faut, je pense, et c'est pour ça que le projet de loi est important, il faut vraiment renforcer notre modèle d'intégration, l'affirmer plus fortement parce qu'il y a une concurrence des modèles d'intégration. Si ce n'était pas le cas, qu'il n'y avait pas de modèle canadien applicable au Québec, ce serait bien différent. Et là on aurait... le projet de loi serait pertinent quand même, mais peut-être moins. Et là il l'est, il le devient encore plus. Je ne sais pas si vous vouliez...

• (11 h 10) •

M. Vallée (Vincent) : Bien, l'exemple des données que j'ai mentionné, c'est allé vite, je n'ai pas eu le temps de les montrer, mais j'ai des graphiques qui se trouvent dans le mémoire sur les fameux indicateurs, là, des enclaves ethniques comme ils l'appellent, où Montréal se distingue vraiment beaucoup, là. Ici, c'est Toronto avec les carrés rouge et orange. Ici, on a Vancouver. Donc, ça démontre une tendance qui avait déjà au Québec de s'opposer à cette politique-là qui semble s'installer en tout cas à Vancouver puis à Toronto. Puis ça va exactement dans le sens de ce que M. Rousseau, il dit, c'est que ce que ça fait, c'est que la politique du multiculturalisme, la loi sur le multiculturalisme s'applique au Québec, alors que, manifestement, ce n'est pas nécessairement ce que les Québécois souhaitent avoir. Puis ce n'est pas, je pense, que le consensus au Québec. Donc, le projet de loi-cadre ici vient clarifier cette différence-là, selon nous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. On va terminer cette ronde avec le député de Saint-Jean pour 2 min 6 s

M. Lemieux : Merci beaucoup. Mme la Présidente. M. Vallée, merci pour votre référence à Lord Durham et à l'assimilation, qui a besoin d'être mise en perspective par rapport à tous les concepts et la sémantique qu'on utilise pour ce débat-là.

Me Rousseau, je ne vous amènerai pas dans les modèles parce que j'ai essayé de faire un bout avec M. Bouchard, mais je ne me suis pas rendu avec M. Bouchard...

M. Lemieux : ...que je vais vous soumettre à vous. Moi, je pense que le modèle sur mesure, c'est le meilleur modèle. C'est ce que j'ai dit tantôt. La question, c'est que M. Bouchard nous a dit : La culture du Québec va changer, mais elle n'est pas en danger, inquiétez-vous pas, ça va bien aller. Oui, mais la langue française, elle, est en danger. Est-ce que... est-ce que le lien... parce que c'est le véhicule, tout le monde le reconnaît, tout le monde l'écrit, tout le monde le dit, tout le monde le bénit... est-ce qu'on n'a pas la responsabilité de regarder cette intégration nationale là avec encore plus d'acuité par rapport à la langue?

M. Rousseau (Guillaume) : ...absolument. Puis quand M. Bouchard dit que la culture québécoise va changer, bien, en fait, pour moi, c'est le sens de la convergence culturelle, parce qu'on invite les nouveaux arrivants à se joindre puis en acceptant qu'ils arrivent avec leur couleur, leur apport original. Donc, absolument, la culture québécoise va changer. Qu'elle ne soit pas en danger... En tout cas, moi, elle m'apparaît fragile. Quand on regarde les données récentes sur la consommation de produits culturels chez les jeunes, bon, bien, c'est beaucoup en anglais, c'est beaucoup la culture anglo-américaine, donc la consommation de contenu culturel québécois par les jeunes générations, c'est un défi. Alors, moi, dans ce contexte-là, je pense que la politique...

Puis une des forces du projet de loi n° 84, puis ça vient plutôt de l'influence de la convergence culturelle que de l'interculturalisme, c'est, justement, de mettre l'accent sur les arts, les lettres. Souvent, on oublie ça quand on parle de modèle d'intégration. On est, évidemment, dans les emplois, là, c'est superimportant, les institutions économiques, les institutions juridiques, tout le monde aient les droits, et tout, mais n'oublions pas que le multiculturalisme — c'est aussi sa force, en quelque part — mise sur les arts, les lettres, le folklore, et tout. Bien, il faut faire la même chose, nous, miser sur les arts, les lettres, le patrimoine. L'histoire aussi. On trouve que... l'histoire est mentionnée dans la définition de la culture, mais il faut mettre plus l'accent sur l'histoire. On a des amendements là-dessus.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine la première ronde de discussion. On se tourne du côté de l'opposition officielle. Vous bénéficiez de 9 min 54 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, MM. Rousseau et Vallée, merci d'être là. Permettez-moi également de saluer vos étudiants. J'imagine que c'est la cohorte qui est à l'arrière. Ils ont... ils ont le privilège, évidemment, d'assister à... au fonctionnement du Parlement, hein, une institution démocratique hyperimportante, en pleine action. Alors, je vous salue, bonjour.

J'ai... j'avoue... Pr Rousseau, vous m'avez un peu... un peu surpris. J'écoutais, en fait, la question de la collègue du gouvernement, la députée de Vimont, et, si je vous ai bien compris, pour vous, l'interculturalisme, dont parlait M. Bouchard, entre autres, mais pas uniquement M. Bouchard, n'irait pas assez loin. Et donc vous nous parlez ce matin de convergence culturelle, dont le projet de loi ne fait pas référence particulièrement, d'une façon spécifique. Cependant, le projet de loi parle, à son article 5, du creuset, dont nous a mis en garde M. Bouchard, mais, plus particulièrement, le ministre que nous. Est-ce que votre convergence culturelle, ça s'apparente au creuset, ou est-ce qu'il y a des distinctions et quelles sont-elles? J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, très, très bonne question. Puis, comme il en avait été question avec M. Bouchard, je me doutais qu'on... qu'on irait sur la question du creuset, donc c'est une bonne question. Pour répondre précisément à votre question, je vous réfère à notre graphique, à la page 12, auquel nous référait le ministre plus tôt. C'est-à-dire que, pour nous, donc, la notion de creuset, c'est beaucoup associé au melting-pot américain. En même temps, la notion de creuset est également utilisée en France, dans l'approche républicaine, qui est quand même un peu différente de l'approche américaine, donc on pourrait... on pourrait faire cette nuance-là. Mais, n'empêche, le creuset, c'est beaucoup associé au melting-pot.

Ça fait que nous, ce qu'on... comme vous voyez dans notre graphique, on place le melting-pot comme étant plus proche d'un bout du spectre, qui est celui de l'assimilation, alors que la convergence est plus au milieu. Donc, un peu la nuance qu'on pourrait dire, c'est que, dans le creuset, donc, les immigrants se fondent dans la culture majoritaire, et tout. Dans la... dans la convergence culturelle, on va beaucoup insister... oui, on souhaite une adhésion puis une participation, par les nouveaux arrivants, à la culture québécoise, mais on met beaucoup l'accent sur le fait que cette culture-là, elle évolue, elle change, elle s'enrichit.

Donc, on invite les Québécois venus de l'étranger à adhérer à la culture québécoise, mais aussi, à l'enrichir, à la transformer, puis l'accent est beaucoup mis là-dessus. Alors que, dans le melting-pot, on est peut-être plus dans : Fondez-vous. Un melting-pot, c'est... on veut qu'ils se fondent. Puis là, accessoirement, oui, la culture américaine, les influences de partout, mais... Autrement dit, c'est comme si la priorité n'est pas la même, c'est d'abord, fondez-vous, puis, accessoirement, si vous avez des petits apports originaux, tant mieux. Tandis que la convergence culturelle, les apports, les enrichissements originaux des Québécois venus d'ailleurs sont au cœur de la réflexion. Ça fait que je vous dirais que c'est ça, la différence.

Puis, comme vous voyez dans notre graphique, bien, la convergence culturelle est moins proche de l'assimilation...

M. Rousseau (Guillaume) : ...et plus vraiment au centre, entre les deux extrêmes, multiculturalisme, assimilation.

M. Morin : Oui, sauf que j'avais l'impression qu'en lisant sur l'interculturalisme, en lisant M. Bouchard, en lisant des documents qui ont été publiés par le Parti libéral, dont vous faites référence dans votre mémoire, notamment la politique du premier ministre Couillard, je n'ai pas vu des références à la politique de M. Bourassa des années 90, cependant, mais elle existe. Puis j'avais l'impression que l'interculturalisme, ça faisait exactement ce que vous venez de dire, donc, permettez-moi l'expression, qu'il y a une espèce de tronc commun. Évidemment, on va valoriser la diversité. On ne veut pas que les gens oublient ce qu'ils sont, mais, par ailleurs, on veut qu'ils adhèrent à un tronc commun de valeurs qui sont propres à la nation québécoise. Donc, j'ai... En tout cas, bref, vous, vous y voyez une différence, pour moi, c'est un petit peu moins clair.

Puis je vois sur votre graphique - je vous en remercie - la convergence culturelle se rapproche plus cependant de l'assimilation que d'une intégration nationale, et je vous remercie pour votre explication. Autre élément sur lequel j'aimerais vous entendre, j'en ai parlé dans mes remarques d'ouverture, le projet de loi, à mon avis, n'y fait pas du tout référence, c'est toute la question économique. Parce que, oui, c'est fondamental qu'un nouvel arrivant qui arrive ici parle français. D'ailleurs, il y en a, puis ça se fait, c'est fondamental, on est d'accord là-dessus. Mais il n'y a aucune référence, par exemple, dans le projet de loi, des chances égales d'emploi, des chances égales d'avancement. M. Bouchard parlait de racisme, c'est toujours un terrain glissant. Mais, si on ne veut pas que les gens se sentent exclus quand ils arrivent ici... Puis souvent dans l'emploi, puis on sait qu'au Québec, notre économie repose beaucoup sur les PME puis beaucoup sur des PME dans des régions.

Donc, pour moi, ça peut être un facteur d'intégration important parce que quelqu'un qui s'en va, par exemple, dans un village, dans une plus petite ville en région, où il y a une majorité de francophones, va devoir parler français puis, au travail, il va aussi parler français. Est-ce qu'on ne devrait pas, dans le cadre du projet de loi, inclure cette notion-là pour faire en sorte que l'État va venir aider tout le monde dans leur quotidien à vivre les valeurs puis à parler français? J'en ai parlé, moi, dans mon allocution d'ouverture, la francisation, là, présentement, il y a plein de ratés. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, sur toute cette composante-là économique qui n'est pas dans le projet de loi.

• (11 h 20) •

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, c'est une excellente question, puis la réponse pourra être complétée par mon collègue. Deux, trois éléments de réponse, vous avez raison, évidemment, sur l'importance, quand on parle d'intégration comme participation des institutions communes, des institutions économiques, l'emploi c'est vraiment à la base à l'intégration, vous avez raison. Maintenant, est-ce que c'est la place dans cette loi-là, considérant qu'il y a d'autres lois qui portent là-dessus, la Charte québécoise des droits contre la discrimination pour les chances égales. Il y a des lois sur l'accès à l'emploi équitable, et tout. Donc, est-ce que c'est, dans cette loi-là? On peut se poser la question, mais, si on voulait aller dans ce sens-là, à ce moment-là, il faudrait peut-être songer à appliquer la loi dans l'entreprise privée, et c'est ça la question que ça pose. Évidemment, c'est une loi-cadre, donc, en théorie, ce n'est pas fait pour ça. Mais, en même temps, on a le précédent de la loi 101, la loi 101, ça a été une des premières lois au monde, à dire : On va gérer la langue dans les entreprises privées. La Belgique ne faisait pas ça, la Suisse, personne ne faisait ça avant que le Québec décide de faire ça.

Donc, d'inclure une application, puis là ça peut être modulé, ce n'est pas obligé d'être les mêmes obligations pour une entreprise privée que pour un grand ministère. Puis là il y aurait vraiment des détails à travailler. Mais, sur le principe d'appliquer la loi à, d'une quelconque façon appropriée, à des entreprises privées ou, du moins, aux plus grandes d'entre elles, pas aux très petites, mais aux PME puis aux plus grandes, oui, c'est une vraie question. Puis si vous pouvez débattre de ça... a priori, je suis d'accord, mais je suis conscient que ça peut être complexe, mais je vous invite vraiment à réfléchir à ça, c'est une très bonne piste.

M. Vallée (Vincent) : Concernant le milieu économique, en fait, il y a des des données, comparent le Québec et l'Ontario par rapport au taux d'emploi. Le Québec a un taux d'emploi plus élevé pour les minorités visibles que l'Ontario. Puis c'est encore plus vrai pour les femmes qui se distinguent là-dessus. On voit aussi que les immigrants ont une tendance à rester plus longtemps, à avoir une meilleure adhésion à la société québécoise. Ça fait que, ça aussi, c'est un élément qui est important. Puis même qu'Ottawa l'a utilisé comme justification pour refuser des demandes du Québec parce qu'il y avait des gens qui restaient justement davantage. C'est dans le mémoire, justement, si vous voulez le voir. 

M. Morin : Oui, merci beaucoup. Dernier élément, parce que, ça aussi, j'en ai parlé dans mon allocution d'ouverture. Je n'ai pas vu dans le projet de loi, j'ai peut-être mal vu, il n'y a aucune référence particulière à l'histoire du Québec. Et, pour moi, il me semble que ça peut être aussi un vecteur d'intégration...

M. Morin : ...si les gens veulent s'intégrer dans la société québécoise, il faut qu'ils connaissent l'histoire de la nation avec lesquelles, bien évidemment, ils vont vivre. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, absolument. La seule référence est à l'article 3 quand on définit la culture commune comme étant caractérisée par un parcours historique. Donc c'est... Ça fait partie de la culture commune. Puis ensuite la culture commune est partout. Donc, indirectement, l'histoire est partout. Mais je pense que vous avez raison, ça mériterait vraiment d'être accentué. Nous, ce qu'on propose dans nos amendements, en annexe de notre mémoire, c'est vraiment d'y aller, là, aux articles 6, 7, donc vraiment les articles du projet de loi qui sont consacrés, évidemment, aux devoirs de l'État, aux devoirs de tous les Québécois et aux devoirs des nouveaux arrivants. Donc là on propose de les moduler. L'État doit en faire plus pour enseigner l'histoire. Les membres de la société d'accueil doivent aussi diffuser les connaissances sur l'histoire. Les nouveaux arrivants doivent, autant que possible, être encouragés à l'apprendre, même à y adhérer, à s'inscrire dans la continuité. Donc, vous avez raison, c'est d'autres amendements, mais je n'avais pas eu l'occasion d'en parler. Ça fait que merci pour votre question.

M. Morin : ...ma dernière question, mais je pense que c'est déjà dans vos amendements suggérés. Quand on regarde la loi fédérale sur le multiculturalisme, il y a une obligation pour les institutions fédérales. Ce n'est pas un «peut», c'est un «doit». Ici, le législateur utilise à 9, l'article 9, «peut». Il me semble, en tout cas personnellement, que ce n'est pas très contraignant. Vous en parlez. Je pense qu'un «doit» serait préférable.

M. Rousseau (Guillaume) : Absolument. Puis de manière générale, il pourrait y avoir plus d'obligation de parler de la mise en œuvre de la politique dans les rapports annuels des organismes qui sont visés. On pourrait. On pourrait renforcer tout le volet reddition de comptes, puis mettre plus de dents à la loi eu égard à ses mécanismes d'application. Puis, effectivement, à l'article 9, ce serait un «doit» qui serait préférable.

M. Morin : Merci beaucoup, messieurs.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. C'est ce qui met fin à cette deuxième période d'échange. On poursuit avec la deuxième opposition pour 3 min 18 s. Le micro est à vous.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. J'aimerais ça vous ramener au projet de loi puis aux articles modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne vous ai pas lu, là, à moins que je me trompe, dans le mémoire là dessus, notamment la modification à l'article 50. Et j'aurais aimé ça connaître votre perspective ou votre vision sur les impacts de cette modification-là, notamment à 21, là, qui viendrait ajouter un volet interprétatif de manière compatible avec le modèle québécois d'intégration nationale prévu par la loi. Quel effet, ça, ça pourrait avoir dans une potentielle future contestation judiciaire?

M. Rousseau (Guillaume) : À date, pardon, le libellé de l'article 9.1 de manière... puis des clauses interprétatives de la charte québécoise, de manière générale, n'a pas eu beaucoup d'impact sur la jurisprudence. Parce que ce que font les plaideurs, les juges, c'est que souvent ils vont reprendre la jurisprudence sous la charte canadienne, puis la plaider quand vient le temps de l'appliquer à un cas, puis souvent les deux chartes s'appliquent, là, puis c'est ce qui fait qu'on plaide la jurisprudence sur les deux, mais dans certains cas de litige de droit privé, bon, bien là, ça fait que la charte canadienne ne s'applique pas, mais s'il y a moins de jurisprudence dans la charte québécoise, on va quand même importer la jurisprudence de la charte canadienne, donc de common law dans un litige de droit privé québécois, ce qui est quand même problématique. Et il y a... Et normalement on devrait, comme plaideurs, puis les juges également, on devrait vraiment essayer de se référer au texte de la charte québécoise. Dans la tradition civiliste, on se rapporte beaucoup au texte du législateur et à son intention. Et à date, il n'y en a pas beaucoup dans la jurisprudence. Puis là on ajoute... La loi n° 21 l'a fait, la loi n° 96 l'a fait. Ça fait plusieurs fois qu'on modifie, mais la Cour suprême, encore dans l'affaire Ward, disait : 9.1, article 1, la clause de justification des limites, c'est la même interprétation. Donc, il faudrait... Je ne sais pas à quel point, systématiquement, les plaideurs du procureur général font l'effort de plaider la distinction dans la charte québécoise, mais... Donc, pour l'instant, ça ne donne pas de résultat, mais on en ajoute une couche. Puis peut-être qu'à la troisième, quatrième, cinquième couche de différence, avec 50, 9.1 et 43, on arrivera... Puis après ça, il faut la plaider. Donc, j'aurais tendance à dire que c'est bien. Ça risque de ne pas avoir d'effet, mais il faut continuer quand même.

M. Cliche-Rivard : Et j'en suis. Je pense effectivement qu'il faut qu'on donne vie et autonomie à notre charte québécoise, tout à fait. Ceci dit, c'est un document qui est quasi constitutionnel. On le reflète souvent, sauf qu'il n'y a pas de processus d'amendement tel que défini. Et là on vient en majorité simple modifier un document qui aurait probablement nécessité d'avoir une préséance législative supérieure. Qu'est ce que vous pensez comme ça des modifications à 50 % plus un du Parlement versus le processus d'amendement qu'on connaît dans la charte canadienne?

M. Rousseau (Guillaume) : Bien, donc, c'est un peu inévitable. C'est le principe de la souveraineté du Parlement. Donc, le Parlement qui a adopté la charte québécoise en 1975, n'est pas plus légitime que celui qui veut la modifier plus tard. Je comprends que ça a été fait à l'unanimité à l'époque, mais ça... Il n'y a pas de règle de droit qui empêche cette modification-là, mais ça pose la question d'une Constitution québécoise qui, le cas échéant, inclurait la charte québécoise et, le cas échéant, un processus...

M. Rousseau (Guillaume) : …de modification, donc rigide, une procédure rigide. Puis mon point de vue très personnel là-dessus, c'est que dans la… dans la constitution québécoise… bien, ça, c'est dans le rapport du comité, il devrait y avoir la Charte québécoise des droits, la loi 101, la loi 21, puis, à mon sens, et là c'est personnel, ce n'est pas la position du comité, la procédure d'amendement devrait être la suivante : Si vous voulez augmenter la protection du français, de la laïcité ou des droits de la Charte québécoise, 50 % plus un. Il y a les nouvelles technologies ou quoi, il faut… il faut se garder cette possibilité-là. Vous voulez diminuer la protection du français, de la laïcité ou des droits fondamentaux? Là, on devrait exiger une majorité qualifiée aux deux tiers. Donc, c'est ça, ma position de constitutionnaliste.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à cette portion, Mais nous allons terminer avec le député de Matane-Matapédia pour 3 min 18 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Félicitations pour les travaux de votre institut, que… je suis un abonné, je suis vos travaux avec beaucoup d'intérêt.

Vous avez parlé, d'entrée de jeu, de l'enseignement supérieur. Vous avez des propositions très concrètes. Nous aussi, il y a une convergence idéologique là-dessus, mais même pratique. Nous, on est d'avis que la Charte de la langue française devrait inclure le collégial, que c'est un facteur d'intégration, que ça contribue à poursuivre le parcours qu'on a fait au primaire puis au secondaire. Il y a encore même des mineurs au collégial, je ne parle pas de l'université, je leur laisse leur liberté, mais à tout le moins pour le collégial. Je pense même que, dans les réflexions du ministre, sur la laïcité, ça devrait s'appliquer aussi au collégial. Il apprendra en primeur maintenant, je révèle que ce sera une de nos positions. Alors, pouvez-vous utiliser le temps qu'on a pour nous préciser comment ça pourrait s'articuler, votre proposition pour le... pour le collégial, particulièrement?

• (11 h 30) •

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, donc essentiellement deux possibilités. Puis maintenant que vous me posez la question, ça me fait penser que, dans les deux possibilités, il y en a une qui est peut-être plus appropriée pour l'université, une plus appropriée pour le cégep, c'est-à-dire soit la politique nationale d'intégration nationale, donc, de l'État québécois s'applique aux cégeps et universités, ou soit on leur donne l'obligation sur le modèle de la loi 101, on leur donne l'obligation d'adopter leur propre politique, sous prétexte ou pour la bonne raison de la… de l'autonomie des institutions d'enseignement supérieur. Mais je pense que ce serait plus justifié de dire : On applique la politique de l'État aux cégeps, parce qu'ils sont plus proches de l'État québécois, historiquement, pour toutes sortes de raisons. Les universités, il y en a qui sont à charte privée ou quoi. Une autre des solutions possibles, que je n'avais pas évoquée dans le mémoire, mais vous m'amenez là, peut-être qu'on pourrait appliquer la politique nationale de l'État aux cégeps, parce qu'ils sont particulièrement importants, puis ils sont dans les régions, et tout, puis les universités, il y a une tradition d'autonomie. Puis là on pourrait obliger les universités à avoir chacune leurs propres politiques. Ça m'apparaîtrait peut-être un bon… une bonne façon de procéder.

M. Bérubé : On s'entend là-dessus, parce qu'on est convaincu, particulièrement, que les nouveaux arrivants, qui parfois arrivent plus tard, hein, ils peuvent arriver à 18 ans, à 19 ans, ils vont s'intégrer beaucoup à travers leur institution scolaire, donc collégial, universitaire. Ça, c'est important. Puis aussi pour tous ces enfants qui ont fait le parcours primaire et secondaire, il me semble que le collégial pourrait être une bonne continuité à l'âge où on devient adulte, on commence à s'intégrer un réseau d'amis professionnels, un lieu où on va exercer sa profession. On fait des choix d'adulte. Je vais appeler ça comme ça. Il m'apparaît que c'est une mesure pleine de bon sens que j'invite, depuis un bon moment, le gouvernement à adopter. Et je serais le premier à m'en réjouir s'il était d'accord avec votre idée d'assujettir, notamment, la chaire de la langue française… d'assujettir le collégial à la Charte de la langue française. Voilà, c'est tout, Mme la Présidente.

M. Rousseau (Guillaume) : Si le temps me permet…

M. Bérubé : Prenez ce qui reste.

M. Rousseau (Guillaume) : …peut-être ajouter à votre argument que c'est à l'âge de fréquentation du cégep souvent qu'on fait les premiers choix culturels. Est-ce qu'on lit un journal de langue française ou de langue anglaise le matin? Est-ce qu'on consomme plus de musique, de cinéma dans telle ou telle langue? C'est à cet âge-là qu'on prend ces habitudes qui se cristallisent pour la suite. Donc, c'est stratégique, le cégep.

M. Bérubé : Beaucoup d'appui, même Guy Rocher invite le gouvernement à aller dans ce sens-là. Alors, on est en bonne compagnie.

M. Rousseau (Guillaume) : Oui, Guy Rocher, qui avait été un des auteurs de la politique de développement culturel de 1978, où il y avait le concept de convergence culturelle.

M. Bérubé : Vous m'enlevez les mots de la bouche.

M. Rousseau (Guillaume) : Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, sur ces bons mots, c'est ce qui termine les échanges. Merci beaucoup professeur, ainsi que M. Vallée. Merci beaucoup aux élèves qui vous accompagnent. Ça démontre leur intégration aux travaux parlementaires, évidemment, au projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 32)


 
 

11 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 11 h 37)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Donc, pour terminer cet... ce premier avant-midi, nous recevons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui sont en visioconférence. Nous avons le président M. Philippe-André Tessier, la vice-présidente Myrlande Pierre, la conseillère juridique Geneviève St-Laurent, ainsi qu'un chercheur Jean-Sébastien Imbeault. Alors, mesdames, messieurs, vous avez 10 minutes pour votre présentation, 10 minutes au total. Et, par la suite...


La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : …ensuite, nous allons échanger avec les parlementaires. Alors, le temps commence maintenant pour vous.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci pour votre accueil. Juste rappeler, premièrement, que la commission a pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne. Je précise que, compte tenu du court délai avec lequel la commission a été convoquée aux présentes consultations particulières et contrairement à notre habitude, notre mémoire plus détaillée vous sera envoyée ultérieurement. Entre-temps, nous avons transmis une copie de nos notes de présentation pour faciliter vos travaux et les échanges.

Donc, simplement pour débuter que, dans un premier temps, pour notre mémoire, il faut souligner que le fait de consacrer un modèle d'intégration nationale, ce n'est pas en soi attentatoire aux droits et libertés protégés par la charte. La charte elle n'est pas attachée à un seul modèle d'intégration, mais il faut reconnaître que certains de ces modèles emportent des risques d'atteintes aux droits et libertés de la personne, alors que d'autres incluent des balises à cet égard, d'où la nécessité de s'attarder aux paramètres et aux modalités d'application du modèle d'intégration nationale proposé pour bien l'articuler avec la charte. Une telle articulation repose sur les principes reconnus qui viennent guider l'interprétation, l'application et la modification de la charte. Donc, placer la charte au cœur de ce modèle d'intégration nationale, ça implique d'expliciter cette articulation et de faire référence non seulement aux valeurs de la charte, mais évidemment aux droits et libertés reconnus à tous et à toutes.

C'est pourquoi nous recommandons d'ajouter un considérant au préambule du projet de loi qui soulignerait le rôle central et incontournable de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne dans l'élaboration et la consolidation d'un modèle d'intégration québécois garantissant à tous l'exercice des droits et libertés en pleine égalité. Je cède maintenant la parole à ma collègue pour la deuxième partie.

Mme Pierre (Myrlande) : Alors, la commission reconnaît que le projet de loi énonce certaines des caractéristiques du modèle d'intégration, pensons, entre autres, au principe de réciprocité en tant qu'assise de ce modèle, à l'article 2.

Alors, le modèle d'intégration proposé demeure toutefois imprécis, ce qui soulève des enjeux. À titre d'exemple, un considérant souligne que «les caractéristiques spécifiques de la culture commune ont amené la nation à développer un modèle unique de vivre ensemble», sans toutefois qualifier ce modèle unique. De plus, l'article 4 affirme que le modèle proposé se distingue du multiculturalisme canadien et qu'il s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des groupes ethnoculturels particuliers. Cependant, cette distinction par la négative et cette opposition ne permettent pas de définir le modèle retenu. La référence du préambule à la politique québécoise de développement culturel de 1978, au titre de fondement d'un modèle d'intégration fondé sur l'intégration culturelle, n'éclaire pas non plus complètement le contenu retenu du modèle de convergence culturelle.

• (11 h 40) •

La commission s'interroge par ailleurs quant à l'emploi par le projet de loi de la notion de creuset à l'article 5. Est-ce que l'emploi de cette notion dans le projet de loi ne laisse pas présager un recul par rapport aux types d'intégration qu'a promus et mis en pratique le Québec jusqu'à maintenant?

Alors, en somme, le projet de loi gagnerait à apporter de nombreuses précisions quant au modèle formalisé, notamment afin de mieux garantir l'exercice des droits et libertés à l'ensemble des Québécois et Québécoises, issus ou non de l'immigration, et afin d'inscrire ce modèle dans la continuité des politiques publiques en matière d'intégration qui ont su concilier la protection de la langue et la culture commune avec une orientation pluraliste respectueuse de la diversité.

Une telle orientation a impliqué le respect de la diversité interne à la société québécoise et le refus d'assimilation en témoignant d'une sensibilité en faveur du développement des échanges interculturels, tout en restant attentive par rapport à d'éventuels replis identitaires. Alors, cette constate recherche d'équilibre devrait se trouver au cœur du modèle d'intégration. C'est pourquoi la commission recommande que soient ajoutées les dimensions «pluraliste, inclusive et favorisant des relations interculturelles harmonieuses» aux caractéristiques de la culture commune qui sont précisées au premier considérant du préambule et à l'article 3.

La commission recommande également que l'article 6 du projet de loi sur les devoirs de l'État du Québec précise que celui-ci agit…

Mme Pierre (Myrlande) : ...de manière à encourager les rapprochements et les relations, les relations interculturelles harmonieuses.

Plus largement, c'est la définition de l'appartenance québécoise qui est en jeu. À partir de quand une personne est-elle considérée pleinement intégrée? L'amalgame entre personnes immigrantes et minorités culturelles, qu'on retrouve à plusieurs endroits du projet de loi, soulève en ce sens d'importantes préoccupations. Toutes les minorités ne s'inscrivent pas nécessairement dans un parcours migratoire. Cette association à nuancer peut, par exemple, laisser entendre que les personnes nées au Québec, scolarisées en français au Québec mais appartenant à une minorité ethnique, nationale ou autre, ne sont pas pleinement intégrées ou même qu'elles ne sont pas considérées comme des Québécois et Québécoises à part entière. La commission invite donc à préciser les différents articles du projet de loi qui associent les personnes immigrantes et les minorités culturelles afin de bien refléter leurs réalités propres.

Dans un autre ordre d'idées, il faut saluer que le projet de loi reconnaisse les devoirs de l'État permettant de contribuer à l'intégration et à l'épanouissement des personnes immigrantes. Il demeure cependant important que le gouvernement et la société d'accueil assument pleinement leurs responsabilités. Trop souvent, le fardeau d'intégration a dû être supporté par les personnes immigrantes elles-mêmes. Il importe donc que les devoirs de l'État du Québec, énoncés à l'article 6 du projet de loi, soient pleinement mis en œuvre.

Alors, la commission recommande que les devoirs et attentes attribués aux personnes immigrantes soient formulés en tenant compte de leurs droits à l'égalité, du contexte des processus d'intégration qui influencent la capacité de participation et d'apprentissage de ces personnes. Et rappelons, en ce sens, que, conformément aux principes énoncés dans la charte, l'Assemblée nationale a appuyé à l'unanimité, en décembre 1986, la déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales, par laquelle le gouvernement a condamné sans réserve le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes et s'est engagé à favoriser la pleine participation de toute personne au progrès économique, social et culturel du Québec.

Dans le même sens, la commission recommande d'ajouter à la lutte... d'ajouter au projet de loi la lutte au racisme et à la discrimination comme un fondement supplémentaire du modèle d'intégration prévu à l'article 5. Et donc la commission réitère, entre autres, sa recommandation visant à ce que le gouvernement adopte une politique de lutte contre le racisme et la discrimination systémique, qui devrait, de notre point de vue, aller de pair avec toute politique relative à l'intégration.

M. Tessier (Philippe-André) : Le deuxième ordre d'enjeux qui a été identifié par la commission, il porte sur les modifications que le projet de loi propose d'apporter à la charte, plus spécifiquement, premièrement, quant aux modifications envisagées au préambule et à l'article 50 de la charte. Pour s'assurer que de tels ajouts permettent de bien articuler le modèle d'intégration nationale avec la charte, la commission recommande que le respect du pluralisme de la société québécoise en tant qu'élément du modèle d'intégration québécois soit expressément mentionné dans les propositions d'ajouts au préambule et à l'article 50 de la charte, dispositions dites interprétatives. À cet égard, le législateur pourrait s'inspirer des éléments contenus au projet de loi no 493, Loi sur l'interculturalisme, présenté devant l'Assemblée nationale en 2019, plutôt que procéder par opposition à la notion de multiculturalisme.

La commission tient à souligner qu'elle a davantage de réserves quant à la proposition de modification à l'article 9.1 de la charte. En effet, il s'agit là d'une disposition fondamentale dans l'équilibre de la charte et qui doit permettre la mise en œuvre du principe selon lequel les droits sont indissociables et interdépendants, intimement liés. Il faut comprendre que cet article a été récemment modifié par le projet de loi no 96, devenu la loi 14, et les éléments contenus dans l'article 9.1 reflètent maintenant les modifications apportées dans les dernières années, soit les fondements du modèle d'intégration nationale, le français, la laïcité et la valeur démocratique. Ces éléments-là se retrouvent déjà à l'article 9.1. Et, compte tenu qu'une proposition de modification du préambule et de l'article 50, en plus, est proposée, cette... l'article 19 du projet de loi modifiant l'article 9...

M. Tessier (Philippe-André) : ...ne nous semble pas nécessaire dans les circonstances. Finalement...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Pour les propositions de modification de l'article 43, et je pourrai y revenir en questions, réponses, la proposition de remplacer «minorité ethnique» par «minorité culturelle» pose de nombreux enjeux. Et l'autre élément également est le fait que le fait de pouvoir vivre en français la pleine participation à la vie culturelle, cet article-là également a été bonifié à la charte par l'article 3.1 dans le projet de loi n° 96. Et je pourrai y revenir, Mme la Présidente, en questions et réponses.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va commencer maintenant la période de discussion avec les parlementaires, M. le ministre vos collègues du gouvernement, vous avez 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Effectivement, je comprends que ça a été un peu difficile d'arriver avec un mémoire aussi rapidement, parce que le projet de loi, pas qu'il y a des centaines et des centaines d'articles, mais on touche quand même au fondamental. Je suis très content que vous soyez ici avec nous virtuellement aujourd'hui, quand même, on apprécie l'occasion de vous entendre, puis d'échanger, puis on lira évidemment votre mémoire avec attention.

J'attire votre attention sur l'article… Excusez-moi, on vient de me le montrer, oui, c'est ça, sur l'article 5, quand on parle : «le modèle d'intégration repose sur les fondements suivants», donc dans les fondements. À l'alinéa 3 de l'article 5, on dit : «L'adhésion aux valeurs démocratiques, aux valeurs québécoises exprimées notamment par la Charte des droits et libertés de la personne, dont l'égalité entre les hommes et les femmes.» Le fait qu'une référence claire et nette à la charte figure dans les fondements, est-ce que c'est de nature à vous rassurer ou est-ce que vous trouvez qu'on devrait y référer peut-être à d'autres endroits de la loi aussi?

• (11 h 50) •

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, effectivement, oui, on avait constaté cet élément-là, M. le ministre. Et puis, ce qu'on veut souligner, et puis c'est un peu le sens de notre première recommandation, c'est que, dans le préambule du projet de loi n° 84… que le rôle central de la charte... Donc, on place finalement la charte au cœur du projet de loi sur l'intégration nationale. D'ailleurs, ça, ça fait écho aussi au rapport qui a été présenté au ministre de la Justice, l'automne dernier, par les coprésidents Proulx et Rousseau, où on venait dire que les éléments constitutifs ou les éléments constitutifs du modèle retenu au Québec, bien, c'est un modèle… un modèle qui était basé sur les droits et libertés qui sont contenus à la charte, puis, je le précise, pas simplement sur les valeurs contenues à la charte, parce que la charte est considérée comme étant le reflet des valeurs démocratiques de la société québécoise, mais elle contient également des droits. Et donc c'est cet élément-là, quant à nous, qui pourrait être bonifié dans le projet de loi. On ne nie pas le fait que c'est déjà mentionné à l'article 5, vous avez parfaitement raison, mais on propose, on suggère, en tout respect, un ajout dans le préambule pour que ce soit encore plus robuste.

M. Roberge : O.K. Donc, on l'a dans les fondements. Vous souhaiteriez le voir d'une manière quelconque dans les… dans le préambule, puis ce sera peut-être, justement, l'objet de votre mémoire, si vous êtes capable de nous formuler des propositions sur des… la meilleure manière de l'intégrer. On lira ça avec attention. Tant mieux, tant mieux. Des fois, ça peut être une bonne idée, même, d'avoir le mémoire après la présentation. Parce que vous allez vouloir intégrer des suggestions, des propositions que la commission pourra reprendre.

Vous avez mentionné, rapidement, dans votre présentation, tout à l'heure, vous avez mentionné, vous avez souligné le fait qu'on parle du caractère de réciprocité à l'intérieur du projet de loi n° 84, c'est-à-dire qu'on ne met pas le fardeau, là, de l'intégration simplement sur les nouveaux arrivants. Est-ce que vous croyez que, dans le projet de loi, c'est important? Est-ce qu'on doit le maintenir? Est-ce qu'on doit le renforcer, cette notion de réciprocité, à trois, hein? Quand on regarde dans la loi comme il faut, on parle de trois… je vous dirais, trois… triple responsabilité, donc les nouveaux arrivants, le gouvernement, puis les Québécois eux-mêmes qui sont déjà sur le territoire. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Tessier (Philippe-André) : Ma collègue pourrait…

Mme Pierre (Myrlande) : Oui. Bien, écoutez, la question de la réciprocité, effectivement, apparaît dans le projet de loi. Ce qui importe à la commission, c'est effectivement une responsabilité partagée, l'intégration, mais la commission insiste bien sûr sur le rôle de l'État, le rôle de l'État dans la mise en oeuvre…

Mme Pierre (Myrlande) : ...la mise en œuvre, par exemple, de ce modèle d'intégration nationale. Donc, je pense que ou la commission pense, essentiellement, qu'on peut renforcer cette notion de réciprocité mais aussi l'articuler dans sa mise en œuvre, quelle va être justement la responsabilité de l'État. Et vous le mentionnez... vous le dites bien, M. le ministre, c'est une responsabilité partagée. Et donc comment maintenant l'État va jouer pleinement son rôle pour s'assurer d'une pleine intégration et une pleine participation des personnes immigrantes, mais des personnes racisées, des personnes issues de l'immigration? Et on parle également... Par exemple, on a insisté aussi, hein, sur le fait de ne pas faire l'amalgame entre personnes immigrantes et personnes issues de l'immigration, parce que ça fait appel parfois, dans certaines communautés, à la deuxième, troisième ou quatrième génération. Alors, oui, cette réciprocité, elle est importante dans le projet de loi, mais maintenant c'est comment, ça s'articule dans sa mise en œuvre effective.

M. Roberge : Merci beaucoup pour cette réponse. J'ai plusieurs collègues, je pense, qui veulent échanger avec vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais reconnaître la députée de Vimont. Il reste encore 10 min 50 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames messieurs. Merci d'être présents. On parle... Bien, c'est sûr que le sujet des droits de la personne, le respect justement des droits de la personne est extrêmement important. J'aimerais par contre vous entendre de quelle façon maintenant on peut parler de culture et puis de valeurs québécoises, dans le respect justement des droits de la personne.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, assurément, on peut parler du cadre de la charte, puis c'est un petit peu l'objectif qui est le nôtre. Lorsque l'on traite de ces questions-là, il faut comprendre que l'intégration, ce n'est pas que l'intégration culturelle, c'est l'intégration socioéconomique, c'est l'intégration qui a de multiples facettes, et tout ça, bien, ça doit se faire dans un contexte où le gouvernement lutte activement contre le racisme et la discrimination, parce qu'assurément une intégration va être beaucoup moins efficace, va être beaucoup moins partagée, oui, on va être beaucoup moins accueillants si on ne déploie pas, comme État, des leviers pour lutter contre le racisme et la discrimination, ce qui veut donc dire se rattacher aux principes et aux règles contenues dans la Charte des droits, qui est le principe d'égalité réelle, donc le droit à la non-discrimination. Donc, comme... comme acteur, l'État va... doit se rattacher à ces principes-là qui sont consacrés dans la charte québécoise des droits et libertés. Et c'est pour ça que je le redis, un des messages qu'on veut... c'est : Il faut que ce projet de loi là d'intégration nationale capture cet élément-là très clairement, qu'il ne peut pas faire l'économie de l'ensemble de la vie des personnes immigrantes ou, comme l'a dit ma collègue, des personnes issues de l'immigration, choses bien, bien différentes, qu'elles doivent pouvoir vivre, dans la société québécoise, libre de racisme et de discrimination. C'est ça aussi, une des conditions gagnantes, excusez l'expression, d'un modèle d'intégration réussie.

Mme Schmaltz : Bien, justement, je vais un peu rebondir sur votre réponse. C'est quoi, les défis, les enjeux principaux que l'on rencontre justement chez les gens immigrants à ce niveau-là?

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être ma collègue veut compléter. Le micro, le micro.

Mme Pierre (Myrlande) : Il y a plusieurs éléments, Mme la députée, plusieurs éléments qui touchent l'intégration socioéconomique. Par exemple, en emploi, du droit... l'égalité en emploi, l'accès à l'égalité en emploi nous apparaît quelque chose de fondamental. Par exemple, la commission a le mandat d'assurer le suivi de la loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, par exemple. Alors, oui, la dimension socioéconomique, mais c'est aussi une condition... c'est... En fait, le travail, comme l'intégration socioéconomique, ce sont des leviers pour réaliser l'idéal social, justement, de la pleine intégration et de la pleine participation des personnes immigrantes mais, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, des personnes qui sont issues de l'immigration ou des minorités dites racisées, par exemple, qui sont confrontées encore, dans le domaine de l'emploi et dans d'autres secteurs d'activité, à des questions de discrimination et, d'autre part, de racisme...

Mme Pierre (Myrlande) : ...donc il faut que... le modèle d'intégration nationale que l'on propose doive aller de pair avec des mesures pour lutter pleinement contre les discriminations, contre toutes les formes de discrimination, dont le racisme, qui en est une déclinaison.

M. Tessier (Philippe-André) : Si je peux me permettre de juste compléter, un petit élément, il ne faut pas oublier l'accès à la francisation, également. Donc, on parlait d'intégration socioéconomique et d'intégration culturelle. Donc, c'est tous ces éléments-là qui font... qui participent au parcours d'intégration et qui sont des éléments clés. Et tout ça, bien, évidemment, maintenant, et c'est très clairement établi, le modèle que la charte met de l'avant, bien, c'est un modèle qui est basé sur le français, la laïcité, l'égalité hommes-femmes, les valeurs démocratiques. Tous ces éléments-là sont contenus dans la charte. Donc, je reviens, là, sur : il faut vraiment bien arrimer ces deux éléments-là ensemble, la charte et la Loi sur l'intégration nationale.

Mme Schmaltz : Je vous remercie. Vous avez entièrement raison. Je vais laisser mon collègue.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, je reconnais le député de Saint-Jean. Il reste encore 6 min 12 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, on n'en sort pas, on parle toujours de modèle. J'ai bien peur que ça va être comme ça toute la semaine : modèle d'intégration. L'affaire, c'est qu'on veut en sortir, du multiculturalisme, qui est le modèle sous lequel on vit par la force des choses et de l'imposition de cette politique-là par le gouvernement du Canada il y a très longtemps. Donc, on est en train de parler d'interculturalisme, de convergence, de... bon. Est-ce qu'il y a un modèle sur la base purement théorique, qui est plus... pas convenable, mais qui vous sied mieux, en termes de votre posture, par rapport à votre perspective de ce que ça va donner? Autrement dit, sans vouloir le dire dans ces mots-là, est-ce qu'il y a quelque chose qui est plus respectueux des droits de la personne dans l'un ou l'autre des modèles? On oublie l'assimilation, qui n'est pas un modèle mais qui est au bout du vecteur, puis, de l'autre côté, il y a la ségrégation, qui n'est pas beaucoup mieux. Mais, entre les deux, il y en a beaucoup. Nous, on est en train de s'en faire un un peu sur mesure.

Est-ce que vous allez me répondre que le multiculturalisme, c'était parfait, merci beaucoup. on a vécu avec, on peut continuer? Pas sur sa valeur d'intégration, mais sur sa valeur de respect des droits.

• (12 heures) •

M. Tessier (Philippe-André) : Je ne sais pas si ma collègue veut débuter, je peux compléter.

Mme Pierre (Myrlande) : Oui. Bien, écoutez, comme on l'a précisé au tout départ, il y a des modèles, effectivement, qui prennent en compte le cadre de la Charte des droits et libertés. Si on réfère aussi à la littérature, bien, on... les experts, tu sais, présentent, par exemple, l'interculturalisme québécois, qui institue, comme mon collègue l'a bien mentionné, le français comme langue commune, les rapports interculturels, mais aussi une orientation pluraliste et soucieuse de la protection des droits et donc... et met l'accent notamment, en particulier, sur l'intégration et la pleine participation, et préconise la pratique des interactions. Donc, lorsqu'on parlait, là, justement de repli identitaire, bien, ce modèle-là, justement, présente tous les... des paramètres qui peuvent permettre la pleine participation des personnes immigrantes mais aussi des personnes issues de l'immigration. Alors, on ne veut pas nécessairement s'attarder sur un modèle en particulier, mais clairement il y a des modèles, je réfère ici à l'interculturalisme, qui prennent en compte la question des droits et de la protection des droits de la personne. Et ça, on le retrouve clairement dans la littérature. Alors, voilà.

M. Tessier (Philippe-André) : Puis, peut-être juste pour compléter, M. le député, simplement pour dire que tout ça, bien, évidemment, ça s'inscrit dans une continuité, là, on ne part pas de zéro ici, là. Donc, ces discussions-là... Puis, je pense, M. le ministre l'a dit dans... tout à l'heure, donc, il y a eu de nombreux échanges, vous avez eu la chance d'entendre M. Bouchard ce matin, M. Rousseau, je veux dire, il y a des travaux. Puis notre mémoire pourra aussi venir bonifier un peu cette ligne du temps, là, tous les travaux. Ma collègue a fait référence à une déclaration de 1987 du gouvernement du Québec, on... Donc, il y en a eu, des prononcés, des réflexions, des politiques, des discussions. Là, ce qu'on vient ici, c'est mettre dans une loi, puis ça... Bien, encore, là, on le dit, nous, on n'a pas de problème avec ça, ce qu'on dit, c'est que ce projet de loi là, il doit se faire en étroite articulation avec le principe de la charte québécoise des droits et libertés.

M. Lemieux : O.K. Si on épure un peu, parce qu'il y a beaucoup de choses dans le projet de loi, là, puis qu'on part du principe que la langue officielle et commune du Québec, c'est le français, puis que le projet de loi dit : Il faudrait que la culture commune soit celle qui est prônée par le projet...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Lemieux : ...d'intégration nationale. À partir de là, est-ce que ça, le principe de ça, ça pose problème ou est-ce que c'est comment ça va être opérationnalisé, entre guillemets, qui peut risquer... Parce que c'est là où je ne vois tout de suite pas de dérapage, mais une réticence de votre réaction quand j'écoute ce que vous nous avez dit.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, assurément, M. le député, la question va être de... puis on l'explicite brièvement dans nos notes d'allocution, puis on pourra y revenir un peu plus en détail dans notre mémoire, mais assurément le... tout le défi du projet de loi, puis c'est... je ne pense pas qu'on est le seul intervenant à le dire, c'est qu'évidemment on établi certains grands principes d'un modèle et il va y avoir beaucoup, beaucoup de nuances, beaucoup d'éléments apportés tant à la fois dans la politique et dans le règlement. Donc, ces éléments-là d'incertitude, c'est aussi une des raisons pourquoi on a beaucoup de réserves sur les ajouts à la charte québécoise elle-même parce qu'on vient un peu conditionner le texte de la charte à une politique et un règlement à venir, mais, si vous vous rappelez, la charte, c'est la loi quasi constitutionnelle du Québec, c'est une loi fondamentale, puis on vient un peu de l'assujettir à une interprétation réglementaire ou politique. Donc, d'un point de vue de hiérarchie des normes, là... puis désolé de mettre mon chapeau d'avocat, mais c'est un petit peu particulier comme façon de fonctionner. Et donc, nous, c'est pour ça qu'on sensibilise le législateur que vous êtes à dire : Attention! Lorsqu'on vient préciser des éléments comme ça dans la loi, bien, si on fait un renvoi réglementaire, bien là, à ce moment-là, on se retrouve à un peu conditionner l'interprétation. Donc, c'est pour ça que nous, on fait preuve de prudence dans modification de la charte elle-même.

M. Lemieux : Oui. Je ne suis pas avocat, moi, je ne suis pas avocat, mais je comprends la différence entre une loi-cadre et une loi ordinaire, alors, à quelque part, on s'entend. Là où je voulais en venir, c'est que, si la langue officielle et commune du Québec peut être le français, il peut y avoir une culture commune en français.

M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être ma collègue...

Mme Pierre (Myrlande) : Mais ce que vous dites, M. le député, est tout à fait louable, mais il faut, quand... il faut appréhender l'intégration dans toutes ses dimensions. Elle ne repose pas sur uniquement la dimension culturelle. Donc, on parlait de l'intégration sociale, économique...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, je dois vous arrêter. Malheureusement, cette première round de discussions est terminée. On va poursuivre avec l'opposition officielle qui bénéficie de 12 min 23 s. Le temps est à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames messieurs, bonjour. Merci, merci d'être là avec nous, puis il nous a aidés dans nos travaux. Moi, d'emblée, je vais vous partager, comment dirais-je, un inconfort que j'ai eu en lisant le projet de loi, je vous le partage, j'aimerais avoir vos lumières là-dessus, vous y avez... vous y avez fait d'ailleurs référence dans votre exposé, et je vous réfère à l'article 19 du projet de loi qui réfère à l'article 9.1 de la charte québécoise, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Mon inconfort vient de ceci. Il me semble que l'article 9.1... et corrigez-moi si je fais erreur, mais c'est un peu l'article de la charte qui fait en sorte que, si jamais il y avait une discrimination à un droit énoncé dans la charte, le gouvernement pourrait développer un argumentaire en disant : Bien, écoutez, ça... il y a un besoin réel, urgent, etc. Donc, ça peut être justifié. Et il y a des éléments qui sont énoncés à 9.1, dont éventuellement les tribunaux ou la commission auront... pourront s'y référer pour interpréter les dispositions législatives. Où je suis un peu embêté, c'est qu'on veut y rajouter le modèle québécois d'intégration nationale, qui par ailleurs est, pour moi, à ce jour, un concept qui est flou. Donc, quand à 9.1 on fait référence à d'autres types d'éléments comme la langue française, bien, la langue française, ça, c'est clair, c'est... on sait ce que c'est, là, ça, ce n'est pas un problème, mais le modèle québécois d'intégration nationale, ce n'est pas évident.

Donc, est-ce que le gouvernement pourrait utiliser, évidemment, 9.1 pour dire : Oui, oui, nos actions sont justifiées, s'il y a un impact sur un droit? Bon, à ça, je voudrais vous entendre là-dessus parce que le concept est flou, et ça, vous y avez fait référence tout à l'heure, mais j'aimerais vous entendre davantage, et parce que... Je comprends que la loi réfère à une politique éventuelle et à un règlement, et donc est-ce que la charte serait soumise à un règlement et à une politique...

M. Morin : ...ce qui m'apparaît un petit peu étonnant en termes de poids de la législation, si vous me permettez de m'exprimer ainsi. Et évidemment, M. le ministre le disait, on n'a pas encore lu votre mémoire. Donc, c'est intéressant parce que, là, on a un dialogue, vous allez pouvoir le moduler en conséquence. Mais je dois vous dire que ce volet-là m'interpelle particulièrement, puis j'aimerais avoir vos lumières là-dessus.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, merci, M. le député. Parce qu'effectivement, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, c'est une question qu'on... Juste pour préciser quelque chose, là, il faut comprendre que... Puis c'est une des choses qu'on tente de faire dans nos notes d'allocution, là, dans le texte qu'on vous a déposé ce matin, puis qu'on va venir bonifier dans le mémoire, c'est un peu de venir dire : Voici les éléments, voici les paramètres qu'on doit... que doit contenir un modèle d'intégration nationale. Donc, c'est sûr et certain que si on vient le définir à la positive plutôt que par opposition à ce n'est pas du multiculturalisme, ce qui est le texte extrait de la loi, nous, ce qu'on appelle, c'est d'avoir comme législateur une interprétation positive, de venir bien créer c'est quoi les balises du modèle d'intégration nationale, sans être obligé de faire référence à un autre modèle, que ce soit le multiculturalisme ou tout autre modèle, si on veut. Voici notre modèle au Québec. Donc, à ce moment-là, déjà, en partant, il y a aussi cette imprécision-là, cette certitude... cette incertitude-là, pardon, elle est moins grande.

Deuxièmement, pour ce qui est de l'article 9.1 que vous avez, vous avez parfaitement raison, mais ça, là-dessus, c'est plus une question à ce moment-là, pour nous, d'équilibre et de cohérence de l'outil qu'est la Charte des droits et libertés de la personne. C'est qu'il faut comprendre, et la commission le dit bien, d'avoir une disposition interprétative. Donc, l'article 50, le préambule, de venir dire que la charte doit être interprétée de façon cohérente ou conforme à la loi. À la Loi sur l'intégration nationale, comme je le disais, il y avait une interprétation de ce type-là qui était proposée à l'article 50.2, tel que proposé dans le projet de loi n° 493, déposé par Mme Catherine Fournier, qui était député alors, là, de Marie-Victorin. Donc, ça, c'est un libellé positif qui vient dire: Bien, voici, c'est quoi, le modèle, puis voici les dispositions interprétatives à la charte. Donc... Et on comprend pourquoi, parce que ce qu'on veut faire, c'est l'équivalent, c'est l'équivalent de 27 de la charte canadienne, donc l'article qui consacre le multiculturalisme.

Ça, tout le monde le comprend bien. Et puis nous, on ne pose pas un enjeu quant à ça. C'est vraiment dans le libellé qu'on veut revenir. Alors que pour 9.1, bien, c'est la disposition qui a été ajoutée en 1982 par le gouvernement de M. René Lévesque lorsqu'on a conféré une suprématie de la charte québécoise à toutes les autres lois québécoises. Mais il a fallu prévoir un levier, donc, qui interprète tous les droits prévus, 1 à 9, les droits et libertés fondamentales en conformité avec le bien-être, l'ordre collectif, donc, les valeurs démocratiques. Et là, en plus de ça, récemment, c'est ça que je dis, on a ajouté laïcité et on a ajouté valeur de la langue française.

• (12 h 10) •

Donc, 9.1, dans les faits, il contient déjà valeur démocratique, il contient déjà bien-être, ordre public, il contient déjà français et contient déjà laïcité. Et là on ajoute l'intégration nationale. On dit ce n'est pas la... Avec égards, ce n'est pas le bon endroit. Et si on fait une disposition... très bien, il n'y a pas de problème. Mais là on se retrouve... Le législateur ne parle pas pour rien dire, on retrouve un doublon à 9.1, même un triplon, un quadruplon puis on se pose la question pourquoi, si on a déjà valeurs démocratiques, laïcité puis langue française à 9.1, quelle est l'utilité de l'intégration nationale? C'est un peu ça, l'argument qu'on va développer un peu plus amplement dans notre mémoire.

M. Morin : Bien, je vous remercie, Me Tessier, parce que je suis... je suis d'emblée d'accord avec vous, là. Évitons, évitons les doublons. J'essaie aussi dans ma vie d'être très positif. Alors, je pense que ce serait préférable que le gouvernement définisse l'intégration et l'interculturalisme d'une façon positive par rapport plutôt que de dire que c'est distinct de quelque chose d'autre. Je pense qu'on a juste à affirmer ce qu'on est puis ce qu'on veut faire. Puis ça va être bien correct comme ça. Moi, personnellement, je pense qu'on devrait. On devrait y aller de cette façon-là. Alors, je vous remercie. Puis, écoutez, on va attendre votre mémoire avec beaucoup, beaucoup d'attention.

Autre chose. Ça, j'en ai parlé depuis le début ce matin. Dans le projet de loi, il n'y a pas... Il n'y a aucune référence à un volet économique, aucune référence à l'emploi, il n'y a aucune référence à des chances égales d'emploi ou d'avancement. J'ai posé la question, au Pr Rousseau puis on lui a parlé du public-privé, mais parlons dans un premier temps du public. Il me semble que si on veut parler d'intégration, la langue, c'est fondamental, la langue française, clairement. Mais après ça, une fois que la personne est ici, puis elle parle français, elle veut travailler, c'est comme ça qu'elle va s'intégrer dans son milieu de travail. Est-ce que vous pensez que c'est un élément qui devrait être ajouté?

Mme Pierre (Myrlande) : Pour nous, M. le député, ça nous apparaît vraiment fondamental. On référait tout à l'heure à une compréhension de l'intégration dans toutes ses dimensions. Et le travail, et ça, les études, les rapports mêmes du gouvernement...

Mme Pierre (Myrlande) : ...du gouvernement du Québec le démontrent clairement, le travail, l'intégration économique, socioéconomique constitue un levier essentiel à l'intégration, à la pleine participation et aussi à la participation à définir aussi ce qu'on souhaite comme société, donc participer aux orientations mêmes de la société québécoise. Alors, oui, le travail constitue un levier essentiel, fondamental pour assurer justement un égal accès, justement, aux ressources, mais aussi à l'emploi. Alors, oui, essentiellement, ça devrait, du point de vue de la commission, apparaître comme un élément également central dans le projet de loi.

M. Morin : Écoutez, je vous remercie. On a... Je vais avoir hâte de lire ça dans votre mémoire également, c'est génial. Merci.

Autre élément — j'ai posé la question au professeur Bouchard : dans les considérants, il y a une référence aux Premières Nations et aux Inuits, notamment en reconnaissant qu'ils sont les premiers habitants du pays, leur droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et leur culture dans une loi sur l'intégration nationale du Québec. Je me demandais si ça allait assez loin ou si même ça devrait être là, carrément. Parce que, si on dialogue de nation à nation, s'ils sont les premiers habitants puis ils ont leur culture propre, est-ce que ça, c'est suffisant? Est-ce que... Parce que je ne voudrais pas non plus qu'on ait une attitude que le professeur Bouchard qualifiait de «coloniale» à leur égard. Est-ce que ça devrait apparaître là? Puis, si oui, puis si vous pensez que c'est une bonne chose, est-ce qu'on devrait en dire plus? Parce qu'il n'y a aucune référence à la Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, qui est beaucoup plus complète, puis pourtant qui a d'autres éléments de leur culture et de leur langue, et il y a quand même une motion de l'Assemblée nationale qui l'a adoptée à l'unanimité.

Donc, j'aimerais vous entendre là-dedans, parce qu'évidemment... Et on a des membres des Premières Nations qui vont venir témoigner. Mais, d'un point de vue de la commission, je trouverais ça intéressant de vous entendre là-dessus.

M. Tessier (Philippe-André) : Si je peux me permettre, là, puis c'est ça aussi... dans le temps imparti que nous avons eu, là, ce n'est pas un élément qu'on a beaucoup creusé. Ce sont des questions que vous posez qui sont des bonnes questions sur quelle est l'articulation, effectivement, entre un modèle d'intégration nationale, lorsqu'on reconnaît... Puis le Québec a reconnu les nations autochtones dès 1984 par une résolution unanime de l'Assemblée nationale, donc il y a beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts depuis. On a parlé de sécurisation culturelle, il y a un projet de loi qui vient d'être adopté qui reconnaît ces éléments-là. Donc, il y a toutes sortes d'éléments sur lesquels on va se pencher, on va regarder.

Peut-être, si je me permets de glisser ou de répondre indirectement à votre question, là, c'est de parler de l'article 43. L'article 43 de la charte, aussi, est modifié dans le projet de loi, puis nous, on s'est interrogés au sens de ça, parce que 43, il est là parce que les conventions internationales que le Québec a ratifiées dans son droit interne... Je nomme spécifiquement la... On n'y pense pas, mais la Convention relative aux droits de l'enfant prévoit explicitement ce droit-là. Bien là, on vient déroger à ce vocabulaire-là, qui a un sens précis, pour y introduire la notion de «minorité culturelle» versus «minorité ethnique», et ça aussi, ça pose la question : Est-ce que ça inclut les autochtones? Là, on se retrouverait à inclure...

Donc, d'un... de notre côté, là, c'est quelque chose qu'on va regarder, qu'on va creuser, parce qu'on a des interrogations sur ce changement de vocabulaire là, qui peut paraître anodin à 43, mais qui ne l'est pas lorsqu'on fait juste le creuser un peu et qu'on regarde un peu en droit international ce qui est dit. Ces éléments-là, je vous le dis, là, sont dans le Pacte international... droits civils et politiques, mais sont également dans la Convention relative aux droits de l'enfant puis toutes sortes d'autres conventions aussi qui sont rattachées.

Et on a... on sent un... peut-être un glissement au deuxième alinéa sur la participation : là, on a un... plus un droit à la participation culturelle qui, lui aussi, est un élément consacré par le droit international. Il y a d'ailleurs eu un rapport qui a été remis au ministre de la Culture et des Communications, je pense, ou de la... - je ne me rappelle plus si c'est le titre exact du ministre, mais le ministre de la Culture - sur la question de la découvrabilité culturelle, la pleine participation. Donc, nous, ces éléments-là, on dit : Attention, il y a des considérations, là, ici, autres à entrer en ligne de compte, d'autres travaux, d'autres mémoires, d'autres recommandations qui ont été faites pour la pleine participation culturelle, parce que la participation à la... droit à la culture, ce n'est pas un droit d'une minorité, c'est un droit de tous. Tout le monde a droit à la culture, pas juste les minorités.

Donc, il faut faire attention de ne pas faire dire à 43 ce qu'il ne veut pas dire, là. Puis je m'excuse si ça a été une longue explication...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En terminant.

M. Tessier (Philippe-André) : ...c'est un élément quand même important.

M. Morin : Non, au contraire. En terminant, je vous remercie, parce que vous voyez tous les enjeux et les questions que j'ai moi-même, quand j'ai vu ça là. Donc, évidemment, j'apprécie votre expertise, et on a hâte de vous lire. ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...alors on termine nos échanges avec la deuxième opposition pour une période de 4min 8s.

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente, puis merci à la CDPDJ d'avoir fait si rapidement, quand même. Vous dites que c'est un mémoire préliminaire, certes, mais il est assez détaillé, quand même, soulignons-le. On vous en remercie.

J'aimerais qu'on aille sur un élément qui n'a peut-être pas été discuté avec beaucoup de détails, c'est le volet du financement, à 16 et 17 du projet de loi, notamment les conditions liées au financement, là. Et là on peut parler de festivals, on peut parler d'organismes, on peut parler d'événements culturels. Vous nous mettez en garde, là, notamment aux pages 10 et 11, sur ce que voudrait dire... Éventuellement, vous dites que ça devra être bonifié ou expliqué. J'aimerais ça, que vous nous clarifiiez les inquiétudes de la CDPDJ sur cette question-là du financement propre aux organismes ou aux événements culturels.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Merci, M. le député. Effectivement, c'est une section, là, qui est dans nos notes d'allocution mais que nous n'avons pas eu le temps de dire, et c'est un... c'est certains éléments préliminaires par rapport au financement et ça renvoie aussi aux éléments qui vont être prévus à la politique et au règlement, qui vont venir un peu définir ça. Donc, nous, l'incertitude, c'est sur l'effet pratique des dispositions qui prévoient que le gouvernement va pouvoir conditionner les aides financières et que ces aides financières là doivent avoir un objet compatible avec le modèle québécois, mais il n'y a pas de critères précisés dans la loi, donc tout ça va être renvoyé à la politique et au règlement.

Donc, c'est effectivement la question que nous nous posons : Est-ce que, là, on va avoir un conflit entre un financement d'un groupe minoritaire visé à 43 et, comme je le redis, aux conventions internationales que le Québec a ratifiées, au droit à la pleine participation à la vie des minorités ethniques? Donc, on pourrait avoir, donc, ici, un conflit entre le texte de la charte et la Loi sur l'intégration nationale. Et, encore une fois, bien, ça va aussi, plutôt que de participer à une pleine et entière intégration, venir distinguer, ou segmenter, ou cristalliser la distinction entre ces... entre les groupes minoritaires puis la société d'accueil. Donc, c'est pour ça que nous, notre proposition, c'est de préciser 16 et 17, de venir dire, là, il va falloir préciser un peu le libellé.

• (12 h 20) •

Puis le dernier élément, puis je cède la parole à ma collègue, là, si elle veut le compléter, mais c'est pour ça aussi qu'à la fin, nous, on dit : Il peut y avoir aussi un organisme qui vienne avoir un rôle de regard, qui va venir un peu dépolitiser tout l'exercice. Et je le dis avec respect pour le travail politique, qui est tout à fait respectable et louable dans notre société démocratique, il faut se rappeler que d'avoir des institutions, ça sert aussi à ça, des fois, c'est de pouvoir jouer ce rôle-là, un petit peu, d'évaluation, puis d'avoir des responsabilités pour assister le ministre. Bien, ça, nous, on ne verrait pas ça d'un mauvais oeil. Mais je ne sais pas si ma collègue veut compléter.

Mme Pierre (Myrlande) : Bien, je rebondis, en fait, sur la notion de réciprocité. Et on parlait de responsabilité partagée, et, effectivement, en matière d'intégration, en matière d'accueil, en matière de pleine participation, bien, le rôle de la société civile nous apparaît prépondérant. Donc, compte tenu des imprécisions du projet de loi lui-même, donc, on se questionne sur quels... sur, à partir de quels critères, sur quelle base on va venir conditionner le financement des activités des organismes ou même la mission des organismes communautaires, comme on le sait, qui jouent un rôle important dans l'intégration? Donc, l'intégration, il faut l'envisager dans un continuum, avec toutes les responsabilités partagées, soit la responsabilité de l'État, le rôle de la société civile et les personnes elles-mêmes, mais ça nous apparaît important, là, de venir bien préciser, baliser ce qu'on entend, là, par «conditionner les aides financières». Donc, on a une inquiétude, effectivement, par rapport à cet énoncé-là du projet de loi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui termine cette audition. Je vous remercie pour l'apport à nos travaux. Nous allons recevoir votre mémoire. Alors, dès que... dès que vous allez nous l'envoyer, il va être placé dans notre plateforme pour le bien-être des parlementaires.

Alors, je vais suspendre jusqu'à l'avis touchant les travaux des commissions. Merci. Bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 22)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 17)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration à la nation québécoise.

Donc, l'ordre du jour de cet après-midi est le suivant, nous avons devant nous le Commissaire à la langue française, nous allons poursuivre avec la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes... (Interruption) ...pardon, l'Union des municipalités du Québec... (Interruption) ...voyons, pardon, le Groupe des 13 et Québec Community Groups Network.

Alors, pour les 10 prochaines minutes, mesdames et Messieurs, je vais vous demander de vous présenter, de faire part de vos réflexions sur le projet de loi, et par la suite nous...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...entamer les discussions avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour, merci beaucoup de nous recevoir. Bonjour, tout le monde. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Stéphanie Cashman-Pelletier, qui est commissaire adjointe, de Rodolphe Parent, qui est professionnel de recherche dans mon équipe, et de Me Maxime Simoneau, avocat.

Alors, la Charte de la langue française mentionne que le français, à titre de langue commune, est la langue permettant l'adhésion et la contribution à la culture distincte de la nation québécoise. Dans le cadre de nos travaux sur la situation linguistique, nous avons montré que l'adhésion à cette culture commune représentait un défi, et que la vitalité et la pérennité du français étaient compromises dans plusieurs domaines de la vie culturelle. Alors, ces difficultés découlent des changements démographiques, économiques et numériques des dernières décennies, qui ont transformé, de façon importante, notre manière de vivre ensemble. Alors, pour cette raison, nous accueillons favorablement le projet de loi n° 84, qui vise à établir un modèle d'intégration nationale, et qui accorde une place centrale à la culture commune et à la langue française.

Alors, dans le mémoire que nous avons déposé, nous formulons des recommandations qui visent à bonifier le projet de loi. Nous commençons par la définition des termes qui y sont utilisés, puis nous abordons la portée des devoirs et des attentes qui y sont présentées. Nous proposons aussi trois ajouts au projet de loi, qui portent sur les parcours d'intégration, la promotion de la mixité et l'établissement de rapprochements interculturels. Enfin, le mémoire contient une annexe qui inclut un certain nombre de commentaires de nature juridique sur le préambule et les articles du projet de loi.

Alors, le projet de loi introduit des concepts dont la définition et la portée ne nous apparaissent pas toujours claires. Donc, à l'article 7, par exemple, le texte ne précise pas ce qui est inclus dans le concept de «Québécois». Nous ne savons pas si ce groupe inclut uniquement les personnes de nationalité canadienne domiciliées au Québec ou s'il comprend également les résidents permanents, voire les résidents non permanents. De même, le projet de loi ne propose pas de définition des concepts de majorité francophone, culture majoritaire, minorités culturelles, etc. C'est une absence de définitions qui pourrait mener à une mauvaise compréhension de la portée des dispositions de la loi et du modèle d'intégration proposé.

• (15 h 20) •

Nous sommes conscients que l'article 23 donne au ministre la possibilité de définir des termes et des expressions par voie réglementaire, mais il nous semble important d'apporter des précisions directement dans la loi, compte tenu de leur caractère essentiel à la bonne compréhension de la loi-cadre. Donc, c'est notre première recommandation, qui est de définir les différents termes utilisés dans le projet de loi pour en assurer une bonne compréhension et en faciliter l'application efficace.

Ensuite, à l'article 7, le projet de loi propose de définir des attentes envers les Québécois. Alors, le terme «attentes» nous semble moins pertinent que celui de «devoirs», qui responsabilise les citoyens, et qui insiste sur l'importance de l'implication civique pour assurer la réussite du modèle d'intégration. C'est donc notre deuxième recommandation, qui est de remplacer, à l'article 7, le concept d'attentes par celui de devoirs, et de modifier le nom du chapitre en conséquence. Par ailleurs, le chapitre III ne présente pas d'attentes ni de devoirs à l'intention des organisations de la société civile, qui jouent pourtant un rôle de premier plan dans l'intégration linguistique, sociale ou culturelle. Notre troisième recommandation est donc de formuler des devoirs à l'endroit du secteur privé, du système d'éducation et d'enseignement supérieur ainsi que du milieu associatif.

À l'article 9, on mentionne les sujets dont la politique nationale sur l'intégration peut notamment traiter, que les sujets dont la politique peut notamment traiter. L'utilisation du verbe «pouvoir» indique que le choix des sujets traités par la politique sera largement laissé à la discrétion du gouvernement. Par conséquent, nous recommandons de remplacer le verbe «peut», à l'article 9, par le verbe «doit».

Je reviens à l'article 7, qui présente également des attentes particulières à l'intention des personnes immigrantes. Cependant, ces attentes restent peu précises, de sorte qu'il pourrait être difficile pour ces personnes, d'en saisir les implications et d'y répondre. À ce sujet, plusieurs pays regroupent les obligations faites aux nouveaux arrivants dans un parcours d'intégration. Ces parcours prévoient, généralement, une formation linguistique, une familiarisation avec la culture et les valeurs de la société d'accueil, des mesures de rapprochement culturel et d'insertion en emploi ainsi qu'un engagement civique. Notre recommandation cinq est d'inscrire, parmi les devoirs de l'État du Québec, et parmi les éléments traités par la politique nationale sur l'intégration, la création d'un parcours d'intégration à l'intention des personnes immigrantes.

Nous recommandons d'inscrire aussi, parmi les devoirs des personnes immigrantes, la participation à ce parcours et nous recommandons d'inscrire, parmi les devoirs des Québécois et des autres organisations mentionnées plus tôt, la contribution à la réussite de ce parcours. Alors, nous pensons aussi que, pour les gens souhaitant s'établir durablement au Québec, la réussite du parcours d'intégration devrait être considérée comme un élément déterminant de l'admission à la résidence permanente.

Depuis plusieurs décennies, la concentration de l'immigration dans la région...

M. Dubreuil (Benoît) : ...montréalaise a contribué à faire naître un écart entre les dynamiques linguistique, sociale et culturelle de la métropole et celles vécues dans les autres régions du Québec. Un tel écart n'est pas unique au Québec, mais il peut nuire à l'adhésion à la culture commune, en faisant obstacle à la formation de liens entre les personnes qui sont issues de l'immigration et celles qui ne le sont pas.

Au-delà du clivage entre Montréal et le reste du Québec, les dynamiques de segmentation linguistique, résidentielle, scolaire, économique, professionnelle et numérique créent souvent un contexte peu favorable à la rencontre entre les Québécois de diverses origines.

À ce sujet, les recherches sur les jeunes issus de l'immigration indiquent que l'identification à la culture québécoise ne va pas toujours de soi, et qu'il existe une tendance à percevoir celle-ci comme la culture ethnique de la «majorité francophone», plutôt qu'une culture commune à laquelle tous pourraient s'identifier. Il nous paraît incontournable de renforcer les occasions de socialisation entre Québécois de diverses origines pour susciter une plus grande adhésion à la culture commune.

Alors, l'État devrait utiliser les leviers à sa disposition dans le but de renforcer la mixité linguistique, sociale et culturelle. Des actions pertinentes devraient notamment être déployées dans les domaines de l'immigration, de l'éducation, de la culture, de l'aménagement du territoire et de l'habitation, du sport et des loisirs ainsi que du développement économique.

Nous recommandons d'inscrire — c'est notre sixième recommandation — parmi les devoirs de l'État et parmi les éléments traités par la politique, la promotion de la mixité linguistique, sociale et culturelle et la déconcentration de l'immigration.

La mixité d'un milieu scolaire, d'un milieu résidentiel ou d'un milieu de travail facilite les rencontres interculturelles. Cependant, elle ne garantit pas que les personnes s'identifiant à des cultures différentes développeront des relations de qualité ni un sentiment d'adhésion à une culture commune. En fait, lorsque les conditions gagnantes ne sont pas réunies, le contact interculturel peut contribuer à renforcer les stéréotypes et la distance entre les groupes.

Le gouvernement doit, donc, viser à réunir les conditions gagnantes en encourageant, voire en exigeant, la mise en œuvre d'activités de mentorat et de jumelage dans les organismes de l'administration, dans le système d'éducation et d'enseignement supérieur, dans les entreprises privées et dans le milieu associatif. Pour mener à des résultats tangibles, une mobilisation à grande échelle des Québécois de toutes origines nous apparaît nécessaire.

Alors, c'est notre recommandation 7, d'inscrire, parmi les devoirs de l'État québécois et parmi les éléments traités par la politique, la création de contextes favorables aux interactions et aux rapprochements interculturels.

Alors, j'en arrive à ma conclusion, comme plusieurs sociétés, le Québec fait aujourd'hui face à la difficulté de susciter l'adhésion de tous ses citoyens à sa culture commune. À ce défi s'ajoute celui de faire vivre en Amérique du Nord une culture commune en français, dans un contexte où une dynamique de minorisation de cette langue s'est installée dans plusieurs domaines de la vie culturelle.

L'établissement d'un contrat moral entre l'État, les personnes qui désirent s'établir au Québec et celles qui s'y trouvent déjà nous paraît aujourd'hui nécessaire pour créer les espaces dont la culture commune a besoin pour servir de véritable carrefour d'intégration.

Alors, le projet de loi n° 84 donnera au gouvernement des outils supplémentaires pour mettre en œuvre une politique que nous souhaitons ambitieuse et transformatrice. Son succès dépendra néanmoins de la vigueur qu'il saura déployer dans sa mise en œuvre. Ainsi, le gouvernement devrait se doter de plans d'action concrets qui mobiliseront l'ensemble des leviers à sa disposition. Alors, nous suivrons, évidemment, avec attention les mesures qui seront proposées à cet effet. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Dubreuil. Alors, on va commencer la période d'échange avec les parlementaires, et vous l'avez deviné, M. le ministre, je vous cède la parole pour une période de 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Je vois dans votre présentation, puis vous me corrigerez, plusieurs suggestions, c'est très apprécié, des propositions très claires de resserrements, pour aller un peu plus loin, pour faire un peu mieux, à... c'est-à-dire que les principes de base, les principes généraux du projet de loi vont dans la bonne direction, d'après vous, mais qu'il faudrait resserrer les boulons puis voir à la mise en œuvre de ça. Je vous pose la question. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais est-ce que c'est votre présentation?

M. Dubreuil (Benoît) : Écoutez, on a écouté les débats, les discussions ce matin. Ça fait quand même assez longtemps, hein, qu'on parle de ces questions-là d'intégration, interculturalisme, convergence culturelle, c'est des concepts... Je pense qu'il y a un certain consensus, hein, au Québec, par rapport aux différents concepts, par rapport à la direction générale que l'on veut prendre. En même temps, c'est des concepts, des fois, qui peuvent être un peu flous, dont les contours, des fois, mériteraient d'être définis. Donc, moi, il n'y a rien...

M. Dubreuil (Benoît) : ...Donc, moi, il n'y a rien dans les principes ou dans les orientations générales qui me semblent en porte à faux avec le mandat que j'ai que je défends, loin de là. Je pense qu'il y aurait peut-être des... qu'on propose justement de définir peut-être un peu mieux les termes pour s'assurer justement qu'il n'y a pas de mécompréhension de ce que le législateur cherche à faire avec ce projet de loi.

M. Roberge : Donc, lorsqu'on est dans la section sur la politique, on a des articles qui précisent à quels organismes s'applique la politique. Il y a eu une suggestion ce matin de M. Rousseau, excusez-moi, et de la personne qui l'accompagne, je suis désolé d'avoir oublié son nom, qui me disait qu'il faudrait peut être nommément parler du réseau d'enseignement supérieur. C'est déjà possible de l'appliquer à l'enseignement supérieur, mais vous souhaiteriez qu'on le précise. C'est bien ça?

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, nous, il y a deux éléments. Donc, dans la section des devoirs, si on comprend que les devoirs, c'est une formulation un peu générale par laquelle le législateur manifeste... cherche à favoriser le développement de certaines normes sociales, O.K.? Donc, on pense que dans la section Devoirs, on devrait interpeler un certain nombre d'organisations en dehors du gouvernement, notamment les employeurs, notamment le milieu associatif et évidemment l'enseignement supérieur, où en fait, c'est l'ensemble du système d'éducation, incluant de l'enseignement privé. Parce qu'évidemment ce sont ces joueurs-là qui sont au cœur des dynamiques d'intégration des personnes immigrantes, mais aussi d'intégration de toutes les personnes qui viennent au monde au Québec. Donc ça, c'est un élément. Ensuite, il y a la partie de la politique. Et on considère que, dans la politique, il faut mettre des dispositions qui vont aussi interpeler ces acteurs, que ce soit pour favoriser la mixité ou pour favoriser les rapprochements interculturels.

M. Roberge : Quand vous nous parlez de ça, que ce soit dans les attentes, les devoirs ou dans la politique, vous nous avez dit tantôt, je l'ai noté, là, le gouvernement doit réunir les conditions gagnantes pour que ça arrive, la mixité, pour que... En fait, pour que l'intégration nationale soit mise en œuvre. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée de lier le financement des organismes, justement, au respect des principes généraux de l'intégration nationale? Puisque vous nous dites que le milieu associatif embarque dans le bateau, est-ce une bonne avenue d'avoir le chapitre VII sur le financement pour que les organismes subventionnés, financés par l'État, soient dans l'obligation de suivre au moins les principes de l'intégration nationale?

• (15 h 30) •

M. Dubreuil (Benoît) : Bon. Bien, pour moi, par exemple, tout ce qui concerne le domaine de la culture, tout ce qui concerne le domaine du loisir, tout ce qui concerne le domaine associatif, ça devrait être un principe général, quand on finance, de respecter, en fait, un certain nombre de principes. Et moi, je voudrais que l'État utilise au maximum ces leviers pour favoriser ce que j'ai mentionné, donc à la fois la mixité et les rapprochements interculturels. Donc, c'est plusieurs leviers qu'on a en matière de culture, en matière de sport, en matière de loisirs, en matière d'éducation, où ce sont ces organisations-là sur le terrain qui permettent aux gens d'entrer en contact les uns avec les autres. Donc, oui, tout à fait.

M. Roberge : Et... Excusez-moi, j'ai perdu mon idée. Elle m'a montré des notes, puis en même temps j'ai perdu ce que je veux dire. Ah oui! Voilà. Quand on parle de la mixité, pour qu'il y ait une interaction entre le groupe majoritaire francophone et les nouveaux arrivants ou les personnes qui s'identifient à des minorités, bien, il faut qu'ils puissent se rencontrer, ça peut être difficile dans certains quartiers, dans certaines régions, particulièrement à Montréal, mais pas seulement, qu'est-ce qu'on devrait faire? Qu'est-ce que vous nous proposez comme pistes d'action pour favoriser les interactions entre les différents groupes puis la langue française dans des quartiers, dans des écoles, dans des milieux où les francophones ne sont pas la majorité?

M. Dubreuil (Benoît) : Effectivement, c'est un défi parce qu'à partir d'un certain moment, ça devient très, très difficile d'avoir des contacts, par exemple, avec des gens qui ne sont pas issus de l'immigration puis des gens qui sont issus de l'immigration. Je pense que la politique d'immigration doit vraiment viser ce qu'on a appelé la déconcentration. On n'a pas appelé... On n'a pas utilisé le mot régionalisation parce que la régionalisation, ça fait uniquement référence à la composante géographique. Mais il y a aussi une concentration qui est socioprofessionnelle, qui est économique, qui est résidentielle. Donc, il faut chercher à dépasser ces différentes barrières là, justement, en créant de la mixité à chaque fois que l'on peut. Donc, ça peut se faire, évidemment, à travers la politique scolaire, à travers l'offre de programmes scolaires, avoir des programmes scolaires qui favorisent aussi la mixité, avoir un découpage de la carte scolaire qui favorise la mixité, avoir une approche de composition des classes...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Dubreuil (Benoît) : ...favorise la mixité. La manière dont on crée les groupes pour les travaux d'équipe aussi, dans les écoles, hein? Une des choses qui ressort clairement quand on lit sur la dynamique scolaire, c'est que, dans les écoles, même quand c'est mixte, souvent, les jeunes vont avoir tendance à se regrouper selon leur origine ethnique. Les petits Québécois avec les petits Québécois, puis les petits Arabes avec les petits Arabes, puis les gens vont... souvent, vont être timides d'aller former des groupes pour... qui vont avoir de la mixité. Alors, est-ce qu'on peut tout simplement avoir une politique où on favorise ces rapprochements?

On parle aussi, dans le rapport qu'on a publié cet automne, de l'importance d'avoir des jumelages, et des correspondances scolaires, et des voyages scolaires entre écoles de milieux différents. C'est évident qu'en région il y a des écoles où il y a très peu d'immigrants. Puis à Montréal, bien, il y a des écoles où il y a très, très peu de gens qui ne sont pas issus de l'immigration. Alors, on ne peut pas nécessairement faire de miracles, mais si on est capable d'organiser des correspondances scolaires, si on est capable d'organiser des voyages de fin d'année... Vous savez combien d'écoles aujourd'hui vont faire des voyages scolaires à Boston, New York, Washington, Philadelphie? Pourquoi on n'utilise pas toute cette énergie et toutes ces ressources pour faire en sorte que les gens d'origines différentes se rencontrent ici, au Québec et apprennent à se connaître? Je pose la question. Les ressources, les moyens, ils sont immenses. Avec la politique d'immigration aussi, c'est possible de faire des choix qui vont nous amener à privilégier les gens qui s'insèrent dans des milieux où les contacts interculturels sont les plus probables. Voilà, les possibilités sont nombreuses.

M. Roberge : Très, très riches, effectivement. Je pense qu'il y a plusieurs déclinaisons dans le ministère de l'Immigration, en Éducation, en Enseignement supérieur, dans les municipalités, pour décliner ce que vous appelez de belle manière la déconcentration. Merci beaucoup. Je pense que j'ai des collègues qui vont prendre la relève, qui veulent vous interroger. Merci pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je reconnais le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste encore... 30 secondes.

M. Lemieux : Oui. M. Dubreuil, vous frappez tellement dans le mile avec les voyages scolaires que... juste pour nous ramener sur le plancher des vaches, là, au ras des pâquerettes, puis, en même temps, pour nous montrer jusqu'à quel point des petites choses peuvent faire une énorme différence.

J'étais un de ceux qui, à un moment donné, pensaient qu'il fallait qu'on envoie les cégépiens ailleurs que dans leur région, dans une autre région du Québec, pour leur montrer le reste du Québec, bon. Ça, je ne serai pas capable de convaincre le ministre de ça, en tout cas, pas pour cette année, mais je pense que votre idée sur les voyages scolaires peut faire, sans vouloir faire de jeu de mots, beaucoup de chemin.

Je voudrais que vous me parliez de l'importance, puis là on va au-delà des modèles, parce que j'aime bien aussi... décidément, on s'entend bien, j'aime bien aussi votre vision, votre caractérisation de comment le Québec vit à travers et avec tous ces modèles dont on parle, la convergence, l'interculturalisme, et comment on ne vit bien avec le multiculturalisme, dont on va pouvoir se défaire avec le projet de loi no 84... Mais je voudrais donc, quels que soient les détails du modèle avec lequel on va aboutir, l'ensemble de l'œuvre de l'intégration... je voudrais que vous me parliez de l'importance de réussir l'intégration pour notre langue officielle et commune. Il y a un lien majeur, là. On entend tout le monde nous dire : Ah bien, vous savez, la langue, c'est le véhicule de la culture. Donc, ça prend une culture commune à certains égards, mais c'est quoi l'importance sur la réussite de l'intégration pour la langue?

M. Dubreuil (Benoît) : Évidemment, vous... J'ai vraiment, dans les rapports... dans le rapport qu'on a publié cet automne, on a amené un certain nombre de constats qui sont quand même assez préoccupants par rapport à la situation du français dans le domaine... dans le domaine culturel. Il y a quand même encore beaucoup de Québécois qui fonctionnent en français dans plusieurs domaines, mais on ne peut pas se fermer les yeux, là, dans plusieurs... dans tout ce qui est affecté par l'arrivée des plateformes, il y a un effondrement, en fait, de la consommation culturelle en français. On parlait, ce matin, d'assimilation, par exemple. Bien, excusez-moi, mais, en musique, on est à 5 % d'écoute de contenu québécois. On n'est pas dans une dynamique d'assimilation, là, on est dans une dynamique de sauver la musique en français. Dans l'audiovisuel, au Québec, chez les jeunes, l'anglais est majoritaire. Donc, on n'est pas dans une dynamique non plus où on va assimiler.

Alors, ce qu'il faut, c'est susciter l'adhésion. On le sent, il y a un enjeu d'adhésion, à la fois chez les jeunes de différentes origines... Chez les jeunes qui sont issus de l'immigration, parfois, il y a un défi supplémentaire de ressentir l'adhésion, c'est bien documenté dans la recherche sur la question et ça se traduit dans les comportements... dans les comportements culturels, dans une consommation moins grande. Donc, à mon avis, si on sauve le français comme langue utilitaire mais qu'on n'est pas capable de maintenir cette utilisation du français dans les domaines culturels...

M. Dubreuil (Benoît) : ...et de susciter une certaine adhésion à une culture commune, je... je me demande pourquoi un peu on fait ça, en tout cas, ce n'est certainement pas la visée qui est dans la Charte de la langue française et que vous avez adoptée.

M. Lemieux : On va en reparler, de l'avenir du français, mais là vous m'ouvrez une petite porte que je trouve importante quand vous dites : S'il n'y a pas l'adhésion à la culture, on a peut-être, par méprise ou par ignorance, pensé que... parce que la deuxième génération de nouveaux arrivants allait forcément à l'école française, que ça réglait tous les problèmes, qu'à partir de là ils étaient francisés, donc c'était réglé, ça faisait des... ils parlaient en français, puis des gens qui allaient partager la culture commune. Je comprends que... parce que j'ai lu votre rapport, je comprends que ce n'est pas nécessairement le cas.

M. Dubreuil (Benoît) : ...je pense, on a été enthousiaste avec la Charte de la langue française, qui a donné des résultats quand même, notamment le fait qu'à peu près tout le monde qui est né au Québec aujourd'hui peut parler français et l'utilise d'une certaine manière dans sa vie... dans sa vie de tous les jours. Cependant, il y a un défi dans la culture qui concerne tous les jeunes, hein, évidemment, mais avec les jeunes issus de l'immigration. Quand on regarde les cheminements, quand on regarde la manière dont l'identité se développe, on sent qu'il y en a une part importante qui ont de la difficulté à se sentir appartenir pleinement à la société. Donc, il y a comme quelque chose qu'on n'a pas complètement réussi à faire. Donc, les gens vont développer des fois une identité qui va être plus associée au bilinguisme, qui va être plus associée au caractère multiculturel de Montréal, mais il va y avoir une tendance, et ça, je vous invite à lire la recherche qualitative qui a été réalisée sur la question, il va y avoir une tendance à voir la culture québécoise comme la culture ethnique de la majorité francophone, la culture des Québ. Tu sais, il y a... Donc, il y a une frontière ethnique sur le plan culturel qui concerne, donc, plusieurs jeunes qui ne vont pas se sentir appartenir. Et ça, je pense que ça va vraiment à l'encontre de ce que l'on cherche à faire collectivement. Entendons-nous, là, on n'est pas en train de lancer la pierre à personne, mais il faut trouver des manières de reconnecter les gens les uns avec les autres pour essayer de surmonter cette frontière ethnique qui se construit tous les jours dans nos écoles.

• (15 h 40) •

M. Lemieux : De là l'importance de ce projet, on verra comment il finit, de politique d'intégration nationale pour que tout le monde y participe et que tout le monde y gagne.

M. Dubreuil (Benoît) : Tout à fait. Et je reprendrai ce que disait M. Bouchard ce matin, je pense qu'il avait tout à fait raison d'insister sur la question des interactions. Pour moi, la seule manière que je peux concevoir de susciter de l'adhésion et d'amener des gens vers une culture commune, c'est d'avoir des contextes d'interactions, des contextes de rapprochements culturels positifs qui sont bien structurés, de... où les gens peuvent interagir de manière égalitaire, collaborer à faire des choses en commun. Pour moi, c'est la seule... la seule avenue qu'il existe en ce moment.

M. Lemieux : O.K. Merci beaucoup. On va reparler du français, mais ma collègue a une question. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, je reconnais la députée de Vimont. Il reste 2 min 10 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. En fait, c'est grâce à mon collègue, là, il m'a allumé sur sa question-là, puis votre réponse aussi m'a interpelée, parce qu'on parlait tantôt de musique, puis il disait justement que la musique est en baisse, musique francophone, etc. Par contre, je me pose une question. Moi, je suis la digne représentante humaine, là, d'un enfant adolescent de 15 ans, ça fait qu'imaginez, là, je vis tout ça, là, à 100 000 à l'heure, l'anglais, puis etc. Par contre, je me rends compte qu'au niveau de la musique en français, si on regarde en France, je veux dire, la plupart des chansons sont en français. Je me demande si le style musical n'a pas une influence aussi au niveau... au niveau des enfants, des adolescents dans le sens que, si on regarde... je ne sais pas. Des fois, les téléréalités en France, on a des concepts musicaux, puis tout est en français, puis c'est très suivi, c'est très apprécié. Il y a des chanteurs, là, qui font le tour du monde parce qu'ils chantent... ils vont chanter en français et puis ils sont reconnus. C'est sûr, c'est un style musical qui est un peu différent de ce qu'on connaît. Pensez-vous que, du fait qu'on ne pousse pas assez peut-être sur un style musical... Je ne sais pas, là, je me... pardon, mon député... «mon député, mon Dieu, bref, mon collègue qui m'a allumé là-dessus. Parce que je trouve que, dans certains pays francophones, la culture, la musique a encore toute sa place.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, exactement. On voit qu'il y a des pays qui réussissent à maintenir une musique dans leur langue nationale malgré la pression des plateformes. Donc, forcément, il y a quelque chose... il y a quelque chose à faire au Québec. Les défis, on les connaît. Oui, il y a la question des plateformes, mais, oui, aussi il y a le fait que certaines personnes, par leur entourage, ne seront pas du tout...

M. Dubreuil (Benoît) : ...à la culture québécoise ou francophone. Puis, ensuite, bien, il y a l'autre élément que j'ai mentionné, qui est l'élément d'adhésion, mais il y a... Je veux dire, il ne manque pas de musique en français, là, il ne manque pas de bonne musique en français. La France est l'exemple même qui montre qu'on peut vraiment réussir. Puis moi, d'ailleurs, je pense qu'on doit utiliser non pas seulement la musique québécoise, mais aussi la situer dans le contexte plus large de la musique francophone, où il y a énormément de contenu de grande qualité. Il faut augmenter l'exposition, utiliser les leviers...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...je dois vous arrêter, on va poursuivre. Le temps est écoulé pour le gouvernement, on va poursuivre avec l'opposition officielle pour une période de 9min 54 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi, M. le commissaire, merci d'être là avec vos collègues. J'ai une question pour vous. On en a déjà parlé, la loi... le projet de loi no 84 sur l'intégration nationale est déposé par M. le ministre, mais en tant que ministre de la Langue française. Et on reconnaît que... je pense que la francisation, c'est un des éléments essentiels pour intégrer des gens. Cependant, on lisait, ce matin, dans le Journal de Montréal, «800 personnes en attente de francisation en Estrie», apprendre le français dans un centre d'éducation pour adultes, mais le financement a été coupé. Une dame qui s'est vu offrir par le MIFI des cours, mais le soir. C'est une mère avec un enfant qu'elle ne peut pas laisser, donc elle ne peut pas.

Alors, ce n'est peut-être pas une contradiction, mais vous ne trouvez pas ça un petit peu étonnant? Puis j'aimerais vous entendre là-dessus, c'est comme si le gouvernement disait : Oui, oui, on va déposer ce projet de loi là, là, mais on ne se donne pas les moyens, finalement, de le réaliser, parce que la pierre angulaire du projet de loi, c'est la francisation des nouveaux arrivants, mais on coupe dans la francisation. Donc, comment on peut se sortir de ça, pour qu'effectivement on soit capable de franciser des gens au Québec?

M. Dubreuil (Benoît) : Le rapport qu'on a publié, justement, en mai dernier, sur le déploiement de Francisation Québec, faisait justement état des lacunes que vous mentionnez, puis on expliquait, dans le fond, les causes qui avaient mené à cette situation-là. Parce que je constate comme vous, là, que la situation semble perdurer. C'est un enjeu, et le défi, il est très, très grand, parce que ce n'est pas... Oui, il y a la question des listes d'attente, mais il y a aussi un autre enjeu, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui auraient besoin d'apprendre le français et qui ne sont pas inscrits. Je pense, par exemple, du côté des demandeurs d'asile, très peu de demandeurs d'asile qui sont inscrits en francisation, c'est un enjeu. Il y en a énormément qui ne connaissent pas le français. Je présume qu'il y en a plusieurs qui sont dans une situation vulnérable. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Ensuite, parmi les gens qui s'inscrivent, les listes d'attente demeurent très, très longues. Donc, les gens doivent attendre et attendre. Et ensuite l'autre problème que je mentionnais, c'est que, parmi les gens qui réussissent à s'inscrire, les gens restent assez peu longtemps dans les cours de français. Donc, il faut aussi trouver des moyens de permettre aux gens d'investir de manière plus intensive dans leur formation linguistique.

Et j'ajouterais un autre élément qui m'apparaît aujourd'hui plus clairement, c'est que la francisation, elle doit être pensée de pair avec l'intégration, parce que si les gens vont juste en francisation dans le but d'obtenir leur niveau 7 pour se qualifier à l'immigration permanente, on n'obtient pas vraiment ce que l'on veut. Ce que l'on veut, c'est que la francisation soit pensée de telle manière qu'à partir du moment où la personne atteint un certain niveau, le niveau intermédiaire, par exemple, tout de suite, on l'intègre dans des réseaux où le français est utilisé de manière habituelle, parce que ce qu'on veut, évidemment, ce n'est pas uniquement des gens qui vont développer des compétences en français, ce qu'on veut aussi, c'est prendre les gens puis les amener dans des contextes sociaux où cette connaissance-là va être utile puis va pouvoir être utilisée sur une base quotidienne. Donc, ces défis-là, il y en a quatre, là, et je vous dis, c'est tout un défi.

M. Morin : Vous avez raison et, je vous dirais, vous faites bien aussi de mentionner l'intégration parce qu'il faut que le nouvel arrivant ou que la personne qui apprend le français soit capable, après, de l'utiliser et de le vivre.

Et d'ailleurs il y a une recommandation que vous faites dans... votre recommandation trois. Vous voulez formuler des devoirs à l'endroit du secteur privé, du système de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Un élément que j'ai fait ressortir ce matin et, je trouve, qui est un grand absent dans ce projet de loi, c'est tout le volet économique. Parce que, quand quelqu'un arrive ici, il constate rapidement qu'il doit apprendre le français, puis, après ça, bien, il veut travailler et puis il veut se loger. Puis, après ça, quand on a ça, habituellement, là, ça peut avancer mieux. Il n'y a rien là-dedans. Vous, vous recommandez des devoirs à l'endroit du secteur privé. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir aussi des obligations pour l'État, pour le secteur public, afin de permettre une...

M. Morin : ...faciliter un accès à l'emploi, à la promotion sans discrimination pour les nouveaux arrivants.

M. Dubreuil (Benoît) : Oui. J'ai écouté les discussions ce matin, j'ai trouvé ça intéressant parce que je suis d'accord effectivement que le secteur privé joue un rôle essentiel. J'irais peut-être cependant un peu plus loin. C'est qu'il y a des secteurs d'emploi puis il y a des types d'emploi qui sont favorables à l'intégration dans le sens où ils sont favorables à établir des relations avec des gens qui sont ici depuis longtemps ou avec des gens qui ne sont pas issus de l'immigration. Et il y a d'autres secteurs d'emploi qui sont peu favorables au développement de liens réels et authentiques avec des gens qui ne sont pas issus de l'immigration, avec des immigrants de longue date, et il y a beaucoup de gens qui arrivent au Québec, là, aujourd'hui, hier, cette semaine, les gens arrivent et ne tombent pas nécessairement dans un contexte qui va leur permettre d'établir des liens sérieux avec des Québécois.   Si vous êtes en train de faire de la livraison au centre-ville de Montréal, si vous faites des ménages la nuit dans un édifice commercial, si vous tombez dans une usine de transformation alimentaire où il y a uniquement des immigrants récents, si vous faites du camionnage de poids lourd sur la 20 pour une compagnie de l'Ontario, et là je vous donne des exemples d'emplois qui sont peut-être plus de basses qualifications, mais on peut aussi donner des emplois à hauts salaires. Si vous êtes dans le domaine de la finance, si vous êtes dans le domaine des technologies de l'information, du jeu vidéo et qu'à longueur de journée vous êtes en télétravail avec des collègues qui ne sont pas au Québec, bien, tous ces contextes d'emploi là vont rendre difficile l'établissement de relations de qualité avec des gens qui sont installés ici, ils vont compliquer l'enracinement.

À l'inverse, et je pense que c'est vous d'ailleurs qui donniez l'exemple ce matin par rapport au contexte industriel ou manufacturier en région, bien, si vous êtes en région puis que vous avez comme collègues des gens qui viennent d'ici, qui sont établis depuis longtemps, qui vous permettent de vous insérer dans des réseaux, de développer des liens de qualité avec les gens qui vivent sur place, à ce moment-là, le contexte d'intégration est bien meilleur.

Donc, l'économie joue un rôle important, mais il faut voir quels sont les contextes d'emploi qui sont favorables et comment on amène aussi les entreprises à jouer un rôle supérieur. On revient sur la question du mentorat ou du jumelage dans les entreprises. Est ce qu'on peut faire travailler davantage les gens en binôme, hein, un Québécois avec un nouvel arrivant, travailler en binôme? On peut faire ça dans le secteur public aussi. Il y a une initiative, par exemple, d'un groupe qui s'appelle Perth, que vous connaissez sans doute, qui vise à mettre justement... qui est financé par le gouvernement du Québec derrière le programme Circonflexe, je crois, qui vise à mettre en relation des professionnels francophones avec de jeunes anglophones qui cherchent à améliorer leur français puis à surmonter leur insécurité linguistique.

• (15 h 50) •

Donc, ça, c'est des programmes qui sont à petite échelle, mais qu'on peut amener à un niveau supérieur. Et c'est pour ça qu'en fait il faut mobiliser l'ensemble des acteurs, secteur public comme le secteur privé.

M. Morin : Et donc, le projet de loi devrait en faire état, puis je comprends que vous nous décrivez un peu, peut-être, et corrigez moi si je fais erreur, ce que vous entendez par votre parcours d'intégration.

M. Dubreuil (Benoît) : Alors, le parcours d'intégration, c'est un peu différent, c'est qu'en ce moment, vous voyez, on a plusieurs obligations ou devoirs. Par exemple, on a l'objectif intégration qui existe, on a des plans d'action individualisés pour les personnes immigrantes, on a la francisation, on a un test des valeurs, donc on a plusieurs éléments. Et moi, ce que je constate, c'est qu'un peu partout en Europe aujourd'hui, comment les gens fonctionnent, c'est qu'ils vont tous... ils vont regrouper tout ça sous un parcours d'intégration, ce qui augmente la lisibilité pour la personne immigrante. Parce que la personne immigrante sait, en fait, quelles sont les différentes choses qu'elle a à faire.

Cela dit, ce n'est pas une recette magique, hein, ce n'est pas une recette magique. Si c'était magique, la cohésion sociale irait bien partout en Europe, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Donc, il faut avoir ça, mais il faut aussi avoir une politique qui favorise la mixité puis qui favorise des rapprochements interculturels dans toutes les institutions qui jouent un rôle important pour l'intégration des gens.

M. Morin : Merci. J'ai une dernière question. On parle dans le projet de loi du modèle québécois d'intégration nationale. On fait référence dans ce modèle au fait que le français y joue un rôle important. On veut rajouter le modèle d'intégration nationale dans la charte québécoise, mais après le français qui est déjà là. Bon, vous êtes le Commissaire à la langue française, est-ce que ça vous aide? Est-ce que c'est redondant? Est-ce que c'est déjà correct ce qu'il y a dans la charte?

M. Dubreuil (Benoît) : Moi, il n'y a jamais trop de français, là, mais, effectivement, il peut y avoir des enjeux de redondance, là, il faut voir. Je pense que c'est un sujet de discussion important pour vous, oui.

M. Morin : Et trouvez vous que le fait que le français soit déjà inclus dans la charte québécoise, c'est suffisant pour sa protection ou s'il faut en faire plus?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, je pense qu'on a quand même beaucoup d'outils en ce moment. Je pense que c'est le défi qui nous attend, c'est plus un défi de mise en œuvre, comment, de fait, on déploie une politique transformatrice qui va vraiment changer la vie des gens et non pas qui va être dans le symbolique ou dans dans les affirmations, là, dans les... oui...

M. Dubreuil (Benoît) : ...la mise en œuvre.

M. Morin : Très bien. Merci, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour une période de 3 min 18 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le commissaire, ainsi qu'à toute votre équipe. Encore une fois, on a toujours le plaisir de vous recevoir. Écoutez, je vais faire un petit peu la suite de ce que mon collègue de l'Acadie disait. On est dans un... dans une perspective délicate et difficile où, en même temps, on a un gouvernement qui nous présente un projet de loi, là, sur l'intégration nationale, mais, de l'autre côté, les nouvelles en lien avec la culture, l'intégration, la francisation nous démontrent, disons, que les bottines ne suivent pas les babines, là, si je peux m'exprimer comme ça. Je vois : «Une crise majeure pour notre culture», c'est un article de La Presse de ce week-end, où on y dit : il n'y a pas une journée qui se passe sans qu'un théâtre, un musée, une orchestre... un orchestre, pardon, annonce qu'il sabre sa programmation ou supprime des postes.

Vous avez fait vous-même une communication, en décembre dernier, sur les coupures en francisation, où vous dénonciez... vous vous disiez, là, être préoccupé par les répercussions, à court terme, de ruptures de services sur les élèves, notamment dans les régions, où il n'existe pas d'autre prestataire que les CSS, et vous souligniez l'importance de replacer rapidement les élèves en place. Et par ailleurs, récemment, on apprenait que Québec mettait fin ou mettait pause... sur pause le soutien aux élèves immigrants et autochtones.

Donc, moi, je vois, dans vos recommandations, plusieurs ajouts de responsabilité étatique de l'État québécois. En fait, j'en ai calculé cinq, contrairement à une, que vous ajouteriez, donc, la participation aux parcours d'intégration aux nouveaux arrivants. Est-ce qu'il n'y a pas quand même un décalage entre l'intention puis l'énoncé de principe puis la réalité terrain de ce que, finalement, le gouvernement offre aux nouveaux arrivants?

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, les défis sont, visiblement, importants, et vous y faites écho. Écoutez, moi... cet automne, dans le rapport qu'on a publié là, sur le français langue commune, on a mentionné la question du financement en culture. Je pense que c'est évident que tous les outils de financement en culture qui existent sont pensés pour l'écosystème québécois traditionnel, qui, aujourd'hui, est en crise. Et moi, je comprends, là, il y a des gens, évidemment, beaucoup, beaucoup d'artistes, dont la subsistance, en ce moment, est... des gens qui vivent de manière très, très difficile, qui ont très, très peu de revenus, très, très peu de ressources.

Je pense que, de manière plus large, il faut vraiment revoir notre... l'ensemble de notre financement en culture, parce que les chiffres que l'on voit, pour ce qui est de la consommation de contenus culturels en français, ils sont extrêmement, extrêmement préoccupants. Donc, visiblement, le modèle de financement avec lequel on a vécu jusqu'à présent ne permet pas d'y arriver, sinon, on n'aurait pas 5 % d'écoutes en français en musique, l'anglais ne serait pas devenu dominant dans tout ce qui s'appelle l'audiovisuel. Dans le visionnement de films, l'anglais, maintenant, est plus utilisé que le français chez les jeunes au Québec. Même chose dans le livre, on voit une baisse. On voit une baisse dans la radio, on voit... Dans la lecture de quotidiens aussi, et ça, c'est important. La lecture de quotidiens, c'est la base même de la... de la démocratie.

Donc, moi, j'entends aussi les préoccupations du milieu culturel. Honnêtement, on y réfléchit, on regarde la question. Cela dit, c'est assez complexe aussi de savoir comment on peut modifier ces financements-là pour faire monter les pourcentages et les chiffres qu'on a... qu'on a sous les yeux. Donc, nous, on continue d'y... d'y réfléchir, et j'espère qu'on va avoir des choses peut-être concrètes à proposer aussi là.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on termine cette ronde d'échange avec le député de Matane-Matapédia, 3 min 33 s.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à nouveau à l'Assemblée nationale. Chaque fois que vous êtes présents, c'est annonciateur de conseils pour quiconque est intéressé par l'avenir de la langue française. Et je me permettrai, avec cette tribune, d'indiquer, parce qu'on a parlé de musique tout à l'heure, qu'il y a une plateforme musicale 100 % francophone et québécoise qui s'appelle musiq.ca, qui est dans l'actualité aujourd'hui, et qui souffre du manque de considération et de financement. Voici une avenue intéressante, qui permet la découvrabilité des chansons québécoises en français. Alors, j'utilise le peu de temps que j'ai pour en parler.

Vous indiquez dans vos recommandations, la quatrième, un parcours d'intégration, mais vous ne définissez pas quelles pourraient être les stations de ce parcours. Alors, je vous laisse le soin de nous préciser à quoi ça peut ressembler.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, j'ai déjà mentionné, hein, les composantes qui sont habituellement... qui sont dans de tels parcours ailleurs, dans les autres pays. On les retrouve déjà un peu ici, au Québec, sous la forme de la francisation, d'Objectif Intégration, du test de valeurs aussi. Donc, c'est des choses qui existent déjà un peu... un peu ici. La manière dont ça fonctionne en Europe, c'est que la réussite du...

M. Dubreuil (Benoît) : ...peut être conditionnel à l'obtention d'un permis de séjour temporaire, ou au renouvellement d'un permis de séjour temporaire, ou encore à la naturalisation. Des fois, il peut y avoir des modalités, donc ça peut être obligatoire pour certaines catégories d'immigrants, mais facultatif pour d'autres. Des fois, il y a des approches qui sont très soutenantes avec des prestations, d'autres fois il y a des approches qui sont plus punitives, selon les pays. Donc, il y a toute une calibration qui est à aller chercher. Et, là-dessus, je ne veux pas trop m'avancer, là, je pense qu'il y a plusieurs discussions qu'on pourrait avoir. Pour moi, ce qui est intéressant avec ça, c'est de ramener sous un chapeau, finalement, un ensemble d'obligations, ou de devoirs, ou d'outils même qui sont disponibles pour les personnes immigrantes.

M. Bérubé : Je me permets d'en ajouter deux à votre réflexion, par exemple, les cérémonies d'accueil pour les nouveaux arrivants au Québec, où on réitère que le français est notre langue commune. Et une autre peut-être plus étonnante, c'est une initiative de l'Université de Montréal sur les concours d'art oratoire, et ça, c'est fascinant parce que quiconque y participe travaille sa connaissance de la langue, sa facilité à s'exprimer. Je trouve qu'au Québec ce type de débat, d'échange, c'est un sport amical, devrait être valorisé davantage. Alors, cette belle initiative qui existe. Souvent, on est sollicités, les parlementaires, pour y assister. Je crois qu'il y a là quelque chose d'intéressant sur la qualité de la langue exprimée aussi. Ça devrait être valorisé.

M. Dubreuil (Benoît) : L'enseignement du français à l'école est beaucoup centré autour de la... autour de la variante écrite puis autour de la question de l'orthographe, la maîtrise de l'orthographe, et la question de la maîtrise de l'oralité est extrêmement importante, particulièrement aussi pour les jeunes allophones qui ont besoin d'utiliser le français dans des contextes de socialisation informels pour maîtriser tous les registres de la langue et toutes les variétés. Vous mentionnez justement les concours d'art oratoire. C'est parfait. On peut aussi avoir des batailles de rap keb, ce serait...

• (16 heures) •

M. Bérubé : C'est ce que j'allais vous dire. Ma conjointe, qui est une spécialiste dans le domaine, me disait que : Qui est en train de nous donnez les plus belles leçons en matière de langue, de maîtrise de la langue? C'est des rappeurs français, québécois qui arrivent avec des tournures de phrases, avec des beaux mots, avec une réalité fascinante. Alors, peut-être qu'ils pourraient éventuellement collaborer à vos travaux et nous surprendre.

M. Dubreuil (Benoît) : Il faut qu'on présente la langue française, pas seulement comme un code écrit qui est utile, mais que ce soit un outil qui nous permet d'exprimer nos émotions et de forger des liens.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, est-ce qu'on dit rappère ou rappeur? Merci beaucoup. Alors, sur ces bonnes idées, ces échanges, je vous remercie pour l'apport à nos travaux.

Nous allons suspendre quelques secondes, le temps de recevoir... quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 01)


 
 

16 h (version non révisée)

(Reprise à 16 h 04 )

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons pour lors la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Alors, je vous présente Mme Sarah Toulouse, membre du conseil d'administration, M. Frey Guevara, membre du Conseil d'administration, M. Louis-Philippe Jannard, membre de l'équipe, ainsi que Mme Émilie Bouchard, membre de l'équipe.

Alors, mesdames, messieurs, bienvenue à la commission. Vous allez avoir 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va entamer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, les prochaines 10 minutes sont à vous.

Mme Toulouse (Sarah) : Merci beaucoup, M. le ministre, Mme la Présidente, et Mmes MM. les députés. Je vais prendre un tout petit moment pour nous représenter dans nos rôles. En fait, moi, je suis, oui, à la coprésidence, la table, de la TCRI, mais je suis aussi directrice générale d'un organisme d'accueil, Accueil Intégration Bas-Saint-Laurent basé à Rimouski. Mon collègue Frey, vice-président de la TCRI, lui est directeur du SERY qui est à Granby, Louis-Philippe est coordonnateur du volet protection, et Émilie est coordonnatrice au niveau de l'employabilité pour la TCRI. Donc, je trouvais ça important de vous placer nos différents chapeaux. Merci de nous offrir cet espace-là pour venir discuter avec vous de notre... mais de nos commentaires par rapport au projet de loi.

La TCRI existe depuis 45 ans puis en fait a au cœur de sa mission l'intégration, la défense de droits des personnes réfugiées et immigrantes. Elle regroupe en fait 155 organismes de partout au Québec, puis ces 155 organismes-là, dont le mien, celui de Frey et plusieurs autres, sont vraiment au cœur de tout ce processus d'intégration là, ont vraiment l'expertise de terrain au quotidien en fait de l'intégration, donc c'est pour nous très pertinent d'être ici aujourd'hui.

Vous avez pu remarquer qu'on ne vous a pas soumis la version complète de notre mémoire encore, considérant les courts délais puis le fait qu'on a énormément de membres avec lesquels on peut prendre le temps de bien discuter puis de bien asseoir les différentes recommandations. On va vous soumettre ça dans les délais prescrits, mais on vous a envoyé préalablement, là, nos commentaires préliminaires.

Bien, d'ailleurs, vous avez pu le constater, en fait la TCRI revendique depuis longtemps et l'encadrement législatif du modèle d'intégration dans l'idée d'avoir une approche qui soit cohérente. On salue donc présentement, bien, l'initiative du gouvernement. On souhaite d'ailleurs mettre à contribution notre expertise au service des démarches qui sont à venir parce qu'on pense qu'on a un regard très intéressant à apporter.

Vous avez pu le constater dans les commentaires préliminaires, on n'est toutefois pas en mesure de dire qu'on appuie, dans la mouture actuelle, le projet de loi tel que déposé. On est d'avis que certaines nuances s'imposent afin, bien, d'avoir un projet de loi qui soit vraiment à l'image de la société qu'on souhaite bâtir collectivement, puis je vais laisser à mes collègues y aller plus en détail dans ces aspects-là. Louis-Philippe.

M. Jannard (Louis-Philippe) : Merci, Sarah. Bonjour à toutes et à tous. La première raison pour laquelle nous ne l'appuyons pas le modèle tel que proposé a trait à son orientation générale. En effet, à la lecture des articles 1 et 4, on constate que le modèle d'intégration met d'abord l'accent sur la préservation, la promotion de la culture commune et de la langue française plutôt que sur l'intégration des personnes immigrantes proprement dites. De plus, l'article 4 fait de l'accueil et de la pleine participation des personnes immigrantes un moyen pour favoriser l'adhésion à la culture commune. Dans cette conception, l'intégration ne semble pas être une fin, une fin en soi. On observe ainsi un net déséquilibre entre les mesures consacrées à la culture...

M. Jannard (Louis-Philippe) : ...on observe ainsi un net déséquilibre entre les mesures consacrées à la culture et celles qui sont consacrées à l'intégration. Par exemple, lorsqu'on s'attarde aux fondements du modèle, aux devoirs de l'État ou au contenu de la politique nationale, on remarque qu'une grande majorité de mesures se rattachent à la culture. De surcroît, parmi les mesures relatives à l'intégration, on ne retrouve rien dans le projet de loi qui ne fait pas déjà partie des activités de nos organismes, que ce soit la francisation, les séances objectif intégration ou le jumelage interculturel. Ce déséquilibre se manifeste aussi dans la façon dont la culture québécoise ou commune est définie à l'article 3. D'entrée de jeu, mentionnons qu'il n'y a aucun élément dans cette définition auquel nous nous opposons. Par exemple, la TCRI a toujours reconnu la langue française comme étant la langue d'intégration au Québec. Néanmoins, la définition proposée comporte deux problématiques majeures. D'une part, elle ne reconnaît pas la diversité qui façonne le Québec d'aujourd'hui, par exemple, les multiples diasporas qui sont présentes au Québec, certaines depuis plusieurs décennies. D'autre part, la définition me semble particulièrement rigide, alors que, par essence, la culture est en constante évolution. Malgré les quelques mentions de la contribution des personnes immigrantes ou des minorités culturelles, on se demande s'il y a réellement ouverture à cette contribution parce qu'on ne voit pas d'espace pour ces apports dans la façon dont la culture est conceptualisée. Donc, le projet de loi nous semble ainsi être en rupture avec l'approche interculturelle au profit d'une approche aux accents assimilationnistes dans laquelle les organismes ne se reconnaissent pas. Je passe maintenant la parole à ma collègue Émilie.

Mme Bouchard (Émilie) : Oui. Merci, Louis-Philippe. Donc, bonjour, tout le monde. Moi, j'aimerais qu'on aborde la question de l'intégration parce que, bon, pour nous, c'était une intégration assez problématique parce qu'on ne reconnaît que la dimension culturelle de l'intégration des personnes immigrantes. Mais comme vous le savez, l'intégration, c'est un processus complexe qui ne se résume pas qu'à l'apprentissage du français et des valeurs québécoises. Il y a plusieurs dimensions qui sont négligées, quant à nous, dans le projet de loi, dont la dimension socioéconomique. Vous savez, il a bien été documenté que beaucoup, la majorité des personnes immigrantes s'intègrent grâce à leur emploi, qui est un vecteur d'apprentissage du français, mais aussi un lieu de socialisation. On peut apprendre toutes sortes de choses dans l'emploi, dont des compétences techniques mais aussi sociales. Dans le projet de loi, on peut bien lire qu'il y a un principe de réciprocité qui est l'une des assises du projet de loi. Il y a des attentes spécifiques qui sont formulées à l'égard des personnes immigrantes.

• (16 h 10) •

Cependant, à la lecture des articles 6 et 7, on trouve que le projet de loi demeure silencieux sur les devoirs de l'État quant à la préparation de la société d'accueil pour favoriser la pleine participation des personnes immigrantes, comme le dit le gouvernement, alors qu'elles impliquent des dimensions collectives importantes au niveau de la pleine participation. Le seul devoir de l'État qu'on voit, qui se rattache à l'intégration, prévoit l'offre des mesures visant l'accueil et l'intégration des personnes immigrantes. On mentionne à plusieurs reprises, là, l'apprentissage du français, puis les valeurs démocratiques et québécoises. Les autres devoirs concernent la protection de la langue française, la culture commune ou la défense de certaines valeurs. Donc, pour nous, on ne voit pas vraiment de réciprocité au niveau des personnes immigrantes, et puis les obstacles spécifiques reliés aux politiques et programmes d'immigration ne sont pas abordés, encore moins les solutions pour lever les barrières à l'intégration qui sont nombreuses, comme on le sait. Donc, il est vraiment important pour nous de reconnaître la diversité des parcours d'immigration et d'intégration des personnes immigrantes que le Québec accueille. Il y a toutes sortes de personnes avec des statuts d'immigration, des parcours de vie différents. Donc nous, la TCRI, on s'est positionné depuis longtemps sur l'intégration, puis on se base sur un document phare qui s'appelle Cap sur l'intégration. Et les organismes de la TCRI qui, à travers leurs différents services, dont le PASI, qui est financé en fait par les MIFI, sont au premier plan de l'intégration des personnes immigrantes. Vous savez, il offre un soutien personnalisé qui correspond à leurs besoins uniques. Puis chaque parcours au sein des organismes est différent parce que chaque besoin semble différent. Donc, je vais laisser mon collègue Frey vous parler un peu plus en détail, là, du travail des organismes, puis comment le projet de loi pourrait avoir un impact sur les organismes et les personnes elles-mêmes.

M. Guevara (Frey) : Merci beaucoup. Bon, la considération qui se rattache à toutes et tous dans la politique nationale pour les organismes... ça comprend l'article 10 que les organismes qui reçoivent de financement du gouvernement vont être soumis à la politique. On ne sait pas exactement sur quel niveau ça va être le financement ni la nature des obligations qui seront imposées. De plus, comme ça a été mentionné, la TCRI est un réseau de 155 organismes, partout au Québec qui accompagnent les personnes immigrantes. Et ça, c'est environ 120 000 personnes par année qu'on accompagne jour après jour. Ce projet-là n'est pas...

M. Guevara (Frey) : ...ne permet pas la consultation des parties prenantes dans l'élaboration de la politique. Il est important de considérer la réalité terrain. Nos intervenants sont des intervenants de première ligne qui confrontent... ou qui rencontrent, plutôt... première fois la personne qui arrive dans nos territoires. Il faut découvrir son parcours migratoire et comprendre un peu le contexte dans lequel ils sont arrivés pour bien pouvoir développer une approche, une approche interculturelle, qui est vraiment important pour pouvoir faire avancer et qu'on utilise depuis plus de... plusieurs décennies. Alors, de notre part... on... fortement des politiques et programmes d'intégration du ministère visés par le règlement prévu à l'article 16. Ces programmes comportent déjà de nombreuses exigences, de la reddition des comptes qui est particulièrement exigeante, en termes de temps, pour les organismes. On a des... d'interventions à faire par année, par intervenant, mais, en même temps, il faut considérer tout le temps qui doit être consacré pour la préparation de la reddition de comptes en tenant en compte les différents obstacles qu'on vit, par exemple, avec... c'est une plateforme qui nous exige beaucoup de temps pour pouvoir présenter une reddition de comptes qui représente vraiment le travail. Parce que, malgré tous les efforts qu'on fait, il y a beaucoup de travail visible, à partir de ce moment-là, parce qu'on n'arrive pas à pouvoir saisir toutes les informations et tout l'accompagnement qu'on déploie pour pouvoir accompagner les gens.

Pour terminer un peu ma présentation, je tiens aussi à mentionner qu'il y avait des... les exemples sur les mesures d'intégration mentionnées dans le programme de... le projet de loi font partie déjà des pratiques diversifiées. Par contre, on ne voit pas de nouvelles stratégies ou des nouvelles propositions pour les personnes immigrantes, malgré les différents obstacles à l'intégration. On s'oppose un peu au modèle, mais on tient compte qu'on veut travailler de la main avec le ministère, tel qu'on vous l'avait déjà mentionné, M. le ministre, lorsqu'on vous a visité. On est prêt à vous tendre la main, à mettre sur la table notre expertise, la collaboration de tout le réseau des organismes de la... Merci beaucoup pour l'invitation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour vos propos. On va donc engager tout de suite la discussion avec les parlementaires, et je me tourne du côté du ministre, pour une période de 16min 30 s au total.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous. C'est très intéressant de vous avoir autour de la table aujourd'hui, parce que, bon, parfois on a des institutions, comme le Commissaire à la langue française, on a des chercheurs, on a des universitaires, on a des philosophes, mais on a vraiment besoin d'avoir des gens de terrain comme vous, et vos organismes, et vos partenaires, et les gens qui sont directement en contact avec les nouveaux arrivants pour faire attention de ne pas s'égarer quelque part dans les nuages.

On est dans une loi-cadre, on est dans une loi fondamentale. Donc, oui, ça nous prend des considérants, ça nous prend des grands principes qui sont très importants, ça nous prend des concepts, mais ça nous prend votre avis aussi. Donc, merci de participer à l'exercice, c'est très apprécié.

Vous avez mentionné, en début de présentation, vous saluez l'initiative du gouvernement, mais vous n'appuyez pas le projet de loi tel que présenté parce qu'il y a des ajustements à faire, puis c'est très bien, alors on est là pour vous écouter là-dessus, mais je voudrais juste comprendre, avant qu'on creuse, là, dans le détail, quand vous dites que vous saluez l'initiative du gouvernement, ça fait longtemps que vous attendiez qu'on développe notre modèle... On n'a pas... en tout cas, il est informel, notre modèle, en ce moment. Quel est l'impact, au moment où on se parle et cette année, l'an passé, il y a deux ans, il y a trois ans, de ne pas avoir de modèle formellement défini? Quel est l'impact, en ce moment, sur le terrain, de ne pas avoir la loi optimale qui sera bonifiée?

M. Jannard (Louis-Philippe) : Oui, merci. Merci, M. le ministre, pour votre question. L'impact, bien, évidemment, c'est qu'on peut observer un manque de cohérence entre certains programmes. Pour nous, il y a certains éléments dont on fait mention, là, dans nos commentaires préliminaires qui, tu sais, en matière d'intégration, seraient importants d'inclure. Quand, on mentionne les obstacles à l'intégration notamment, bon, ma collègue Émilie faisait référence aux obstacles en emploi, il y a des dimensions sociales importantes. Plus tôt, ce matin, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse parlait de la lutte contre les discriminations, la lutte contre le racisme. Donc, avoir un outil législatif qui permette un modèle cohérent permet de mettre en œuvre ce type de mesures là à travers la... je dirais, les différentes composantes de la société, permet aussi d'avoir une approche... une approche partagée relative à l'intégration...

M. Roberge : ...merci beaucoup. Donc, une meilleure cohérence gouvernementale puis peut-être un outil de référence pour chacun des organismes un peu partout. Maintenant, travaillons à l'améliorer puis à regarder comment on comprend ce qui est sur la table en ce moment.

Vous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez des enjeux avec l'article 3 où on parle de la culture commune, puis on est dans le chapitre II qui s'appelle Modèle et fondements. Donc, on est vraiment dans les concepts, les principes et il y a plusieurs articles qui sont là, dans le chapitre II, sur le modèle et fondements. L'article 3, d'après vous, ne mentionne peut-être pas assez la diversité. J'accepte cette critique-là, il n'est pas précisément dans l'article 3, effectivement, mais dans le même chapitre, on le détaille, le modèle, dans plusieurs articles, et, dans l'article 5, on parle quand même que les personnes immigrantes, les personnes s'identifiant à des minorités culturelles sont appelées à contribuer — donc on parle qu'il y a des gens de partout — sont appelés à contribuer, notamment à partir de leurs caractéristiques culturelles, à son évolution et son enrichissement, on parle de la culture commune. Donc, quand on... Est-ce que c'est suffisant pour vous de dire qu'on a des gens qui ont différentes caractéristiques culturelles qui n'appartiennent pas... le Québec n'est pas pleinement homogène, tout le monde n'appartient pas à la même communauté culturelle, certains ont des caractéristiques culturelles différentes. Je pensais qu'on le mentionnait assez dans Modèle et fondements. Si oui, à cette lecture, tant mieux, sinon, comment on devrait le formuler?

M. Jannard (Louis-Philippe) : Bien, il y a peut-être deux éléments que je peux me permettre de suggérer. D'abord, dans la définition de la culture commune à l'article 3, de reconnaître les apports de la diversité déjà existants, je pense que, tu sais, aujourd'hui dans le Québec de 2025, il y a déjà différentes communautés qui ont contribué à la culture commune, la, différentes diasporas qui sont présentes au Québec depuis longtemps. Ce serait un premier élément. Puis peut-être comme... c'est M. Bouchard, là, qui y faisait référence ce matin, aussi reconnaître le caractère évolutif de la culture, peut-être plus explicitement à l'article 3. On comprend qu'à certains endroits, dans le projet de loi, il y a mention des contributions, une invitation à adhérer, à contribuer à la culture commune, mais on pourrait reconnaître d'emblée son caractère évolutif, ça nous semblerait une ouverture peut être plus explicite, je dirais, aux apports de la diversité.

• (16 h 20) •

M. Roberge : Merci. Le caractère évolutif, je note. On a quand même, dans le sixième considérant : «considérant que des personnes immigrantes venues du monde entier contribuent à la nation québécoise;», donc on voit qu'elles ont contribué et qu'ils contribuent. On est au présent tout de suite, pas juste vont contribuer peut-être un jour, mais ils ont quand même contribué à la nation, la nation est là parce que des gens venus de partout ont contribué. Mais je prends quand même des notes. Merci.

Peut-être une dernière question, je vois mes collègues qui voudraient interagir avec vous, peut-être. Concrètement, comment on peut mieux vous aider? Évidemment, si on vous donne plus d'argent, c'est comme ça toujours, hein, plus de moyens, plus de ressources, plus de locaux, plus d'intervenants, je suis très conscient, très, très conscient de ça, mais je vous dirais, dans la manière de faire, dans le modèle qu'on développe, comment on pourrait mieux faire pour intégrer les gens à la nation québécoise, là, dans une démarche d'ouverture? Qu'est-ce qu'on devrait faire ensemble? Qu'est-ce qu'on devrait dire ensemble?

Mme Toulouse (Sarah) : Bien, moi... je vais y aller si vous permettez. J'ai envie de nommer le besoin d'aller dans la globalité du besoin d'intégration. Les personnes que nous, on accompagne sur le terrain, elles arrivent puis, oui, elles ont envie de connaître la culture dans laquelle elles s'intègrent, de contribuer, mais elles ont aussi envie de trouver leurs repères à travers ça, elles ont besoin d'accompagnement au niveau psychosocial, au niveau de plein de facettes socioéconomiques, au niveau de l'ensemble des différents facteurs qui vont favoriser cette intégration-là. Donc, si on demande qu'est-ce qu'on peut faire pour favoriser ça, bien, je pense que c'est encore une fois d'être à l'écoute du terrain puis de voir, bien, qu'est-ce qui, concrètement, fait que les personnes issues de l'immigration finissent par se sentir à leur place puis qu'il y a vraiment un sentiment pour les intervenants, intervenantes sur le terrain aussi d'avoir les bons outils pour les accompagner, d'avoir en main les bons éléments pour faciliter l'intégration de plusieurs façons et pas juste dans un angle.

Donc, j'ai envie de dire que de prendre le temps qu'on regarde les différents programmes, puis, oui, dans l'élaboration de la...

Mme Toulouse (Sarah) : ...l'élaboration de la politique pour mettre en place les éléments qui vont faciliter le travail terrain, mais je pense qu'ultimement ça va favoriser une intégration qui va être au bénéfice de tous, à la fois de la collectivité, mais aussi des personnes qu'on accompagne puis des organismes sur le terrain.

M. Roberge : Parce que... Merci. Merci. On est là. On n'est pas techniquement dans un projet de loi sur, purement, l'immigration, on est dans un projet de loi sur l'intégration. Évidemment, on va intégrer les gens qui sont arrivés récemment, mais aussi des personnes qui, des fois, peuvent être arrivées il y a un certain temps, même des gens qui sont nés ici, parfois de parents migrants qui ne s'identifient pas tellement encore à la culture québécoise. Donc, le défi, c'est de transmettre cet amour du territoire, des cultures, des traditions, évidemment, en tendant la main. Donc, pour susciter l'espèce d'adhésion, de fierté, de sentiment d'appartenance, c'est quoi la potion magique que vous avez ou que vous voulez davantage? Je n'ai pas des questions faciles, hein, mais on est dans... on n'est pas dans un projet de loi qui est simple, mais c'est pour ça qu'on aime ça.

M. Guevara (Frey) : Je pense que, excusez-moi, je reprends la parole, oui, c'est très intéressant, et, comme vous disez, ça incite beaucoup à la réflexion, mais il faut considérer également... la responsabilité ne repose pas seulement sur un projet de loi ni sur l'organisme... qui fait l'accueil des personnes immigrantes. C'est une responsabilité de la collectivité. Mais je pense que les discours politiques, il faut les adapter réellement, parce que si aujourd'hui on allume la télé, on écoute de l'immigration au Québec et on entend seulement les discours politiques, on est en train de voir l'immigration d'une façon négative. Je pense qu'il faut aussi mettre en considération l'apport, la richesse. Si on le regarde, mettons, sur le plan culturel, si on le regarde sur le plan économique, comme une entreprise au Québec, on continue à fonctionner grâce aux travailleurs étrangers temporaires par exemple. Alors, si on ne tient pas compte de la richesse qu'apporte l'immigration dans notre pays à différents niveaux, je pense que l'ensemble de la société ne va pas nécessairement s'ouvrir à collaborer et à contribuer pour faciliter l'inclusion de ces gens-là.

M. Roberge : Merci infiniment pour votre présentation. J'ai des collègues qui brûlent de vous questionner.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : En effet, il y a que le druide d'Astérix qui a le secret de la potion magique. Je laisse la parole maintenant à la députée de Vimont. Il reste 6 min 10 s.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents aujourd'hui. À plusieurs reprises, vous avez soulevé pendant la présentation les nombreux écueils que peuvent rencontrer les nouveaux Québécois dans leur intégration. Vous représentez 150 organismes, donc j'imagine qu'à travers les rencontres, ou peu importe, là, que vous faites, il y a des éléments, justement, qui doivent sortir de ces rencontres et qui viennent parler, justement, de ces problématiques rencontrées. Pourriez-vous peut-être juste nous... peut-être pour le bénéfice, là, de ma propre compréhension, là, peut-être, me mettre à l'avant-plan, là, c'est qu'est-ce que les nouveaux arrivants racontent principalement? Et, en réponse à ça, je vous poserais tout de suite la deuxième question : Qu'est ce qu'on pourrait mettre de l'avant maintenant pour favoriser une cohésion sociale qui est forte?

Mme Toulouse (Sarah) : J'ai envie de nommer qu'est un des éléments majeurs présentement, c'est le discours ambiant, dont mon collègue Frey parlait, il y a beaucoup... on sent beaucoup d'incohérence sur le terrain. Ça a été nommé par d'autres qui sont venus devant vous aujourd'hui aussi, entre ce qui semble être souhaité du côté du gouvernement, au niveau de la francisation, au niveau de l'intégration socioéconomique, et tout, puis concrètement qu'il y a de possibles sur le terrain. Donc, un des... une des difficultés c'est de... comme personne issue de l'immigration, de vivre à travers ce double discours-là, de dire : Je sens que j'ai besoin d'apprendre le français, je dois être fonctionnelle, j'ai besoin de comprendre la culture dans laquelle je vais m'intégrer, et tout. Puis, en réalité, mais il y a plusieurs barrières, en fait, qui se mettent en travers du chemin. Donc, qu'est-ce qui peut être fait concrètement? Concrètement, avoir un accès... la francisation, je sais que vous venez tout juste d'en parler, mais on ne peut pas ne pas en parler, surtout quand il est question de... À la fois, Frey et moi, on a des organismes où on accueille les personnes réfugiées prises en charge par l'État aussi. Il y a 14 villes au Québec qui accueillent les réfugiés pris en charge. Et c'est tellement essentiel, le volet francisation, dans tout ce qui est intégration dans le milieu aussi, parce que c'est un espace... au-delà de l'apprentissage de la langue, c'est un espace de socialisation, de compréhension des codes aussi. Puis c'est...

Mme Toulouse (Sarah) : ...essentiel de pouvoir l'offrir de façon présentielle et adaptée.

Je pense que ce qu'on a de particulier, les 155 organismes qui font de l'accompagnement de personnes issues de l'immigration c'est qu'on le fait de façon individualisée, personnalisée pour chaque personne. Parce que c'est ce qui ressort du terrain aussi, c'est le fait que chaque individu, chaque parcours, chaque histoire est unique, puis, pour ça, ça prend du temps. Il n'y a pas un modèle, il n'y a pas une approche, avec une liste à cocher de : voici comment bien intégrer une personne, puis comment... ce dont elle a besoin. On doit toujours partir du besoin, de la réalité, des aspirations aussi, parce qu'on n'a pas envie de mettre les gens dans des cases. On a envie de leur offrir toutes les opportunités. Mais, pour ça, il faut prendre le temps.

Donc, le plus beau... le plus bel outil qu'on peut avoir sur le terrain, bien, c'est du temps pour les accompagner, puis des milieux qui sont sensibilisés, puis qui ont la même intention aussi, de dire : Bien oui, on va adapter nos pratiques, parce qu'on est dans une société qui évolue puis qui a besoin d'adapter ces différentes approches tant au niveau du milieu du travail, tu sais, au niveau de la santé, l'éducation. Donc, j'irais dans ce sens-là.

Mme Schmaltz : Dernière petite question, reliée à ce que vous expliquez. il y a certaines villes, municipalités, au Québec, qui mettent à l'avant-plan des programmes, justement, d'intégration des nouveaux arrivants, ou, du moins, des plans pour les aider à bien s'intégrer, et puis, somme toute, on se rend compte que ça fonctionne très bien. Souvent, c'est des idées, aussi, qui viennent du milieu, hein, parce que, dans chaque région, la réalité est très différente, hein? On a parlé... on a un peu soulevé l'intégration tantôt. On parle de francisation. On n'ira pas là-dessus, non plus, pour débattre, parce que je pense que le ministre a très bien expliqué, pendant plusieurs semaines, tout ce qui touche au niveau de la... de la francisation. Je pense que la compréhension doit être... doit être au rendez-vous pour pouvoir s'exprimer sur la question.

Alors, je voulais juste... Dernière petite question, je ne sais pas si vous voulez passer aussi, après, à mon collègue, la prochaine question, là, disons. Je voulais juste savoir, au niveau, justement, de ces municipalités, qu'est ce que vous pensez de ça, justement, d'avoir ces plans qu'ils mettent en place?

M. Guevara (Frey) : Je vais me prononcer, parce qu'ici à Granby, effectivement, la municipalité a décidé... s'est dotée d'un plan d'action, qui délivre... ne souligne plus l'influence exercée par l'organisme lorsqu'un invité est en table de concertation. Alors, les principaux défis ont été ressortis grâce à la concertation. Mais, aujourd'hui, la concertation n'est pas nécessairement financée. Il faut écouter les milieux, il faut écouter les personnes immigrantes, les personnes concernées.

• (16 h 30) •

Et, un peu en lien avec... l'autre question également, je pourrais dire que, dans différents exercices que nous avons faits, dans différentes recherches, on demande aux personnes immigrantes : Pourquoi vous n'adhérez pas... pourquoi vous n'êtes pas... pourquoi vous ne participez pas à toutes les activités, qui sont des activités collectives qu'on déploie pour vous? Donc, la réponse est : Premièrement, on ne parle pas encore le français pour pouvoir comprendre qu'est-ce que vous allez nous fournir comme information. Deuxièmement, vous avez essayé d'inventer, les ministères... essayé de déployer des politiques sans tenir compte de notre réalité. Alors, il faut... il faut connaître la personne qu'on va accueillir. Donc, par exemple, on va faire une fête à la maison, on va savoir qui on va inviter, qu'est-ce qu'on va préparer pour bien les accueillir. Ce n'est pas la faute de l'invité si jamais, à la maison, on n'a pas tout préparé pour bien les accueillir.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut considérer aussi à... la personne migrante dans son besoin primaire pour pouvoir adapter les techniques ou les... ou les pratiques d'accueil.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, c'est ce qui met fin à cette première partie de discussion. Mais je me tourne du côté de l'opposition officielle, et, M. le député d'Acadie, vous avez 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, bon après-midi. Merci d'être là, avec nous, c'est fort important, fort agréable. J'ai... j'ai quelques questions. On a... on a parlé un peu de votre réalité sur le terrain. Vous représentez un nombre important d'organismes. Vous avez parlé aussi, en fait, de langage ou d'attitudes qui sont véhiculés, parfois, par les politiques, ça peut ne pas aider à l'intégration de l'immigration. Mais pour vous, sur le terrain, là, c'est quoi, votre plus gros enjeu quand vous avez à travailler avec des nouveaux arrivants? Je comprends que vous avez aussi des réfugiés. Pour vous, faites-vous une distinction entre les réfugiés puis les demandeurs d'asile? Ça, c'est deux catégories séparées. J'imagine que vous devez travailler avec des demandeurs d'asile également. Alors, c'est quoi, les plus gros obstacles que vous... que vous rencontrez, puis comment vous pouvez nous...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...alors, c'est quoi les plus gros obstacles que vous... que vous rencontrez puis comment vous pouvez nous aider à les solutionner?

M. Jannard (Louis-Philippe) : Je peux peut-être me permettre de commencer sur...

Mme Toulouse (Sarah) : Oui.

M. Jannard (Louis-Philippe) : ...plus spécifiquement sur les personnes en demande d'asile. Effectivement, c'est... bien, c'est une population, là, qui rencontre certains défis, défis particuliers. Par exemple, bon, bien, ils ont déjà un parcours souvent particulier. Ils arrivent avec un statut qui est différent de celui de réfugié. Les réfugiés réinstallés arrivent avec un statut de résident permanent qui leur donne accès à plusieurs services. Pour les demandeurs d'asile, l'accès aux services est beaucoup plus difficile. Le gouvernement du Québec a adopté un décret, en 1996, là, qui vient limiter les services qu'il est possible d'offrir à cette population-là. Donc, je dirais que, ça, c'est un obstacle particulier à cette... pour cette population-là. Le fait aussi, par exemple, des... dans la planification des seuils d'immigration, pour les... les demandeurs d'asile qui sont reconnus comme réfugiés pour les personnes protégées, les seuils sont... restent quand même très bas par rapport à la population de personnes qui sont reconnues comme réfugiées qui habitent au Québec. Donc, ça implique de très longs délais pour obtenir la résidence permanente. Aujourd'hui, on parle d'environ quatre ans. Si la personne a des membres de sa famille à l'étranger, il faut ajouter une année de plus pour que les personnes puissent arriver. Puis, bon, la question de la réunification familiale pose aussi des obstacles particuliers en matière d'intégration. Donc, c'est pour ce qui concerne les personnes en demande d'asile. Mais je m'attendrais par mes collègues pour... pour compléter.

Mme Toulouse (Sarah) : Moi, j'avais envie de nommer la disparité dans la capacité qu'on a d'accompagner les personnes sur le terrain parce que, sur papier, dans les ententes qu'on a, on accompagne les personnes réfugiées, les personnes qui ont des statuts, oui, de résident, les statuts temporaires. Mais les demandeurs d'asile ne sont pas couverts au même titre que les autres personnes qu'on accompagne.

Dans la réalité, ils se présentent dans nos bureaux. Ils ont des situations de vulnérabilité qui sont dans les pires qu'on accompagne, et tout ça, c'est du travail qui se fait j'ai envie de dire dans l'ombre, dans la mesure où techniquement, ce qu'on devrait faire, c'est référer vers des partenaires qui ont ces mandats- là. Quand on arrive en région, ces partenaires-là n'existent pas. À Montréal, il y a des répartitions d'enveloppes, il y a des partenaires qui sont dédiés dans ces accompagnements-là. Quand on sort des centres où il y a ces ententes-là particulières, ça devient le lot des organismes d'accueil, en fait, de... de soutenir les demandeurs d'asile aussi, et ça crée pour nous une disparité puis un sentiment d'injustice aussi parce que tu as deux humains devant toi, un qui n'a pas le bon papier et un qui a le papier qui lui permet d'avoir l'accompagnement santé, éducation, tout ce qui est... tout ce qui va lui permettre de faciliter l'intégration, et l'autre qui techniquement n'a pas juste pas le bon bout de papier puis donc n'est pas en mesure d'avoir accès à ça. Donc ça, ça fait une charge aussi, j'ai envie de dire émotionnelle sur les équipes qui ont à accompagner ces situations-là, parce qu'ils ont accès à un bagage de vie, à une vulnérabilité qui est énorme, mais ils ne savent pas trop par quel bout prendre ça pour être capables de bien accompagner. Donc, c'est ça, je pense que c'est important de le préciser, et ça crée un sentiment d'injustice pour la personne qui se dit : Mais pourquoi lui a accès à ça mais pas moi? On me dit qu'au Québec je suis supposé être bien accueilli, que suis supposé pour avoir accès à tous les services, que tout ce que moi j'ai à apporter est important. Donc, je pense que c'est... c'est bon de le nommer.

Je ne sais pas, Frey, si tu voulais compléter sur concrètement de quoi on aurait besoin sur le terrain.

M. Guevara (Frey) : Mais évidemment, comme vous l'avez tout nommé, je ne vais pas répéter. Mais évidemment, moi, je suis réfugié pris en charge par l'État, alors j'ai peut-être un... qui peu importe les statuts, mais je suis chanceux parce que j'ai eu ce statut en arrivant. Mais si j'étais un demandeur d'asile, sûrement, je voudrais contribuer de la même façon... où je me suis retrouvé et où je me retrouve aujourd'hui. Alors, il nous manque des chances pour ces gens-là. Comme disait Sarah, ces gens-là se présentent pour demander un service auquel ils ont droit d'une certaine façon, mais on connaît la réponse, on connaît la façon de pouvoir les accompagner, mais on n'a pas le droit de le faire, c'est déchirant en tant qu'être humain de répondre ainsi à un être humain.

M. Morin : Oui, je comprends que c'est... c'est déchirant pour vous parce qu'évidemment la personne qui se présente chez vous dans un des organismes que vous représentez, vous allez devoir quand même... vous l'accompagnez. Il ne faut pas juste le mettre à la porte en disant vous n'avez pas le bon papier.

M. Guevara (Frey) : Et c'est quasiment ça.

M. Morin : O.K.

M. Guevara (Frey) : Parce que si on regarde qu'est-ce que le service... qu'est-ce que le programme PASI offre pour les demandeurs d'asile, je l'accompagne pour la recherche de logement, dans mon cas. Je sais qu'il y a des organismes et qu'il y a aussi l'accès à des informations pour aller s'orienter un peu plus, mais c'est tout. Une chance que nous avons développé un service complémentaire pour l'exemption pas de l'éducation. L'éducation, c'est un droit universel, donc peu importe si la personne arrive sans papiers...

M. Guevara (Frey) : ...l'éducation, c'est un droit universel. Donc... si la personne est arrivée sans papiers, elle a le droit à la scolarisation des enfants en droit. Dans ce sens-là, on peut bénéficier et collaborer. Si on regarde actuellement aussi, le gouvernement est entrain de rapprocher la possibilité que les demandeurs d'asile aient accès au... pour les garderies. Alors, c'est aussi une autre situation qu'il faut considérer. On dit que ces gens-là s'intègrent rapidement. Et puis ça contribue à commencer à contribuer rapidement. Ils le font, même s'ils ne parlent pas encore français. Ils se débrouillent avec des grimaces ou peu importe, parce qu'ils ont besoin, ils sont habitués. Ils sont prêts à... à traverser des continents pour arriver. Ce n'est pas juste pour rester en attente. Ils sont prêts à continuer à travailler pour obtenir une meilleure qualité de vie et pouvoir contribuer. Mais on ne lui donne pas la possibilité ni le pouvoir de le faire pleinement.

M. Morin : Je vous remercie. J'en ai parlé plus tôt aujourd'hui, il y a... Le projet de loi ne couvre pas le volet socioéconomique, ne couvre pas, par exemple, la possibilité pour l'État d'offrir des chances égales d'emplois ou d'avancement. Est-ce que, selon vous, c'est un élément qu'on devrait inclure dans le projet de loi? Est-ce que c'est un élément qui aiderait à l'intégration?

Mme Bouchard (Émilie) : Oui, effectivement. Nous, on pense que ça devrait être inclus parce que c'est un des piliers de l'intégration. Une personne immigrante qui a un emploi qualifié à la hauteur de ses compétences va contribuer à l'économie québécoise. Ça, ça va aussi, le développement personnel de cette personne-là, se sentir intégré, collaborer avec des collègues, créer un sentiment de cohésion sociale dans son milieu de travail. Donc, c'est sûr que l'intégration socioprofessionnelle fait partie prenante de l'intégration des personnes immigrantes. Il n'y a pas que ça. Puis on trouve que c'est un pilier important de l'intégration. Mais c'est sûr que, pour l'intégration socioprofessionnelle, pour qu'elle soit bien réussie, bien, plusieurs interlocuteurs et parlaient avant nous, il faut qu'il aide à la levée d'obstacles structurels et systémiques parce que c'est bien de vouloir s'intégrer en emploi, c'est bien d'avoir un beau C.V., d'avoir été préparé par les organismes, mais si, par exemple, c'est difficile au niveau de la reconnaissance des acquis et des compétences, si le système fait en sorte qu'on ne peut pas accéder à une profession réglementée, par exemple, bien, c'est sûr qu'on ne va pas avoir un emploi à la hauteur de nos compétences. Puis le processus, le cheminement pour y accéder va être long et laborieux, puis on peut se déqualifier pendant ce temps-là.

M. Morin : Et dans votre réalité, quand vous accompagnez des gens, admettons des professionnels qui arrivent d'un autre pays, là, est-ce que vous éprouvez des difficultés avec les ordres professionnels ou l'Office des professions? Qu'est-ce que vous vivez sur le terrain? Est-ce que ça représente un obstacle, j'imagine?

• (16 h 40) •

Mme Bouchard (Émilie) : Oui, effectivement, mais ça dépend des... Ce n'est pas tous les ordres, là, qui sont au même niveau, qui ont fait des avancées dans les dernières années. Certains ordres sont plus... ont des pratiques plus adaptées. Mais c'est sûr qu'au niveau des ingénieurs, par exemple, beaucoup d'organismes membres de notre réseau accompagnent des ingénieurs. Bien, c'est sûr qu'il y a des choses qui ont été mises en place avec l'Ordre des ingénieurs pour faciliter l'intégration des passerelles. Mais oui, c'est ça, effectivement, les ordres professionnels, on est, au Québec, hein, une société très réglementée. Il y a les ordres, mais il y a aussi toutes les instances de réglementation au niveau, par exemple, de la CCQ, de l'AMF. Donc c'est ça qu'il faut assouplir, mais toujours dans le bien du public, c'est ces règles-là, parce que ça n'a pas été conçu pour des personnes, par exemple, qui ont étudié à l'extérieur du pays, qui ont eu leur expérience professionnelle. Comment le système fonctionne, ce n'est pas adapté. Donc, c'est sûr qu'au fur et à mesure, bien, à travers les années, on a vu une percée, mais il y a encore beaucoup à faire à ce niveau-là.

M. Morin : Je vous remercie. Parlons maintenant des relations intercommunautaires. Est-ce que, pour vous, c'est un élément qui favoriserait non seulement l'intégration, mais l'égalité de tous les citoyens? Puis quel pourrait être le rôle des municipalités? Parce qu'il y a ma collègue la députée de Vimont qui a posé une question là-dessus, mais j'aimerais ça vous entendre davantage.

M. Guevara (Frey) : Bien, je vais me lancer un peu. Oui, effectivement. Et moi, je l'ai déjà mentionné et je l'ai déjà entendu aussi, le discours à un niveau politique et du gouvernement. C'est une responsabilité partagée. Alors, si le milieu est préparé, le milieu peut adapter ses pratiques, c'est sûr et certain que les gens vont avoir des chances, de meilleures chances pour pouvoir percer. Mais si on dresse un peu un cadre rigide, c'est difficile de permettre à ces gens-là d'avoir un accompagnement. Il y a une considération de...

M. Morin : Très bien.

Mme Toulouse (Sarah) : Moi, j'ai envie de nommer...

M. Morin : Oui.

Mme Toulouse (Sarah) : J'ai envie de nommer qu'il y a des mesures en place qui nous facilitent le travail en collectivité aussi. Tu sais, quand on parle au Programme d'appui aux collectivités, justement, qui est un programme qui nous permet d'aller à la fois faire de la sensibilisation, de la formation, du maillage dans le milieu, c'est des programmes qui...

Mme Toulouse (Sarah) : ...il ne faut pas perdre de vue parce que ça nous facilite le travail. Parce que quand on parle d'intégration, oui, il y a la personne qu'on accompagne, l'accompagner dans son cheminement, mais il y a le milieu dans lequel elle va aller s'intégrer, cette personne-là, puis, pour nous, ça va main dans la main. Il faut absolument qu'on puisse à la fois travailler dans le milieu puis aller cibler les zones d'ombre où on se dit : O.K., là on a du travail à faire, il faut qu'on ait les moyens d'y aller aussi. Donc, je pense que ça, ça vient... c'est une solution qui existe déjà. Puis c'est un peu ce qu'on met de l'avant aussi, il y a plusieurs des pistes qui sont amenées dans le projet de loi, qui existent, qui sont déjà notre quotidien, en fait, aux organismes sur le terrain. Donc, c'est ce dont on veut s'assurer, que ce qui se fait déjà de bien sur le terrain remonte puis soit pris en compte dans l'élaboration à la fois du projet de loi, mais de la politique à venir.

M. Morin : Je vous remercie. J'imagine que, dans votre réalité, pour donner ces services, vous faites des demandes au gouvernement pour des fonds compte tenu de différents programmes. Est-ce que ça vous demande un effort? Est-ce que c'est très lourd pour avoir accès? Et puis, est-ce que ça vous demande... est-ce que c'est difficile... J'imagine, ces programmes-là ne sont pas pérennisés, est-ce que c'est un enjeu pour vous?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je suis désolée, le temps est terminé. Bon, O.K., on a la réponse, le temps est terminé, mais on a un dernier échange, une dernière période d'échange avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Bonjour et merci d'être avec nous. Je connais quand même certains et certaines d'entre vous, très content de vous revoir. Puis je voulais d'abord vous remercier pour le travail que vous faites sur le terrain. C'est vous qui représentez vraiment le contact direct et l'intégration directe. Au-delà de ce qu'un projet de loi peut faire, là, c'est vous qui mettez en œuvre l'accueil des nouveaux arrivants, puis, pour ça, on vous doit un grand merci.

Il y a plusieurs constats et il y a plusieurs réalités, on en échangeait récemment, là, avec certains d'entre vous, mais il y a l'explosion des délais en réunification familiale. Il y a évidemment l'explosion des délais pour l'obtention de la résidence permanente, vous en glissiez un mot tout à l'heure. Il y a la baisse des services en francisation, on a eu l'occasion d'en discuter, avec les coupes aussi dans les allocations. Il y a eu la contestation des places en CPE jusque devant la Cour suprême, vous en parliez aussi tout à l'heure. La suspension du PEQ, la suspension du PRTQ. Bref, tout ça, puis le projet de loi arrive dans un contexte global, disons, particulier. Et je me demanderais, justement sur le terrain, là, un autre projet de loi, une autre dimension, un autre élément, comment c'est perçu par les gens sur le terrain, ce «buildup»-là ou, bref, cette accumulation-là de réformes ou d'éléments. Comment c'est perçu sur le terrain?

Mme Toulouse (Sarah) : J'ai envie de nommer qu'il y a peut-être une appréhension que ce soit ultimement une... je n'ai pas envie de dire une coquille vide, mais que ce soit un ramassis de choses qui existent. Je l'ai déjà mentionné, mais on fait déjà un travail incroyable, ça été nommé, merci de le souligner d'ailleurs, mais il se fait déjà énormément de choses qui vont dans ce sens-là. Oui, c'est important de l'amener dans un cadre législatif plus global, mais on veut s'assurer aussi que ça aille chercher des éléments sur lesquels on va pouvoir avoir des avancées sur le terrain, tu sais, qu'on ne soit pas juste à reprendre certains éléments qui existent déjà puis vouloir les mettre au même endroit, mais bien d'aller plus loin dans l'idée derrière le projet. Je laisserais peut-être Louis-Philippe compléter.

M. Jannard (Louis-Philippe) : Oui, merci. Bien, justement, on en parlait avec les... avec nos membres vendredi dernier, puis c'est sûr que... bien, c'est ça, le projet de loi s'inscrit, là, dans une suite de différentes mesures, donc dans un contexte... bien, certaines personnes, certains membres de la commission l'ont souligné, qu'on peut y voir certaines contradictions.

C'est sûr que, tu sais, parfois, dans le projet de loi, à certains endroits, on voit ce qui a été nommé par les membres comme un langage très dur quand on parle de repli sur soi, d'isolement. Quand on voit aussi le fait que les mesures d'intégration qui sont prévues existent déjà, il y a déjà la loi sur la laïcité, la Charte de la langue française, mais qu'on rassemble tout ça, des mesures qui existent déjà, mais sous l'angle de l'intégration des personnes immigrantes, ça envoie un certain message. L'impression qui se dégage est que l'immigration ou les minorités culturelles constitueraient en quelque sorte une menace pour le Québec. C'est reçu. Je dirais, de cette façon-là, sur le terrain, là, ça s'inscrit dans un contexte politique particulier, là, auquel vous faisiez référence aussi. Tu sais, on a certaines...

M. Jannard (Louis-Philippe) : ...interrogations. On voit que le ministre porteur du projet de loi est le ministre de la Langue française. Aujourd'hui, c'est le même titulaire que le portefeuille de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas. Donc, il y a certains symboles, je dirais, dans le projet de loi qui inquiètent.

M. Cliche-Rivard : Et vous avez discuté... Oui. En terminant, vous en avez discuté avec les gens sur le terrain, en fait les immigrants — les principaux — reçus. C'est partagé, ce sentiment-là?

M. Guevara (Frey) : Effectivement, ces gens-là n'arrivent même pas à comprendre les changements de dernière minute...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est ce qui met fin à cette discussion. Alors, merci beaucoup pour l'apport à nos travaux. Nous allons entendre... attendre votre mémoire, et je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

Une voix : Merci.

M. Guevara (Frey) : Merci beaucoup.

Une voix : Merci. Bonne fin de journée.

M. Jannard (Louis-Philippe) : Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 16 h 51)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons pour la première... la prochaine heure l'Union des municipalités du Québec. Alors, messieurs, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Pour les 10 prochaines minutes, vous aurez l'occasion de vous présenter et d'exposer votre point de vue sur le projet de loi. Par la suite, nous allons entamer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, le micro est à vous.

M. Damphousse (Martin) : Merci beaucoup. Je suis Martin Damphousse, maire de Varennes et président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné par M. Philippe Biuzzi, conseiller aux politiques de l'UMQ.

Donc, Mme Lucie Lecours, présidente de la commission, M. Jean-François Roberge, ministre de la Langue française, Mmes, MM. les membres de la commission, je vous remercie de donner l'opportunité à l'Union des municipalités du Québec de vous présenter ses recommandations sur le projet de loi n° 84.

L'immigration est une richesse inestimable et un levier stratégique pour le Québec. L'accueil et l'enracinement des personnes immigrantes dans leur milieu, c'est non seulement une nécessité, mais aussi une occasion unique de contribuer au dynamisme des communautés de toutes les régions. Face au vieillissement de la population, aux défis de la vitalité économique et aux pénuries de main-d'œuvre, il est impératif de structurer nos actions. Pour que le modèle d'intégration proposé dans le projet de loi fonctionne, l'UMQ propose des recommandations en s'appuyant sur trois principes phares...

M. Damphousse (Martin) : …la régionalisation de l'immigration et la prise en compte des réalités locales et régionales, la prévisibilité des politiques migratoires et une mise en œuvre efficace et sans lourdeur administrative. Les gouvernements de proximité sont des partenaires incontournables de l'intégration des personnes immigrantes, et ce, peu importe le modèle dont se dotera le Québec. Les opportunités que l'immigration offre sont multiples, et il est crucial de les saisir.

Dans un contexte marqué par les perturbations économiques, les pénuries de main-d'œuvre et un vieillissement de la population, la régionalisation de l'immigration devient non seulement une question de développement régional, mais aussi une vitalité socio-économique et, dans certains cas, de survie des communautés. Les réalités diffèrent d'une région à l'autre, comme toujours, le mur-à-mur n'est pas la solution. Il faut impliquer les municipalités à chaque étape du processus, de la définition des besoins à la mise en œuvre des actions. L'UMQ recommande que la prise en compte des réalités locales et régionales soit au cœur du modèle d'intégration nationale. Il est essentiel que la régionalisation de l'immigration soit abordée dans la politique nationale sur l'intégration à la nation québécoise et à la culture commune.

L'UMQ rappelle l'importance d'adopter une stratégie nationale de régionalisation de l'immigration, élaborée avec les municipalités. Une telle approche garantirait que chaque milieu dispose d'objectifs et de cibles adaptés à ses besoins et à ses particularités. Dans notre mémoire, nous mettons en lumière l'exemple de Thetford Mines, mais il en existe plusieurs autres à travers le Québec. Que ce soit au Bas-Saint-Laurent, sur la Côte-Nord ou en Abitibi-Témiscamingue, chaque région se distingue par ses particularités. C'est pourquoi nous réitérons la demande que nous avions formulée, en 2023, lors de la consultation publique sur la planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027, soit la création d'un programme pilote d'immigration régionale inspiré des modèles éprouvés ailleurs, au Canada comme en Ontario.

Ces initiatives ont fait leurs preuves en facilitant l'enracinement durable des personnes immigrantes en région en réponse à des besoins de main-d'œuvre spécifiques. Un tel programme favoriserait une immigration primaire, c'est-à-dire l'établissement des personnes immigrantes en région dès leur arrivée au Québec. En établissant un modèle d'intégration propre aux particularités du Québec, le projet de loi ouvre la porte à une collaboration gouvernementale renforcée, par exemple en s'inspirant de l'approche tripartite de l'Ontario. Le Québec gagnerait à mettre en place un cadre de gouvernance clair où les municipalités auraient une place reconnue dans la région des… dans la gestion des fonds d'intégration et pourraient établir des stratégies locales adaptées à leurs réalités.

 En renforçant la coordination locale et régionale, Le Québec éviterait la fragmentation des initiatives et assurerait une meilleure complémentarité entre les municipalités et les acteurs communautaires. En attendant que le gouvernement du Québec saisisse cette opportunité, l'UMQ réitère la nécessité d'apporter des améliorations substantielles au programme d'appui des collectivités, le Pacte. Il doit mieux répondre aux besoins des municipalités et soutenir efficacement l'intégration des personnes immigrantes. Ce programme est une composante essentielle du partenariat entre les municipalités et le MIFI, mais ne permet pas la mise en place d'actions structurantes.

Comme mentionné, l'immigration est un levier stratégique puissant, essentiel au développement économique, social et culturel du Québec. Or, les dernières années ont mis en lumière un défi majeur, le manque de prévisibilité des politiques migratoires du Québec. Une telle prévisibilité favoriserait la cohérence des actions gouvernementales et faciliterait la planification des municipalités, des entreprises, des institutions d'enseignement et des organismes communautaires qui participent à l'intégration des personnes immigrantes. La prévisibilité ne profite pas seulement aux acteurs économiques et institutionnels, elle est particulièrement importante pour les personnes immigrantes, puisqu'elles peuvent alors mieux s'enraciner et planifier…

M. Damphousse (Martin) : ...leur avenir au Québec.

L'UMQ recommande donc que la prévisibilité du système d'immigration soit intégrée dans le préambule de la Loi sur l'intégration nationale et qu'elle devienne un pilier du principe de réciprocité entre l'État et la population québécoise. L'UMQ réaffirme son engagement envers une approche cohérente et concertée en matière d'intégration des personnes immigrantes. Les municipalités doivent jouer un rôle clé, et la mise en œuvre de la future loi doit être efficace sans créer de lourdeur administrative. L'UMQ recommande que les coûts liés à la reddition de comptes demandée aux municipalités soient évalués et compensés afin d'éviter qu'elle ne soit pas excessive.

Finalement, l'article 16 du projet de loi prévoit que le gouvernement pourra déterminer par règlement quelles formes d'aide financière devront être compatibles avec le modèle québécois d'intégration nationale et ses fondements. Il s'agit d'un empiétement sur l'autonomie municipale, c'est pourquoi l'UMQ recommande que cet article soit retiré. En plus, étant donné l'importance et la portée de ce projet de loi, l'UMQ recommande que la politique et les règlements d'application de la loi soient soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Cette approche garantirait une transparence démocratique en favorisant un débat parlementaire rigoureux. Une meilleure cohérence entre l'éventuelle loi sur l'intégration nationale, la politique qui en découlera et ses règlements d'application et une prise en compte des réalités municipales, assurant une mise en œuvre efficace et adaptée aux besoins des communautés.

Une partie du modèle d'intégration sera définie par la politique et les règlements d'application. L'UMQ considère qu'il s'agit d'une délégation excessive du pouvoir législatif vers le pouvoir exécutif. Le statut quasi constitutionnel de l'éventuelle Loi sur l'intégration nationale justifie pleinement une approche centrée sur l'approbation de l'Assemblée nationale.

Nous sommes maintenant prêts, Mme la Présidente, à répondre à vos questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Damphousse. Alors, on va entamer la période d'échange avec les parlementaires et on commence, évidemment, avec M. le ministre. Vous avez évidemment une période de 16min 30 s au total.

• (17 heures) •

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Le groupe qui est passé juste avant vous amenait, un peu comme vous le faites avec les municipalités, une couleur terrain, comme gouvernement de proximité, eux, comme organisme qui agit directement dans vos municipalités, notamment. Je leur ai demandé : Vous êtes d'accord avec l'idée qu'on se dote d'un modèle, quel est le problème à ne pas avoir de modèle? Quel est le problème du statu quo? Parce que, souvent, on cherche des solutions, mais existe-t-il vraiment un problème? Ils nous ont dit : Oui, il y a un problème. En ce moment, il n'y a pas de cohérence, il n'y a pas de cohérence entre les concepts qui sont véhiculés. Certains se réclament plus du multiculturalisme, certains de l'interculturalisme, mais à chacun sa définition. On a eu ce matin un grand penseur québécois, M. Gérard Bouchard, mais d'autres ont leur propre définition de l'interculturalisme, d'autres, c'est de la convergence.

Donc, nous, ils nous ont dit qu'il y a un problème de cohérence en l'absence de modèle, en l'absence de loi formelle. Donc, je pense qu'on a besoin d'une cohérence gouvernementale. Quand on accueille des nouveaux arrivants, on a une responsabilité envers eux. Ils choisissent le Québec, mais nous les choisissons aussi, puis il ne faut pas qu'ils vivent une expérience complètement différente, selon qu'ils arrivent, des fois, dans deux villes côte à côte. Évidemment, si je suis à Montréal, si je suis à Gaspé, je vais vivre une expérience très, très différente, mais si j'ai deux villes collées, il faut qu'il y ait quand même une vision commune. Ils sont au Québec dans les deux cas.

Bien, comment on concilie votre désir de préserver l'autonomie municipale, que je sens, là, dans votre mémoire puis dans vos commentaires, puis la nécessité d'avoir une cohérence gouvernementale puis une manière d'accueillir les Québécois et les nouveaux Québécois, en fait, des immigrants, c'est des nouveaux Québécois, bien, de les accueillir à la Québécoise, justement? Comment on conjugue ces deux choses-là?

M. Damphousse (Martin) : En fait, cohérence n'est pas en opposition aux particularités régionales, mais là...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Damphousse (Martin) : ...vous donner un contre-exemple, en disant, mais deux villes voisines, très souvent sont dans la même MRC, ils ont le même plan match d'intégration et dans plein d'autres aspects. Donc, je serais très étonné qu'ils aient une forme de compétition ou qu'ils aient surtout une approche très différente. Par contre, votre deuxième exemple est plus intéressant. Montréal, Gaspé on est à un monde de différence, ça fait que vous comprenez très bien, comme moi, qu'accueillir des immigrants à Montréal sera assurément complètement différent de Gaspé. Mais l'exemple de Thetford Mines est un bel exemple. Ils ont fait des efforts pour accueillir des immigrants pour justement se sortir du... de la monoculture du secteur minier. Et ils ont réussi, ils ont réussi. Donc, régionalement, ce n'est pas juste la ville de Thetford, mais toute la MRC a contribué. Donc, c'est pour ça que je serais très étonné qu'on ait un problème. Mais d'avoir une vision provinciale, bien sûr qu'on est d'accord, mais en précisant... comme je le fais maintenant et comme je l'ai mentionné tantôt, en reconnaissant les particularités régionales, simplement.

M. Roberge : Parce que je vais vous donner un petit exemple bien concret, là. Dans ma circonscription de Chambly, j'ai deux villes de taille similaire, la ville de Chambly, un peu plus grosse on va dire, Saint-Basile-le-Grand, un peu plus petite, mais dans les deux cas, là, on est dans la même région. Ils ne sont pas dans la même MRC puis il n'y a pas tant de différences dans les quartiers, la richesse foncière, etc., mais on pourrait avoir un maire ou une mairesse qui se réclame plus de la convergence culturelle puis l'autre du multiculturalisme, et là ce serait des expériences complètement différentes d'intégration dans la mesure où ces deux municipalités-là organisent des activités pour les nouveaux arrivants, financent des OSBL en disant : Mais voici ce qu'on attend de vous. Donc, comme... Je vous répète ma question, je ne pense pas qu'on est si loin de s'entendre que ça, vous êtes d'accord pour qu'on en ait un... qu'on se dote d'un modèle, et vous me direz... vous me corrigerez si je me trompe, c'est correct, là, vous êtes d'accord pour qu'on se dote d'un modèle, mais vous voulez que les municipalités aient une marge de manœuvre sur la manière de l'appliquer puis de le mettre en œuvre? Est-ce que c'est bien ça?

M. Damphousse (Martin) : Ça ressemble à ça. Et je reprends encore une fois votre exemple où là, vous comparez deux maires, mairesses de régions que je connais bien, à Varennes, je ne suis pas très loin. Si une municipalité veut déployer beaucoup d'efforts pour attirer davantage d'immigrants parce qu'ils ont plus de manque de main-d'œuvre et ils veulent mettre en place une stratégie, ça ne sera pas une compétition avec la ville voisine qui a moins cet intérêt-là, au contraire, mais si tu es un immigrant et que tu arrives de n'importe où, il y a des chances que tu choisisses l'endroit où on veuille bien te proposer un accueil qui va te convenir, et un emploi, et un milieu de vie qui est plus favorable. Ce n'est pas une compétition pour moi, mais c'est le respect de l'objectif de chaque région et chaque municipalité ou MRC.

M. Roberge : C'est ça. Il ne s'agit pas de... La question ce n'est pas de savoir qui veut en accueillir 300 versus 3 000, mais quelle expérience d'intégration on veut leur faire vivre. Puis ce qu'on souhaite poser dans le projet de loi actuellement, c'est de s'assurer que peu importe que j'arrive à Montréal, à Gaspé, à Saint Basile ou à Chambly, bien, on me propose des activités où je vais aller en interaction avec des gens de ma communauté minoritaire, parce que j'arrive, avec d'autres groupes minoritaires mais aussi avec le groupe majoritaire, pour qu'il y ait des relations interculturelles, pour qu'on se connaisse, qu'on se reconnaisse puis que, finalement, tombent les préjugés, parce que ça le dit, préjugé, c'est je juge d'avance. Mais un coup que je te connais, je ne peux plus avoir de préjugés. Donc, on veut que les gens se connaissent et donc qu'on arrive à une intégration nationale. Donc, on est capables de faire ça, je pense, en préservant un espace d'autonomie aux municipalités, en prenant garde à la reddition de comptes, je le comprends, je le comprends, évidemment. Vous voulez utiliser vos ressources pour accueillir les nouveaux arrivants, pas pour faire des rapports sur votre manière de les accueillir. Je comprends ça. Il faudra voir comment on doit adapter le projet de loi ou pas, ou la politique peut-être davantage, pour tenir compte de ce que vous dites. Vous m'avez parlé de... mon Dieu, quelle ville vous avez citée en exemple?

M. Damphousse (Martin) : Thetford Mines.

M. Roberge : Thetford Mines.Je ne connais pas le modèle de Thetford Mines. Je vais aller chercher par contre, c'est sûr, je vais aller voir ça. Est-ce que vous connaissez les projets qu'on appelle Racines plurielles qui font de la médiation...

M. Roberge : ...est-ce que vous connaissez les projets qu'on appelle Racines plurielles qui font de la médiation interculturelle? Je sais que les villes de Gatineau, Laval, Longueuil, Sherbrooke, Québec, Rimouski, MRC des Etchemins, Trois-Rivières, Saint-Eustache s'inscrivent. C'est organisé par Culture pour tous, puis ils font des activités de médiation culturelle justement entre les nouveaux arrivants puis les gens qui sont en place, organisés par la ville. Est-ce que vous êtes au fait de ce... ce programme?

M. Damphousse (Martin) : En fait, pas dans tous les détails, mais ce qui est intéressant, avant de me présenter ici, j'ai eu deux appels, la mairesse de Sherbrooke et la mairesse de Gatineau qui m'ont parlé, puis vous venez de citer des exemples, justement de modèles d'intégration puis de collaboration avec le milieu. Ça fait que je pense que ce sont de beaux exemples, il faut s'assurer... Tu sais, on parlait tantôt de cohérence, prévisibilité, lourdeur administrative, je pense qu'on se rejoint là-dessus. Si on était capable de mettre ça de côté pour assurer le plus grand succès possible à l'intégration. Mais j'irai chercher plus de détails sur les modèles dont vous me parlez. Mais j'en ai entendu parler, puis j'ai surtout su que ça fonctionnait, puis ils voulaient s'assurer de ne pas perdre leurs acquis par rapport à ça.

M. Roberge : Merci. Je termine avant de passer, là, la parole... la présidente va passer la parole, juste dire que la notion de prévisibilité, je l'ai bien comprise. Il y a eu pas mal de changements ces dernières années.

M. Damphousse (Martin) : Oui.

M. Roberge : Effectivement, de la part du Québec, aussi de la part d'Ottawa qui a changé plusieurs règles aussi, mais avec la planification pluriannuelle qu'on prépare dans les prochains mois, on devrait être capables de faire des discussions de toute la société civile, être capables de se projeter en avant pour au moins trois ans, à la fois pour l'immigration permanente, l'immigration temporaire, avec des règles puis une bonne prévisibilité pour les municipalités, les entreprises, tous les groupes. Donc, oui, j'ai bien entendu ce commentaire-là. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, on va poursuivre avec la députée de Vimont. Il reste 7 min 15 s.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Vous avez tellement raison quand vous dites que la réalité est différente dans chaque région. C'est vrai, c'est vrai parce que j'ai eu l'occasion, il y a à peu près un an et demi, de faire une tournée des régions où on a rencontré justement... On a été... tant Gaspé versus Laval, hein, on s'entend que c'était très différent les réalités, les réalités culturelles entre autres aussi. On l'a rencontré parce que dépendamment où les gens vont, il y a aussi une réalité. Thetford Mines, on le sait aussi, c'est principalement, je pense, hispanophone, là, en tout cas des gens qui proviennent d'Amérique du Sud, là, si ma mémoire est bonne.

Mais savez-vous quoi? Puis je le sais que William a été... il faisait partie, là, de cette grande tournée-là. Mais savez-vous quoi? Ce que... ce que les les maires et mairesses des municipalités qu'on a rencontrés nous ont dit à chaque fois : Oui, ils faisaient en sorte qu'ils ont développé des programmes, comme je l'ai mentionné tantôt à l'autre groupe. Ils ont eux-mêmes développé des programmes pour favoriser une belle intégration. Mais tout le monde cherchait un plan, quelque chose de commun. Tout le monde est à la recherche, là, d'une ligne directrice pour justement avoir un peu cette... où on s'en va. C'est quoi notre vision commune de tout ça? Alors finalement, je ne sais pas si j'ai une question par rapport à ça, là, mais... non, mais c'est vrai comment je regarde ça, mais c'est un constat.

M. Damphousse (Martin) : ...des commentaires.

Mme Schmaltz : Oui. Bien, allez-y! On va...

• (17 h 10) •

M. Damphousse (Martin) : Vous avez raison. Puis je fais un parallèle avec l'aspect de la prévisibilité, puis il y a des régions qui non seulement dépendent d'eux, mais ils ont besoin de s'assurer de qui va venir pour s'assurer que leur entreprise se maintienne en vie. Il y en a que c'est une question de survie. Donc, quand les... ce qu'on a vécu comme chambardements dans les deux dernières années avec l'immigration, c'est très déstabilisant, surtout pour des régions pour qui c'est important. Donc, je suis d'accord avec votre prévisibilité, mais il y a des régions où c'est une question de survie, d'emplois qui est essentielle.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je vais maintenant reconnaître le député de Saint-Jean. Il reste encore cinq minutes.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. On va continuer d'en parler, des régions, mais avant, c'est juste ne pas mettre la table, mais faire une parenthèse. Vous avez déjà un demi, sinon trop encore de mémoires de prêts pour lorsque le ministre, qui est aussi ministre de l'Immigration, va vous inviter pour l'exercice pluriannuel qu'il va partir. Et c'était de bonne guerre de votre part de rentrer ça dans ce qu'on est en train de faire, j'aurais fait la même affaire, bon. Sauf qu'on est dans une loi-cadre, on est dans une loi-cadre qui part avec des considérants philosophiques ou presque, des principes très larges, puis il va y avoir une politique, éventuellement des politiques, comme... comme vous avez dit qui allaient venir. Bon.

Là, on va reculer un peu pour... avant de sauter dans les régions. On fait ça parce que le Québec n'est pas bien avec le multiculturalisme canadien depuis 45, 50 ans. Vous, êtes-vous bien avec le multiculturalisme?

M. Damphousse (Martin) : Maintenant, j'ai l'impression que si j'ose répondre oui ou non, je pense que je vais être perdant dans mes deux réponses...

M. Damphousse (Martin) : ...j'ai l'impression que si j'ose répondre oui ou non, je pense que je vais être perdant dans mes deux réponses. Sincèrement, comme président de l'Union des municipalités du Québec qui défend l'intérêt de ses membres, je vais me garder mon opinion personnelle parce que je ne veux pas mélanger mon rôle de président. Je pense que vous comprenez bien la nuance et la...

M. Lemieux : Et le multiculturalisme implique une façon de faire qui est ce qu'on veut changer. Alors, le plan pour l'intégration nationale ne changera pas la façon dont on va distribuer régionalement les immigrants, là. Ça ne changera rien là-dedans. Par contre, quand il est question de faire de l'immigration en région, bien là, on va en parler longtemps, là. J'ai fait le tour du Québec je ne sais pas combien de fois, c'est certain qu'un nouvel arrivant qui arrive d'Amérique latine, d'Asie ou d'Europe, rendu à Chicoutimi, là, ça ne sera pas long qu'il va apprendre à parler, peut être avec du là, là, mais il va apprendre à parler assez vite. D'ailleurs, l'Université du Québec à Chicoutimi, c'est un bon exemple de ça. Ils ont scoré à l'international plus que n'importe quelle institution universitaire.

Donc, l'idée, c'est que c'est plus facile d'intégrer dans les régions. Vous avez raison, je pense, tout le monde est d'accord, mais ça, ça dépend de l'autre job du ministre, c'est sa partie de ministre de l'Immigration, parce que ce n'est pas... c'est plus facile à dire qu'à faire, même si on en veut. Mais une fois qu'on l'a, on fait des petits miracles avec ça, comme à Thetford et comme à Chicoutimi et à bien d'autres endroits.

Ce qu'on vous propose, M. le Maire Damphousse, président de l'UMQ, c'est qu'avec la Loi sur l'intégration nationale, on le ferait en vertu d'un espèce de savant mélange entre... loin de la... loin du multiculturalisme, quelque part entre l'interculturalisme et la convergence. Bon, nos spécialistes, experts, philosophes et autres se chicanent sur la sémantique de l'affaire, mais, au fond, au fond du compte, là, ça change énormément de choses, beaucoup, beaucoup, beaucoup.

Alors, moi, je voudrais savoir si les municipalités sont mûres pour ça, comme elles ont dit à la ministre d'avant de l'Immigration qui a fait une tournée du Québec, puis qui est revenue en disant : C'est l'intégration qui est la clé puis c'est l'intégration qu'il faut revoir parce que le modèle multiculturel ne nous amène pas où on a besoin d'aller puis ça se démontre depuis 50 ans.

M. Damphousse (Martin) : Donc, vous avez compris que je ne m'aventurerai pas dans les termes de sémantique, mais, par contre, je vais... On a parlé de Thetford Mines, vous avez parlé de Chicoutimi et vous allez vous rendre compte que les régions où on a des succès d'intégration, c'est parce qu'il y a une collaboration étroite du milieu municipal qui devient un acteur prépondérant et une condition gagnante à l'intégration. Ça fait que mon message va beaucoup dans ce sens-là. Je vais laisser aux spécialistes le choix des mots, je ne veux pas me mêler de ça, mais on va collaborer avec vous, mais en respectant, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la spécificité des régions.

M. Lemieux : Je vais quand même essayer de vous en faire sortir un, mot, puis ce ne sera pas du multiculturalisme. La grande affaire de cette loi-là, c'est qu'au-delà de la langue française, qui est notre langue officielle et commune, on ferait de notre culture la culture commune pour tous les Québécois, les anciens comme les prochains, les nouveaux et tous. La culture commune, ça vous parle?

M. Damphousse (Martin) : Oui.

M. Lemieux : Merci, M. le maire.

M. Damphousse (Martin) : Honnêtement, on en a parlé puis on n'a pas d'enjeux et de problèmes avec ça.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président de l'UMQ.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit avec l'opposition officielle pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le Maire Damphousse.

M. Damphousse (Martin) : Bonjour.

M. Morin : M. Biuzzi, bonjour. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. Vous avez dit d'emblée que, pour vos municipalités, il y a de l'inquiétude. On vit une pénurie de main-d'œuvre et c'est un enjeu... c'est un enjeu réel, là. Puis on ne parle même pas de la situation internationale, avec peut-être des tarifs qui vont nous arriver, qui ne vont pas aider aucunement, là. Puis je comprends qu'ici le projet de loi, ça traite de l'intégration, mais, bon, puis québécois n'est pas défini dans le projet de loi, mais on peut penser que ça vise à intégrer des nouveaux arrivants. Alors, moi, ce que j'aimerais savoir de vous, c'est quoi, la réalité dans vos régions, dans vos municipalités, avec des travailleurs qui sont aussi parfois des nouveaux arrivants qui voudraient s'intégrer puis qui ont de la misère? Qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'ils vivent une inquiétude particulière? Est-ce que les...

M. Morin : …les règles en immigration, qui ont changé, font en sorte que c'est de plus en plus difficile. Puis, tu sais, vous parlez que les villes, finalement, pourraient être des bons partenaires d'intégration. Alors, comment on peut travailler tous ensemble pour faire en sorte que l'économie, les PME au Québec fonctionnent mieux et qu'on puisse intégrer, justement, les travailleurs ou les nouveaux arrivants qui vont s'établir en région?

M. Damphousse (Martin) : Bien, en fait, je vais… je vais avoir mon opinion. Puis, si M. Biuzzi a le goût d'ajouter des éléments, je vais l'inviter à le faire. Mais je l'ai mentionné tantôt, mettons-nous deux secondes dans la peau d'un immigrant qui arrive de l'Amérique du Sud, peu importe, difficultés en français, mais il fait beaucoup, beaucoup d'efforts d'apprentissage, et c'est parfait. C'est ce qu'on souhaite. Mais là, dans quelle région il va aller? Le Québec est vaste. Quel emploi il va utiliser… Il va pouvoir faire? Est-ce que, s'il est médecin, il va pouvoir pratiquer la médecine? J'en doute. Il va devoir trouver d'autres choses. Et très souvent associé à ça, il y a une lourdeur administrative qui est complexe. Donc, je l'ai mentionné et je le redis, si on était capable d'assouplir ça. Puis j'étais là quand les autres intervenants sont venus parler juste avant moi, ceux qui sont sur le terrain, entre le gouvernement et nous, là, en fait, ceux qui sont… on est entre les deux. On vient les aider, mais eux sont sur le terrain. Mais ça fait en sorte que, quand la lourdeur administrative est trop complexe, quand l'insécurité de l'emploi, de l'école, donc de tout ce qui touche l'intégration, bien, ça amène une difficulté. Puis la prévisibilité du nombre d'immigrants à arriver a tellement été galvaudée dans les deux dernières années. On a tous été témoins de ça. Puis ça, honnêtement, c'est probablement le pire scénario pour l'ensemble des régions qui ont besoin et qui souhaitent intégrer ces gens-là.

M. Morin : Écoutez, là-dessus, on se rejoint. D'ailleurs, comme porte-parole en immigration de l'opposition officielle, on réclame haut et fort un bureau intégré de la planification, justement, en immigration, pour arriver exactement à ce que… à ce que vous décrivez, ça m'apparaît… ça m'apparaît être essentiel avec une prévisibilité des politiques. Parce qu'évidemment l'intégration, j'imagine, ça va viser beaucoup des nouveaux arrivants, des travailleurs qui vont être ici, puis, si les gens ne savent pas s'ils vont repartir ou pas, s'ils vont être capable de rester, ça a un impact sur leur intégration. On s'entend là-dessus.

M. Damphousse (Martin) : Exact. Puis là j'ai l'impression que M. Biuzzi a le goût d'ajouter un commentaire, donc je vais lui laisser…

M. Morin : Parfait. On va l'écouter avec plaisir.

M. Biuzzi (Philippe) : Oui. Ce pour quoi on vous demande d'ajouter la prise en compte des réalités locales et régionales, dans les fondements du modèle d'intégration, c'est que, pour nous, sans prise en compte de ces réalités-là, on ne parviendra jamais à avoir un modèle d'intégration qui fonctionne. De la manière dont l'union perçoit le modèle d'intégration, c'est comme une opportunité, l'opportunité pour les municipalités de jouer un rôle de concertation, de s'assurer que les projets qui sont mis en place, que les plans d'action qui sont mis en place à l'échelle locale et régionale, ce sont des actions structurantes.

• (17 h 20) •

Puis, tu sais, on a fait mention, notamment du Programme d'appui aux collectivités. Pour le moment, le constat, dans certaines municipalités, là, je reviens aux exemples sur le terrain. Le constat, c'est que, dans certains cas, la municipalité est une boîte postale qui distribue de l'argent à des organismes, puis de l'argent qui est important, mais qui fait en sorte que la seule… les seules actions, c'est la survie de ces organismes-là qui offrent des services qui sont essentiels, on va se le dire, mais il n'y a pas d'action structurante, il n'y a pas de concertation. Et la concertation, elle est faite par la municipalité qui va aller parler à… aux universités sur son territoire, aux cégeps, aux entrepreneurs, mais après ça, ça, ce n'est pas financé. Puis l'argent ne peut seulement aller qu'aux organismes communautaires.

M. Morin : …c'est d'ailleurs dans votre mémoire à la page quatre de votre recommandation sept. Vous parlez, entre autres, du programme d'accompagnement et de soutien à l'intégration, le PAFI et évidemment, il y a une augmentation de la clientèle. Donc, une augmentation du financement vous permettrait de… pour les municipalités, de mieux jouer votre rôle.

M. Damphousse (Martin) : Mieux accompagner. Puis je rajoute des exemples à ce que Philippe vient juste de dire, que ce soit pour l'intégration à l'école, dans les CPE. Finalement, le territoire est vaste, où on peut accompagner et ça va tout faire la différence pour un succès retentissant de ces gens-là, ils ne voudront plus partir parce qu'ils auront tout l'accompagnement nécessaire pour une intégration réussie. Ils ne voudront pas aller voir ailleurs.

M. Morin : À condition, évidemment, que, s'ils ont besoin de permis de travail, ils puissent le conserver ou le renouveler. Parce que, là, sinon, on fait fausse route.

M. Damphousse (Martin) : Bien sûr.

M. Morin : Tu sais, donc, au fond, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait une régionalisation, une décentralisation pour une meilleure planification, puis travailler de concert avec la politique que…

M. Morin : ...bien, la loi, en fait, que le gouvernement veut adopter.

M. Damphousse (Martin) : En fait, la reconnaissance des régions est importante, et la particularité, la spécificité. C'est ça qu'on veut sentir. On l'a souvent dit, dans à peu près n'importe quel projet de loi, le phénomène du mur-à-mur passe difficilement. Nos membres, mes membres me le disent tout le temps, la réalité de Montréal, de Québec, de Gaspé est tellement différente. Ils sont un peu allergiques au mur-à-mur. Donc, c'est de reconnaître les particularités des régions à l'intérieur de l'immigration. Ce serait l'idéal.

M. Morin : Donc, on s'entend pour dire que le sur mesure est préférable dans un cas comme ça, pas du mur-à-mur, du sur mesure.

M. Damphousse (Martin) : Ah! O.K., oui. Oui, régional, on va dire, c'est bon.

M. Morin : Oui, c'est ça, exact, tout à fait. Tantôt, le collègue député de Saint-Jean vous a parlé beaucoup du multiculturalisme. Moi, j'ai une question pour vous, puis je ne sais pas si vous avez réfléchi à ça, mais, à l'article 18 du projet de loi, on veut ajouter un préambule dans la Charte des droits et libertés de la personne, en disant : «Considérant que le Parlement du Québec a formalisé le modèle québécois d'intégration nationale, lequel est distinct du multiculturalisme canadien». La question que j'ai pour vous est la suivante. Avec le projet de loi, on définit ce que c'est, pour nous, l'interculturalisme. Est-ce que c'est vraiment nécessaire de dire qu'on veut se distinguer du multiculturalisme? Est-ce que, tu sais, on ne pourrait pas affirmer positivement ce qu'on est, puis ça va être clair pour tout le monde?

M. Damphousse (Martin) : Étant donné que, tantôt, j'ai fait exprès de ne pas vouloir m'avancer dans une définition... Puis je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat, mais si Philippe a des précisions qui pourraient vous aider, je vais lui laisser la parole.

M. Morin : Je vous remercie.

M. Biuzzi (Philippe) : Je ne m'avancerai pas non plus, là, sur tout ça. Je pense que moi, ça va être pire que M. le président. Ce que je peux vous dire, c'est que le fait de se doter d'un modèle d'intégration, pour nous, c'est une opportunité, notamment par rapport aux relations avec le fédéral. C'est une opportunité de signer des ententes avec le fédéral, des ententes tripartites, et de faire en sorte que le modèle dont le gouvernement... bien, en fait, l'Assemblée nationale va se doter, bien, que ce modèle-là, il découle dans ces ententes-là. Pour nous, après ça, que ce soit du multiculturalisme ou pas, de la manière dont on le définit, par opposition ou pas, ce n'est pas vraiment notre rôle. Tu sais, le principe de subsidiarité, c'est aussi reconnaître quand ce n'est pas notre échelon, là, qui doit prendre position là-dessus.

Toutefois, une fois que c'est dit, bien, ce modèle d'intégration là, puis... tu sais, je pense que c'est la plus haute autorité administrative... je ne me rappelle plus à quel article exactement il se trouve, mais c'est la plus haute autorité administrative qui doit faire en sorte qu'on prenne en compte la politique. Tu sais, tout à l'heure, ça a été mentionné que les changements, les changements politiques pouvaient avoir un impact, mais il va rester que l'administratif va devoir appliquer la politique.

M. Morin : O.K. Parce qu'en fait, dans les différentes politiques gouvernementales, plusieurs gouvernements, là, tous partis confondus, au Québec, on a toujours parlé de l'interculturalisme, et non pas de multiculturalisme, ce qui nous définit, là. Alors, enfin, je voulais avoir votre opinion là-dessus. Je vous remercie pour la réponse.

Maintenant, vous soulignez également, dans votre mémoire, que vous souhaitez que la politique éventuelle soit adoptée par l'Assemblée nationale, et non pas par le gouvernement. Pouvez-vous m'en dire davantage? Comment ça va s'argumenter? Parce que, d'habitude, l'Assemblée adopte des lois. Le règlement, c'est au gouvernement, puis la politique, bien, c'est clairement au gouvernement. Donc, comment vous voyez ça?

M. Damphousse (Martin) : Bien, encore une fois, j'aurai mon opinion puis je vais inviter Philippe à vous partager la sienne. Je pense que c'est un sujet hautement d'importance pour s'assurer que chacun des articles puisse être débattu, pour qu'on entende et qu'on comprenne la même chose. Donc, c'est pour ça qu'on juge que c'est important. Autant pour le milieu municipal, quand on aura, ou si on avait le privilège d'entendre le débat, bien, ça clarifiera beaucoup d'aspects. Mais ça, c'est mon opinion, puis, honnêtement, après, c'est le choix du gouvernement, mais la réalité, c'est qu'on souhaiterait bien que ça puisse se faire de cette façon-là.

M. Biuzzi (Philippe) : Je vais compléter sur ce que M. Damphousse vient de dire. Ce n'est pas... ce n'est pas usuel de voir des règlements qui sont soumis à l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas impossible non plus. Puis j'ajouterais, tu sais, on le demande là, et ce n'est pas par rapport à ce gouvernement-là, à ce ministre-là. On le ferait pour n'importe quel gouvernement...

M. Biuzzi (Philippe) : ...ce qui est traité dans ce projet de loi là aurait, du moins, une valeur quasi constitutionnelle. Pour nous, la politique va venir définir énormément de choses. Et c'est ce qui motive cette décision-là, là, on... cette proposition-là... Ce qu'on souhaite, c'est de pouvoir discuter de la politique, de discuter des effets de la politique, discuter des effets des règlements. Tu sais, on parle... Notamment, là, dans les règlements, bon, il y a l'article... il y a l'article 16 qui permet de dire quelle aide financière octroyée doit être compatible avec le modèle, mais, au-delà de ça, il y a... il y a un pouvoir réglementaire de venir définir des termes. Bien, ça, pour nous, la définition de termes qui se retrouve dans la Loi sur l'intégration nationale, bien, pour nous, ça devrait être fait avec l'Assemblée nationale, il faut qu'on puisse en débattre. Puis je comprendre le processus réglementaire où on donne 45 jours pour recueillir des commentaires, parce que la réalité, c'est qu'après ça, bien, on n'aura pas nécessairement eu de débat public sur la définition de ces termes-là.

M. Morin : Alors, est-ce que je dois comprendre que...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé.

M. Morin : ...on pourrait les mettre dans la loi?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé. On va poursuivre maintenant avec le député de Saint-Henri Sainte-Anne pour 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente, et merci à vous pour votre excellente présentation, vos réponses aux questions. Votre cinquième recommandation m'intéresse particulièrement, là, celle du programme pilote d'immigration régionale. C'est quelque chose que ma formation politique a déjà mis de l'avant notamment. Je vais vous entendre sur quel rôle vous pourriez jouer là-dedans. Donc, vous vous voyez comme en présélection ou vous vous voyez donner des lettres d'invitation? Comment... Comment ça se matérialiserait, là, du rôle des villes, des MRC? Comment vous l'avez imaginé?

M. Damphousse (Martin) : Vous me permettrez, quand on rentre dans des détails de notre mémoire, je vais inviter Philippe à commenter, s'il vous plaît, évidemment.

M. Biuzzi (Philippe) : Bien, tu sais, ce pourquoi on... ce pourquoi on dit «programme pilote», c'est qu'on souhaite quand même le tester. En Ontario, ça fait quelques... quelques fois qu'ils le font, ils ont pris certaines municipalités, pour commencer, où il y avait des besoins de main-d'œuvre spécifique hyperimportants, tu sais. Puis, si on pense au Québec, il y a certaines industries dans certaines régions où un programme pilote comme ça serait hyperpertinent. Après ça, je pense que, tu sais, si on souhaite se doter d'un programme complet, ce serait une bonne chose aussi, mais je pense que, vu que c'est nouveau, ça vaudrait la peine de se faire un programme pilote, d'aller le tester.

M. Cliche-Rivard : On va faire des jaloux sur qui va le tester en premier, mais ça, ça va être une autre discussion. Vous faisiez référence à Toronto, notamment avec l'industrie de la construction, qui avait un programme dédié qui a quand même bien fonctionné. Je vous amène sur le point que vous aviez détaillé sur l'article 16 puis l'autonomie municipale. L'article 16 parle quand même de financement des organismes. Je voulais quand même bien comprendre le lien que vous faites entre la préservation de l'autonomie municipale puis le financement des organismes.

M. Damphousse (Martin) : Bien, ce qui est intéressant, Philippe a mentionné tantôt qu'on ne veut pas être une boîte postale, le milieu municipal. Le rôle qu'on peut jouer avec nos organismes locaux... On est déjà très impliqués dans toutes les sphères, auprès des entreprises jusqu'aux CPE, donc on peut être un maillage essentiel. Donc, si Philippe veut compléter... on en a parlé tantôt.

M. Biuzzi (Philippe) : Mais c'est surtout... Tu sais, le libellé qui est utilisé, c'est les organismes qui sont assujettis, si je me rappelle bien, puis, par l'annexe de la Charte de la langue française, les municipalités sont considérées dans l'administration de l'État. Ce qui nous inquiète avec l'article 16, c'est qu'on vient de nous dire qu'il y a certains financements qu'on donne actuellement... bien, ils sont non conformes. Puis après ça, cette interprétation-là, qui la fait? Est-ce que c'est le fonctionnaire municipal qui dit : Ah! je pense que je ne suis pas conforme et donc je ne financerai plus telle chose, qui est un service important pour...

M. Cliche-Rivard : Donc, les fonds de la ville que vous octroyez, vous ne voulez pas que ça, ça soit conditionnel à la politique nationale. Québec va faire ce qu'il veut avec les fonds de Québec, mais...

M. Biuzzi (Philippe) : Mais c'est qu'en fait il y a d'autres manières de mettre en œuvre cette loi-là, ce modèle d'intégration nationale là, et notamment, bien, il va falloir qu'on la prenne en compte par la plus haute autorité administrative, donc le directeur général de toute municipalité.

M. Cliche-Rivard : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste encore du temps. C'est beau? Alors, écoutez, je vous remercie infiniment pour votre présence ici, en commission.

Alors, je vais suspendre, et nous allons entendre le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 32)


 
 

17 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 17 h 36)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Donc, nous recevons, pour la prochaine heure, le Groupe des 13. Alors, mesdames, je vais vous laisser le soin de vous présenter, et par la suite, vous avez, en tout et partout, une période de 10 minutes pour présenter votre argumentaire, vos précisions sur le projet de loi, et on va ensuite en discuter avec les parlementaires. Alors, votre période de 10 minutes commence à l'instant.

Mme Cá (Félicia) : Bonjour. Donc, pour représenter le G13 aujourd'hui, je suis accompagnée de mes collègues Colette Cummings, Marianne Lapointe, Julie St-Pierre-Gaudreault, Elisabeth Viens Brouillard... et moi-même, Félicia Cá. Donc, le Groupe des 13 est constitué de 24 organisations féministes et communautaires, regroupant des centaines de groupes et des milliers de Québécoises. Donc, pour en savoir plus sur les groupes qu'on représente, vous pouvez consulter le document qui joint cette présentation.

Donc, le projet de loi n° 84, Loi sur l'intégration nationale, comporte de nombreux enjeux qui préoccupent les organismes de défense des droits des femmes et la communauté féministe. Ce projet de loi tente d'établir une vision restreinte, rigide et homogène de la culture québécoise et propose des modifications préoccupantes à la Charte des droits et libertés de la personne ainsi qu'à la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives...

Mme Cá (Félicia) : ...du peuple québécois et de l'État du Québec. Nous considérons que le projet de loi repose sur l'imposition d'une culture dominante en misant sur la soi-disant laïcité de l'État ainsi que sur l'apprentissage de la langue française comme condition punitive à l'accès aux services essentiels à l'intégration. Il omet de prendre en compte les réalités spécifiques et les besoins des personnes immigrantes, réfugiées et à statut précaire, et plus particulièrement les barrières systémiques auxquelles les femmes immigrantes sont confrontées au cours de leur processus d'immigration.

Le projet de loi n° 84 ne propose aucune disposition ou action concrète pour permettre l'intégration des personnes immigrantes ni faciliter l'accès aux services permettant une intégration réussie pour les femmes. Les nombreux défis de l'intégration des personnes immigrantes vont bien au-delà de l'apprentissage du français, incluant des obstacles systémiques et institutionnels. Les femmes immigrantes rencontrent une série de barrières croisées, notamment en ce qui concerne l'accès au logement, aux soins de santé, au marché de l'emploi et à des services sociaux comme l'accès aux garderies subventionnées, par exemple. Une telle politique d'intégration devrait adresser ces enjeux et prévoir le financement nécessaire pour pallier ces obstacles. Le gouvernement devrait notamment reconnaître les conditions spécifiques infligées aux femmes immigrantes, réfugiées et à statut précaire pouvant limiter leur capacité à maîtriser le français.

Les dernières coupures dans les services de francisation démontrent le désengagement du gouvernement envers l'intégration des personnes immigrantes allophones. L'apprentissage du français repose alors de manière complète, individuelle, sur les personnes immigrantes plutôt que sur l'implication et le devoir de soutien de l'État. Ce dernier est alors déjà en contradiction avec son premier devoir tel que... tel quel... dans son projet de loi. Dès que le législateur tente aux articles 10 et 11 d'appliquer et de mobiliser les ordres professionnels, les personnes morales et les gestionnaires d'organisations dans la grande démarche d'intégration, cela manque de balises. Ces interlocuteurs ont un grand impact puisque le travail est un élément important de l'intégration dans la société. Quelles seront réellement leurs responsabilités et comment seront surveillés les impacts et résultats? L'analyse du G13 met en lumière les lacunes liées à l'absence d'une approche intersectionnelle en ce qui a trait aux modifications proposées par le projet de loi n° 84, mais également les impacts de ces modifications sur les femmes immigrantes, réfugiées ou à statut précaire.

• (17 h 40) •

Nous revendiquons également le retrait des modifications à apporter à la charte ainsi qu'une révision des pouvoirs octroyés par cette loi en ce qui a trait à l'élaboration de la politique d'intégration nationale et la centralisation de ces pouvoirs. La question de l'attribution des financements publics aux organismes d'aide mérite également d'être analysée. La première grande préoccupation du G13 consiste en l'absence d'une ADS+. Le projet de loi n° 84 manque cruellement d'une analyse différenciée selon les sexes, ADS+, ce qui témoigne d'une absence de considération pour les réalités spécifiques des femmes immigrantes et d'une reconnaissance de la diversité des expériences vécues par les femmes en fonction de multiples facteurs, dont leur origine culturelle, leur statut d'immigration, leur orientation sexuelle et autres. Cette analyse aurait permis de mieux comprendre comment ce projet de loi risque d'impacter différemment les divers groupes de la population en tenant compte des discriminations qui touchent particulièrement les femmes. Le gouvernement, en omettant d'appliquer une ADS+, ignore les effets disproportionnés que ce projet de loi pourrait avoir sur les femmes en situation de vulnérabilité, notamment celles qui sont victimes de violences avant, pendant et après leur parcours migratoire ou qui rencontrent des obstacles majeurs à l'intégration économique et sociale. L'analyse différenciée selon les sexes, ADS+, devrait être appliquée à tous les projets de loi présentés à l'Assemblée nationale afin de permettre l'étude des impacts des lois proposées sur les femmes, mais également sur plusieurs groupes marginalisés vivant à l'intersection de multiples systèmes d'oppression.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Merci, Félicia. Moi, pour poursuivre, c'est sûr qu'il y a la nécessité d'appliquer une LDS+ au projet de loi, mais il y a aussi le manque de mesures concrètes à l'intégration des femmes immigrantes. Le G13 s'inquiète particulièrement par rapport aux modifications qui ont été apportées, bien, qui veulent être apportées à la Charte des droits et libertés, surtout concernant l'aspect qui stipule qu'il y a un droit de participation en français à la société québécoise. Le G13 tient à rappeler que le gouvernement devrait reconnaître les conditions spécifiques sont infligées aux femmes immigrantes, réfugiées et à statut précaire, qui pourraient limiter leur capacité à maîtriser ou utiliser le français dans différents contextes, que ce soit parce qu'elles ont vécu des violences pendant le parcours migratoire ou à leur arrivée ici, parce qu'elles avaient besoin de services psychosociaux ou des services de santé après un parcours difficile. Ça peut être juste par rapport à la prise en compte de la surcharge que peut représenter le parcours migratoire. Il y a des difficultés à obtenir un emploi, à conserver un emploi pour lequel elles sont... elles sont compétentes puisqu'il n'y a pas nécessairement de reconnaissance des acquis non plus, dans un emploi dans lequel elles pourront pratiquer et utiliser le français, ce qui va faciliter leur intégration. Il y a aussi la difficulté à avoir accès à des services de garderie, comme ma collègue l'a mentionné tout à l'heure pour les demandeuses d'asile. Puis en fait, la modification à la charte, ce qui nous inquiète le plus, c'est qu'il se produise un peu la même chose qui s'est...

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : …lors de l'adoption de la loi 21 sur la laïcité de l'État, on a vraiment peur qu'en modifiant la Charte des droits et libertés… bien, en fait, qu'on vienne atténuer son effet, puis que… puis que le projet de loi limite le champ d'application de la charte. Ça empêcherait les femmes immigrantes, qui auraient eu des droits de violer, de pouvoir l'utiliser pour se défendre. On tient à rappeler que la Charte existe pour protéger les droits humains, les libertés et l'égalité, et… indépendamment du niveau de français et de l'utilisation de la langue française sur le territoire québécois, d'autant plus que ce type d'outil là devrait servir à protéger les droits des personnes les plus marginalisées, dont les femmes immigrantes qui ont eu des parcours difficiles ou qui sont allophones.

Selon nous, les droits humains, et selon probablement plusieurs groupes aussi, les droits humains sont universels, indivisibles et interdépendants, puis ils ne devraient pas être modifiés selon les aléas des débats ou orientations politiques ni selon une vision gouvernementale ou des valeurs de la soi-disant majorité des Québécois. On propose donc un retrait de l'article 20 du projet de loi… le point numéro deux, qui modifierait l'article 43 de la Charte québécoise des droits et libertés, ainsi qu'un retrait de l'article 21 qui modifie l'article 50 de la charte.

Ensuite, il y a un des points aussi qu'on trouve particulièrement inquiétant, c'est celui de la pérennité du financement pour les groupes communautaires qui desservent les communautés immigrantes. Au chapitre V, il y a une… en fait, deux paragraphes, là, qui prévoient que les organismes qui… qui reçoivent des fonds publics et auxquels s'adresse la future politique nationale d'intégration à la nation québécoise et à la culture commune, devront se conformer et être compatibles au modèle québécois d'intégration. Donc, là, je lis, mais c'est seulement pour dire qu'on… ça nous pose des questions sur le fait que... Est-ce que la question du respect de l'autonomie des organismes communautaires va être respectée? On… qu'on considère aussi que c'est des groupes communautaires qui déterminent leur mission et les services qu'ils offrent à la population en fonction des besoins des populations qu'ils desservent, dont des femmes immigrantes qui peuvent être allophones ou qui peuvent ne pas utiliser le français parce qu'elles n'ont pas eu la chance de l'apprendre ou qu'elles n'ont pas eu la chance de le pratiquer.

Cette disposition, bien, on s'inquiète à ce que ça puisse limiter l'autonomie des acteurs locaux, communautaires dans la définition des approches, justement, qu'ils utilisent sur le terrain, puis que ce soit en fait une une tactique pour restreindre l'accès au financement pour ces groupes. Donc, nous, on propose une modification aux articles 16 et 17 du projet de loi pour qu'en fait ces articles-là soient mieux encadrés puis qu'ils stipulent clairement qu'il y va avoir un respect de l'action communautaire autonome et des missions des organismes communautaires qui prodiguent des services aux personnes immigrantes.

Ensuite, c'est sûr que ça a probablement été discuté dans plusieurs des autres consultations que vous avez eues, mais on considère que la question des financements est aussi essentielle quand on parle des programmes qui viennent en aide aux personnes immigrantes, mais aussi pour l'apprentissage du français. Donc, c'est vraiment urgent de rétablir les investissements en francisation puis en intégration, mais aussi de prévoir des programmes de francisation qui pourraient être flexibles, accessibles et adaptés aux réalités des femmes immigrantes, notamment par des horaires puis des rites d'apprentissage qui sont… qui sont flexibles et adaptables.

On pense aussi que la plupart des… bien, des programmes qui permettent la création d'outils qui pourraient être adaptés aux besoins des femmes immigrantes, puis là, dans ce cas-ci, je parle de femmes qui pourraient avoir vécu des violences et qui ne peuvent pas s'exprimer en français… Bien, on pense que des programmes qui permettent des services d'interprétariat devraient aussi être reconduits, parce que c'est essentiel pour assurer la sécurité des femmes. Puis finalement, en fait, je pense qu'un véritable engagement de l'État dans la francisation et en fait dans un… dans des services d'intégration pour les personnes immigrantes, dont les femmes immigrantes, ça passe par un financement qui est durable, qui est adéquat, puis une analyse des besoins sur le terrain.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre présentation. On va donc commencer la période d'échange avec les parlementaires. M. le ministre, la parole est à vous. Votre groupe bénéficie de 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci bien, Mme la… Présidente. Merci pour votre présentation. Je vous écoutais attentivement, en regardant aussi les éléments de votre allocution, votre mémoire. J'ai été interpelé en début de présentation quand vous avez dit : Le projet de loi tente d'établir une vision restreinte, rigide, homogène de la culture québécoise. Donc, je me suis demandé à quel endroit, dans la loi, on pouvait avoir une vision telle de la culture québécoise. Puis on… dans la section II, Modèles et fondements, on parle la culture québécoise, à l'article 3. C'est là où, je vous dirais, on la définit d'une quelconque manière, à quoi on réfère dans le projet de loi, quand on parle de la culture québécoise. On dit : «La culture québécoise à laquelle tous sont appelés...

M. Roberge : ...sont appelés à adhérer et à contribuer se caractérise notamment par la langue française, la tradition civiliste, en réalité ce sont notre manière de gérer nos tribunaux par rapport au reste du Canada qui est le common law, au Québec, c'est la tradition civiliste, des institutions particulières, on parle à nos... on pense à nos grandes institutions, notamment le Vérificateur général, la Commission des droits de la personne, etc., des valeurs sociales distinctes, un parcours historique spécifique, l'importance accordée à l'égalité entre les femmes et les hommes, la laïcité de l'État, la protection de la seule langue officielle et commune du Québec. En quoi cette notion de culture commune serait restreinte ou homogène? Il me semble qu'on couvre assez large quand on réfère à ces concepts-là.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui, bien, je peux commencer puis je laisserai mes collègues continuer. Je pense que, je veux dire, tous les aspects que vous avez nommés puis qui sont en introduction de ce projet de loi sont complètement... je veux dire, oui, c'est vrai que c'est la langue française qui est une partie commune de la culture québécoise. Je pense que la notion qui est un petit peu omise dans la présentation de la culture québécoise, c'est le fait que la diversité culturelle, l'interculturalisme, le fait qu'il y a des immigrants qui arrivent sur le territoire québécois depuis des décennies, des décennies ça a enrichi la culture québécoise et ça fait partie de notre... notre héritage culturel. Puis, ça, cette question là, je trouve qu'elle est complètement mise de côté. Puis, en même temps, c'est comme si penser que les immigrants qui sont arrivés il y a 50 ans, il y a 40 ans, qui ont contribué à la société québécoise puis à son effervescence, mais qu'aujourd'hui on ne pourrait pas offrir le même partage, on ne pourrait pas partager les mêmes valeurs avec les nouvelles personnes qui arrivent sur le territoire parce qu'ils devraient se conformer à ce modèle qu'on dit uniforme ou cette case dans laquelle on essaie de les insérer. Puis je ne sais pas si mes autres collègues auraient quelque chose à dire, là.

• (17 h 50) •

M. Roberge : Je peux continuer. Bien, écoutez, mais je comprends mieux comment vous avez lu la définition. Je peux vous rassurer que dans le sixième considérant, là, au début de la loi, on dit : Considérant que les personnes immigrantes venues du monde entier contribuent à la nation québécoise. Donc, ils contribuent, ils ont contribué et continueront de contribuer. Ça a été mentionné dans les présentations des groupes ce matin. On l'a bien dit que la culture québécoise, ce n'est pas seulement les arts et les lettres, là, c'est notre manière de vivre, c'est nos traditions, nos manières d'accueillir des gens en commission parlementaire qui vont suggérer des choses, mais aussi faire une critique en fonction de leur posture, ça fait partie de la culture québécoise, justement, on la vit en ce moment. Notre parlementarisme en faisant venir une pluralité de groupes, pour moi, ça fait partie de la culture québécoise aussi. Puis quand on dit que les personnes immigrantes venues du monde entier contribuent à la culture québécoise, mais ça veut dire qu'elle n'est pas figée, elle va continuer d'évoluer à mesure que de nouvelles personnes vont arriver.

Effectivement, il y a les deux concepts dans la loi, cependant il y a adhérer et contribuer. Puis, tantôt, tout à l'heure, quelqu'un est venu présenter avant vous, dans les auditions, quelqu'un disait : Bien, quand les gens arrivent au début avant de dire qu'on contribue et on veut prendre racine, on veut connaître la langue, on veut connaître le territoire, on veut connaître l'histoire, donc, au début, on apprend, mais après, rapidement on bascule vers la contribution. Et puis là, la personne apporte sa couleur puis vient contribuer, là, à ce que... à ce qu'est et ce que sera la culture québécoise. En tout cas, c'est comme ça qu'on l'a pensé. C'est comme ça qu'on veut la faire vivre avec les gens qui arrivent. Donc, c'est ça. Parfois, vous parlez d'une culture dominante, en fait, il y a une culture qui est majoritaire, puis on ne demande pas aux gens de cesser d'être qui ils sont, on le précise à quelques endroits dans la loi d'ailleurs, quand on leur dit qu'ils doivent contribuer en fonction de leur bagage, on le mentionne. Donc, on peut s'attendre à ce que ça continue.

À un autre endroit, là, j'ai une question, vous parlez d'une soi-disant laïcité de l'État, vous dites : Nous considérons que le projet de loi repose sur l'imposition d'une culture dominante en misant sur la soi-disant laïcité de l'État. Puis vous revenez plus tard avec la laïcité de l'État. Dois-je comprendre que votre regroupement et chacun de vos membres, parce que j'ai vu qu'il y avait beaucoup de membres...

M. Roberge : ...dois-je comprendre que votre regroupement et chacun de vos membres, parce que j'ai vu qu'il y a beaucoup de membres, vous êtes tous en désaccord avec la Loi sur la laïcité de l'État?

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : Je peux peut-être m'avancer, là. Ce qu'on veut dire avec le bout sur la laïcité, c'est que la laïcité de l'État vous la dite est essentielle pour assurer l'égalité entre les citoyens. Là, c'est ce que vous semblez dire. Nous, ce qu'on dit, c'est que cette approche-là ne tient pas compte des répercussions spécifiques sur les femmes immigrantes, qui portent, par exemple, des signes religieux, notamment en matière d'employabilité, en matière d'accès aux services également. Donc, la laïcité, selon nous, ne devrait pas être utilisée comme un outil d'exclusion.

M. Roberge : Mais quand on parle de la loi sur la...

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Je peux répondre. Ah!

M. Roberge : Allez-y, allez-y, je vous écoute.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Non, j'allais juste répondre, tu sais, bien, justement, le Groupe des 13, il y a de nombreuses organisations qui en font partie. C'est sûr que là, nous, on a eu à peu près, je dirais, trois jours pour pour préparer tout ça et soumettre un simili mini mémoire, et on n'a pas eu le temps d'avoir toute l'approbation ni... de chacune des membres puis on n'a pas du tout abordé la question non plus de la laïcité de chaque groupe... par rapport à la décision de chaque groupe d'appuyer la Loi sur la laïcité de l'État ou quoi que ce soit. Donc, je ne veux pas non plus... je ne voulais pas aller dans des détails. C'est sûr que, là, on représente le G13 à titre de... pour chaque organisme aussi que nous, auquel on en fait partie.

M. Roberge : O.K. Très bien.

Mme Lapointe (Marianne) : Je trouve que l'important de souligner, c'est qu'ensemble ce qu'on a trouvé, c'est qu'il y a un manque de nuances en fait, parce que quand vous utilisez en fait à l'article 7, vous utilisez trois verbes vraiment très forts «adhérer», «reconnaître» et «respecter, et en fait il y a un manque de nuances. Et on le dit d'entrée de jeu dans l'introduction, pour nous, l'analyse différenciée selon le sexe ferait tout à fait ressortir les ombres, les zones d'ombre qui pourraient avoir des impacts vraiment très négatifs sur les femmes issues de l'immigration qui, dans leur processus d'intégration, font face à des barrières. Donc, elles ne sont pas nécessairement capables d'adhérer, de reconnaître et de respecter parce qu'on ne leur fournit pas nécessairement les outils nécessaires pour pouvoir faire le processus de façon adéquate.

M. Roberge : Par rapport...

Mme Lapointe (Marianne) : Sur le terrain, on pourrait faire un exemple, les services d'employabilité. Donc, tu sais, si on ne donne pas accès aux services de francisation, d'employabilité, de santé, de garderie aux femmes immigrantes, bien, elles ne peuvent pas s'intégrer. Elles ne peuvent même pas aller aux cours de francisation s'il n'y a pas de garderie pour elles, etc. Donc, récemment, on a vu des... des éléments en fait sur la place publique, là... En tout cas, les luttes pour les garderies pour les personnes réfugiées immigrantes à statut précaire, on ne fera pas un cours d'histoire aujourd'hui, mais c'est quand même des luttes, là, qui ont eu lieu récemment. Et pour nous, l'accès aux services pour les femmes immigrantes permet d'avoir... permet aux femmes migrantes de pouvoir faire exactement ce que vous leur demandez, d'adhérer, de reconnaître et de respecter, mais il faut leur donner les moyens et, présentement, le projet de loi nous semble flou et peu... peu balisé.

M. Roberge : O.K. Mais je vous remercie, mais je veux clarifier juste un élément. Quand vous parlez de la laïcité avec l'accès à l'emploi, l'accès aux services, effectivement, avec la Loi sur la laïcité en ce moment qui touche les gens qui représentent l'autorité de l'État, on ne peut pas porter un symbole religieux durant les heures de travail pour les professions visées comme étant des personnes incarnant l'autorité de l'État. Par contre, lorsque vous parlez de l'accès aux services, je ne vois pas en quoi la laïcité pourrait toucher ou empêcher quiconque d'accéder à un service de l'État, cela, je ne l'ai pas vu.

Vous parlez aussi de la... des droits, le respect des droits, à quelques endroits, vous l'avez mentionné, des gens. Je veux juste vous mentionner que, plus tôt dans la journée, la présidence de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, enfin,  la commission, sont venus nous présenter ici leur mémoire, ont répondu aux questions, puis pour la commission et le premier officier de la commission, le projet de loi, selon leurs propres termes, n'est pas attentatoire d'aucune manière, donc ne porte pas atteinte...

M. Roberge : ...le projet de loi tel qu'il est là, selon leurs propres termes, n'est pas attentatoire d'aucune manière, donc il ne porte pas atteinte aux droits et libertés des gens. Ils ont mentionné que le projet de loi ne contrevenait pas, d'après leur lecture, à la Charte des droits et libertés. Je pense que c'est de nature à vous rassurer.

Et il y a un dernier élément qui pourrait vous rassurer aussi, ce que vous avez dit, et la possibilité à tous de participer à la société. Vous voulez être certains. Évidemment, c'est ce qu'on veut, on veut l'intégration, l'intégration de tous. La dernière chose qu'on veut, c'est d'empêcher quelqu'un de participer à la société québécoise. On veut de la mixité, on veut de la diversité, on veut des interactions, des interrelations. Donc, soyez certains... certaines, pardon, qu'on est très très volontaires pour la participation de tous.

Puis à cet égard-là, je vous fais référence à l'article 5, alinéa 5. On est dans les fondements du modèle. L'article 5, alinéa 5 nous parle de la possibilité offerte à tous de participer à la société québécoise. Et quand on parle de la Société québécoise, la définition du MIFI, du ministère de l'Intégration, de la Francisation et de l'Immigration, évidemment, on parle de la participation communautaire, culturelle, économique, identitaire, linguistique, citoyenne. Donc, c'est chacun de ces aspects là de la participation citoyenne qui est visé pour nous, quand on dit qu'on veut la participation de tous à la société québécoise. Donc, je veux vous rassurer à cet égard là. C'est écrit en toutes lettres puis ça réfère à une participation qui est quand même globale. Sur ce, je passerais la parole à mes collègues, et je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci. Alors, pour le groupe du gouvernement, il reste encore 3 min 56 s, et je reconnais la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais aller assez rapidement. Mesdames, permettez-moi de... Mon Dieu, écoutez, je vais être très franche dans ma question. Sachez d'une part que si je sentais que les femmes n'étaient pas reconnues dans leurs vulnérabilités ou encore qu'on ne reconnaissait pas les réalités des femmes, je serais la première à me lever puis à le dénoncer. Soyez assurées là-dessus.

• (18 heures) •

Vous savez, chez nous, à Vimont, à Laval, on a un organisme qui s'appelle Femmes en emploi. Peut-être que vous connaissez l'organisme, peut-être pas, mais sachez que c'est un organisme qui vient en aide aux femmes immigrantes, qui les intègrent notamment au niveau de l'emploi. Ce programme... écoutez, c'est un organisme aussi qui est financé d'une part par le gouvernement et raison de plus aussi d'y être présente, c'est que cette réalité nous concerne toutes. Ceci étant dit, je vais vous poser une question franche, je m'attends à une question... à une réponse franche aussi de votre part. Est-ce que vous observez depuis quelque temps, je vous dirais, certaines remises en question du principe de l'égalité entre l'homme et la femme dans certains secteurs de la société québécoise?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) :  Qu'est ce que vous voulez dire?

Mme Schmaltz : Ce n'est pas compliqué, l'égalité entre hommes et femmes? Est0ce que c'est un concept qui a sa raison d'être? Est-ce que vous le percevez? Est-ce qu'il y a un recul face à ça?

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Je pense qu'en tant que représentante de groupes féministes, on peut dire que, bien sûr, l'égalité entre les hommes et les femmes sont une valeur qui est importante pour nous. Je pense que si on s'attend à ce qu'il y ait des reculs, c'est parce que, finalement, la plupart du temps, il y a aussi une montée de discours qui sont discriminatoires envers certains groupes, envers certains groupes de femmes particulièrement. Je pense qu'il y a une montée des discours haineux aussi. Je pense qu'il y a... Je pense que, même si la nation québécoise, vous l'appellerez comme vous voulez, se veut en faveur de l'égalité hommes-femmes, il y a toujours un chemin à réaliser, que ce soit par rapport à l'égalité salariale, par rapport à plein d'aspects, à l'égalité en emploi, l'accessibilité, comme on mentionnait, à différents services. Donc, oui, l'égalité hommes-femmes est importante, oui, il y a des reculs, puis je pense qu'on est ici aussi pour les adresser. Je ne sais pas vraiment où est-ce que vous alliez vers cette direction.

Mme Schmaltz : Non, en fait, je n'ai pas... Oui, non, je voulais laisser Mme répondre.

Mme Lapointe (Marianne) : Bien, j'aimerais apporter une petite nuance. Dans votre introduction, vous parliez des groupes qui desservent les femmes immigrantes. Présentement... En fait, nous, nous sommes du CIAFT, membres du G13, groupe de défense des femmes au travail et aussi un regroupement d'organismes spécialisés en développement de la main-d'œuvre féminine...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Lapointe (Marianne) : ...l'organisme que vous avez mentionné ne fait pas partie de notre réseau. Par contre, il y a d'autres organismes à Laval qui font partie de notre réseau. Je tiendrais, dans le fond, à mentionner que, présentement, et ça fait un lien avec votre question, présentement, beaucoup de groupes d'employabilité font face à une situation déchirante en fait. Donc, elles reçoivent des demandes de services de femmes immigrantes à statut précaire et se font refuser leur admission dans nos groupes d'employabilité pour les services d'emplois. Donc, il y a vraiment, présentement, effectivement, des femmes immigrantes qui ne peuvent pas être desservies, et on sait très bien que les démarches de recherche d'emploi sont nécessaires à...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois...

Mme Lapointe (Marianne) : ...l'immigration dans la société québécoise.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter parce que la partie, là... Le temps imparti au gouvernement est terminé, mais on va poursuivre les discussions avec l'opposition officielle et le député d'Acadie pour 12 min 23 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi, Mmes Cà, St-Pierre-Gaudreault, Cummings et Viens Brouillard. Merci d'être avec nous. Merci pour le mémoire que vous avez déposé. Vous étiez en train de parler, et je vois... Je vois mal votre... votre nom, là. C'est écrit un petit peu en petit. Désolé. Mais vous étiez en train de parler de la précarité dans l'emploi. Je vais vous permettre de continuer parce que vous n'aviez pas terminé. Ce que vous dites, c'est fort intéressant. Puis un des éléments que j'ai soulevé avec plusieurs groupes aujourd'hui, c'est que dans le modèle d'intégration, il n'y a pas de référence à toute la question de l'emploi, au modèle socioéconomique qui fait aussi, quant à moi, partie d'un élément important de l'intégration. Alors, si vous pouviez continuer pour nous expliquer votre réalité, ce que vous voyez sur le terrain puis est ce que le projet de loi va venir aider ou pas ce que vous êtes en train de nous décrire?

Mme Lapointe (Marianne) : Bien, en fait, c'est tout simple. On parle de culture québécoise et d'intégration à la culture québécoise. Bien, la culture du travail, c'est aussi quelque chose dont les personnes immigrantes doivent s'approprier en fait. Donc, les services d'aide à l'emploi sont essentiels, en fait, pour bien amener ces personnes-là à prendre en considération la culture du travail qui est tout à fait différente d'un pays à l'autre ou d'une province à l'autre. Donc, tu sais, c'est là où je venais, en fait, avec mon énoncé, et je voulais rajouter que nous avons, en fait, toute une panoplie de statistiques qui démontrent très bien que l'égalité entre les femmes et les hommes, bien qu'elle fait partie de nos valeurs au Québec, elle n'est pas atteinte, et que les femmes sont toujours victimes de discrimination, et qu'il y a toujours des écarts économiques et autres qu'économiques dans notre société. Il y a encore des violences, violences sexuelles, violences psychologiques, violences au travail. Il y a encore des grandes situations où les femmes et, entre autres, les femmes immigrantes, parce que c'est le sujet aujourd'hui, vivent des doubles et triples discriminations. Et je peux donner un exemple au travail. On peut tout à fait voir des femmes immigrantes arriver de d'autres pays et avoir des diplômes absolument très intéressants pour le Québec. Premièrement, ne pas se faire reconnaître ces diplômes-là. Deuxièmement, vivre des discriminations. Donc, le fait d'être une femme, le fait d'être une immigrante et parfois, selon le milieu de travail qu'elles veulent intégrer, être une femme dans un milieu majoritairement masculin. Donc, ces femmes-là vivent parfois des doubles, des triples et des quadruples discriminations. Et n'oublions pas qu'il y a parmi les femmes qui sont immigrantes aussi des femmes qui sont racisées. Donc, vraiment, le commentaire de mes collègues sur l'analyse différenciée selon les sexes est fondamental. Pour nous, mettre en place une analyse différenciée selon les sexes permettrait de tout à fait mettre en lumière toutes ces interactions entre les formes de discrimination possibles pour favoriser une intégration qui fait du sens pour elles.

M. Morin : D'où la référence, j'imagine, que vous avez faite à l'intersectionnalité au début de votre exposé. Je vous...

M. Morin : ...qu'est-ce qu'on pourrait faire avec le projet de loi — parce qu'on parle d'intégration nationale — pour diminuer ces types de discrimination là, et faire en sorte qu'on tienne compte de l'égalité des chances en emploi puis aussi de l'égalité des chances dans l'avancement en emploi? Avez-vous des recommandations spécifiques? Ou, si vous n'en avez pas maintenant, vous pouvez nous les faire parvenir, en tout cas, les faire parvenir à la commission. Moi, je serais intéressé de vous entendre. J'ai vu, vous avez fait oui. Alors, je vous écoute.

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : Oui, bien, je peux y aller, là, rapidement. On en a plusieurs qui sont dans le mémoire, que vous pourrez consulter, mais, rapidement, bon, on a, comme mes collègues l'ont dit, assuré une véritable analyse différenciée selon les sexes, donc l'ADS+. Le retrait des modifications à la Charte des droits et libertés de la personne, donc article 20, article 21. Garantir l'autonomie des organismes communautaires, comme ma collègue le disait plus tôt. Rétablir les investissements en francisation et en services d'intégration. Revoir la centralisation des pouvoirs prévue par le projet de loi, aussi, qui est quelque chose d'assez inquiétant. Et puis de préciser, donc, de baliser les articles 10 et 11 du projet de loi n° 84, là. Rapidement, je pourrais... je pourrais faire le tour avec ces points-là.

M. Morin : Je vous remercie. Parce qu'évidemment, là, un des éléments très importants du projet de loi sur l'intégration, c'est de faire reposer l'intégration sur l'apprentissage de la langue commune et officielle au Québec, qui est le français.

Maintenant, vous y avez fait référence, en francisation, le gouvernement a de la misère, c'est le moins qu'on puisse dire, puis encore, ce matin, dans Le Journal de Montréal, on publiait que 800 personnes sont en attente de francisation. Un des éléments qu'on soulignait, c'est qu'on offre des cours à des gens qui veulent apprendre, mais on offrait des cours à une dame qui ne peut pas laisser son enfant seul à la maison le soir puis on lui a offert des cours le soir. Vous comprendrez qu'elle n'a pas pu aller suivre les cours. Donc, c'est autant d'éléments qui pourraient aider, si je vous comprends bien, à l'intégration de ces personnes-là si on était capables d'avoir un modèle de cours qui tient compte de la réalité de ces personnes-là, pour ne pas, en fait, qu'elles soient exclues, bien sûr. Je vous remercie.

• (18 h 10) •

Il y a un autre sujet que je voudrais aborder avec vous, parce que je pense que, dans votre groupe, vous avez Femmes autochtones du Québec. C'est exact? Parfait. Dans le projet de loi, il y a un considérant qui fait référence aux Premières Nations, et on dit le droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et leur culture d'origine. Est-ce que ça devrait être là aussi? Parce qu'on veut, évidemment, avoir des rapports de nation à nation avec eux. On ne devrait pas carrément l'enlever? Parce que ça ne s'adresse pas à eux, ils sont une nation à part, ils ont leur culture. On ne veut pas nécessairement qu'ils changent leur culture. On veut les aider à préserver leur culture. Ou, si on le laisse, bien, est-ce qu'on devrait dire davantage... pour faire une référence, par exemple, à la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones, qui contient beaucoup plus que ça, puis la reconnaître? Avez-vous eu le temps de réfléchir ou d'en parler avec Femmes autochtones du Québec?

Mme Cá (Félicia) : Je peux peut-être... Effectivement, comme un de mes collègues l'a mentionné plus tôt, on n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer puis on n'a pas réussi à avoir leurs échos. Par contre, sur le point que vous mentionniez avant, tu sais, le désir d'apprendre le français, l'importance du français, personne ne crache là-dessus, mais le gouvernement parle, dans ce projet de loi là, de sa responsabilité, les attentes qu'ils ont envers les Québécois, mais les responsabilités qu'ils ont eux aussi. Puis je trouve que, si on part d'une position, O.K., de... que c'est commun, que les gens veulent apprendre le français, tu arrives dans un nouveau pays, tu es intéressé, mais la réalité d'arriver comme immigrant au Québec, ce n'est pas facile. Quand tu es une femme puis que tu as des enfants à t'occuper, tu as... c'est ça, la priorité. C'est de trouver un travail, la priorité, c'est de placer tes enfants, la priorité. Si le cours est donné le soir, puis que tu ne peux pas y aller, bien, tu ne peux pas y aller, puis c'est ça qui est ça.

Ça fait que je trouve que le gouvernement est un peu déconnecté de la réalité. Puis je suppose que vous avez eu d'autres... d'autres intervenants qui ont fait valoir ces points, là, puis des experts en immigration. Nous, on est plutôt avec la lunette féministe. Mais je trouve ça vraiment déplorable parce que, des fois, j'ai l'impression que c'est mal compris par le gouvernement que les personnes arrivent ici avec, vraiment, l'intention de s'intégrer. Mais il y a une réalité à travers ça, puis il y a une réalité, quand on est femme, à travers ça, il y a une réalité qu'on est une femme racisée à travers ça, puis il y a une réalité qu'on est une femme racisée qui porte un symbole religieux à travers ça. Donc, je pense que c'est quelque chose...

Tu sais, personne ne crache sur le français, qu'il arrive ici puis qui est comme, non, je ne veux pas apprendre le français. Ce n'est pas ça, la réalité. Donc, je trouve qu'il y a comme...

Mme Cá (Félicia) : ...une déconnexion du gouvernement envers... Tu sais, c'est ça, Mme la députée de Vimont semblait être en contact avec des groupes qui travaillent avec les femmes en immigration, donc je me dis qu'elle doit entendre ces échos-là. Je trouve que, des fois, la distance entre le gouvernement puis le terrain semble très, très grande.

M. Morin : En fait, si je vous ai bien compris, vous nous dites que le projet de loi, et corrigez-moi si je fais erreur, est contraignant pour les personnes qui arrivent ici, mais pour le gouvernement, ce n'est pas très contraignant. Et...

Mme Cá (Félicia) : Oui.

M. Morin : Oui, c'est ça, hein?

Mme Cá (Félicia) : C'est ça. Je trouve qu'il y a des belles intentions de rallier les Québécois, tu sais, d'appeler que les Québécois participent à l'intégration des nouveaux arrivants. Personne n'est contre ça en général, mais le gouvernement fait quoi pour encourager ça? Donc, moi, j'ai un peu une interrogation par rapport à ça. Parce que c'est peut-être un peu de bonhomie de ma part, mais j'ai l'impression que les gens sont quand même assez ouverts et motivés à intégrer. Mais des fois, je me demande, avec les coupures du gouvernement... Tu sais, je... comme l'expression : Est-ce qu'il y a les bottines sur les babines? Des fois, je ne suis pas sûre.

M. Morin : En fait, je peux vous dire que sur le terrain, moi, ce que j'entends des gens qui veulent apprendre le français, ils le veulent, sincèrement, ils veulent, mais il y a des embûches à tout bout de champ. Alors, ça devient excessivement, excessivement compliqué.

Vous avez parlé... Il me reste combien de temps?

Une voix : Deux minutes.

M. Morin : Deux minutes. Vous avez aussi parlé de la Charte des droits et libertés de la personne. Ça, vous en avez parlé brièvement, mais qu'est-ce que vous pensez de l'article 19? Parce qu'il me semble que le modèle québécois d'intégration nationale n'est pas très défini puis on veut l'insérer, alors que, dans la loi, on fait référence aussi que ce modèle-là reprend certaines composantes essentielles de la nation québécoise, dont la protection du français. On veut l'ajouter après la protection du français qui est déjà dans la charte. Trouvez-vous que c'est incohérent ou... J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Mme Lapointe (Marianne) : Oui, c'est ça. En fait, notre position par rapport à l'ouverture de la charte, c'est qu'on la trouve bien correcte comme elle est puis on voudrait qu'on ne l'ouvre pas. C'est un peu notre résumé. Puis, pour poursuivre, je dirais que, dans ce projet de loi là, il y a beaucoup de responsabilités qui sont données à plein de monde, à la société en général, aux Québécois, Québécoises, aux personnes immigrantes. Il y a même des responsabilités qui sont données aux ordres professionnels, aux personnes morales, aux gestionnaires d'organisation. Mais est-ce que le gouvernement va donner les moyens à tout le monde d'atteindre les objectifs? Donc, c'est plus ça nos questions, en fait. Aurons-nous les moyens?

M. Morin : Parfait, je vous remercie.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : ...si je peux... Ah! je ne sais pas si j'ai encore un petit peu de temps

M. Morin : Oui, bien sûr. Non, non, allez-y, je vous en prie

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Bien, en fait, moi, c'est plus, aussi, je me demande qui va déterminer ce modèle québécois aussi d'intégration nationale puis la future politique qui est nommée dans... un peu partout dans le projet de loi. Je veux dire, ça aussi, ce serait supposé relever, comme c'est écrit dans le projet de loi, du gouvernement, mais pourquoi est ce que ce ne sera pas... ça ne serait pas débattu à l'Assemblée nationale d'une manière démocratique pour qu'on puisse déterminer aussi c'est quoi, les valeurs qui nous représentent, c'est quoi, cette culture commune, au lieu que ce soit justement quelque chose qui soit établi par un gouvernement qui n'aura pas nécessairement accès aux réalités du terrain?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Donc, voilà.

M. Morin : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Alors, oui, on a... On va faire attention aux téléphones, s'il vous plaît. Je le tiens, le temps, faites-vous-en pas. On termine, on termine avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne pour 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci à vous toutes pour votre excellente présentation. Vous aviez un élément de discussion intéressant avec le ministre, puis moi, j'ai envie de vous parler d'action communautaire autonome. Vous nous en parliez un petit peu tout à l'heure. On voit et on a vu à travers les échanges une vision, disons, qui n'est pas la même de celle de la laïcité. Vous avez parlé de celle notamment en lien avec l'article de la loi n° 21, là, qui parle de signes religieux. Donc, il y a véritablement là un élément de dissension politique, là, vous en avez... vous l'avez soulevé. Et moi, je veux référer à vous ladite disposition de l'article 16 sur le financement des organismes en lien avec la politique, la future politique nationale. Et là où moi, j'ai une inquiétude, c'est advenant le fait que vous, organisme communautaire terrain, si vous n'êtes pas directement au diapason de la vision gouvernementale de la laïcité au sens qu'elle sera peut-être définie dans la politique...

M. Cliche-Rivard : ...au sens qu'elle sera peut-être définie dans la Politique nationale sur l'intégration, est -ce qu'il n'y a pas là un risque que vous, votre financement au sens de l'article 16 et celui des organismes, soit limité ou conditionnel à ce que vous vous conformiez, auquel cas, que fait-on de l'action communautaire autonome? C'est ma question.

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : Je peux peut-être y aller rapidement. Les organismes communautaires jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des femmes immigrantes. On sait les femmes réfugiées à statut précaire et puis le projet de loi n° 84, selon nous, en centralisant davantage les... les décisions et en conditionnant le financement des organismes à des critères qui sont définis par l'État, pour nous, ça porte atteinte à la... à l'action communautaire autonome, donc à la... Donc, le G13 insiste vraiment sur la nécessité de préserver l'autonomie des organismes communautaires afin de restreindre le champ d'action. Et puis, le gouvernement devrait soutenir notre expertise et nos approches qui sont ancrées dans la réalité des communautés sur le terrain en assurant un financement qui est stable et respectueux de chacune de nos missions.

M. Cliche-Rivard : C'est votre posture. Donc, le libellé de l'article 16, tel qu'aujourd'hui, attacherait ou, disons, menacerait, là, l'action communautaire autonome. C'est votre...

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : Oui.

M. Cliche-Rivard : ...c'est votre lecture.

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Et ça, c'est partagé par l'ensemble du groupe ou en tout cas par les... les discussions que vous avez été capables d'avoir en amont par les partenaires que vous avez pu contacter jusqu'à aujourd'hui, là.

Mme Viens Brouillard (Elisabeth) : O.K. Exact.

M. Cliche-Rivard : Excellent!

Mme Lapointe (Marianne) : Nous, on prend pour acquis qu'on est capables, comme groupes communautaires, de se consulter en trois jours ouvrables, mais vous comprendrez que ce n'est pas tout à fait possible d'atteindre ce résultat-là. Et pour nous, c'était... en fait, on avait envie de faire un clin d'oeil au gouvernement par rapport à la conciliation travail-famille-études et proche aidance.

M. Cliche-Rivard : Mais oui.

• (18 h 20) •

Mme Lapointe (Marianne) : De donner à des groupes communautaires trois jours ouvrables pour se préparer pour une consultation parlementaire, c'est vraiment... on pourrait utiliser le mot «inadéquat».

M. Cliche-Rivard : Je pense que le message est passé. Il me reste une minute. Je voulais vous poser une question sur les ordres professionnels. Vous avez parlé de reconnaissance des acquis, vous avez parlé de reconnaissance des diplômes. Vous avez dit essentiellement qu'une intégration réussie, ça fonctionne également par l'abolition, disons, de biais ou de limitations qui permettent d'occuper le poste ou les postes pour lesquels vous êtes qualifiés peut-être dans votre pays d'origine. Vous avez notamment soumis ça dans une perspective féministe. On s'entend que les femmes sont plus impactées que tous de cette incapacité-là des ordres professionnels à pleinement reconnaître leurs acquis, là.

Mme Lapointe (Marianne) : Tout à fait. En fait, au départ, à la première lecture, on était tout à fait ravies de voir arriver cette phrase dans le point 10 du projet de loi. Par contre, on ne peut pas s'empêcher de voir que c'est mince, hein, il n'y a qu'une phrase, les balises n'y sont pas. Comment allons-nous vérifier que les acteurs vont vraiment atteindre les résultats? Et c'est quelque chose qui est demandé depuis beaucoup... depuis très longtemps par beaucoup d'organisations communautaires...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci.

Mme Lapointe (Marianne) : ...qui travaillent avec les personnes immigrantes.

M. Cliche-Rivard : Un gros merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est ce qui met un terme à cette... à cette audience. Merci beaucoup, Mesdames, pour votre apport à nos travaux.

Je vais suspendre la commission quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Au revoir.

Des voix : Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 22 )

(Reprise à 18 h 25)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Donc, pour le dernier groupe de cette première journée d'auditions, nous recevons Québec Community Groups Network. Alors, bienvenue, mesdames à la commission. Vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes, d'abord pour vous présenter et ensuite pour expliquer l'essentiel de votre mémoire. Et, par la suite, nous allons procéder à une période de discussion avec les parlementaires. Alors, le temps est à vous.

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir d'être devant cette commission ce soir, au nom du Québec Community Groups Network. Je suis ici avec Me Marion Sandilands, conseillère juridique du QCGN. Je remercie la commission pour cette importante occasion nous permettant de partager avec vous la perspective de la communauté d'expression anglaise sur le projet de loi n° 84 intitulé Loi sur l'intégration nationale.

Ce projet de loi est très vaste et puissant. Il pourrait bien affecter toutes les sphères de la société québécoise et impliquer tous les niveaux de gouvernement, les organisations professionnelles ainsi que les organismes communautaires et leurs événements, les employeurs et employés, les personnes nouvellement arrivées et même celles qui vivent ici depuis des générations.

Ce texte législatif n'est pas banal. On lui accorde un statut équivalent à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Et il est clair que l'on prévoit que ce projet de loi soit l'un des piliers sur lequel se basera la proposition d'une Constitution québécoise éventuelle. Parallèlement à la Charte québécoise des droits et libertés, la Charte de la langue française et la loi n° 21 qui définissent un État laïc. Le projet de loi n° 84 cherche à établir non seulement que le français soit la langue officielle du Québec, mais, de manière très concrète, qu'elle soit la seule langue que la population québécoise devrait utiliser pour être considérée comme un participant à part entière à cette société.

De plus, le projet de loi vise à exiger à se conformer à une culture québécoise qui n'est pas définie en détail, mais qui semble évoquer en ce moment des attentes plus étroites et rigides de la signification de cette culture et peut-être plus important encore, de ce qui sera exclu...

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : …définir cette véritable contre-culture québécoise avec plus de précision, ce qui est vraisemblablement se produira à l'aide de politiques et de règlements qui feront éventuellement partie de la loi, est essentiel, parce que la… la législation proposée met énormément d'emphase sur la nécessité d'être adopté par toute la population québécoise.

The Québec community groups network is concerned. First, that this bill, in what can only be interpreted as deliberate but symbolically powerful emissions, contains no more than a fleeting, oblique reference to the Québec English-speaking community. This is a community which has played an enormous role in enriching and developing Québec, economically, culturally, socially and intellectually for more than two centuries.

That this bill creates a framework that could restrict the QuébecGovernment's financial assistance to organizations and or events, according to their support for the proposed national integration model. That this bill engages in what could be called definition… in defining Québec as a quasi-sovereign nation state. That this bill further subordinates fundamental rights in Québec.

Do we have a place in Québec? For us, in the Québec community groups network, this is the most sobering question we have for the minister. What is our community's place? What is our role in Québec society, as Quebeckers who speak English, in addition to speaking French? If we are to judge by this proposed legislation, which makes next to no mention of us, nor any role we can… we can and should play in the enrichment and the vivre-ensemble ofQuébec, we fear the answer has been made abundantly clear, we have none. This bill appears to narrow the definition of Québec's heritage and culture to one that isexclusively French. This is in spite of the enormous contribution of non francophones, our community, First Nations and numerous other minority communities… have made over the centuries to Québec's arts and culture, intellectual life, economic development and formidable institutions. We believe we are being written out of history.

• (18 h 30) •

Nous avons proposé et proposons toujours de travailler avec le gouvernement, ainsi qu'avec nos collègues, amis, famille, voisins francophones afin de renforcer, faire respecter la présence de la langue française en Amérique du Nord. Cela me permettra de poser d'autres questions. Est-ce que le ministre envisage que les multiples contributions de la communauté d'expression anglaise, en matière d'art, de littérature et de musique, depuis deux… les deux derniers siècles, fassent partie de la culture québécoise? Est-ce que le ministre envisage d'ajouter un amendement au projet de loi pour démontrer un plus grand degré d'inclusion et notre rôle dans l'intégration? Est-ce que le ministre peut nous dire… dire qui ou quelle instance établira les critères que les groupes communautaires ou les organisateurs d'événements devront respecter afin de garder… de garantir leur financement?

Ceci nous mène à poser la question suivante, c'est peut-être la question qui tue, en plus de la police de la langue… de la langue qui vise à renforcir… à renforcer la Charte de la langue française, la province doit-elle maintenir… maintenant embaucher une police de la culture afin de renforcer les éventuelles politiques et règlements contenus dans la loi 84? Est-ce que le ministre, dans tous les cas, s'engagera à assurer qu'il n'y aura pas d'abrogation des droits et libertés enchâssés dans la… dans la charte, une fois que le projet de loi sera adopté?

We can already see an erosion of fundamental rights at work in this bill, in the bill contains four amendments to Quebec's Charter of Human Rights and Freedoms…


 
 

18 h 30 (version non révisée)

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...the cumulative effect of which is to pare back minority rights, not enhance them. When it comes to describing the attributes of Québec society to which immigrants must adhere, there is no mention of this bill of fundamental human rights beyond the equality of men and women and the secular nature of the State. One might have expected to have seen such universally recognized rights as freedom of expression, freedom of religion and the right to full and equal recognition and exercise of human rights and freedoms as guaranteed in the Charter of Human Rights and Freedoms. Strangely, they are absent. The bill's expressed intent to state... to use the State's financial stick to encourage compliance concerns us. Many of our member organizations are funded, at least in part, by the Provincial Government. As we have seen repeatedly, Bill 96 and its associated regulations have provoked misinterpretation by officials at all levels who have been left to enforce that law, and whether it be a library or a hospital emergency room.

Les tentatives de légiférer l'identité, de définir qui et qui n'est pas entraînent presque toujours des complications, de l'injustice, de la division sociale et un conflit inévitable entre les personnes qui ont des droits et celles qui n'en ont pas. C'est pourquoi la Déclaration des Nations Unies sur les droits de lapersonne adoptée en 1948 portait le titre Déclaration universelle des droits de l'homme, rédigée en grande partie en passant par John Humphrey, un juriste et Montréalais depuis le début de ses études et un fier... une fierté internationale pour le Québec. En établissant les bases d'une constitution qu'il vise à entériner, nous croyons que le Québec pourrait bien réussir en équilibrant le besoin compréhensible de protéger et promouvoir la langue française avec une bonne dose d'inclusion de son concept d'intégration qui, tel que proposé, manque, et ainsi démontrer les principes que sa propre charte défend.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je dois vous arrêter, le 10 minutes est écoulé. Alors, on va commencer l'échange avec les parlementaires. M. le ministre, le premier bloc vous revient, 16 min 30 s.

M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation... toujours un plaisir de discuter avec vous, puis de trouver des points de convergence, puis tenir compte aussi de vos propositions pour améliorer le projet de loi.

Avec ce projet de loi là, on souhaite à la fin arriver à un Québec qui sera plus inclusif, plus fort, avec une meilleure cohésion sociale. On s'est déjà parlé de la nécessité de poserdes gestes pour avoir de la cohésion sociale. Ça ne veut pas dire être monolithique, ça ne veut pas dire être unilingue, ça ne veut pas dire tout le monde pareil, mais ça veut dire qu'on est capables de se retrouver, qu'on a moins de préjugés, qu'on a moins de racisme, qu'on est capables de discuter comme on le fait aujourd'hui dans le cadre de cette commission parlementaire, de le faire encore mieux. Je vous dirais, quand on aura atteint ça, on aura fait un pas, tout le monde, je pense. C'est ça, l'objectif.

Après ça, on va regarder c'est quoi, les meilleurs moyens. Je commence par un petit message. Lorsque dans le préambule, dans nos considérants, on précise, là, que la loi s'applique dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise, je pense que c'est important, puis on sait très bien que la communauté historique anglophone, bien, ce n'est pas des nouveaux arrivants. Vous le mentionnez, là, que ça fait quelques siècles qu'il y a des gens qui sont arrivés ici. Donc, on n'est pas dans des nouveaux arrivants, là, puis on en est bien conscients au gouvernement. On a le secrétariat... relations avec les communautés anglophones, on a des institutions, écoutez, santé... Il n'y a rien de tout ça qui est remis en question, là, je veux le... bien le préciser. Je pense, c'est important de... avant d'arriver avec une question, de remettre des choses en perspective, puis après ça, bien, on peut voir quels sont les points de convergence, où est ce qu'il y a des malentendus puis où est-ce qu'il y a des propositions d'amélioration...

M. Roberge : ...dans votre présentation, au tout début, je pense, troisième paragraphe, vous vous inquiétez que la langue française soit la seule, en fait, de manière très concrète, à la fin du troisième paragraphe, «que la langue française soit la seule langue que la population québécoise devrait utiliser pour être considérée comme une participante à part entière de cette société». On a la Charte de la langue française qui dit que la langue est la seule langue officielle, c'est la langue commune, effectivement, mais dans la loi, ici, on dit que ça devrait être la langue d'intégration.

Mais on précise quelque chose, par contre, on dit que le français est le principal véhicule de la culture, et non pas l'unique véhicule de la culture. Donc, ça, c'est peut-être une nuance que vous pouvez retrouver, qui est à plusieurs endroits. On est dans le neuvième considérant, «Considérant que la langue française est le principal véhicule de la culture québécoise». Ça revient ensuite... donc, c'est dans les considérants, mais c'est aussi, par exemple, dans les fondements, à l'article 5 : «Le français est le principal véhicule de la culture québécoise». Peut-être souhaiteriez vous que ce soit un véhicule parmi d'autres, mais, non, on assume que c'est le principal véhicule. Mais en inscrivant ça comme ça, je veux juste vous mentionner qu'on n'a pas écrit «le seul véhicule de la culture québécoise».

Donc, quand vous dites... vous craignez que la langue soit la seule langue que la population québécoise devrait utiliser pour être considérée comme une participante à part entière de cette société, je veux juste dire qu'on aurait pu choisir de mettre «la seule langue». On a choisi de ne pas mettre ce mot dans le projet de loi. Certains vont nous le reprocher, mais... On va... on va les écouter. Mais disons qu'on a choisi ça parce qu'on sait bien qu'on a une communauté historique anglophone et je veux quand même le préciser.

• (18 h 40) •

Ensuite, sur la définition de la culture, c'est quelque chose qui interpelle plusieurs groupes, qui nous en ont parlé, là, la culture commune. Là, on est à l'article 3, dans Modèles et fondements. La culture commune, vous, vous dites que ça semble restreindre la culture. C'est comme si on ne considérait pas toutes les personnes qui ont contribué à la culture au fil des décennies, au fil des siècles, puis que c'était essentiellement... la culture commune, bien, c'est français ou ce n'est pas la culture commune. Mais, quand même, on le précise à l'article 3, «la culture commune à laquelle sont appelés à adhérer et à contribuer... tous sont appelés à adhérer et à contribuer se caractérise notamment par la langue française». Effectivement, on le mentionne.

Mais quand on parle des autres choses, la tradition civiliste, des institutions particulières, des valeurs sociales distinctes, un parcours historique spécifique, dont fait partie la communauté anglophone, évidemment, l'importance accordée à l'égalité des femmes et des hommes, la laïcité de l'État, tout ça, il me semble que ça ne vous exclut pas, d'aucune manière. C'est pour ça que je m'étonne de voir... Dans vos choses, vous dites que la culture... semble restreindre la définition de sa culture et de son héritage à la langue française exclusivement. Vous avez dit ça tout à l'heure, on semble restreindre la définition de la culture et de son héritage à la langue française exclusivement, malgré les immenses contributions des non-francophones. Je veux juste préciser que, pour nous, la culture commune, ce n'est pas seulement la langue française. Elle est là, et on le ramène souvent, et elle est fondamentale. Mais il n'y a pas que ça. Bon, j'ai parlé de la communauté historique anglophone, du fait que vous êtes présents, de la culture.

Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter là-dessus? Est-ce que c'est de nature à vous rassurer ou est-ce que vous croyez qu'on devrait ajouter quelque chose ailleurs, dans le projet de loi, pour vous rassurer davantage?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Bien, M. le ministre, merci pour la question. Je vais demander à Mme Sandilands de vous parler un peu comment on se sent par rapport au préambule et notre place dans le préambule.

Mme Sandilands (Marion) : Bien, du point de vue juridique, la seule mention explicite de la communauté est dans le préambule, on est d'accord avec... on est d'accord que c'est le cas. Mais, pour commencer, vous savez bien, un préambule n'a pas la même valeur juridique qu'un article de loi et on n'est pas mentionnés dans les articles de la loi. Mais il y a... de plus, il y a deux problèmes de plus...

Mme Sandilands (Marion) : ...ils sont encore plus profonds que ça. Premièrement, la communauté et sa contribution à la société québécoise est beaucoup plus que ses institutions, et la clause de préambule mentionne seulement les institutions de la communauté.

Deuxièmement, la communauté ne se voit pas dans le cadre du modèle d'intégration. Vous avez parlé un peu de... peut-être, c'est implicite dans quelques articles, mais ce n'est pas explicite dans le modèle, et, franchement, la communauté ne se voit pas dans ce cadre-là. Et cette mention dans le préambule, qui est la seule mention de la communauté, n'est nettement pas assez pour un groupe qui a le statut de fondateur, selon Gérard Bouchard.

M. Roberge : O.K., je prends bonne note de votre commentaire. Il faudrait voir si c'est possible de le mentionner ailleurs, et avec quelles conditions. Aussi, est-ce que vous adhérez à la nécessité d'avoir, après l'adoption de la loi, une politique pour la mettre en œuvre, cette loi sur l'intégration nationale?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Oh! certainement, M. le ministre, c'est... les législations... une législation comme celle-là, qui, selon plusieurs, semble quand même assez vague. Il va y avoir absolument besoin d'une politique, des règlements pour décrire comment ça va se passer, la mise en œuvre, alors. D'ailleurs, nous serions très à l'aise de travailler avec vous sur une politique. Je pense que les consultations seraient importantes, pas juste avec la communauté expression anglaise. Mais comment est-ce que ça va... comment est-ce que ça va se dérouler? Je pense que les inquiétudes qu'on a par rapport à la loi pourraient, avec des consultations rigoureuses, ouvertes, transparentes... pourraient alléger nos inquiétudes.

M. Roberge : Je vous remercie, je vous remercie de cette main tendue. Je vous remercie pour vos commentaires, vos réponses. Et je pense que j'ai des collègues qui veulent poursuivre les échanges.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais poursuivre avec le député de Saint-Jean pour encore 6 min 35 s. 

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Je dois vous avouer que, quand je vous ai écouté présenter votre point de vue et votre opinion détaillée, je me demandais ce que le ministre allait vous dire. Et je suis très content parce qu'il est allé dans les points du projet de loi, tel qu'il est écrit en ce moment, pour expliquer ce que lui considérait que vous deviez savoir et comprendre sa position et son point de vue. Je dois vous dire aussi que j'étais impressionné de votre présentation, en tout cas, le début, parce que c'était probablement le résumé le plus concis, le plus pragmatique et le plus vrai, si on enlève les hyperboles d'opinion, la quasi-séparation, puis tout ça, la présentation que vous faisiez du projet de loi me semblait être très sur la coche, comme on dit chez nous, ça disait ce que c'était. Après ça, il y a eu les hyperboles, puis là je me demandais ce que le ministre allait vous dire. J'étais très content de voir qu'il prenait la question comme il le fait.

Et, moi, puisque vous l'avez dit en anglais, je vais me permettre de répondre en anglais sur le fond. Pas au nom du gouvernement, quoique je siège du côté du gouvernement, mais de celui qui présente la loi parce que c'est le ministre, mais de ce que j'en comprends et de ce que j'en décode.      So, in English, you said: Something to the effect that you were being written out of history. You are not being written out of history. You are part of our common history. You are part of our common present and you are part of our common future. J'utilise «common» en anglais de la mauvaise façon, je le comprends, mais c'est parce que c'est important pour moi, parce que c'est une culture commune et que j'essayais de rentrer le mot «commune» comme... et je sais que ce n'est pas correct, mais vous avez compris l'idée.

Vous avez façonné notre culture. On s'est fait dire ce matin par des gens de haut savoir, qui nous dépassent, en tout cas, moi puis bien d'autres, de beaucoup de têtes. Gérard Bouchard, c'est un grand penseur...

M. Lemieux : ...d'ailleurs, quand vous dites que Gérard Bouchard, j'ai noté ça quelque part, a parlé des peuples fondateurs, je vais y venir, parce que les peuples fondateurs, c'était dans le bon vieux temps, ça. Avec le multiculturalisme... Mais bon, revenons à Gérard Bouchard. Il nous disait : Vous savez, le Québec a changé depuis 50 ans puis il va continuer de changer. Depuis 50 ans, il a changé avec l'apport de l'immigration. Puis, il y a 50 ans, il nous aurait probablement dit que le Québec a changé les 50 ans d'avant, mais ce Québec là, on l'a fait ensemble, la communauté historique anglophone et la communauté de l'époque... avant, il y a 50 ans, on disait Canadiens français.

Aujourd'hui, on parle des nouveaux arrivants. Et je comprends très bien que vous soyez dans la position dans laquelle vous vous retrouvez, et que vous nous évoquez, et que vous nous expliquez. Mais là, j'ai fini, j'arrivais à une question, ne vous en faites pas, puis je vais vous donner tout le temps qu'il reste. Je vous ai dit que c'est fini, ça, le... pas le multiculturalisme, mais les deux peuples fondateurs. Je ne sais pas comment vous, comme anglophone au Québec, vous voyez ça, mais je sais pertinemment, pour travailler beaucoup avec eux, que les francophones du reste du Canada, qu'on appelait à l'époque hors Québec, sont confortables dans le multiculturalisme un peu comme une grenouille dans l'eau chaude, c'est-à-dire que c'est un peu une bouée de sauvetage pour eux autres, le multiculturalisme. Ils sont une nation parmi tant d'autres.

Je ne sais pas comment vous, vous l'interprétez, je ne suis pas assez près de la communauté anglophone québécoise pour l'interpréter en votre nom, mais ce que je sais, c'est qu'il y a des Canadiens anglais, et j'en ai lu un dans le National Post, la semaine dernière ou la semaine d'avant, qui disait : Aïe!... puis c'était un grand prof, là : Avez-vous vu ça? Au Québec, ils sont en train de virer le multiculturalisme à l'envers puis ils vont sortir leur nouveau modèle. Puis il a dit au reste du Canada anglais : Pas fou, leur affaire, on devrait peut-être regarder ça, parce que, si ça marchait, le multiculturalisme au Canada, on le saurait. Et ils ne le savent pas. En tout cas, lui, il ne le savait pas.

• (18 h 50) •

Alors, ce que je vous soumets, c'est qu'on est parti, on est dans le même bateau, on s'en va à la même place. Oui, c'est la langue officielle et commune, le français. On parle d'une culture commune parce qu'on parle d'intégrer ceux qui vont se joindre à nous, mais nous, vous êtes là-dedans. Ceux qui se joignent à nous sont là-dedans. En tout cas, j'espère que... Je vous laisse tout le temps qu'il reste pour répondre, jusqu'à ce que la présidente vous interrompe pour passer à d'autres questions de l'opposition, mais je pense vraiment qu'on est dans la même culture commune, passée, présente et future.

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Alors, votre question, c'est, exactement...

M. Lemieux : Multiculturalisme : oui, non, peut-être?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Eh bien, la communauté expression anglaise... May I say it in English?

M. Lemieux : But, of course!

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : We are poster children for integration in Québec. Nous sommes ici depuis longtemps. Ceux qui sont ici maintenant ne sont pas partis. On parle français, la plupart de nous parlent assez bien français, d'autres comprennent le français, d'autres travaillent en français, même s'ils sont anglophones. Alors, l'intégration au Québec, on connaît ça, on sait ce que ça veut dire, mais, dans ce projet de loi, on ne s'y retrouve pas, encore. J'ai confiance que, M. le ministre, comme il nous a parlé tout à l'heure, vous allez trouver le moyen de nous rassurer qu'on a une place au Québec et que ça va être reconnu. On n'aura pas besoin de se chicaner autour de combien de places qu'on a, la sphère de notre influence, que ce projet de loi la, et la politique qui va suivre, va vraiment faire... être publique dans la reconnaissance, de la contribution de la communauté d'expression anglaise dans toutes les sphères.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui termine cette première portion d'intervention. Je me tourne du côté de l'opposition officielle pour une période de 12min 23s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bon après-midi, Mme Martin-Laforge et Me Sandilands. Heureux de vous avoir en commission. Merci pour votre mémoire, que j'ai lu avec attention, je l'ai lu très attentivement. Je peux vous dire qu'en tout cas, vous n'êtes pas l'ennemi, ça, c'est clair, puis vous avez une place au Québec, ça, c'est clair aussi.

Vous y êtes depuis longtemps, d'ailleurs. D'ailleurs, c'est ce que M. le ministre reconnaissait quand il disait... et...

M. Morin : ...j'ai pris des notes. Vous n'êtes pas des nouveaux arrivants, la communauté anglaise anglophone au Québec, vous êtes une communauté historique. Et ça, je le reconnais d'emblée, sauf que l'ennui, c'est que le projet de loi n'en parle pas. Alors, je suis heureux que M. le ministre le dise, mais, quand on parle de l'intégration, on parle des Québécois. Donc, c'est important, là, j'en conviens, mais moi, je voulais savoir de vous comment vous avez réagi quand vous avez... vous avez lu, évidemment, que le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise, finalement, c'est uniquement dans un considérant.

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Mme Sandilands... Me Sandilands en a parlé de ça tout à l'heure. D'ailleurs, aussi, j'aimerais prendre l'occasion de vous dire, la notion d'institution, la définition d'institution pour nous, ce n'est pas juste, comment dire, «bricks and mortar», c'est le QCGN qui... qui va célébrer son 30e anniversaire cette année et donner le soutien de la communauté d'expression anglaise. La notion, la définition des institutions est importante. Et c'est sûr que, si on prend en considération ce que Mme... Me Sandilands a dit, on aimerait voir notre présence ailleurs dans le projet de loi.

L'autre chose que j'aimerais vous dire, c'est que la communauté d'expression anglaise n'est pas seulement l'historique, «historic anglophones». Nous aussi, notre communauté a changé dans les deux dernières décennies, comme les Québécois majoritaires, comme les francophones majoritaires au Québec. On a grandi, on a évolué ensemble. On n'est pas comme on était il y a 10 ans, il y a 20 ans, il y a 30 ans. Alors, voilà, ce projet de loi devrait reconnaître l'ensemble, la diversité de la majorité francophone et les autres minorités qui font partie de ça. On... Je ne rentrerai pas à essayer de définir ce que c'est la multiculturaliste ni vis-à-vis l'interculturalisme, mais on sait... tout le monde autour de la table, ici, on sait qu'on a changé depuis toutes ces années-là. Il faut que ce projet de loi reflète ce changement-là. Et la communauté d'expression anglaise est un grand morceau, les autochtones aussi, des morceaux importants de la culture québécoise qu'on veut voir dans ce projet de loi.

M. Morin : Et, si je vous entends bien, parce qu'on réfère dans le préambule au respect des institutions, plus loin dans le projet de loi, à l'article trois, il y a une référence aux institutions particulières. M. le ministre, tout à l'heure donnait un exemple, comme par exemple la Commission des droits de la personne. Mais je comprends que la communauté québécoise d'expression anglaise, c'est plus que des institutions, c'est plus qu'un hôpital puis une université, là, on se comprend, et le considérant ne semble pas faire référence à ça. Donc, ça semble vous décrire mais d'une façon très réduite. Est-ce que je me trompe?

Mme Sandilands (Marion) : Non, c'est... Ça, c'est exactement ce que j'essayais de dire tantôt, oui.

M. Morin : D'accord. Qu'est-ce qui pourrait être fait dans le projet de loi pour tenir compte de votre réalité?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Eh mon Dieu! On a essayé... On voulait apporter des amendements, on y a pensé beaucoup, on a eu des bonnes discussions, mais c'est le cadre qui ne nous va pas, l'ensemble du projet de loi. Alors, quand le ministre nous a demandé : Bien, vous allez avoir des politiques, et tout ça, ensuite, c'est pour ça qu'on a... On s'engage à travailler en consultation pour voir si on ne pourrait pas dépasser ce cadre qui... qu'on trouve exclusif... «non-inclusive» pour essayer de voir comment on pourrait s'y retrouver. Alors, pour l'instant, on n'a pas d'amendements spécifiques...

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...on vous dit à la commission qu'on s'inquiète de l'ensemble de l'oeuvre et on est prêt à voir si, avec les consultations, s'il n'y a d'autres choses qu'on pourrait faire. D'ailleurs, on a écouté ce qui se passait aujourd'hui à la commission, et on n'est pas les seuls qui ont ces préoccupations-là. We have common cause with others on our concerns about this bill.

M. Morin : D'accord, je vous remercie. Il y a un élément qui a été, qui a été soulevé par plusieurs groupes, et j'attire votre attention au chapitre VI qui parle du financement des articles 16 et 17. Puisque le préambule réfère à vos institutions, pas nécessairement la culture, et que dans le financement le gouvernement peut déterminer par règlement l'aide financière qui va être octroyée à des organismes auxquels la politique nationale sur l'intégration s'applique, est-ce que vous avez peur d'être exclus?

• (19 heures) •

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Eh bien, on s'inquiète de la mise en œuvre, certainement, de ces deux sections-là. C'est là pour une raison, c'est sûr. C'est là et c'est... Me go ways change both ways, as is said. Alors, de dire que le financement serait peut-être un critère si on n'a pas vraiment... on n'a pas défini... on n'a pas les critères pour avoir le financement, c'est très inquiétant. Qu'est ce que ça veut dire l'intégration québécoise? J'entendais des journalistes poser la question, même à M. le ministre apparaît aux Nuits d'Afrique. Est-ce qu'il va y avoir des paramètres qui vont dire que les Nuits d'Afrique, pour avoir le financement, dev       rait faire ceci ou cela en considérant les Québécois, la culture québécoise? Je ne sais pas. The St-Patrick's day parade or many of our cultural traditions, est-ce qu'on… will they be affected financialy by this culture québécoise? And we know that many Irish blended families, with francophones, throughout the years… So, what does this mean and how will funding be… funding them be considered? Who will be in charge of deciding this is funded and this is not funded? There was a terrible example a couple of weeks ago in a library where some people wanted to hold an English book club in a French library. And rather than see that as an extraordinarybuilding of bridges, they were told that they couldn't do it there until somebody read the regulation a little more will allow them. The concern about interpretation is… should be paramount for people. We want to build bridges. We don't want to burn them.

M. Morin : Oui. Et, en fait, je peux vous donner une autre expérience, là, mais que vous connaissez sûrement. Il y a un événement au mois d'août à Montréal chaque année qui attire des centaines, des centaines de personnes, qui s'appelle les Jeux écossais de Montréal. Il y a des gens de partout, du Canada, de l'Europe. Et il y en a de la Belgique. Il y en a de la France. Il y en a des États-Unis. Ils ont parfois des difficultés de financement parce que le préambule réfère uniquement à vos institutions. Je ne pense pas que les Jeux écossais de Montréal, ça soit une institution, mais ça fait partie carrément de votre culture, de notre culture, la culture de Montréal. Est-ce que c'est pour vous une inquiétude?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Absolutely. Si on regarde le drapeau de la ville de Montréal, le drapeau démontre les différentes cultures qui ont établi, qui ont développé Montréal. C'est... On ne devrait pas prendre de chance, de risque à appauvrir la société québécoise...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...avec des mesures coercitives. On est là pour grandir, pour vivre ensemble, pas appauvrir la société.

M. Morin : Puis, avec le drapeau de Montréal, on peut se rappeler aussi la devise de la ville de Montréal : Concordia salus, c'est-à-dire le salut par la concorde et non pas la division. Je vous remercie.

Autre élément, l'article 19, et ça j'en ai parlé beaucoup aujourd'hui, mais j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, modification à la Charte des droits et libertés de la personne. On veut ajouter, après «français», «le modèle québécois d'intégration nationale», qui fait déjà référence à l'importance du français. Est-ce que ça vous inquiète?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : L'importance du français n'est pas une inquiétude pour nous. C'est important, le français. On est resté au Québec, on parle français, on... Ça dépend comment c'est interprété, ça dépend comment c'est interprété. Si tout ça est interprété avec générosité, on peut très bien vivre avec ça, mais, vous savez, dans les dernières années, les différentes lois, 96, 21, ont inquiété la communauté d'expression anglaise. C'est l'interprétation. C'est la législation, oui, mais comment... les règlements, ensuite, qui interprètent la législation. Alors, «we are...»

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, le temps de l'opposition officielle vient de se terminer. Nous avons un dernier bloc d'échange avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4min 8s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous. «Thank you very much.» Ça m'a fait beaucoup de peine, en fait, de vous lire, là, sur : on n'est pas des ennemis. J'espère que... j'espère que vous comprenez que c'est effectivement, en tout cas, de mon côté, là, la dernière volonté qu'on a. Notamment, je représente une bonne partie de la communauté anglophone de Montréal, dans Saint-Henri-Sainte-Anne, là, dans la Petite-Bourgogne, dans Saint-Henri, dans Pointe-Saint-Charles, dans Griffintown, évidemment. Donc, on est très content d'avoir une communauté vibrante.

Et moi, ce que la communauté anglophone me parle, c'est «how much they know about integration within Québec», c'est ce qu'ils me partagent, comment eux-mêmes sont vecteurs aussi de francisation. Je rencontre souvent le English Montréal Schoolboard, qui me disent qu'ils sont une des plus grandes machines de francisation au Québec, c'est ce qu'ils me disent, pour la pérennité de leurs enfants, pour la pérennité de leur intégration culturelle. Et vous avez tellement bien dit...  et vous dites, vous, vous êtes habitués de construire des ponts, pas de les brûler. Je pense que... Alors, dans cette perspective-là, et vous qui l'avez si bien dit et si bien fait, qu'est-ce qu'on a à retenir, en termes, d'intégration? Qu'est-ce qu'on a à retenir de tout ce bagage-là puis cette culture historique anglophone, qui peut nous aider à avancer dans ce projet de loi là de manière positive, sur la base de toute votre expérience?

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Merci. Je vous ai déjà entendu à CGAD.

M. Cliche-Rivard : Ah oui! «Most likely».

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : «And as I said, we are poster children for integration.» Je suis certaine, j'espère, que le ministre se rappelle, l'année dernière, au printemps dernier, lorsqu'il a sorti le plan d'action pour le français, le... lui a écrit une lettre offrant un 10e axe. Il y avait neuf axes au plan de Français. Et puis nous avons dit : Nous sommes d'avis qu'on devrait ajouter un 10e axe car il n'y a pas de référence constructive à notre communauté dans notre plan. On est là, tendez-nous la main, on est là. C'est important pour nous, comme j'ai dit tout à l'heure, puis je ne suis pas la seule à le dire, de faire les ponts. Alors, je pense que ça va prendre de l'innovation...

Mme Martin-Laforge (Sylvia) : ...«thinking outside the box, I'm sorry to use the cliché» pour... de façon très publique, de demander à la communauté d'expression anglaise d'aider à l'intégration. On le fait de toute façon, de facto, on est là. Que le gouvernement veuille ou pas, il y a des gens qui utilisent nos hôpitaux bilingues. Il y a des gens qui parlent français dans leur vie de tous les jours. Alors, on est là pour y travailler. Il y a les moyens, les moyens sont là. Nos interprètes chantent en anglais, chantent en français. On tend la main. J'espère que j'ai répondu à votre question.

M. Cliche-Rivard : Vous y avez répondu, et je pense que c'est tout le temps qu'on avait. Alors, je vous remercie profondément pour vos échanges aujourd'hui, votre participation à la commission. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, à mon tour, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. C'est très apprécié. Et je suspends... j'ajourne, en fait, les travaux jusqu'au mercredi 26 février 2025, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 10)


 
 

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